Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 13 avril 2015 à 16h00
Renseignement — Motion de renvoi en commission

Manuel Valls, Premier ministre :

Je souhaite répondre à M. Ciotti, avant que ne s’expriment les orateurs des groupes. Après cette motion, se tiendra la discussion générale de ce texte qui, je n’en doute pas, va être enrichi par le travail parlementaire, à l’Assemblée nationale puis au Sénat.

Nous pouvons nous retrouver, monsieur Ciotti, sur le diagnostic, c’est-à-dire sur l’ampleur de la menace. Je vous renvoie aux propos que je viens de tenir, mais aussi à ce que le ministre de l’intérieur a pu dire au long de ces derniers mois, notamment lors de l’examen de la deuxième loi antiterroriste, ou, il y a un peu plus longtemps, à discussions que nous avons eues à la fin de l’année 2012, quand j’étais ministre de l’intérieur, sur la première loi antiterroriste.

Nous nous retrouvons donc, disais-je, sur le diagnostic, sur l’ampleur de cette menace et sur son caractère durable. Elle doit mobiliser l’ensemble de nos services – police, gendarmerie, services de renseignement – mais aussi, de manière plus générale, l’ensemble de notre société.

C’est la première fois que nous faisons face à ce type de menace – non pas la menace terroriste en tant que telle car ce n’est pas la première fois que nous sommes en guerre contre le terrorisme, pour reprendre une expression que j’avais déjà utilisée, ou le djihadisme, l’islamisme radical et contre ceux qui s’attaquent aux valeurs fondamentales de notre pays ou d’autres, je l’ai rappelé tout à l’heure – à la fois extérieure et intérieure, avec notamment ces Français ou ces personnes qui résident en France et qui partent combattre en Syrie ou en Irak puis qui, ensuite – ils l’ont déjà fait – peuvent se retourner contre nous.

Parfois, ils n’ont d’ailleurs pas même besoin de partir ni de passer par la case prison puisqu’ils se convertissent à l’islamisme radical d’une manière extrêmement rapide par l’intermédiaire d’internet.

Nous avons déjà évoqué ces sujets-là, sur lesquels nous ne raisonnons pas différemment. Il n’y a donc aucun faux débat à nourrir entre nous.

Je n’en doute pas un seul instant, nous pouvons nous retrouver aussi sur le lien entre sécurité et liberté, bien évidemment. La sécurité est la première des libertés et, en même temps, nous devons préserver nos libertés fondamentales dont les terroristes, précisément, attendent que nous les remettions en cause. Ils veulent créer les conditions d’une rupture et d’un affrontement au sein de notre société.

Nous devons donc être beaucoup plus forts qu’eux et c’est pourquoi, je le répète – j’ai eu l’occasion de le dire ici même le 13 janvier –, contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis après le drame du 11 septembre 2001, même si nous ne sommes pas là pour donner des leçons, nous ne prendrons pas de mesures d’exceptions mais nous répondrons bien entendu d’une manière exceptionnelle à travers les mesures que nous avons précisément annoncées au mois de janvier avec les ministres concernés, Bernard Cazeneuve, Jean-Yves Le Drian et Christiane Taubira à la suite d’un conseil des ministres présidé par le chef de l’État.

Je ne vous demande pas de vous montrer complaisants à l’endroit du Gouvernement mais je crois que nous pouvons tous nous retrouver autour des idées de rassemblement et d’unité.

Où je ne peux pas vous suivre, en revanche, et je le dis très tranquillement, c’est lorsque vous soutenez que nous avons perdu du temps.

Soit nous sommes dans l’unité nationale, soit nous ne le sommes pas.

Le texte est là, des amendements ont été déposés et des critiques formulées, tel est le rôle du Parlement. Dès lors que vous annoncez votre soutien à ce texte, j’ai du mal à comprendre pourquoi vous portez concomitamment une telle accusation.

Lorsque j’étais ministre de l’intérieur, nous avons présenté un texte pour lutter contre le terrorisme qui résultait bien évidemment du travail du Parlement, lequel avait commencé après les événements de Montauban et de Toulouse.

Je ne comprends même pas votre référence à la position de l’actuel Président de la République, surtout au mois d’avril 2012, car nous nous sommes appuyés sur les travaux qui avaient été engagés à l’époque par François Fillon. Nous sommes en effet partis des constats et des leçons que, les uns et les autres, nous avons tirés des attentats de Toulouse et de Montauban, notamment quant à ce que nous pouvions changer profondément dans l’organisation verticale ou horizontale de nos services tout comme dans celle de la police et de la gendarmerie. C’est ainsi qu’a été présentée la loi antiterroriste de fin 2012.

Face aux nouvelles techniques utilisées par les terroristes, il est d’ailleurs assez normal et logique, comme nous l’avions annoncé à la fin de 2012, que la loi change, évolue, s’adapte. Tel a été le sens du texte présenté par Bernard Cazeneuve il y a quelques mois qui, là aussi, a été adopté à une très large majorité.

Le phénomène des djihadistes, constaté dès l’été de 2012, m’a conduit à prononcer des paroles extrêmement claires, qui m’ont d’ailleurs parfois été reprochées, concernant les notions d’ennemis extérieurs et intérieurs.

Nous sentions bien, en effet, la montée en puissance de ce phénomène concomitamment à la guerre terrible en Syrie et aux événements que nous connaissons en Irak.

Chaque fois, nous avons apporté des réponses et, surtout, des moyens.

Ce fut une des leçons du rapport parlementaire que j’ai évoqué : nous avons changé le périmètre de la Direction centrale du renseignement intérieur en la transformant en Direction générale de la sécurité intérieure. Nous avons tiré les leçons des failles ou des problèmes qui ont été constatés dans le passé, y compris à la suite de la disparition des renseignements généraux, en renforçant les moyens du renseignement territorial.

Moi aussi, je pourrais faire état de ce qui s’est passé auparavant et pointer les pertes de temps.

Nous avons renforcé les moyens humains, techniques et financiers de la Direction générale de la sécurité extérieure et de la DGSI : 532 postes ont été programmés et 800 de plus en incluant le Service central du renseignement territorial, le SCRT.

Monsieur Ciotti, je pourrais aussi vous rappeler le nombre de postes qui ont été supprimés entre 2007 et 2012 dans la police et la gendarmerie, ce qui a touché de plein fouet la DCRI et le renseignement territorial.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion