Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Séance en hémicycle du 7 octobre 2015 à 15h00
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Je souhaite préciser que la rédaction de l’amendement no 214 déposé par Mme Le Dain et M. Premat pose problème car elle contredit la jurisprudence : elle signifie en effet que le fonctionnaire ne serait soumis à l’obligation de réserve que dans l’exercice de ses fonctions. Or la jurisprudence fait également peser cette obligation en dehors de cet exercice, le fonctionnaire étant tenu à une certaine prudence dans l’extériorisation de son expression publique, même lorsqu’il n’est pas en service.

2 commentaires :

Le 09/10/2015 à 09:54, laïc a dit :

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Vous êtes en train de nous dire que la loi est inférieure à la jurisprudence, et que le député obéit indirectement au juge, on ne peut pas adhérer à ce genre de démarche. Dans ce cas particulier, je pense que le juge a raison et que l'obligation de réserve doit s'appliquer également en dehors de l'exercice de la fonction, sauf si bien sûr cette réserve s'applique à autre chose que les situations vues dans l'exercice de la fonction, sinon le fonctionnaire ne pourrait même plus parler de politique, de loi, de jurisprudence, etc... ce qui serait une atteinte à la liberté d'expression du citoyen, ce qui est parfaitement inadmissible et totalitaire. Par exemple, un fonctionnaire des impôts ne pourrait pas dire à ses amis ou sa famille qu'untel (dont il connaît le nom et le montant de sa fraude du fait de ses fonctions) a fraudé le fisc, par obligation de réserve, mais il aurait tout à fait le droit de critiquer en famille ou avec ses amis la dernière déclaration du ministre des finances, ou bien encore le comportement envers lui ou un autre de ses collèges d'un de ses supérieurs hiérarchiques, comportement qu'il juge discriminatoire ou malhonnête. Le secret et l'obligation de réserve ne doivent porter que sur l'usager, ou encore les informations confidentielles véhiculées par l'administration.

Mais peu importe que le juge ait raison ou tort : c'est au député de penser la loi, c'est au député de considérer tous les aspects de la loi, mais pour ça il faut être compétent. Donc le problème est la compétence du député : est-il là pour faciliter les décisions de l'exécutif, en faisant nombre à l'Assemblée pour faciliter le vote des lois proposées par le gouvernement, ou bien est-il là pour réellement faire la loi, en prenant en compte tous les aspects variés des situations qui seront concernées par la loi ? Si le député n'est pas compétent et que le juge est plus compétent que le député, on arrive là à un problème de démocratie, puisque c'est quand même la compétence qui doit faire la loi, et non pas le nombre politique, c'est-à-dire l'idéologie politique. Mais le juge n'a pas le pouvoir de faire la loi, au nom de la séparation des pouvoirs, donc c'est le système politique qu'il faut revoir afin que les députés soient réellement compétents pour traiter les sujets qu'ils abordent sans que les juges puissent, en prenant prétexte de l'incompétence des députés, se substituer à eux et imposer une loi dans la loi, la jurisprudence, qui n'a pas de légitimité populaire et donc politique.

On peut même envisager que les députés et les juges travaillent ensemble pour faire la loi, car pourquoi se passer de l'expérience des juges ? Pourquoi par exemple les juges ne sont-ils jamais entendus en commission ? Mais les juges ne peuvent et ne doivent pas faire seuls la loi, sous le nom de jurisprudence, c'est attentatoire aux principes les plus élémentaires de notre démocratie.

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Le 10/10/2015 à 23:16, laïc a dit :

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"elle signifie en effet que le fonctionnaire ne serait soumis à l’obligation de réserve que dans l’exercice de ses fonctions."

Pour être clair, le fonctionnaire ne peut avoir un devoir de réserve que pour le seul secret professionnel, qui s'applique autant dans l'exercice de la fonction qu'une fois la fonction finie. Imagine-t-on en effet un médecin révéler les maladies de ses malades en privé, alors qu'il n'exerce plus ? C'est pareil pour un fonctionnaire. Mais en dehors du secret professionnel, aucun fonctionnaire ne peut être tenu à un quelconque devoir de réserve : la liberté d'expression est un des droits fondamentaux du citoyen, consacré par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi", et comme la jurisprudence n'est pas la loi, il n'y a pas de devoir de réserve possible pour le fonctionnaire en dehors de ses fonctions s'il ne concerne pas le secret professionnel. Et pas plus que le juge que le député ne peut revenir sur ce principe constitutionnel, retour qui serait une violation de la Constitution. Donc on attend évidemment que le député ou le juge, le juge qui rappelons-le n'a pas mission de faire la loi, respecte la constitution, et qu'il n'attente pas à la liberté d'expression du fonctionnaire une fois ses fonctions achevées.

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