Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du 5 novembre 2015 à 21h30
Surveillance des communications électroniques internationales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, madame la présidente de la commission de la défense et rapporteure de la commission mixte paritaire, nous sommes réunis ce soir en séance pour discuter à nouveau de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales, après la réunion de la commission mixte paritaire qui s’est tenue à son sujet, mardi dernier. Ce texte s’inscrit dans la législation récemment adoptée en matière de renseignement.

En juin de cette année le Parlement votait une loi importante sur le renseignement, qui constitue une avancée majeure pour l’État de droit. D’une part, en effet, elle définit des moyens d’action légaux en donnant aux services de renseignement des moyens à la hauteur des défis auxquels notre pays est confronté. D’autre part, elle offre plus de garanties pour les agents, qui évoluaient jusqu’ici dans un cadre juridique incertain, et pour les libertés publiques. Au total, donc, plus de sécurité pour les Français.

Notre pays doit faire face, en effet, à plusieurs menaces. En premier lieu, la menace terroriste. Protéiforme, celle-ci émane aussi bien de groupes évoluant à l’étranger que d’individus présents sur le territoire national. En France, 1 900 individus sont aujourd’hui recensés dans les filières terroristes et djihadistes dont 1 450 pour la Syrie et l’Irak. 770 individus sont effectivement allés sur place, 420 y sont toujours et, parmi eux, plus d’un sur dix a été tué. En deux ans, le nombre de départs a doublé. À cela, s’ajoute environ un millier de profils menaçants qui propagent sur Internet des messages ou des vidéos de haine et de soutien au terrorisme. Les attentats perpétrés en janvier dernier sur notre territoire ont souligné l’importance et l’urgence de cette réponse.

En plus de cette menace terroriste, la France doit aussi se protéger contre l’espionnage, le pillage industriel, la criminalité organisée et la prolifération des armes de destruction massive.

Cette loi renforce par ailleurs les moyens d’action des services spécialisés de renseignement, car garantir la sécurité des Français et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation exige un travail d’analyse et de détection des menaces qui pèsent sur le pays.

Cette mission, qui incombe aux services de renseignement, nécessite de les doter de moyens adaptés aux menaces.

En juillet dernier, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les principales dispositions de la loi, à savoir les finalités pour lesquelles les services spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques définies par la loi, la délivrance d’autorisations par le Premier ministre, les durées de conservation en fonction des caractéristiques des renseignements collectés ou encore l’ensemble des dispositions de justice administrative qui régissent le contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement.

Il a en revanche censuré l’article du code de la sécurité intérieure relatif aux mesures de surveillance internationale, au motif que « le législateur n’a pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. »

En effet, n’ont été définies dans la loi ni les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés en application de cet article, ni celles du contrôle par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement de la légalité des autorisations délivrées en application de cet article et leurs conditions de mise en oeuvre.

Ces dispositions n’ont donc pas été censurées en raison d’atteintes aux droits et libertés garantis par la Constitution, mais pour incompétence négative du législateur, le Conseil constitutionnel ayant estimé que le législateur n’avait pas épuisé sa compétence en renvoyant l’édiction de certaines règles encadrant ces techniques de renseignement au pouvoir réglementaire.

Contrairement à ce que la loi avait prévu pour les mesures de surveillance nationale, l’article renvoyait en effet à un décret en Conseil d’État la définition des conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés, ainsi que des conditions de traçabilité et de contrôle par la CNCTR.

Cette proposition de loi vise donc à inscrire au niveau législatif les dispositions qui devaient initialement figurer dans un décret en Conseil d’État. Le dispositif proposé reprend l’essentiel de celui relatif aux mesures de surveillance internationale adopté en juin dernier, en le complétant avec précision pour répondre aux motifs de la censure du Conseil constitutionnel.

Le nouvel article créé donc un cadre juridique spécifique pour les interceptions de communications électroniques émises ou reçues à l’étranger. Il prend en considération les activités que mène la Direction générale de la sécurité extérieure, sans y ajouter de capacités nouvelles. Il permettra ainsi de protéger les agents lorsqu’ils ont recours à une technique de renseignement visant un objectif étranger depuis le territoire national.

Par ailleurs, les conditions de recours à ces techniques seront les mêmes que celles prévues sur le territoire national, à savoir la protection des intérêts publics énumérés par le nouvel article du code de la sécurité intérieure.

La procédure d’autorisation prévue reprend celle du texte initial, qui a été validée par le Conseil constitutionnel : l’autorisation sera délivrée par le Premier ministre, sans avis préalable de la CNCTR, contrairement aux mesures de surveillance nationale. La nature des missions confiées aux services le justifie, puisqu’elle touche à un aspect régalien de l’action de l’État à l’étranger.

La proposition de loi précise désormais les conditions d’exploitation des renseignements collectés. Deux niveaux d’exploitation sont prévus et répondent au souhait du Conseil constitutionnel.

Tout d’abord, après une autorisation initiale du Premier ministre d’intercepter un système de communication, un premier niveau permettra d’autoriser l’exploitation non individualisée des données de connexion interceptées pour une durée d’un an. Concernant cette durée, nous serons attentifs aux conclusions que la délégation parlementaire au renseignement adoptera en 2016, comme cela a été évoqué en CMP mardi dernier.

Ensuite, un deuxième niveau d’exploitation permettra d’étudier les correspondances et données de connexion d’une zone géographique déterminée, d’organisations, personnes ou groupes de personnes, pour une durée de quatre mois.

Sont également précisées les conditions d’exploitation et de destruction des renseignements collectés. L’interception et l’exploitation des communications feront l’objet de dispositifs de traçabilité définis par le Premier ministre et, comme pour les communications nationales, les renseignements collectés feront l’objet d’une centralisation.

Les conditions de conservation des données sont aussi définies. Ces durées de conservation sont augmentées par rapport à celles applicables à la surveillance des communications nationales. Cette différence se justifie au regard des caractéristiques propres des communications internationales, essentiellement en langues étrangères.

Par ailleurs, dans de nombreux cas, la surveillance des communications électroniques internationales est le seul moyen d’obtenir ou de confirmer des informations, alors que, sur le territoire national, des moyens complémentaires d’investigation peuvent être mis en oeuvre. Enfin, les données recueillies permettent de remonter a posteriori les parcours individuels, après un attentat par exemple, et pour cela, un temps long est nécessaire.

Cette proposition de loi définit donc un cadre juridique strict pour les mesures de surveillance internationale. Elle permettra ainsi à nos services de renseignement d’assurer une surveillance optimale des communications internationales afin de contrecarrer les nombreux risques qui naissent à l’étranger et menacent de se matérialiser sur notre territoire. Par conséquent, et pour toutes ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste apportera son soutien à cette proposition de loi.

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