La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux sécurités (no 3110, annexes 43 et 44 : no 3115, tome VIII ; no 3117, tomes XIII et XIV).
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous abordons ce soir la discussion du budget de la mission « Sécurités » relevant de mon ministère dans un contexte particulièrement difficile puisque, depuis le début de cette année, nous avons dû affronter de nombreuses épreuves.
Pour mémoire – en sachant que cela est encore très présent à notre esprit : les attentats du mois de janvier, la question migratoire – qui mobilise également beaucoup les forces de sécurité – mais aussi d’autres événements comme l’attentat de la Germanwings, lequel a notamment conduit la gendarmerie nationale et les militaires de la sécurité civile à intervenir dans les Alpes de Haute-Provence.
Ce budget s’inscrit dans la volonté du Gouvernement de réduire les dépenses publiques de 50 milliards, ce qui correspond à une diminution des dépenses de l’État de 1,2 milliard pour 2016. J’ai néanmoins souhaité que, comme en 2015, les effectifs, les mesures individuelles ciblées et les moyens de nos forces soient renforcés en 2016.
Pour mémoire, je rappelle qu’entre 2007 et 2012, les crédits de fonctionnement et d’investissement de la mission « Sécurités » avaient baissé de 15 % en crédits de paiement et de 30 % en autorisations d’engagement alors qu’entre 2012 et 2016, ils augmentent respectivement de 2,4 % et 3,7 %.
Cette volonté de renforcer les moyens de nos forces s’exprime tout d’abord sur le plan des effectifs. En 2015, les créations de postes prévues dans la police et la gendarmerie dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme décidé au mois de janvier s’élèveront à 538 nouveaux postes dont 94 %, vous le savez, sont déjà pourvus. Je ne relâcherai pas l’effort en 2016 puisque 445 emplois supplémentaires seront dévolus aux forces de lutte anti-terroriste, dont 390 dans la police nationale et 55 dans la gendarmerie.
Au-delà de la lutte anti-terroriste, bien entendu, je n’oublie pas le travail que nous devons accomplir en matière de sécurité en général. Le renforcement des effectifs de la police et de la gendarmerie se poursuit sur le terrain afin de lutter quotidiennement contre la délinquance, de faire respecter l’ordre public et de continuer le combat contre la criminalité.
L’engagement du Président de la République de recruter 500 personnels par an dans la police et la gendarmerie est honoré en 2016 comme il l’a été dans tous les budgets qui ont été présentés depuis le début du quinquennat. Nous avons également décidé d’augmenter de 900 les effectifs de la police et de la gendarmerie afin de faire face à la crise migratoire à laquelle l’Union européenne est confrontée. Nous allons présenter un amendement en séance à cette fin. Au total, vous le savez, 1 632 postes seront créés en 2016 – nous avons prévu les dispositions budgétaires pour ce faire.
Par ailleurs, nous avons tenu à ce que les mesures catégorielles qui ont été annoncées soient intégralement honorées – je pense à l’augmentation de 30 % de l’indemnité journalière d’absence temporaire d’ici à 2017, à la création d’un grade à accès fonctionnel pour les commissaires de police et pour les personnels de la sécurité civile. Le régime indemnitaire des techniciens de maintenance du groupement d’hélicoptères de Nîmes sera quant à lui revalorisé.
J’ai également veillé à ce que les moyens dédiés au fonctionnement dit hors titre 2 – HT 2 – du ministère de l’intérieur soient renforcés pour les forces de sécurité car il ne sert à rien de créer des postes si elles ne disposent pas des moyens de fonctionner.
En ce qui concerne les forces de sécurité, les crédits augmenteront en 2016 de 195 millions en autorisations d’engagement et de 31,4 millions en crédits de paiement, soit une hausse de 1,4 % en crédits de paiement après une augmentation de 1,6 % des dépenses de fonctionnement et d’investissement entre 2014 et 2015.
En crédits de fonctionnement courant, hors personnels, ces sommes permettront de procéder à l’acquisition de nouveaux matériels – je pense à 2 000 véhicules neufs par forces, ce qui correspond à un effort de 40 millions par force, aux 27,2 millions que nous investissons afin d’assurer la modernisation de nos systèmes d’information et de communication ou nos dispositifs informatiques, à la plate-forme PHAROS, au logiciel CHEOPS – autant d’éléments importants pour la modernisation de la police – et, également, à l’abondement de 17,7 millions du fonds interministériel de prévention de la délinquance afin de financer des matériels ou des investissements : vidéo-protection, gilets pare-balles, etc.
Les moyens de la gendarmerie seront également renforcés avec 70 millions pour faire face aux dépenses immobilières afin de créer des logements dans un contexte où, en raison de la diminution des dépenses de fonctionnement, le parc immobilier a considérablement vieilli. Nous mettons fin à cette situation.
Je pense également au développement du projet NEOGEND généralisant les moyens numériques à disposition des forces afin qu’elles puissent intervenir dans des conditions beaucoup plus efficaces que ces dernières années.
Je rappelle que, pour la gendarmerie comme pour la police, j’ai présenté un plan BAC-PSIG visant à moderniser les Brigades anti-criminalité et les Pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de tous les départements de France en matière d’armements, de gilets de protection, de véhicules, de moyens numériques.
J’ai demandé au directeur général de la police nationale et à son homologue de la gendarmerie, comme à l’accoutumée, de se conformer aux instructions très fortes que j’ai données sur ces questions.
S’agissant de la sécurité civile, vous savez que là aussi notre démarche est extrêmement volontariste. Les crédits progressent de 8,3 millions par rapport à l’année dernière ce qui, tout en veillant bien entendu à la maîtrise des coûts, permettra de transférer la base d’avions de la sécurité civile de Marignane vers Nîmes. L’État mobilisera les crédits nécessaires pour raccorder tous les services départementaux d’incendie et de secours – SDIS – au réseau de communication ANTARES. Le déploiement du système d’alerte et d’information des populations dans les départements sera poursuivi.
Enfin, comme vous le savez, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous continuerons à conforter les moyens et les mesures visant à renforcer la sécurité routière, comme c’est le cas depuis de nombreux mois. Vous avez sans doute à l’esprit que j’ai pris 26 mesures au mois de janvier dernier dont 19 sont déjà appliquées pour mettre fin à un certain nombre de mauvaises pratiques : utilisation du téléphone portable au volant, utilisation des oreillettes, mise en place d’un nouveau seuil d’alcoolémie pour les conducteurs débutants. Nous avons complété ces mesures à l’occasion du comité interministériel de la sécurité routière qui s’est tenu au mois d’octobre.
Mon temps étant compté – mon temps de parole, j’entends
Sourires
– j’arrête là et je suis désormais tout ouïe.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Votre temps de parole n’est pas limité, monsieur le ministre, à la différence des porte-parole des groupes, que nous écoutons maintenant.
La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, notre débat porte aujourd’hui sur la mission « Sécurités » et le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », qui se retrouve cette année en excédent de 14 millions d’euros.
Dans le contexte actuel, nous sommes satisfaits de constater la majoration de la mission « Sécurités » à hauteur de 150 millions cette année portant le budget global de la mission à 18,37 milliards et tempérant les coupes ayant pu être faites sous le quinquennat précédent.
La lutte contre la délinquance reste un axe majeur de la politique menée par le Gouvernement actuel. C’est pourquoi le PLF 2016 a notamment alloué 340 millions d’euros au titre de la période 2015-2017 à la politique de prévention de la délinquance, dont 67 millions en 2016.
Je constate que plus de 110 millions d’euros de crédits ont été affectés à la police et à la gendarmerie. Le programme « Police nationale » est en hausse de 0,85 %, avec un montant de 9,7 milliards tandis que le programme « Gendarmerie nationale » se voit attribuer un budget de 8,12 milliards, en hausse de 0,79 %. Ces augmentations permettent une mise en conformité avec les engagements du ministre de l’intérieur de mise à niveau des montants entre police et gendarmerie nationales.
Les chiffres de la délinquance publiés par le ministère de l’intérieur pour le troisième trimestre 2015 montrent que les homicides ont baissé de 18 %. Dans le même temps, il faut constater que les vols avec ou sans violences, accompagnés de l’usage ou non d’une arme à feu, ont tous augmenté, comme les cambriolages et les coups et blessures sur les personnes. Si ces chiffres doivent être relativisés, il faut constater que le Gouvernement poursuit une politique nécessaire en renforçant les crédits alloués à la prévention de la délinquance, seul rempart contre l’augmentation des infractions en tout genre.
Cette augmentation du budget de la mission « Sécurités » fait suite à la priorité donnée par le Gouvernement à la lutte contre le terrorisme et au renforcement des forces de sécurité intérieure dans la cadre du plan Vigipirate.
D’ici à la fin du quinquennat, 233 millions d’euros seront mobilisés au titre de moyens d’équipements, d’investissement et de fonctionnement des forces de sécurité intérieure ; au même titre, 1 401 recrutements supplémentaires ont été budgétisés.
Concernant la Direction générale de la sécurité intérieure, dès le début du quinquennat, le Gouvernement a souhaité augmenter les effectifs de 432 postes et allouer 12 millions d’euros supplémentaires par an mais j’attendrai que quelques précisions nous soient communiquées s’agissant de la répartition prévue en 2016 – ce sera l’objet de ma question à l’issue des interventions des porte-parole des groupes.
De plus, des efforts ont été consentis, portant à une création de 1 118 postes supplémentaires d’ici à 2016 auxquels s’ajoutent 900 postes supplémentaires – 530 pour la police et 370 pour la gendarmerie – ouverts par un amendement présenté par le Gouvernement en commission afin de faire face au flux migratoire.
Toutefois, je m’interroge sur les choix réalisés en matière de ventilation des effectifs pour les différents programmes.
Si la gendarmerie nationale bénéficie d’une augmentation de 184 emplois supplémentaires, lorsque je rentre dans le détail, je constate avec une certaine surprise que les gendarmes, soit les officiers, sous-officiers et volontaires, voient leurs effectifs baisser de 66 postes alors que, dans le même temps, le personnel administratif dispose d’une création nette de plus de 200 emplois.
Parallèlement, le programme 176 « Police nationale » fait l’objet d’une création nette de 548 emplois et, de la même manière, les policiers ne bénéficient d’une augmentation d’effectifs que de 178 postes alors que les personnels administratifs et techniques bénéficient de 147 et 259 créations nettes d’emplois.
Or, à cela s’ajoute un décalage entre le plafond d’emplois et le nombre réel de postes pourvus par les forces de l’ordre, faute de prétendants à ces emplois.
Je ferai part également d’une inquiétude quant au vieillissement du parc automobile de nos forces de sécurité – je suis cependant satisfait de constater que le Gouvernement a pris acte de cette difficulté en rehaussant les crédits affectés au parc automobile à hauteur du remplacement de 4 000 véhicules mais, aussi, à l’achat de matériel informatique, d’armes ou de gilets pare-balles.
De la même manière, je suis satisfait de constater les efforts entrepris par le ministère en faveur du rapprochement des services de police scientifique et technique issus de la gendarmerie et de la police nationales mais, aussi, pour l’immobilier de ces deux entités, en accord avec les préconisations de notre collègue Pascal Popelin, rapporteur pour avis de ces crédits.
Concernant la sécurité civile, je note la satisfaction de l’ensemble des acteurs des SDIS, en parallèle à l’augmentation des compétences issues de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et je souscris à l’objectif du ministre visant à supprimer les zones blanches sur notre territoire.
Enfin, je ferai part d’une dernière inquiétude quant à la recrudescence du nombre d’accidentés de la route même si je connais l’engagement et l’action continus du Gouvernement dans la lutte contre l’insécurité routière.
Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si la hausse du budget « Sécurités » n’est pas à la hauteur de ce que nous espérions, nous constatons néanmoins qu’il augmente et le groupe RRDP votera les crédits que vous nous présentez.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la justice et l’éducation, la sécurité est depuis le début de la législature l’une des priorités affichées du Gouvernement.
Cette primauté se traduit dans l’effort financier qui se prolonge cette année en faveur de la mission « Sécurités », laquelle regroupe les crédits de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité et de l’éducation routière ainsi que de la sécurité civile.
Les crédits de paiement du programme « Police nationale » s’élèveront en 2016 à 9,77 milliards d’euros, en hausse de 82 millions, après une hausse de 50 millions en 2015.
Les crédits de paiement du programme « Gendarmerie nationale » s’élèveront, quant à eux, à 8,12 milliards d’euros, en hausse de 64 millions.
Sur l’année, comme le rappelait notre rapporteur spécial Yann Galut, le décret d’avance et le projet de loi de finances ajoutent 948 emplois pour la police et 284 pour la gendarmerie, après 243 postes de policiers et 162 emplois de gendarmes créés en 2015, comme en 2014. Ces créations de postes, si elles représentent un effort louable, ne suffisent toujours pas à compenser les quelque 13 700 emplois supprimés entre 2007 et 2012, sous la précédente législature. Les efforts consentis, s’ils sont réels, ne permettent toujours pas de garantir l’existence de véritables police et gendarmerie de proximité.
La même remarque vaut pour les investissements. En 2016, la police nationale pourra investir pour 259 millions d’euros, soit une hausse de près de 10 %, et la gendarmerie nationale pour 103 millions d’euros, soit une hausse de près de 22 %. Si nous notons avec satisfaction la progression de ces budgets d’investissement, force est de constater que les budgets consacrés à l’équipement des fonctionnaires ou aux moyens mobiles restent stables, quand ils ne sont pas réduits. Cette situation est dommageable, compte tenu du vieillissement préoccupant et de l’obsolescence des matériels. Nous souhaitons ardemment que des moyens plus ambitieux soient consacrés à l’amélioration des conditions de travail de nos policiers et de nos gendarmes.
Si les policiers sont descendus dans la rue le mois dernier, ce n’était pas pour raviver une polémique stérile sur les relations entre police et justice, mais pour dénoncer ce qui limite l’efficacité de leur action. Comme l’ont rappelé nombre de représentants syndicaux, nos policiers ont voulu exprimer leur ras-le-bol face aux conséquences du plan Vigipirate sur leurs conditions de travail, à l’état de fatigue préoccupant de nombre d’entre eux, ainsi qu’aux faibles moyens dont ils disposent pour remplir leurs missions. Et ils ne risquent pas d’être moins sollicités dans les prochains mois, puisque deux événements nécessiteront une sécurité maximale : la conférence de l’ONU sur les changements climatiques, au cours de laquelle les représentants de 195 pays sont attendus à Paris début décembre, et l’Euro 2016 de football.
À l’instar des policiers, nous vous invitons, budget après budget, à prendre à bras-le-corps la question de la souffrance au travail et à reconsidérer la vision managériale de cette administration. Nous devons également veiller à favoriser un déroulement de carrière approprié et à revaloriser les salaires et les régimes indemnitaires dans la police et la gendarmerie.
Les crédits du programme « Sécurité civile » sont en hausse de près de 2 %, s’établissant à plus de 441 millions d’euros. Cette hausse, si elle est évidemment la bienvenue, masque néanmoins quelques insuffisances, dûment rappelées par notre rapporteur : d’une part, la situation des volontaires, qui est toujours précaire ; d’autre part, la nécessité de renouveler la flotte aérienne, qui est vieillissante.
Les effectifs des volontaires, qui représentent 80 % des pompiers français, restent plus faibles qu’il y a dix ans, et l’objectif des 200 000 volontaires d’ici deux ans semble hors de portée. Outre la question du maillage territorial, qui doit rester étroit afin de garantir des interventions rapides, il nous faut aussi garantir une proximité accrue entre le domicile du volontaire et son centre. C’est pourquoi nous vous avons alerté, monsieur le ministre, sur la nécessité d’agir auprès des bailleurs sociaux pour que soit rendue effective la facilitation de l’accès des sapeurs-pompiers volontaires aux logements sociaux. Une convention en ce sens a été signée en juillet : il convient désormais de s’assurer qu’elle apportera des résultats tangibles.
Compte tenu du fait que les efforts consentis, même s’ils sont réels, ne remédient pas à l’insuffisance récurrente de moyens, nous nous abstiendrons sur les crédits de cette mission.
La parole est à M. Yves Goasdoué, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, chers collègues, l’’année 2015 fut rude – vous en savez quelque chose, monsieur le ministre. Attaques terroristes, dramatiques accidents d’avion ou de la route, nécessité de lutter contre les filières d’immigration irrégulière : nos forces de sécurité et de secours aux personnes ont été grandement sollicitées. Je profite d’ailleurs de ce moment pour saluer avec respect leur travail et leur dévouement.
Leur tâche était d’autant plus difficile que leurs conditions de travail se sont largement dégradées tout au long du précédent quinquennat. À l’inverse, depuis 2012, le Gouvernement a érigé ce budget en priorité nationale, avec comme objectifs de rattraper le retard accumulé, de moderniser nos organisations et de permettre aux femmes et aux hommes qui assurent notre sécurité au péril de leur vie de se recentrer sur leur coeur de métier.
Pour 2016, l’accent est inévitablement mis sur la lutte contre le terrorisme. Le budget prévoit la création de 445 postes – nous citons beaucoup de chiffres, mais je crois qu’il faut les répéter – 390 dans la police nationale et 55 dans la gendarmerie. Il prévoit également 24,7 millions d’euros pour améliorer l’équipement de protection des forces de sécurité et 5,2 millions pour la modernisation informatique.
La lutte contre la délinquance de droit commun n’est pas oubliée et, lors des débats en commission élargie, vous m’avez confirmé, monsieur le ministre, que le Gouvernement y prêtait une grande attention. Le renforcement des effectifs de police et de gendarmerie se poursuit. Pour 2016, ce sont 1 632 effectifs supplémentaires qui viendront renforcer les forces de sécurité – 1 078 postes dans la police et 554 dans la gendarmerie. À cela s’ajoutent, ce qui est très important, 900 équivalents temps plein attribués à la lutte contre les filières d’immigration irrégulière, objet de votre amendement, monsieur le ministre.
La contexture générale du budget, vos déclarations sur le dégel rapide des crédits en début d’exercice et l’amendement dont je viens de parler démontrent, s’il en était besoin, la volonté du Gouvernement de donner aux forces les moyens d’assurer la sécurité des Français. En complément, les processus de mutualisation et de rationalisation entre police nationale et gendarmerie contribuent à libérer des forces opérationnelles. Le regroupement des ateliers automobiles a ainsi permis de libérer 87 équivalents temps plein. La réforme des implantations locales des services de la sécurité publique a par ailleurs dégagé, pour la police, 223 équivalents temps plein. Et, au plan central, la suppression des doublons en matière de communication ou de formation permet aussi d’importantes économies de personnel.
En matière de sécurité civile, avec un budget en hausse de 2 %, la flotte d’hélicoptères est en cours de mutualisation et, d’ici à 2017, l’entretien des appareils de la gendarmerie, du SAMU et des pompiers s’effectuera à Nîmes, pour en limiter les coûts. Le travail de rationalisation est donc engagé, et il doit être renforcé. La mutualisation des polices techniques et scientifiques – PTS – semble elle aussi accessible, car elle est attendue pas les deux forces. Elle devra, selon moi, s’accompagner d’une harmonisation des règles légales d’intervention de ces deux polices.
Nos forces sont de plus en plus exposées. Vous avez évoqué en commission, monsieur le ministre, le chiffre de 7 000 agressions, inadmissibles et de toutes natures. Vous avez annoncé de nouvelles mesures de reconnaissance qui devraient être mises en oeuvre d’ici le mois de mars 2016 : revalorisation des carrières, aménagements indemnitaires, refonte des nomenclatures des postes à responsabilité et levée des blocages techniques qui embolisent les opportunités d’évolution de carrière. Les négociations sont en cours, sous votre autorité. Ce sont effectivement des mesures attendues et méritées.
En ce qui concerne le matériel, le budget prolonge l’effort de remise à niveau lancé depuis 2012, avec l’achat de véhicules neufs et la réhabilitation de commissariats en zones de sécurité prioritaire, ainsi que de casernes devenues insalubres. Je me permets de rappeler qu’entre 2008 et 2012, mais vous l’avez dit, monsieur le ministre, les moyens de fonctionnement et d’investissement de la mission « Sécurités » avaient diminué de 15 %.
Le budget que vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, pour la police, pour la gendarmerie, pour la sécurité civile démontre que le « faire » suit le « dire ». L’effort financier est réel, constant, indéniable. Le Groupe SRC a donc toutes les raisons objectives de voter ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen de ce budget s’inscrit dans un contexte tout à fait particulier : c’est le premier budget qui fait suite aux terribles attentats qu’a subis notre pays tout au long de l’année 2015. Ce budget s’inscrit également dans un contexte de hausse constante de la délinquance. Les chiffres qui ont été publiés, aujourd’hui encore, par vos propres services, ne font que l’attester. Et je pense que vous ne pourrez pas contester vos propres chiffres.
Ce budget s’inscrit également dans un contexte marqué par l’expression d’une légitime colère de la part des forces de l’ordre. Il y a quelques jours, pour la première fois depuis 1983, les policiers ont exprimé leur malaise, et même leur colère, sous les fenêtres de la garde des sceaux. Et, hier encore, les agents de la police technique et scientifique manifestaient devant l’Assemblée nationale. Ces policiers traduisent le malaise qu’ils ressentent face à la pression qu’ils subissent. Chaque jour – il faut le dire pour leur rendre hommage – ce sont 22 policiers en moyenne qui sont blessés en service.
Quelle profession pourrait accepter ces atteintes répétées à l’intégrité physique de ceux qui représentent l’autorité de la République ? Ce soir, comment ne pas penser à tous ces policiers blessés ou morts en service ? Comment ne pas penser à Yann Saillour, blessé le 5 octobre à Saint-Ouen ? Nous leur devons l’hommage et la reconnaissance de la représentation nationale.
À côté de ce risque sécuritaire qui s’accroît, à côté de ces atteintes, de ces outrages qu’ils subissent chaque jour en tant que représentants de l’autorité de la République – une autorité bien affaiblie, monsieur le ministre – ces policiers font également face à une crise migratoire inédite, qui lance un véritable défi en matière d’ordre public.
Dans ce contexte, nous aurions pu imaginer que ce budget serait celui d’une véritable rupture, pour répondre à cette situation inédite, d’une ampleur et d’une gravité exceptionnelles. Il n’en est rien, monsieur le ministre, vous le savez. Et nous regrettons que, face à cette situation exceptionnelle, vous nous présentiez un budget somme toute d’une grande banalité.
Ce budget connaît une hausse apparente, mais il suffit de se pencher sur les chiffres, comme d’autres l’ont fait, et de dissiper le brouillard savamment entretenu autour de leur réalité…
…pour voir que cette hausse, de 0,96 % seulement, masque un déficit de moyens par rapport à ce qu’exigerait la gravité de cette situation. De plus, ces hausses de crédits sont à relativiser, et votre budget ne résiste pas à une analyse critique.
Les chiffres sont des innocents qui peuvent tout avouer sous la torture !
Monsieur le ministre, et Olivier Marleix le démontrera tout à l’heure, il ne suffit pas d’annoncer des créations de postes : encore faut-il que les plafonds d’emplois soient exécutés !
Or la Cour des comptes a démontré que l’écart entre le plafond d’emplois voté et son exécution s’était établi à un niveau jamais égalé en 2014, avec 2 935 équivalents temps plein.
Parallèlement, nous relevons que le budget pour 2016 présente en réalité une diminution des dépenses de fonctionnement de 0,94 %, ce qui aura de lourds effets sur l’exercice des missions de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Enfin, même si vous nous annoncez une augmentation de votre budget, monsieur le ministre, le taux de mise en réserve augmente lui aussi chaque année…
…et prive ainsi nos forces des moyens réels dont elles ont tant besoin. Vous tenez des discours que nous pourrions parfois approuver, monsieur le ministre. Nous avons ainsi approuvé tous les projets de loi que vous avez proposés contre le terrorisme…
… et nous approuverons, dans quelques minutes encore, la proposition de loi sur les communications électroniques internationales.
Mais il y a un abîme entre votre discours et vos actes.
Ce budget en est malheureusement l’illustration. Alors oui, monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, les Français attendaient et attendent du Gouvernement qu’il prenne la mesure de la gravité de la situation dans notre pays en matière de sécurité, ainsi que celle des risques auxquels la nation est confrontée. Hélas, il n’en est rien. C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera contre ce budget.
La parole est à Mme Maina Sage, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la mission « Sécurités » concerne l’une des prérogatives essentielles de l’État : assurer la protection de nos concitoyens et améliorer l’efficacité de la lutte notamment contre la délinquance. Garantir la sécurité des Français, c’est également instaurer un climat de confiance dans le pays. Dans le contexte particulier qui fait suite aux événements de janvier, dans une période où la France est en guerre contre le terrorisme, cette mission est majeure pour la stabilité de notre pays. À mon tour, je salue les forces de l’ordre qui, au quotidien, oeuvrent à cette mission, parfois au péril de leur vie.
Avec 12,24 millions d’euros et la création de 548 postes de policiers et de 184 postes de gendarmes supplémentaires, les crédits alloués cette année à la mission sont en très légère hausse. Néanmoins ce budget devra faire face à des enjeux importants : la lutte contre le terrorisme, avec notamment la présence accrue de forces de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate ; la lutte contre les formes de délinquance les plus graves et contre l’insécurité routière qui, fait nouveau, s’est accrue en 2014 ; la restructuration de la gendarmerie, sur le plan institutionnel, pour accompagner la réforme de l’organisation territoriale de l’État.
Nous prenons acte de l’accroissement des moyens alloués au renseignement et à la lutte antiterroriste. Dans des circonstances exceptionnelles, notre pays doit mettre en oeuvre des mesures exceptionnelles. Nous considérons cependant qu’au regard des enjeux les efforts actuellement déployés, notamment en direction des forces de police, sont insuffisants.
Le 14 octobre dernier, les policiers ont dénoncé un manque chronique d’effectifs, dont les effets ont encore été amplifiés par l’augmentation de la charge de travail consécutive au renforcement de la sécurité à la suite des attentats de janvier, ainsi que de lourdes carences en matière d’équipement.
Une semaine plus tard, le Président de la République a annoncé un certain nombre de mesures, comme la livraison de nouveaux véhicules, d’armements et d’équipements de protection d’ici à l’été prochain, ainsi que l’ouverture d’une concertation pour revaloriser les carrières, les primes et les promotions. En outre, un renforcement du dispositif de sécurité à Calais a été annoncé. La très légère hausse des crédits alloués au programme « Police nationale » permettra-t-elle réellement d’atteindre ces objectifs ? Le groupe UDI regrette notamment la diminution des crédits alloués aux dépenses de fonctionnement, alors que les besoins en équipements et en personnels, au sein notamment de la police, créent de réelles tensions.
Il y a deux jours, monsieur le ministre, les agents de la police technique et scientifique sont venus dénoncer sous nos fenêtres le manque de reconnaissance de leur métier, en particulier le déficit d’accompagnement psychologique pour ces agents qui sont confrontés tout au long de leur carrière à l’analyse de scènes souvent effroyables. Comment allez-vous répondre à cette attente, et quels seront les moyens concrets alloués à ces besoins ?
Nous nous interrogeons également sur la capacité de ce budget à avoir un réel effet sur la diminution de la délinquance alors que les atteintes volontaires à l’intégrité physique ont augmenté de 2,33 % en 2014.
J’aimerais par ailleurs revenir sur un aspect peu évoqué en commission élargie, celui de la sécurité routière. La mortalité sur les routes a augmenté, de façon préoccupante, de 3,5 % en 2014 : vingt-six mesures ont été annoncées dans le cadre du plan intergouvernemental de mobilisation et pourtant les crédits diminuent de 2 millions d’euros pour 2016. Vous avez évoqué le recours à l’intensification des contrôles, notamment salivaires, ainsi que votre souci de faire entrer la sécurité routière dans l’ère numérique : ces mesures nous paraissent fondamentales. Toutefois, elles sont coûteuses : la question de leur financement se pose inévitablement.
Enfin, je tiens à vous interpeller sur la question de la sécurité outre-mer. Vous savez que je suis élue de Polynésie française. Toutefois, si je tiens à évoquer la Polynésie française, alors que cette question se pose dans l’ensemble de nos territoires, c’est parce qu’elle représente la moitié de la surface maritime française. La zone économique exclusive – ZEE – de la Polynésie couvre près de 5 millions de kilomètres carrés, une surface maritime grande comme l’Europe. Il s’agit donc une situation particulière à gérer. Je sais que nous sommes loin des zones de conflits. Néanmoins, je souhaiterais que le renforcement des moyens alloués en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme ne s’opère pas au détriment des missions traditionnelles de sécurité et de surveillance de notre espace maritime.
J’ai interpellé à trois reprises le Gouvernement sur la question : ses réponses sont loin d’être satisfaisantes, puisqu’il nous renvoie à une optimisation des moyens. Si nous sommes évidemment favorables à la mutualisation des moyens en ces temps difficiles sur le plan budgétaire, il faut toutefois comprendre que la Polynésie souhaite obtenir des réponses concrètes quant à la façon dont ces missions de surveillance pourront être assumées après la perte du patrouilleur des douanes, il y a déjà deux ans. Les missions de surveillance et de sécurité ont été réduites de moitié. On nous parle de moyens satellitaires : nous attendons des garanties sur la pérennité de ces missions.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI ne pourra pas voter en l’état les crédits de la mission « Sécurités ».
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Nous commençons par une question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. La parole est à M. Olivier Falorni.
Monsieur le ministre, ma question porte sur le Service central du renseignement territorial – SCRT.
L’accroissement de la menace terroriste au cours de la période récente a fragilisé les services concourant au renseignement intérieur, notamment les services départementaux du renseignement territorial – SDRT –, dont les effectifs représentent aujourd’hui 60 % de ceux des ex-RG, alors qu’ils en assurent 90 % des missions. Or malgré l’annonce du plan de renforcement du dispositif de lutte contre le terrorisme, j’ai pu constater avec une certaine inquiétude dans le département de la Charente-Maritime le manque de moyens humains et techniques qui se traduit aujourd’hui par des difficultés opérationnelles importantes.
Sur le plan des moyens humains, si les 150 emplois créés en 2015 au sein du SCRT ont permis la création du service zonal d’appui opérationnel dans chaque grande région, ils n’ont pas concouru en revanche à gonfler les effectifs des SDRT. Alors même que les personnels du renseignement territorial sont désormais en première ligne pour détecter les signaux faibles de radicalisation, ils doivent continuer à recueillir tous les autres renseignements. Ainsi les agents ayant leurs missions principales en milieu ouvert rencontrent aujourd’hui des difficultés pour exploiter des sources en milieu fermé.
Sur le plan technique, j’ai constaté un réel déficit informatique. À titre d’exemple, dans un service entier, un seul poste était relié, sans filtre, à internet. De plus, les agents du renseignement sont dans l’obligation d’utiliser leurs propres ordinateurs portables et appareils photo avec téléobjectif pour organiser une filature.
Bien que les crédits budgétaires proposés pour le programme « Police nationale » soient en hausse et que l’accent soit porté sur la lutte contre le terrorisme, ce que je salue, le renseignement territorial possède une faible autonomie budgétaire et de recrutement dû à son rattachement à la sécurité publique. À titre d’illustration, il est aujourd’hui impossible de retracer les crédits affectés aux seuls SDRT : ils sont noyés principalement au sein de l’action no 1 « Ordre public et protection de la souveraineté », dont les crédits de paiement atteignent 1,152 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016.
Ma question sera donc double, monsieur le ministre. Comment renforcer les moyens du renseignement territorial afin que, dans chaque département, les SDRT dépassent une taille critique et disposent des moyens leur permettant d’assurer pleinement leurs missions ? Comment rendre plus lisible l’architecture budgétaire de cette mission pour que le contrôle parlementaire soit plus effectif ?
Monsieur le député, je veux vous rassurer sur les intentions du Gouvernement, ou plus exactement sur les recrutements déjà intervenus et les budgets déjà alloués au renseignement territorial. Comme vous le savez, au lendemain des attentats de janvier dernier, le Premier ministre a, sur la base des propositions que je lui adressées, engagé un plan de lutte antiterroriste destiné à compenser les effets de l’insuffisance, dans notre pays, depuis de nombreuses années, des moyens du renseignement dans un contexte de crise majeure.
Je serai précis. Nous avons décidé au mois de janvier dernier de créer 1 404 emplois, dont 500 au sein de la Direction générale de la sécurité intérieure, qui viennent s’ajouter aux 432 emplois programmés par mon prédécesseur dans le cadre du triennal pour le renseignement intérieur, et aux 12 millions d’euros de crédits hors T2 pour le renseignement intérieur. Ainsi, à la fin du quinquennat, alors que le précédent gouvernement avait supprimé 7 000 emplois dans les forces de police et 6 000 emplois dans les forces de gendarmerie, pour le seul renseignement intérieur, nous créons 1 000 emplois supplémentaires, auxquels s’ajoutent 12 millions annuels de crédits hors T2, soit 60 millions sur la durée du quinquennat.
Pourquoi avons-nous décidé de créer 500 postes supplémentaires dans le renseignement territorial ? Parce que la réforme du renseignement, à laquelle a procédé la précédente majorité à travers la suppression de la Direction de la sûreté du territoire et la création de deux antennes, s’est accompagnée d’une déflation considérable des effectifs, qui n’a pas permis au renseignement territorial de continuer à jouer son rôle de détection des signaux faibles. Ces 500 emplois se répartissent de la manière suivante : 350 dans le renseignement territorial de la police et 150 dans celui de la gendarmerie. Vous souhaitez que ces emplois soient placés au plus près du terrain : vous avez raison. C’est pourquoi nous avons voulu qu’ils soient créés, pour la police, dans les directions départementales de la sécurité publique, au plus près des acteurs de la sécurité publique, et dans les brigades pour la gendarmerie.
Pour atteindre les objectifs triennaux que j’ai évoqués, des recrutements ont d’ores et déjà eu lieu – j’ai indiqué les niveaux en commission élargie.
À ces efforts de créations d’emplois, au titre des crédits T2 et hors T2 pour la DGSI à hauteur de 12 millions d’euros, s’ajoutent 233 millions d’euros sur trois ans dans le cadre du plan de lutte antiterroriste. Ces crédits permettront à la fois de moderniser les dispositifs informatiques – j’ai évoqué le logiciel Cheops, la plate-forme Pharos ainsi que les systèmes d’information et de communication – et d’acquérir des véhicules, des moyens numériques et des matériels dont les services de renseignement ont besoin.
Nous procédons donc, après des années de rabotage des moyens des services, à un rehaussement très significatif.
Non, monsieur Marleix. Ces recrutements ne sont pas sur le papier ! Ces sujets ne supportent ni la mauvaise foi ni la malhonnêteté intellectuelle. Je vous donnerai le nombre précis de recrutements. Je conçois que vous soyez fort gêné d’avoir baissé les effectifs de la police et de la gendarmerie de 13 000 emplois et diminué les crédits des moyens hors T2 de la gendarmerie de 8 %.
Je comprends que vous soyez encore plus gêné de nous voir créer des emplois et augmenter les crédits. Toutefois, à un moment donné, les mensonges, la mauvaise foi ou l’approximation n’intéressent plus que les apparatchiks de votre organisation politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous en arrivons à une question du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Pascal Popelin.
Monsieur le ministre, j’ai eu l’occasion en commission élargie de donner mon sentiment sur les crédits de la mission « Sécurités » dans le projet de loi de finances pour 2016 et de saluer la poursuite de l’effort de redressement des politiques de sécurité engagé depuis 2012, effort dont les chiffes continuent d’attester qu’il constitue bien une priorité du Gouvernement, n’en déplaise à MM. Ciotti et Marleix.
Je souhaite vous interroger sur l’amendement important que vous présentez ce soir. Le contexte migratoire extrêmement tendu auquel est confrontée la France, comme l’Europe tout entière, depuis plusieurs mois, n’est pas sans conséquence sur l’activité de nos forces de l’ordre. Il l’est d’autant moins, à l’heure où policiers et gendarmes font déjà l’objet d’une mobilisation exceptionnelle pour assurer la protection de nos concitoyens contre toutes les formes de délinquance et contre une menace terroriste dont chacun sait qu’elle est très élevée.
Cet engagement sans précédent exigeait une réponse adaptée : tel est le sens et la finalité de l’amendement que vous avez présenté, monsieur le ministre, lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurités » le 29 octobre dernier par la commission élargie, et que la commission des finances a adopté. Cet amendement no 228 renforce en effet les moyens de la police et de la gendarmerie au titre de l’accueil des demandeurs d’asile, à hauteur de 42,5 millions d’euros supplémentaires.
Près de 70 % de ces crédits nouveaux, soit 28,7 millions d’euros au total pour les deux forces, seront affectés aux dépenses de personnel, pour le recrutement de 530 équivalents temps pleins supplémentaires dans la police et 370 de plus dans la gendarmerie. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions complémentaires sur le calendrier et la répartition de ces créations de postes entre les différentes unités opérationnelles qui en bénéficieront ?
Au-delà de ces dépenses de personnel inscrites au titre 2, pouvez-vous également nous éclairer sur la destination des 13,8 millions d’euros de crédits restants, sachant que l’amendement prévoit un abondement total de 42,5 millions d’euros ?
Monsieur le député, vous avez l’avantage de maîtriser parfaitement les chiffres et le sujet : c’est pourquoi votre question appelle de ma part une réponse extrêmement précise.
Pour mémoire, notre action en matière de lutte contre l’immigration irrégulière est particulièrement soutenue. Je veux rappeler que nous avons démantelé, depuis le début de l’année, près de 200 filières qui représentent 3 000 individus. Rien que dans le Calaisis, nous avons démantelé près d’une trentaine de filières, qui représentent 700 individus. Ces chiffres témoignent d’une augmentation de 25 % de l’activité de lutte contre l’immigration irrégulière cette année par rapport à l’année dernière – c’était déjà le cas en 2014 par rapport à 2013.
Compte tenu des contraintes qui pèsent sur les forces de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate et des nouveaux défis auxquels ces forces sont confrontées en raison de la crise migratoire, le Premier ministre a décidé d’abonder leurs effectifs de 900 équivalents temps plein. Afin que ce budget prévoie la totalité des sommes nécessaires au financement de ces créations d’emplois et qu’il n’y ait pas de décalage entre l’ambition que nous portons et les budgets que nous lui allouons, je présente un amendement no 228 , que vous avez évoqué dans votre question.
Cet amendement permet donc de financer 900 équivalents temps plein. Comment se répartissent-ils ? D’une part, 530 recrutements seront effectués dans les rangs de la police afin de renforcer les forces mobiles, les effectifs de la préfecture de police de Paris – en particulier les compagnies d’intervention et la direction du renseignement – et ceux de la direction centrale de la police aux frontières. D’autre part, 370 recrutements seront destinés au renforcement des escadrons de gendarmerie.
Ces recrutements supplémentaires impliqueront une adaptation de la formation initiale des forces de sécurité : des formateurs supplémentaires devront être recrutés et la capacité d’accueil des écoles devra être augmentée. Ils permettront également aux forces d’accroître leur capacité opérationnelle, afin d’assurer leurs missions de sécurisation des frontières et de lutte contre les filières d’immigration irrégulière, tout en préservant bien entendu leurs capacités de lutte contre le terrorisme et la délinquance.
Ils correspondent à un abondement de crédits de 22,6 millions d’euros pour la police et de 19,8 millions d’euros pour la gendarmerie.
Vous m’avez demandé le détail des 13,7 millions d’euros de crédits hors titre 2.
Pour la gendarmerie, 7,1 millions d’euros de crédits de fonctionnement sont ventilés ainsi : 2,9 millions d’euros de dépenses « sac à dos », c’est-à-dire de soutien aux personnels, qui intègrent notamment le fonctionnement courant, le carburant, l’alimentation et le transport ; 3,1 millions d’euros de dépenses d’hébergement et de logement ; 1,1 million d’euros de dépenses immobilières, qui correspondent notamment à l’installation de l’escadron de Rosny-sous-Bois et aux coûts liés à l’armement, à la protection et à l’intervention des véhicules.
Pour la police, les crédits de fonctionnement s’élèvent à 6,6 millions d’euros et se répartissent ainsi : 3,7 millions d’euros pour le soutien des personnels, comme pour la gendarmerie ; 1 million d’euros pour l’équipement de base ; 1,9 million d’euros pour la formation et les dépenses annexes.
S’agissant du calendrier, ces recrutements seront réalisés le plus tôt possible en 2016. Pour la gendarmerie, les deux tiers des 370 effectifs seront recrutés en janvier 2016, et le solde au 1er mars prochain. Pour la police, les 530 recrutements supplémentaires de gardiens de la paix seront lancés très précisément le 4 janvier, pour permettre le redéploiement de 530 effectifs dans les services bénéficiant du renfort au cours du premier semestre de l’année 2016, en fonction des sorties d’écoles et des mutations entre avril et juin 2016.
Nous terminons par une question du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Olivier Marleix.
Monsieur le ministre, depuis le début du mandat de François Hollande, à chaque budget, le Gouvernement nous annonce des hausses mirobolantes d’effectifs, avec une précision d’apothicaire, à l’emploi près. Avec le temps, la réalité apparaît tout autre, et vos plafonds d’emplois annoncés à la hausse semblent de plus en plus fictifs.
S’agissant de la gendarmerie, M. Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pointe chaque année avec une sincérité cruelle le décalage entre les plafonds autorisés et les effectifs réels, toujours inférieurs. En 2016, le trou sera de 2 000 emplois manquants.
S’agissant de la police, M. Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois, qui s’efforce toujours de vous être plus agréable, est tout de même bien obligé de concéder cette année, avec un peu de pudeur, que les effectifs sont « en deçà des plafonds ».
Quand on creuse, c’est assez édifiant ! Depuis trois ans, non seulement vous n’avez pas créé d’effectifs supplémentaires, mais vous avez même supprimé plus de 2 000 emplois dans les forces de l’ordre.
Je vous sens impatient, monsieur le ministre : je vais vous donner mes références. J’ai comparé la loi de règlement pour l’année 2011, la dernière année d’exercice complet de la précédente majorité, avec celle pour l’année 2014, la dernière qui vous concerne.
On découvre avec stupeur que les effectifs réels de la police et de la gendarmerie ont baissé précisément de 2 336 emplois. Je tiens naturellement ces chiffres à votre disposition, monsieur le ministre – d’ailleurs, ce ne sont pas mes chiffres, mais les vôtres, qui proviennent de vos rapports annuels de performance, si l’on peut employer ce terme !
À Dreux, par exemple, pourtant en zone de sécurité prioritaire, les fonctionnaires de police, qui étaient 106 lors de la création de cette ZSP, ne sont plus que 98 aujourd’hui. On n’était jamais tombé aussi bas ! Je vous invite, monsieur le ministre, à venir les compter avec moi.
Comme l’a déjà noté Éric Ciotti, la Cour des comptes dresse aussi ce constat accablant : « Malgré […] la volonté affichée de donner une visibilité accrue aux forces de l’ordre, la gestion suivie paraît obéir à une logique rigoureusement inverse. »
Alors, monsieur le ministre, où sont vos effectifs supplémentaires sur le terrain ? Ni les forces de l’ordre, ni les Français ne les voient. Il serait temps que ces effectifs ne soient plus seulement virtuels, plus seulement sur le papier, car la hausse de la délinquance et la menace terroriste sont malheureusement bien réelles.
À l’approche de la période de Noël, je vais vous offrir un boulier, monsieur Marleix.
Sourires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je vais même en acheter deux, car j’ai entendu Nicolas Sarkozy hier,
Mêmes mouvements
et je souhaite que vous puissiez tous les deux, à travers la redécouverte de cet instrument permettant un apprentissage minimal de l’arithmétique à l’école primaire,…
…accéder aux règles de calcul élémentaires permettant de lire un document budgétaire.
Vous prétendez que le budget de la mission « Sécurités » est insincère – c’est ce que vous avez affirmé à plusieurs reprises au cours des derniers jours. En termes d’effectifs, tout d’abord, je vais vous donner les bons chiffres.
Entre 2007 et 2012, le plafond d’emplois a été réduit de 12 653 postes pour la police, la gendarmerie et la sécurité civile, ce qui correspond à une baisse de 5 %. Entre 2012 et 2016, en tenant compte de l’amendement no 228 que je vous présenterai ce soir et qui prévoit en toute transparence la création de 900 équivalents temps plein supplémentaires dans la police et la gendarmerie afin de lutter contre l’immigration irrégulière, le plafond d’emplois de la mission « Sécurités » augmente, avant même la fin du quinquennat, de 4 819 postes.
Rien que pour 2016, la hausse par rapport à 2015 s’établit à 2 %, soit 2 014 équivalents temps pleins. Voilà pour les chiffres.
S’agissant des crédits budgétaires, c’est la même logique de renforcement au service de l’action qui prévaut. Entre 2007 et 2012, les crédits de fonctionnement et d’investissement ont été amputés de 15 %. À l’inverse, entre 2012 et 2016, le Gouvernement a accru les moyens de l’ensemble de la mission « Sécurités » de 2,4 %. Entre 2015 et 2016, cette hausse est de 1,6 %.
Contrairement à ce que vous avancez, avec une mauvaise foi absolument caractérisée,…
…c’est le précédent quinquennat qui a été particulièrement marqué par l’insincérité budgétaire. Différents rapports de la Cour des comptes l’ont d’ailleurs rappelé. Durant cette période, la politique du pouvoir en place, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, consistait à réduire drastiquement les moyens de fonctionnement et d’investissement des forces de sécurité…
…tout en achetant la paix sociale par le biais de mesures catégorielles extrêmement fortes. Au nom du respect dû à la parole de l’État, et afin d’assurer le redressement des finances publiques tout en donnant aux forces de l’ordre les moyens d’agir, le gouvernement actuel a fait le choix d’honorer ces engagements. C’est d’ailleurs pour cela que je vous appelle à voter l’amendement no 228 .
Quant à l’écart entre le plafond d’emplois voté et le plafond d’emplois exécuté, il est normal et même assez inévitable dans une certaine proportion. Il est d’ailleurs assez stable au fil des années. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à M. Larrivé en commission élargie – à moins que ce ne soit à vous-même, monsieur Marleix –, même lorsque le gouvernement est socialiste, les policiers recrutés sont formés.
Sourires.
Ce n’est pas la tradition à droite, mais chez nous, on fait comme cela !
Entre le moment où nous les recrutons et le moment où ils sont dans les brigades, ils sont dans les écoles. D’ailleurs, voilà ce qui montre que votre question est truffée de petits mensonges…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
J’ai parlé de « petits mensonges » : à chacun selon sa taille !
Sourires.
Regardons les choses de près. Permettez-moi de vous poser une question, monsieur Marleix, puisque vous semblez avoir beaucoup de science sur ces sujets : combien y avait-il d’élèves dans les écoles de brigadiers en 2012 ?
Vous n’avez pas l’air très au courant des chiffres, monsieur Marleix… Peut-être M. le président pourrait-il vous autoriser à répondre…
Il y en avait 488. Combien y en avait-il en 2013 ? 1 500. Combien d’élèves sont-ils sortis des écoles de police en 2015 ? 3 479. Ces chiffres sont absolument incontestables. Vous voulez voir des policiers ; or la meilleure manière de les voir, c’est de regarder les sorties d’écoles. Vous qui semblez si calé en arithmétique, expliquez-moi comment les effectifs dans la police peuvent diminuer alors que le nombre d’élèves sortis des écoles passe de 488 à 3 479 et que nous remplaçons absolument tous les départs en retraite.
Ce ne sont pas mes chiffres que vous avez cités, mais les vôtres, qui ont dû être concoctés du côté de la rue de Vaugirard, un soir obscur de bureau politique de votre organisation politique.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Non, les chiffres viennent d’un rapport annuel de performance publié dans le cadre de la dernière loi de règlement !
Les bons chiffres sont ceux qui figurent dans le budget, et non dans les plaquettes et les argumentaires politiques dont on connaît la portée.
Monsieur Marleix, monsieur Ciotti, vous avez parlé d’une augmentation des chiffres de la délinquance. Je vais vous envoyer demain matin, en même temps que le boulier, un rapport de l’Inspection générale de l’administration du ministère de l’intérieur, qui montre comment les statistiques de la délinquance ont été, pendant des années, frelatées,…
Ce n’est pas un rapport du Gouvernement, mais un rapport de l’Inspection générale de l’administration.
Non, monsieur Ciotti, c’était à votre époque : le rapport concerne les années durant lesquelles vous étiez aux responsabilités.
Sous mon autorité et celle de mon prédécesseur devenu Premier ministre a été créé un système statistique ministériel,…
…placé sous la responsabilité de l’INSEE, qui a mis fin aux errements comptables…
…dont vous êtes responsables et qui ont été pointés par l’Inspection générale de l’administration.
Vous avez de telles difficultés avec la sincérité des statistiques, notamment celles élaborées par l’INSEE, que le patron de votre parti a expliqué hier que la délinquance explosait, alors que les derniers documents du service statistique ministériel montrent exactement le contraire, sur les douze derniers mois.
Compte tenu de l’incurie de la politique que vous avez menée, vous êtes condamné à un seul et unique comportement :…
Or la mauvaise foi constitue, surtout dans cet hémicycle, une forme assumée de malhonnêteté intellectuelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous avons terminé les questions.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le ministre de la défense est arrivé dans notre hémicycle, en prévision de la discussion du deuxième texte inscrit à l’ordre du jour de cette séance. Vous avez constaté que j’ai laissé beaucoup de temps aux orateurs pour poser leurs questions et à M. le ministre de l’intérieur pour y répondre. Lors de l’examen des amendements, je pense que chacun conviendra qu’il faudra respecter notre règlement.
J’appelle les crédits de la mission « Sécurités », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement du Gouvernement.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 228 .
La parole est à M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la police, la gendarmerie et la sécurité routière.
Je souhaite rappeler que dans ce projet de loi de finances, 500 emplois ont été créés dans la police et la gendarmerie et 445 emplois pour le plan de lutte antiterroriste, soit au total, 945 emplois.
Le plan migrants présenté aujourd’hui par M. le ministre Bernard Cazeneuve représente 900 emplois. Ce qui représente au total, 1 845 emplois auxquels il faut soustraire 213 emplois, soit un solde net de 1 632 emplois créés par ce Gouvernement.
Et ces crédits vont être votés. À cet égard, je tiens à vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour le travail que vous accomplissez, ainsi qu’à l’ensemble des forces de sécurité qui ont un ministre qui est à leurs côtés et qui les soutient, comme l’ensemble du Gouvernement, dans leur tâche pour répondre à la demande de nos concitoyens en matière de sécurité.
Je rappelle que le présent amendement prévoit 230 effectifs de police répartis entre la direction générale de la police aux frontières et la préfecture de police qui est compétente en matière d’immigration clandestine à Paris et dans la petite couronne.
Alors qu’on était passé de 123 escadrons de gendarmerie mobile à 108 – je vous rappelle, messieurs de l’opposition que vous en aviez supprimé 15 –, cela permet d’en recréer un, normalement à Rosny-sous-Bois. Je note d’ailleurs que le Gouvernement a ajouté 1,15 million d’euros pour financer l’équipement de cette nouvelle unité.
Vous comprendrez dès lors que le rapporteur spécial que je suis donne un avis favorable à cet amendement.
L’amendement no 228 est adopté.
Les crédits de la mission « Sécurités », modifiés, sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » sont adoptés.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales (no 3188).
La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier nos collègues sénateurs, au premier rang desquels le président de la commission des lois, M. Philippe Bas, de la célérité avec laquelle ils se sont emparés de la proposition de loi que nous avions déposée, Philippe Nauche et moi-même, à l’Assemblée nationale le 9 septembre dernier. Délibérer ce soir sur les conclusions de la commission mixte paritaire est un véritable exploit.
Cette proposition de loi vise à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet dernier sur le projet de loi relatif au renseignement, qui avait censuré, sur la forme et non le fond, certaines des dispositions relatives aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales. Il fallait donc légiférer au plus vite pour tirer les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel et permettre aux services spécialisés de disposer du cadre légal indispensable à leur action.
Compte tenu de l’importance du sujet, qui touche aux libertés publiques, le président Bas avait souhaité que le Conseil d’État puisse être saisi d’une proposition de loi très similaire, afin que son avis éclaire les travaux parlementaires, comme l’article 39 de la Constitution le prévoit.
Cet avis a été rendu le 15 octobre dernier. La haute juridiction administrative a estimé que les conciliations opérées par le texte entre le respect de la vie privée, la garantie des droits fondamentaux et les impératifs de sécurité nationale étaient proportionnées et pertinentes. Aucun principe à valeur constitutionnelle n’est méconnu et la proposition de loi répond précisément aux griefs formulés par le Conseil constitutionnel en juillet.
Pour mémoire, je rappelle que la censure du juge constitutionnel ne reposait pas sur une atteinte portée aux droits et libertés, mais sur le fait qu’en tant que législateur nous n’avions pas été au bout de notre compétence en laissant trop de place au pouvoir réglementaire : les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés ainsi que les modalités de contrôle par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement – CNCTR – avaient ainsi été renvoyées à un décret en Conseil d’État.
L’essentiel du texte qui vous est soumis aujourd’hui « remonte » donc au niveau législatif des dispositions qui devaient être prises par décret. Outre par quelques différences rédactionnelles, le texte adopté par le Sénat différait principalement sur trois points du texte adopté par l’Assemblée nationale.
Premièrement, la délégation par le Premier ministre à ses collaborateurs. Deuxièmement, une disposition a été introduite pour assurer aux opérateurs de télécommunications que les opérations matérielles rendues nécessaires pour la mise en oeuvre des mesures prévues par le texte seraient réalisées par leurs agents, lorsque cela sera pertinent. Troisièmement, la durée de conservation des correspondances interceptées était limitée à dix mois à compter de leur première exploitation, et non douze mois, comme nous l’avions proposé.
Si la commission mixte paritaire, qui s’est réunie mardi, a validé les deux premières modifications introduites par le Sénat, elle a ramené à douze mois la durée de conservation des correspondances.
En effet, même s’il s’agit bien entendu d’une question importante en termes de libertés publiques, nous sommes convenus en CMP que nous manquions d’éléments sur les conséquentes pratiques d’une limitation à dix mois. Aussi, compte tenu de la sensibilité des questions relatives à la surveillance internationale, avons-nous estimé plus prudent de conserver une durée de douze mois, qui permet aux services de disposer d’un recul plus important pour analyser les données collectées.
La délégation parlementaire au renseignement, que je présiderai l’année prochaine, évaluera la pertinence opérationnelle de ce délai et pourra proposer, le cas échéant, de le réduire si nous estimons que cela est possible et ne met pas nos services en difficulté.
Pour conclure, je relève que, telle qu’elle est rédigée, la proposition de loi a été votée à une très large majorité en CMP. Elle fournit un cadre d’ensemble clair, équilibré et indispensable à la poursuite du travail de nos services de renseignement pour assurer la sécurité des Français et de notre territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la rapporteure de la commission mixte paritaire, mesdames et messieurs les députés, je souhaite rappeler l’importance de ce texte qui répondait à une urgence. Les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales parachèvent le travail global que le Gouvernement et le Parlement ont entrepris ensemble depuis 2012 sur le renseignement.
Je me félicite de la manière dont nous avons travaillé, une fois de plus de concert, pour répondre aux conditions de légalité posées par le Conseil constitutionnel – à partir d’un motif qui, je le rappelle, mais vous l’avez dit, madame la rapporteure, ne touchait pas au fond de la loi sur le renseignement voté par les deux assemblées.
Les points de divergence qui subsistaient entre la version votée par l’Assemblée nationale et celle votée par le Sénat étaient pour la plupart d’ordre rédactionnel. Ceux qui portaient sur le fond n’affectaient pas l’adhésion de chacun aux principes essentiels de notre action, et ne constituaient pas des pierres d’achoppement pour le Gouvernement. Ils concernaient essentiellement la question de la possibilité ou non pour le Premier ministre de déléguer sa décision en matière de désignation des réseaux de télécommunications susceptibles d’être interceptés et celle du réglage fin de la durée de conservation des correspondances interceptées. L’équilibre trouvé entre les deux chambres en CMP reçoit le plein soutien du Gouvernement.
Je tiens à remercier chaleureusement la présidente de la commission des lois et rapporteure de la CMP, Patricia Adam, ainsi que Philippe Nauche, qui sont à l’origine de ce texte, les sénateurs pour le travail qu’ils ont accompli et, plus largement, l’ensemble des membres de la commission de la défense nationale, qui se tiennent une fois de plus aux côtés de notre défense dans les difficiles défis qu’elle doit relever en cette période.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie mardi dernier a donc abouti, à l’unanimité moins une voix, à un texte équilibré que la rapporteure vient de nous présenter dans le détail.
Je tiens, par ailleurs, à faire un bref rappel de la genèse de cette proposition de loi. Le 23 juillet dernier, le Conseil constitutionnel valide l’essentiel des dispositions de la loi sur le renseignement mais censure les dispositions relatives aux mesures de surveillance internationale considérant que c’est à la loi d’autoriser et d’encadrer les techniques de renseignement.
En réponse aux exigences du Conseil constitutionnel et dans le but de compléter le dispositif prévu dans la loi sur le renseignement, la présidente Patricia Adam et moi-même avons donc déposé cette proposition de loi. La loi sur le renseignement a consolidé les évolutions entreprises ces dernières années pour mettre en place une véritable politique publique en matière de renseignement.
Chacun reconnaît bien évidemment la nécessité impérieuse de permettre à nos services de travailler dans le cadre de dispositions législatives autorisant et encadrant la surveillance des communications internationales, tout comme ils disposent d’outils sur le territoire national.
Le contexte international, avec le terrorisme, bien sûr, mais aussi les menaces sur les intérêts fondamentaux en matière d’industrie et de recherche, le développement des grands trafics internationaux ou encore les cyber-menaces, exige une attention de tous les instants.
Le continuum défense-sécurité, dans la réalité comme dans le cyber-espace, et la réalité concrète des menaces nécessitent de disposer de moyens d’action à l’international. Je suis convaincu qu’avec l’adoption de ce texte, nous donnerons à nos services les moyens de travailler dans un cadre et une sécurité juridique indispensables, tout en garantissant à nos concitoyens le respect de leurs droits et de leurs libertés.
C’est par la mise en place de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement que ce texte répond également aux inquiétudes légitimes de certains de nos concitoyens quant à la protection de la vie privée et au respect des libertés fondamentales. Cette institution est en effet dotée du pouvoir de contrôle de la légalité et, surtout dirais-je, de la proportionnalité des mesures prises et des moyens mis en oeuvre, ainsi que du pouvoir de saisine du Conseil d’État.
La délégation parlementaire au renseignement devra être mobilisée sur l’évaluation du fonctionnement de la CNCTR, des compétences qui sont les siennes, des moyens dont elle dispose, et de la façon dont elle peut exercer ses prérogatives au sein des services de renseignement. C’est en effet cette autorité administrative qui est le garant du respect de l’équilibre de ce texte.
Savoir, détecter, exploiter les renseignements, se protéger d’attaques de toute nature, être capable de riposter, fournir aux responsables de l’exécutif une autonomie d’appréciation, donc une autonomie de décision : tels sont les objets de cette proposition de loi.
Il faut surtout avoir conscience que la maîtrise du flux d’informations n’implique pas seulement le recueil d’informations brutes par des moyens techniques ou humains, mais nécessite leur interprétation en vue de leur exploitation. Il s’agit en effet d’apprécier la fiabilité et l’intérêt de ces informations. Ceci, nous le savons, ne peut être accompli que par nos personnels auxquels je tiens à rendre hommage.
Les hommes et femmes qui font la qualité du service public du renseignement français, ont besoin de ce texte qui est une des pierres de l’édifice complexe de notre défense et de notre sécurité. Les députés membres du groupe socialiste, républicain et citoyen l’adopteront.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, rapporteure de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour adopter les conclusions de la CMP qui s’est tenue mardi sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
C’est, comme vous l’avez souligné, dans une procédure rapide, le dernier volet, après la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet dernier, pour parachever l’édifice élaboré afin de mettre en oeuvre la loi sur le renseignement. Ce texte, le groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir l’a soutenu très majoritairement et je l’ai soutenu personnellement, car il était opportun dans un contexte de très grandes tensions et de très grands dangers pour notre nation et contient des dispositions pertinentes, utiles, nécessaires pour mieux protéger les intérêts supérieurs et vitaux de celle-ci.
Tout au long de la discussion du projet de loi relatif au renseignement, certains ont voulu artificiellement opposer liberté et sécurité. Nous nous sommes opposés avec force à ce raisonnement, car liberté et sécurité vont de pair et, sans sécurité, il n’y a pas de liberté. La première tâche régalienne des pouvoirs publics consiste sans doute à garantir le droit naturel et imprescriptible de chaque citoyen à la sûreté – c’est l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
L’État de droit implique de lutter avec la plus grande fermeté contre toutes les formes de criminalité, en particulier contre le terrorisme. Il est donc de notre responsabilité de législateur de concilier ces deux droits fondamentaux que sont la sécurité et la liberté.
En l’occurrence, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions clés de la loi sur le renseignement. Les juges constitutionnels ont ainsi validé les finalités de la mise en oeuvre des services, les techniques de renseignement, les autorisations accordées par le Premier ministre et les durées de conservation, mais ont censuré, comme vous l’avez rappelé, l’article relatif aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
Il s’agissait d’une censure essentiellement formelle. En l’absence de définition dans la loi des conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés et du contrôle effectué par la CNCTR, le Conseil constitutionnel a en effet estimé que le législateur n’avait pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.
La loi sur le renseignement devant entrer en vigueur au lendemain de la nomination du président de la CNCTR, il était important de légiférer au plus vite. Vous y êtes parvenus et c’est un relatif exploit, comme l’a souligné Mme la présidente.
Ce texte est important, car il s’agit de reconnaître l’action des agents qui, souvent au péril de leur vie – et il faut, une fois de plus, leur rendre hommage –, défendent la sécurité des Français et assurent la sûreté de notre diplomatie et de notre défense dans le monde.
Le compromis obtenu en commission mixte paritaire permet d’organiser de manière précise et efficace le travail de nos services, tout en garantissant les libertés publiques.
Sont ainsi concernées par le dispositif les communications émises à l’étranger par une personne utilisant un numéro ou un identifiant français et faisant l’objet d’une surveillance par interception de sécurité avant son déplacement à l’étranger, ou identifiée comme présentant une menace au regard des intérêts fondamentaux de la nation. C’est par exemple le cas d’un individu radicalisé connu des services et parti pour la Syrie. Cette surveillance porte à la fois sur les données de connexion et sur les correspondances.
Mes chers collègues, nous ne devons pas nous tromper : notre pays est en guerre contre le terrorisme et la loi sur le renseignement que nous avons votée en juillet constitue, malgré certaines imperfections et certaines lacunes que nous avons eu l’occasion de relever au cours des débats, un cadre d’intervention renouvelé, équilibré et pertinent.
À l’heure où ces menaces ne font que croître et où le retour d’individus potentiellement dangereux, formés et fanatisés, se précise et s’intensifie, il serait inconcevable que nos services n’aient pas les moyens juridiques et légaux d’obtenir les renseignements essentiels à la préservation de la paix et de la sécurité sur notre territoire.
Dans l’esprit de rassemblement et d’unité nationale qui a toujours guidé notre groupe face à la menace terroriste, nous approuverons donc ce soir les conclusions de la CMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense et rapporteure de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, aujourd’hui, avec l’adoption définitive de cette proposition de loi par notre Assemblée et par le Sénat, nous achevons un travail législatif fondamental pour l’intérêt de notre pays, afin d’assurer la sécurité de nos concitoyens et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation.
En effet, notre société a connu, en vingt ans, des bouleversements technologiques majeurs. Or, depuis la loi du 10 juillet 1991, qui avait légalisé les écoutes téléphoniques, notre législation n’avait été modifiée qu’à la marge, sans répondre à l’évolution spectaculaire des menaces. Dans le même temps, les criminels, les terroristes, les services de renseignement étrangers et les agences privées ont acquis des moyens de communication et des technologies sans commune mesure avec ce que la législation prévoyait pour les contrecarrer.
Certes, nos services s’étaient adaptés au fil des années, grâce d’une part à l’accroissement des moyens qui leur étaient dévolus, mais également grâce à une évolution de la jurisprudence de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.
Toutefois, le renseignement étant par excellence un acte de souveraineté, la mise en place d’un cadre législatif et réglementaire adapté était absolument nécessaire pour autoriser sans la moindre ambiguïté juridique des méthodes et des pratiques déjà utilisées par les services. Ce texte, attendu depuis longtemps, permet ainsi de renforcer les capacités des services de renseignement et d’asseoir leur légitimité.
En préparation depuis de nombreux mois, il a pris tout son sens à la lumière des terribles attentats qui ont ébranlé notre pays en janvier dernier. Il était en effet indispensable de prendre des mesures ambitieuses afin de faire face à la recrudescence de la menace terroriste, une menace diffuse, extérieure tant qu’intérieure, qui a pris de nouveaux visages.
Nous tenons à souligner le travail de qualité accompli sur ce texte lors des débats qui se sont déroulés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. L’accord obtenu entre les deux chambres est la preuve que, lorsque l’intérêt supérieur de la nation est en jeu, nous savons, majorité comme opposition, faire bloc pour avancer ensemble.
Des craintes ont cependant pu être formulées, notamment quant à la protection des libertés individuelles et des données personnelles de nos concitoyens, sujet d’autant plus sensible que les techniques ont évolué et peuvent aujourd’hui être invasives.
Nous avons entendu ces craintes, conscients que nous devions nous assurer que la loi ne puisse devenir, si elle venait à tomber dans des mains mal intentionnées, un instrument qui puisse porter atteinte à nos libertés fondamentales. Il était donc essentiel de trouver le juste équilibre entre la nécessité de garantir à nos concitoyens une politique efficace du renseignement, capable de les garantir contre les risques graves de déstabilisation ou d’attentats, tout en s’assurant que les moyens déployés ne conduisent pas à la mise en place d’un système abusivement intrusif.
Des garanties ont été apportées lors de l’examen du texte, tant pour s’assurer du respect de la vie privée et des droits fondamentaux que pour prévoir un contrôle efficace par la CNCTR. C’est pourquoi, sous certaines réserves, la majorité du groupe UDI a soutenu le projet de loi relatif au renseignement.
À la suite de l’adoption de celui-ci par le Parlement, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution ses dispositions clés : les finalités pour lesquelles les services spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques définies par la loi, la délivrance d’autorisations par le Premier ministre, les durées de conservation en fonction des caractéristiques des renseignements collectés et l’ensemble des dispositions de justice administrative qui régissent le contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement.
Il a, en revanche, censuré l’article relatif aux mesures de surveillance internationale. Le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas critiqué ces dispositions sur le fond, au regard des droits et libertés garantis par la Constitution, mais sur la forme. Il a ainsi jugé qu’en renvoyant à un décret de nombreux aspects de cet article, « le législateur n’a pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».
La proposition de loi de nos collègues socialistes reprend donc les principes édictés dans la loi votée par le Parlement, en les complétant avec précision pour répondre aux motifs de la censure du Conseil constitutionnel. Les garde-fous prévus dans la loi sur le renseignement y sont conservés, notamment en ce qui concerne la procédure d’autorisation par le Premier ministre, le contrôle de la CNCTR ou les conditions d’exploitation et de destruction des renseignements collectés.
L’interception et l’exploitation des communications feront ainsi l’objet de dispositifs de traçabilité définis par le Premier ministre et, comme pour les communications nationales, les renseignements collectés feront l’objet d’une centralisation. Les conditions de conservation des données seront également inscrites dans la loi.
Les dispositions de cette proposition de loi sont essentielles et nous nous félicitons de l’esprit de consensus qui a prévalu, une nouvelle fois, lors de nos travaux avec le Sénat, chacun s’accordant sur la nécessité de permettre à nos services de renseignement de surveiller efficacement les individus actifs à l’étranger, qui représentent une menace grandissante pour notre territoire national.
Les appels des terroristes à frapper la France se sont d’ailleurs multipliés ces dernières années, à la suite des opérations extérieures de la France au Mali et au Sahel, et de l’ampleur prise par Daech. Nous devons donc être en mesure de répondre à cette menace. La surveillance des communications internationales est une dimension à part entière et un aspect fondamental de notre politique de renseignement, sans laquelle il sera impossible d’assurer la protection de nos concitoyens.
C’est pourquoi le groupe UDI, dans sa grande majorité, comme il l’avait fait en première lecture, approuvera cette proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, madame la présidente de la commission de la défense et rapporteure de la commission mixte paritaire, nous sommes réunis ce soir en séance pour discuter à nouveau de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales, après la réunion de la commission mixte paritaire qui s’est tenue à son sujet, mardi dernier. Ce texte s’inscrit dans la législation récemment adoptée en matière de renseignement.
En juin de cette année le Parlement votait une loi importante sur le renseignement, qui constitue une avancée majeure pour l’État de droit. D’une part, en effet, elle définit des moyens d’action légaux en donnant aux services de renseignement des moyens à la hauteur des défis auxquels notre pays est confronté. D’autre part, elle offre plus de garanties pour les agents, qui évoluaient jusqu’ici dans un cadre juridique incertain, et pour les libertés publiques. Au total, donc, plus de sécurité pour les Français.
Notre pays doit faire face, en effet, à plusieurs menaces. En premier lieu, la menace terroriste. Protéiforme, celle-ci émane aussi bien de groupes évoluant à l’étranger que d’individus présents sur le territoire national. En France, 1 900 individus sont aujourd’hui recensés dans les filières terroristes et djihadistes dont 1 450 pour la Syrie et l’Irak. 770 individus sont effectivement allés sur place, 420 y sont toujours et, parmi eux, plus d’un sur dix a été tué. En deux ans, le nombre de départs a doublé. À cela, s’ajoute environ un millier de profils menaçants qui propagent sur Internet des messages ou des vidéos de haine et de soutien au terrorisme. Les attentats perpétrés en janvier dernier sur notre territoire ont souligné l’importance et l’urgence de cette réponse.
En plus de cette menace terroriste, la France doit aussi se protéger contre l’espionnage, le pillage industriel, la criminalité organisée et la prolifération des armes de destruction massive.
Cette loi renforce par ailleurs les moyens d’action des services spécialisés de renseignement, car garantir la sécurité des Français et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation exige un travail d’analyse et de détection des menaces qui pèsent sur le pays.
Cette mission, qui incombe aux services de renseignement, nécessite de les doter de moyens adaptés aux menaces.
En juillet dernier, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les principales dispositions de la loi, à savoir les finalités pour lesquelles les services spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques définies par la loi, la délivrance d’autorisations par le Premier ministre, les durées de conservation en fonction des caractéristiques des renseignements collectés ou encore l’ensemble des dispositions de justice administrative qui régissent le contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement.
Il a en revanche censuré l’article du code de la sécurité intérieure relatif aux mesures de surveillance internationale, au motif que « le législateur n’a pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. »
En effet, n’ont été définies dans la loi ni les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés en application de cet article, ni celles du contrôle par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement de la légalité des autorisations délivrées en application de cet article et leurs conditions de mise en oeuvre.
Ces dispositions n’ont donc pas été censurées en raison d’atteintes aux droits et libertés garantis par la Constitution, mais pour incompétence négative du législateur, le Conseil constitutionnel ayant estimé que le législateur n’avait pas épuisé sa compétence en renvoyant l’édiction de certaines règles encadrant ces techniques de renseignement au pouvoir réglementaire.
Contrairement à ce que la loi avait prévu pour les mesures de surveillance nationale, l’article renvoyait en effet à un décret en Conseil d’État la définition des conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés, ainsi que des conditions de traçabilité et de contrôle par la CNCTR.
Cette proposition de loi vise donc à inscrire au niveau législatif les dispositions qui devaient initialement figurer dans un décret en Conseil d’État. Le dispositif proposé reprend l’essentiel de celui relatif aux mesures de surveillance internationale adopté en juin dernier, en le complétant avec précision pour répondre aux motifs de la censure du Conseil constitutionnel.
Le nouvel article créé donc un cadre juridique spécifique pour les interceptions de communications électroniques émises ou reçues à l’étranger. Il prend en considération les activités que mène la Direction générale de la sécurité extérieure, sans y ajouter de capacités nouvelles. Il permettra ainsi de protéger les agents lorsqu’ils ont recours à une technique de renseignement visant un objectif étranger depuis le territoire national.
Par ailleurs, les conditions de recours à ces techniques seront les mêmes que celles prévues sur le territoire national, à savoir la protection des intérêts publics énumérés par le nouvel article du code de la sécurité intérieure.
La procédure d’autorisation prévue reprend celle du texte initial, qui a été validée par le Conseil constitutionnel : l’autorisation sera délivrée par le Premier ministre, sans avis préalable de la CNCTR, contrairement aux mesures de surveillance nationale. La nature des missions confiées aux services le justifie, puisqu’elle touche à un aspect régalien de l’action de l’État à l’étranger.
La proposition de loi précise désormais les conditions d’exploitation des renseignements collectés. Deux niveaux d’exploitation sont prévus et répondent au souhait du Conseil constitutionnel.
Tout d’abord, après une autorisation initiale du Premier ministre d’intercepter un système de communication, un premier niveau permettra d’autoriser l’exploitation non individualisée des données de connexion interceptées pour une durée d’un an. Concernant cette durée, nous serons attentifs aux conclusions que la délégation parlementaire au renseignement adoptera en 2016, comme cela a été évoqué en CMP mardi dernier.
Ensuite, un deuxième niveau d’exploitation permettra d’étudier les correspondances et données de connexion d’une zone géographique déterminée, d’organisations, personnes ou groupes de personnes, pour une durée de quatre mois.
Sont également précisées les conditions d’exploitation et de destruction des renseignements collectés. L’interception et l’exploitation des communications feront l’objet de dispositifs de traçabilité définis par le Premier ministre et, comme pour les communications nationales, les renseignements collectés feront l’objet d’une centralisation.
Les conditions de conservation des données sont aussi définies. Ces durées de conservation sont augmentées par rapport à celles applicables à la surveillance des communications nationales. Cette différence se justifie au regard des caractéristiques propres des communications internationales, essentiellement en langues étrangères.
Par ailleurs, dans de nombreux cas, la surveillance des communications électroniques internationales est le seul moyen d’obtenir ou de confirmer des informations, alors que, sur le territoire national, des moyens complémentaires d’investigation peuvent être mis en oeuvre. Enfin, les données recueillies permettent de remonter a posteriori les parcours individuels, après un attentat par exemple, et pour cela, un temps long est nécessaire.
Cette proposition de loi définit donc un cadre juridique strict pour les mesures de surveillance internationale. Elle permettra ainsi à nos services de renseignement d’assurer une surveillance optimale des communications internationales afin de contrecarrer les nombreux risques qui naissent à l’étranger et menacent de se matérialiser sur notre territoire. Par conséquent, et pour toutes ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste apportera son soutien à cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L’ensemble de la proposition de loi est adopté à l’unanimité.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 :
Mission « Conseil et contrôle de l’État » ;
Mission « Santé ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly