Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, après la loi de 2005 et la grande réforme de 2010, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner un projet de loi consacré à l’organisation des réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.
Au-delà de la loi, les réseaux ont connu ces dernières années des évolutions substantielles pour accompagner les transformations de leurs ressortissants. Tout au long des débats, souvent houleux et polémiques, sur les changements subis ou effectués par les réseaux eux-mêmes, une unanimité s’est dégagée pour reconnaître l’utilité des chambres dans notre pays. Les CCI et les CMA jouent en effet un rôle important dans nos territoires. Ce sont les organes pertinents pour la concertation entre la sphère économique et les pouvoirs publics. Ces chambres participent au soutien aux entreprises dans leur quotidien et dans les différentes étapes de développement qu’elles traversent. Elles assurent aussi, évidemment, une part significative de la formation et de l’insertion de nos jeunes sur le marché du travail, par l’apprentissage notamment.
Parallèlement à la régionalisation, les chambres consulaires ont pris une part conséquente aux efforts de maîtrise des dépenses publiques et au redressement de nos finances publiques, moyennant des prélèvements opérés sur leurs fonds de roulement et la baisse de la taxe pour frais de chambre. Ces efforts ont accéléré les processus de mutualisation des fonctions, de recentrage sur les missions prioritaires et d’adaptation aux besoins essentiels de leurs ressortissants.
En dépit de ces modernisations, nombreuses sont les chambres qui regrettent de manière générale une concertation insuffisante, une lisibilité pluriannuelle perfectible, un manque de reconnaissance comme corps intermédiaire pivot et l’absence d’accompagnement de la part des pouvoirs publics pour encourager les évolutions. Aujourd’hui, toutes les chambres sont confrontées – à des niveaux et des degrés très divers, je le concède – à des problèmes de gouvernance, de représentativité et de financement.
Il existe aussi un mécontentement de la part des personnels de ces organismes, dont le statut mériterait d’être amélioré et qui doivent faire face à des vagues de licenciements dans une grande partie des chambres.
De plus, l’application des différentes dispositions législatives, notamment celles de la loi de 2010, pose différents problèmes dont le rapport des sénateurs Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat fait état. Les incertitudes qui ont entouré la mise en place de la nouvelle taxe pour frais de chambre et l’absence de précision des textes réglementaires d’application ont largement retardé la mise en oeuvre d’une réforme parfois complexe et l’appropriation des changements par les acteurs.
Ensuite, en dépit de la nécessité d’une meilleure coordination des décisions économiques à chaque échelon pertinent, les réseaux consulaires connaissent une hétérogénéité et un éclatement préjudiciables en termes d’efficacité et, partant, de coût pour les entreprises comme pour les finances publiques.
Le présent projet de loi vise à répondre à ces enjeux pour renforcer la cohérence et la coordination de l’action des réseaux avec celle les régions, qui sont l’échelon compétent pour le développement économique.
La loi de 2010 de réforme des réseaux consulaires a constitué une étape majeure dans la rationalisation et l’organisation de chaque niveau d’action des chambres. Elle a réorganisé ces réseaux autour de pôles régionaux, en étendant les possibilités de regroupement de chambres et de mutualisation de fonctions, en renforçant les pouvoirs de gestion et d’animation des chambres de région et en créant un monopole de perception des ressources fiscales pour les chambres de niveau régional.
Ce projet de loi assez simple et court s’inscrit dans la continuité de cette réforme et vise à adapter les réseaux aux futures grandes régions. D’ailleurs, il reprend la plupart des dispositions adoptées pendant l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron » – articles 300 à 314 –, dispositions qui ont été ensuite censurées par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 5 août 2015, en tant que cavaliers législatifs.
À ce sujet, nous avons depuis plusieurs années une expérience certaine des censures du Conseil constitutionnel. Il est par ailleurs frappant de constater que celle-ci n’est quasiment jamais évoquée dans l’exposé sommaire du projet de loi – et seule une ligne lui est consacrée dans l’étude d’impact.
Ces articles ont été censurés le 5 août dernier pour non-respect de la conformité des procédures d’adoption de la loi. Le Conseil constitutionnel, estimant que ces articles, qui avaient été introduits au Sénat sous forme d’amendements du Gouvernement en mars 2015, avaient été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution, les a donc censurés.
Nous pouvons avoir des débats sur le fond à propos de l’éventuelle fragilité constitutionnelle de certaines dispositions ou rédactions législatives – d’ailleurs les meilleurs experts de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, y compris au sein du Conseil d’État, débattent aussi entre eux et s’opposent régulièrement sur la constitutionnalité de certaines mesures législatives – mais sur des questions de procédure, de « cavalerie », à l’heure où le temps parlementaire est précieux, nous ne pouvons plus nous permettre de multiplier ce type d’erreur.
Tous les gouvernements et tous les groupes parlementaires sont déjà tombés dans le piège. Il ne s’agit pas de jeter l’anathème sur tel ou tel, mais nous devrions en tirer des leçons sur notre façon de légiférer en urgence. S’agissant des censures pour cause de manquement à la procédure, il serait appréciable de donner désormais des consignes strictes aux services, dans les ministères comme dans les deux chambres parlementaires, pour qu’ils redoublent de vigilance face aux risques constitutionnels de forme.
Car ces censures nous contraignent à réexaminer aujourd’hui un projet de loi pour quelques articles qui ont déjà été adoptés il y a plusieurs mois.
Sur le fond, le projet de loi contient des dispositions destinées à apporter des précisions et des correctifs à la loi de 2010 afin de tenir compte des retours d’expérience et des enseignements tirés de cinq ans d’application de la réforme ainsi que de l’évolution du paysage institutionnel, notamment de la carte des régions.
Ces mesures vont dans le sens des propositions du rapport sénatorial d’application de la loi de 2010, dont une des recommandations principales consiste à demander des précisions législatives quant à la définition et à la mise en oeuvre de la stratégie régionale du réseau des CCI.
Concernant les CCI, le projet de loi rend ainsi opposables les schémas directeurs élaborés par les CCIR. Il crée un nouveau schéma régional d’organisation des missions, également opposable, et étend les possibilités de fusion entre chambres de commerce et d’industrie départementales.
Ces mesures, qui ont été demandées par de nombreuses chambres, notamment lors des auditions réalisées par la mission d’évaluation et de contrôle, permettront de favoriser la rationalisation du réseau et de renforcer son échelon régional, ce qui d’ailleurs n’est pas sans présenter certains risques, liés à la perte d’une connaissance fine du tissu économique local.
En effet, avec de grandes régions aux territoires parfois baroques, l’échelon départemental retrouve une forme de pertinence pour offrir des prestations plus adaptées à la réalité de l’économie locale.
Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, dont l’attachement au département n’est pas une nouveauté, craignent que l’éloignement inévitable de la CCI régionale entraîne une perte de connaissance des spécificités locales. Mon collègue Joël Giraud vous dirait qu’il n’est pas persuadé que les experts marseillais soient les meilleurs spécialistes de l’économie montagnarde locale du bassin de Briançon…