Je me permets de donner un avis en tant que législateur, mais aussi en tant qu’ancien praticien du financement d’une campagne présidentielle. Je salue l’objectif louable de transparence de ce nouvel article introduit par le rapporteur. Les modalités de transmission et de publication mensuelles des dépenses de campagne des candidats aux élections présidentielles peuvent néanmoins poser de sérieuses difficultés. Elles en poseront, d’abord, à la Commission nationale des comptes de campagne, qui risque de ne pas disposer des moyens humains et matériels suffisants pour assurer cette obligation.
Elles en poseront, ensuite, pour interpréter la date à laquelle les candidats devront transmettre les documents. Si l’obligation ne s’impose qu’à partir du moment où un candidat est officiellement déclaré, date qui est la seule vérifiable, les dépenses de campagne qu’il aura pu faire avant l’officialisation de sa candidature ne feront donc pas l’objet de cette transmission mensuelle, ce qui imposera une différence de traitement entre les candidats. Enfin, elles posent la question des contraintes qu’elles peuvent faire peser sur les équipes de campagne des candidats. Par exemple, si elle est stratégique, la publicité des dépenses de campagne peut porter préjudice aux candidats.
Cela représente aussi une contrainte pratique et matérielle importante, surtout pour les comptes de campagne présidentielle qui représentent un volume de documents comptables très importants, de plusieurs dizaines de cartons, et des sommes significatives, entre 8 et 20 millions d’euros, dans un laps de temps extrêmement réduit sur l’ensemble du territoire. Peu d’entreprises ou de prestataires pourraient produire tous les mois un compte de résultats détaillant, dépense par dépense, les informations demandées dans la proposition de loi. Même si la disposition semble louable, cela imposerait de composer des équipes ad hoc pléthoriques, ce qui entraînerait des coûts comptables significatifs qu’il faudrait intégrer dans les comptes de campagne.
Dans ces conditions, le travail de recueil proposé ne peut se faire dans des délais aussi courts. Cette proposition n’est donc malheureusement pas réaliste.