Intervention de Erwann Binet

Séance en hémicycle du 31 mars 2016 à 15h00
Information de l'administration et protection des mineurs — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, mes chers collègues, il ne nous aura fallu que quatre mois pour que ce projet de loi parvienne au terme de la procédure parlementaire. Cette célérité trouve évidemment sa source dans le consensus qui a régné sur tous les bancs de notre assemblée, et sur tous les bancs du Sénat, pour mettre fin aux faits divers sordides qui, trop souvent, défraient la chronique.

Je n’ai pas besoin de rappeler les deux affaires qui, au début de l’année 2015, avaient révélé, à la grande émotion de chacun, les drames permis par les déficiences de notre droit et dont des écoliers ont été tristement victimes. En tant qu’hommes et femmes, nous exprimons notre compassion et notre solidarité avec les familles. En tant que législateurs, nous avons une responsabilité plus grande : parfaire la loi, corriger ses imperfections, circonvenir les risques. Pour ces familles, et notamment celles de Villefontaine auxquelles je pense d’abord aujourd’hui, le temps a été bien long jusqu’à ce jour.

Nous avions pourtant essayé d’aller au plus vite, par voie d’amendements à la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dite loi DDADUE, durant l’été 2015. Le Conseil constitutionnel ne l’avait pas admis pour des raisons formelles. C’est donc un projet de loi en bonne et due forme, présenté en conseil des ministres le 25 novembre, que l’Assemblée nationale avait adopté le 8 décembre dernier. Je tiens à saluer, madame la ministre, votre engagement en faveur de ce texte afin qu’il aboutisse rapidement.

Le Sénat a procédé avec le même soin et la même volonté d’action, sur le rapport de M. François Zocchetto que je tiens à remercier, ici, pour la qualité de nos travaux. Le 26 janvier dernier, les sénateurs adoptaient à leur tour le projet de loi.

Il me revient de vous exposer le sens de l’accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire sur les trois articles demeurant en discussion.

Je commencerai par le dernier, l’article 3, qui traite du code de l’action sociale et des familles. Le Sénat a renforcé la surveillance des départements sur les personnes partageant le domicile des assistants maternels, en permettant la consultation du bulletin no 2 du casier judiciaire et non plus seulement du bulletin no 3. Nous avons approuvé cette évolution avec, je le précise, le soutien des députés de l’opposition particulièrement engagés sur cette disposition – Guy Geoffroy et Claude de Ganay.

Une divergence entre députés et sénateurs existait pour les deux dispositions restantes.

À l’article 1er A, le Sénat avait rendu systématique, sauf décision motivée contraire, la peine d’interdiction de travail au contact des mineurs pour toute personne condamnée pour agression sexuelle. C’est un point auquel l’Assemblée nationale s’est opposée : notre ligne de conduite est que les tribunaux prononcent des peines. La rédaction du Sénat prévoyait que les tribunaux prononcent une absence de peine. Nous avons donc obtenu la suppression de l’article 1er A.

À l’article 1er, nous avions prévu une information de l’administration en cas de condamnation d’un agent, en cas de poursuite ou de mise en examen, et dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre à la condition, dans ce dernier cas, de l’existence d’indices graves et concordants comme le Conseil d’État l’avait suggéré dans son avis.

Le Sénat a approuvé les deux premières hypothèses. Mais il a estimé qu’agir dès la garde à vue ou l’audition libre portait une atteinte excessive à la présomption d’innocence.

Il est vrai que, s’il existe des indices graves ou concordants d’une agression, la mise en examen ou la poursuite doit être immédiate. En outre, la décision de communication du procureur de la République à la source de sanctions administratives aurait pu être indirectement contestée devant le tribunal administratif, ce qui aurait soulevé un problème considérable en termes de compétence contentieuse. Mais surtout, si une suspension conservatoire ne fait pas grief en droit, elle a des conséquences dans la réalité. Une personne écartée pour suspicion de pédophilie voit sa carrière, sa famille, sa vie, brisées. Notre prudence ne doit pas être à sens unique et l’on sait que les autorités sont régulièrement destinataires de dénonciations malveillantes et fantaisistes. La CMP a donc admis la position sénatoriale sur l’article 1er.

D’autres modifications mineures ont été apportées. Je veux évoquer seulement ici celles qui concernent la liste des infractions donnant lieu à communication automatique. La CMP a retenu tous les cas de harcèlement sexuel et non les seules infractions sur mineur de quinze ans. Elle a en revanche retiré le délit d’exhibitionnisme, puni de seulement un an d’emprisonnement et dont le coupable n’est pas uniquement le pervers en imperméable à la sortie de l’école ; c’est aussi celui qui se promène nu chez lui et qui est aperçu par la fenêtre. Adresser un signalement à l’employeur a du sens dans le premier cas – le texte le permet d’ailleurs – mais il n’en a guère dans le second, convenons-en.

Telles sont les bases du compromis, acceptable par chacun, auquel est parvenue la commission mixte paritaire. J’engage l’Assemblée nationale à l’adopter pour que ce texte puisse entrer en vigueur au plus tôt. Nous le devons pour signifier notre soutien aux victimes, et surtout pour empêcher la répétition de faits que nous ne voulons plus revoir sur le territoire de la République.

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