Le groupe UDI se félicite de l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi de Catherine Tasca, qui avait été précédemment examinée par notre assemblée en novembre, dans le cadre de la journée réservée à l’ordre du jour fixée par notre groupe. Nous saluons également le travail de notre collègue et rapporteur Philippe Gomes, qui a su défendre ce texte avec conviction et a recueilli une approbation unanime de l’ensemble des groupes en commission.
Alors que nos débats dans cet hémicycle donnent plus souvent l’occasion de traiter des sujets institutionnels et politiques, ce texte constitue l’une des rares occasions d’évoquer l’aspect économique de la Nouvelle-Calédonie.
Le secteur économique de la Nouvelle-Calédonie, comme celui de l’ensemble des îles ultramarines, est aujourd’hui marqué par une concurrence amoindrie pour la fourniture des biens et des services. Parmi d’autres facteurs, tels que l’insularité, l’éloignement, une énergie chère ou des frais bancaires et postaux élevés, la concentration excessive des activités économiques contribue de manière très significative à la cherté de la vie.
Cette dernière est devenue l’un des freins les plus importants au développement économique et social des outre-mer. Cette situation est flagrante dans deux secteurs essentiels pour l’économie du pays : la grande distribution et le secteur automobile. Dans la première, 80 % des surfaces commerciales sont dans les mains de deux groupes. De même, 80 % des concessions automobiles sont contrôlées par deux entités.
Dans ce contexte, l’instauration d’une véritable concurrence libre et non faussée, qui suppose la création d’une autorité administrative indépendante de la concurrence, est une revendication récurrente de la société civile. Elle est une mesure indispensable pour rétablir un équilibre économique dans ce territoire.
Consciente de cette nécessité, la Nouvelle-Calédonie a peu à peu procédé à une modernisation de son droit de la concurrence. Le 24 octobre 2013, elle a adopté une loi du pays, dite « loi antitrust », qui vise à éviter les concentrations excessives, préjudiciables à la modération des prix dans une économie insulaire.
Confier ainsi la responsabilité d’appliquer le droit local de la concurrence à une autorité administrative indépendante appelait une modification de la loi organique statutaire du 19 mars 1999. Le Parlement a ainsi permis, par l’adoption de la loi organique du 15 novembre 2013, de doter le Congrès de la Nouvelle-Calédonie de la faculté de créer un organe exerçant des compétences normalement dévolues au gouvernement local.
La loi du pays du 24 avril 2014 a prévu la création d’une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie au statut d’autorité administrative indépendante, qui « veille au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie et au fonctionnement concurrentiel des marchés ».
Au cours de la discussion de la loi organique du 15 novembre 2013, le Parlement s’est, à juste titre, attaché à fixer les conditions de l’indépendance et de l’impartialité des membres appelés à siéger au sein des autorités administratives indépendantes de la Nouvelle-Calédonie. En premier lieu, le Sénat a inscrit le principe de l’irrévocabilité du mandat de tout membre de ces autorités. Il a également prévu que le gouvernement local ne pouvait procéder à la nomination d’un membre d’une autorité administrative indépendante que si le Congrès de la Nouvelle-Calédonie approuvait cette candidature.
Puis, dans le même esprit, notre assemblée a soumis les membres de cette autorité à un régime d’incompatibilité strict. C’est ainsi que, dans le droit actuel, « la fonction de membre d’une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation ».
Ce régime d’incompatibilité a conduit à la situation de blocage que nous connaissons aujourd’hui. Plus de deux ans après l’adoption de la loi organique du 15 novembre 2013, en dépit d’un réel consensus sur le sujet, la Nouvelle-Calédonie n’est pas en mesure de créer une autorité administrative indépendante.
À la différence du président, qui peut vivre de ses seules indemnités, les membres non permanents doivent pouvoir exercer, en parallèle, un emploi rémunéré à plein-temps. En effet, on peut aisément comprendre que des magistrats ou professeurs d’université dont la présence serait utile au sein d’une autorité administrative indépendante ne soient pas prêts à abandonner entièrement leur emploi pour en devenir membres.
Notre collègue et rapporteur Philippe Gomes a appelé à plusieurs reprises l’attention du Gouvernement et du Parlement sur les conséquences de ce régime d’incompatibilité. Il avait déposé, en 2013, un premier amendement dont l’objet était de limiter les emplois publics incompatibles avec la fonction de simple membre d’une autorité administrative indépendante aux seuls emplois « au service de la Nouvelle-Calédonie, d’une collectivité locale ou d’un établissement public local ». Puis, en juillet dernier, lors de l’examen de la loi organique du 5 août 2015, il avait déposé un autre amendement, de nouveau rejeté. Mme la ministre des outre-mer avait invité le Parlement à se saisir de cette question, d’où le dépôt de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
L’objectif de ce texte est simple : mettre fin à cette situation de blocage, en limitant l’incompatibilité applicable aux membres d’une autorité administrative indépendante aux seuls emplois publics placés sous l’autorité des institutions et des communes de la Nouvelle-Calédonie. Il sera ainsi possible de faire appel à des fonctionnaires ou contractuels employés sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie mais n’exerçant pas sous l’autorité des institutions et communes de cette dernière. Je pense à des magistrats, des conseillers du tribunal administratif ou encore des conseillers de la chambre territoriale des comptes.
La rédaction du texte que nous avons sous les yeux tient compte des recommandations du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Le président de l’autorité de la concurrence exercera sa fonction à plein-temps, et celle-ci sera incompatible avec tout autre emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie. Quant aux membres non permanents, ils pourront exercer un autre emploi public, à condition que celui-ci ne relève pas des institutions, des provinces ou des communes de la Nouvelle-Calédonie, ni de leurs établissements publics. Ils ne devront pas non plus avoir occupé un tel emploi au cours des trois années précédentes.
Mes chers collègues, nous avons laissé s’écouler beaucoup de temps entre l’adoption de l’amendement qui a instauré ce régime d’incompatibilité et cette proposition de loi. Du temps préjudiciable aux Calédoniens qui pâtissent au quotidien de la cherté de la vie. Cette modification sonne l’aboutissement d’un long parcours pour parvenir enfin à la création d’une autorité locale de la concurrence.
Nous nous réjouissons de l’adoption de ce texte, tant attendu de l’ensemble de la population calédonienne. Bien évidemment, le groupe UDI votera en faveur de cette proposition de loi.