Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Séance en hémicycle du 26 avril 2016 à 15h00
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Madame la présidente, monsieur le ministre de la justice, mes chers collègues, le projet de loi soumis au vote de notre Assemblée aujourd’hui est, comme l’a souligné le garde des sceaux, un texte de rassemblement. En effet, au-delà de tout clivage politique, il met en relief une valeur commune à tous les démocrates : l’indépendance de notre justice, élément essentiel du pacte républicain sans lequel la confiance de nos concitoyens en la justice ne sera pas rétablie. Le garde des sceaux l’a noté, ce texte est juste et équilibré ; sa rédaction simple, lisible, limpide et compréhensible permet de donner une garantie constitutionnelle supplémentaire à l’indépendance de la justice et particulièrement des magistrats du parquet.

Dans son article 1er, le texte dispose que le Conseil supérieur de la magistrature concourt à garantir cette indépendance dont par ailleurs le Président de la République est gardien aux termes de la Constitution. Pour concrétiser plus encore cette indépendance, l’article 2 dispose que les magistrats du parquet sont nommés sur avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet. En inscrivant ce principe dans la loi, nous allons mettre un terme aux aléas qui ont pu caractériser les pratiques gouvernementales successives.

Au cours de l’actuelle législature, le garde des sceaux, fonction successivement occupée par Christiane Taubira et Jean-Jacques Urvoas, s’est conformé scrupuleusement aux avis donnés par le CSM ou s’est engagé à le faire, comme l’avaient fait auparavant des ministres appartenant à des gouvernements de droite comme de gauche. Cependant, dans des circonstances parfois très polémiques, d’autres ministres sont passés outre cet avis, entamant du même coup la légitimité du Conseil supérieur de la magistrature. C’est pour mettre un terme à cette instabilité préjudiciable tout autant à l’exécutif qu’aux acteurs de l’autorité judiciaire que nous voulons inscrire dans la loi ce qui constitue un vrai progrès.

Ce dispositif doit nous rassembler ici, parce qu’il fait consensus entre les deux chambres – vous l’aviez rappelé au cours de nos débats, monsieur le garde des sceaux – et n’a jamais été sérieusement contesté parce qu’il correspond à une évolution souhaitée par tous. Dans nos rangs respectifs, des éminentes personnalités politiques ont souligné l’intérêt d’inscrire dans la loi cette nomination sur avis conforme, que le Sénat a effectivement validée dans les mêmes termes que notre assemblée.

Si, notre collègue Marc Dolez vient de l’évoquer, notre regret est immense de n’avoir pu porter la réforme du Conseil supérieur de la magistrature tant attendue et tellement nécessaire que nous avions envisagée, le dispositif soumis à notre vote constitue néanmoins, ainsi que nos débats l’ont révélé, un pas supplémentaire sur le chemin d’une justice indépendante. Nous savons que cette condition participe du regard que portent nos concitoyens et justiciables sur la justice. Nous savons aussi, notamment par les avis que la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de cassation ont rendus à leur sujet, que les magistrats du parquet occupent une position complexe. Ils doivent exercer de manière indépendante tout en étant par ailleurs acteurs de la politique pénale que conduit le Gouvernement – article 20 de la Constitution – et qu’exprime le garde des sceaux – article 30 du code de procédure pénale. Tout cela est bien clair, je tenais à le souligner.

C’est pourquoi cette réforme n’est ni anodine ni accessoire. Elle est essentielle pour le respect de la séparation des pouvoirs, essentielle pour la pérennité de notre État de droit, essentielle pour donner tout son sens à la justice de notre pays et pour faire progresser et triompher l’intérêt général. Le groupe socialiste votera donc bien évidemment ce texte et invite chacun d’entre vous à lui apporter son soutien par son vote, en se gardant des postures partisanes afin de préserver ce consensus.

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