La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la disparition d’Anne Grommerch, députée, depuis 2008, de la neuvième circonscription de la Moselle.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.
Notre regrettée collègue a été emportée, à l’âge de quarante-cinq ans, par le cancer contre lequel elle luttait avec un courage qui forçait l’admiration de chacun. Nous garderons d’elle le souvenir d’une parlementaire engagée, d’une élue profondément attachée à son territoire et à sa ville, Thionville, d’une femme volontaire, forte de ses convictions qu’elle mettait au service de ses concitoyens. Membre de la commission des affaires économiques, elle s’était fait une spécialité des questions industrielles et notamment de celles liées à la sidérurgie. Son engagement manquera à notre hémicycle.
Je prononcerai son éloge funèbre lors d’une prochaine séance, mais en hommage à notre collègue disparue, j’invite d’ores et déjà l’Assemblée à observer une minute de recueillement.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre de l’écologie, le droit à un environnement naturel sain et équilibré est un droit humain garanti par la Constitution. En Seine-Saint-Denis, pourtant, ce droit est remis en cause.
Après les craintes sur le parc de La Courneuve, c’est l’avenir des 137 hectares du parc forestier de la Poudrerie qui est menacé. La convention liant l’État, la région et le conseil départemental arrive à échéance fin 2016 et à ce jour, son renouvellement est bloqué. Certaines des parties refusent de renouveler leur participation financière, qui est pourtant indispensable à l’entretien et à la rénovation du parc.
Dans un territoire abritant une population modeste et comptant quatorze quartiers prioritaires, ce parc est un patrimoine commun qui a vu grandir des générations d’enfants. Il est, pour beaucoup de familles, le principal lieu de loisirs pour les vacances et les fins de semaine.
Ce site Natura 2000, le seul de France situé en territoire urbain, mérite la mobilisation des pouvoirs publics. L’État, propriétaire de ce parc, doit prendre ses responsabilités, à la fois pour rénover les bâtiments, et, au nom du principe « pollueur-payeur », pour mener la nécessaire dépollution de ce parc qui abritait l’ancienne poudrerie nationale. La Seine-Saint-Denis dispose de deux fois moins d’espaces verts que Paris ou les Hauts-de-Seine. Fermer ce parc au public est donc, naturellement, impensable !
J’ai réclamé, ici même, dans cet hémicycle, et à plusieurs reprises, l’égalité entre les territoires, notamment entre la Seine-Saint-Denis et les autres départements de la région parisienne. Madame la ministre, j’attends de l’État qu’il s’engage financièrement pour la sauvegarde de ce patrimoine vert d’exception à rayonnement métropolitain.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le député, vous m’interrogez sur le parc forestier de la Poudrerie. Ce parc de 137 hectares se situe à cheval sur les communes de Villepinte, Sevran, Livry-Gargan et Vaujours. Il offre au public une très grande diversité d’activités en rapport avec l’environnement. C’est un site Natura 2000, un site classé qui est le poumon vert de la Seine-Saint-Denis.
Ce parc reçoit chaque année un très grand nombre de visiteurs, comme vous l’avez dit. Je suis évidemment attachée à ce que cette fréquentation perdure. Comme vous l’avez indiqué, une partie des sols du site est polluée, notamment du fait de la production de poudre qui y avait lieu auparavant.
Ce parc a fait l’objet d’une convention, associant notamment l’État et le conseil départemental, convention qui arrive à expiration en 2016. Des discussions sont en cours entre le conseil départemental et l’État à propos de l’avenir de ce site. À ma connaissance, l’hypothèse d’un rachat du terrain par le conseil départemental est toujours à l’étude. Les termes de cette transaction sont en discussion ; il importe que toutes les parties prenantes – les différents services de l’État, le conseil départemental – contribuent à rechercher une solution.
Il faut, en effet, tenir compte des coûts de dépollution. Ainsi, nous pourrons maintenir ce site très apprécié ouvert au public. Je serai attentive à cette question.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Cameroun-France de l’Assemblée nationale de la République du Cameroun, conduite par son président, M. Ndongo Essomba.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de l’intérieur, le terrorisme djihadiste nous a déclaré la guerre. Cette guerre nous est menée avec une stratégie nouvelle : la tuerie de masse planifiée. Elle nous est menée avec des modes opératoires nouveaux : attentats-suicides, attentats coordonnés sur plusieurs sites. Il faut tirer les conclusions de ce nouvel état de fait.
Première conclusion : en temps de guerre, il faut gagner la guerre du temps. La nécessité d’intervenir au plus vite doit donc primer afin de sauver un maximum de vies.
Deuxième conclusion : dans ces temps de guerre nouvelle, on ne peut plus faire la guerre d’antan. Il nous faut donc une nouvelle doctrine d’action et d’intervention, mais aussi des moyens humains et matériels supplémentaires.
Troisième conclusion : en temps de guerre, la guerre des polices doit être d’un autre temps. Cela exige que la complémentarité l’emporte sur la rivalité, et que l’on applique la règle dite des « six C » : commandement unique, cohérence dans la répartition des unités, coopération entre elles, coordination des compétences territoriales et des capacités rares des différents groupes.
Monsieur le ministre, à conclusions nouvelles, réponses nouvelles ! Ma question est simple : quelles décisions comptez-vous prendre ?
Puisqu’il me reste quelques secondes de temps de parole, je veux redire toute mon admiration aux policiers et aux gendarmes pour leur courage et leur dévouement.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous voyons resurgir les éternels casseurs de flics, ceux qui crachent, au propre comme au figuré, sur les forces de l’ordre. Je leur conseille d’écouter Renaud, car même lui embrasse les flics, et il a bien raison ! En ces jours tragiques, ils ont été les vaillants défenseurs de notre liberté, ils ont été l’honneur de la France.
Applaudissements sur les mêmes bancs.
Monsieur le député, je m’associe aux remerciements que vous venez d’adresser aux forces de l’ordre, qui interviennent dans un contexte particulièrement difficile, lié notamment à la menace terroriste, à des formes de radicalité violente face auxquelles ils se tiennent en première ligne.
Ils accomplissent leur mission avec beaucoup d’engagement, de courage et de bravoure ; pour cela, ils méritent mieux que des campagnes abjectes, organisées par des structures, des organisations, qui sont constamment dans la posture.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Vous m’interrogez sur les mesures que nous prenons, sur l’organisation que nous avons retenue, pour faire face au risque terroriste. Depuis le mois d’octobre dernier, dès avant les attentats du mois de novembre, à l’initiative du Président de la République et du Premier ministre, nous avons décidé de réorganiser totalement nos forces pour faire face à des tueries de masse. Cela implique, tout d’abord, d’augmenter très significativement les effectifs de la police et de la gendarmerie : 9 000 emplois ont ainsi été créés au cours du quinquennat.
Deuxièmement, nous avons décidé d’augmenter de 17 % les crédits de fonctionnement de la police et de la gendarmerie, alors qu’ils avaient diminué à due proportion dans une période récente. Ces investissements permettent d’équiper les BAC, les brigades anti-criminalité, ainsi que les équipes de sécurité publique et les forces spécialisées en véhicules, en armes, en moyens de protection. Pour ce qui concerne les BAC et les PSIG, les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie nationale, toutes les forces seront équipées d’ici la fin du mois de juin.
Nous avons décidé d’articuler les modes d’intervention de toutes ces forces de sorte qu’elles puissent intervenir en vingt minutes en cas de tuerie de masse. Pour cela, il faut implanter sur le territoire national dix-neuf unités du GIGN, du RAID, et de la BRI.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur, mais je voudrais d’abord m’associer à l’indignation de notre collègue Olivier Falorni concernant cette ignoble campagne de diffamation contre nos policiers.
Monsieur le ministre, la place de la République, qui symbolise tant les valeurs démocratiques et républicaines célébrées depuis toujours par les Parisiens, représente par excellence un haut lieu d’expression des libertés d’opinion et de manifestation. Or, succédant à des mouvements d’opposition à la loi El Khomry plutôt bon enfant au début, violences et dégradations font désormais le quotidien des « Nuit debout » : de graves désordres y sévissent depuis des semaines, au détriment des riverains et de l’image de notre ville et de notre pays. La maire de Paris, comme les maires des troisième et onzième arrondissements, et plusieurs autres collègues, s’en sont émus. En dehors de l’inquiétude même à voir se rassembler des centaines et des centaines de participants en plein état d’urgence, et dans un quartier déjà ciblé par les attentats du 13 novembre, comment accepter les graves débordements de casseurs qui, face à des organisateurs complètement dépassés, s’en prennent presque chaque nuit aux forces de l’ordre, incendiant même ce week-end un de leurs véhicules ?
Monsieur le ministre, allez vous tolérer longtemps de telles exactions ? Jusqu’à quand mobiliserez-vous ainsi tant de policiers, indisponibles pour d’autres missions et que vous laissez prendre pour cible dans une quasi-impunité ? Le Gouvernement a pourtant su réprimer avec force d’autres manifestations pourtant bien moins violentes. Combien de dégradations, dont j’insiste sur le fait qu’elles ne sont pas dédommagées, les riverains et les commerçants devront-ils encore supporter, dans l’indifférence des pouvoirs publics ?
Monsieur le ministre de l’intérieur, quand procéderez-vous enfin à l’évacuation tant attendue de cette place et quand poursuivrez-vous ces casseurs qui abîment l’image de Paris et de la République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, comment pouvez-vous commencer votre question en rendant hommage aux forces de l’ordre et enchaîner immédiatement en omettant de préciser que chaque nuit, elles font respecter l’ordre dans la capitale (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), interviennent sur instruction du préfet de police de Paris, procèdent à des interpellations…
… pour que ceux qui cassent ne puissent le faire en toute impunité ? Comment pouvez-vous passer sous silence que, depuis le début de ces manifestations, il y a eu près de quatre-vingts interpellations, des comparutions immédiates, que le droit est passé parce que le procureur de la République, en très étroite liaison avec le préfet de police de Paris, a déclenché l’action publique ? Pourquoi laisser à penser qu’il y a impunité alors que les forces de l’ordre, sous l’autorité de ceux qui prennent les décisions, font tout pour que les casseurs soient interpellés ?
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
On ne peut pas rendre hommage aux forces de l’ordre et, dans le même temps, nier à ce point l’efficacité de leur action !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ensuite, vous indiquez qu’il y aurait une incompatibilité entre la liberté de manifester et l’état d’urgence. Je vous invite, ainsi que M. Jacob, qui crie beaucoup mais qui ferait mieux de lire les décisions du Conseil constitutionnel, à
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains
lire la réponse de celui-ci à la question prioritaire de constitutionnalité du 16 février dernier dans laquelle il précise très clairement que l’état d’urgence n’est pas l’impossibilité d’exprimer librement ce à quoi l’on croit. Si j’avais interdit ces manifestations, j’aurais été à l’encontre de ce que préconise le Conseil constitutionnel, la décision prise aurait été cassée et l’État s’en serait trouvé affaibli. Par conséquent, monsieur Goujon, ce que vous proposez dans l’outrance, c’est d’affaiblir l’État, alors que nous, nous voulons le conforter en donnant aux forces les moyens d’intervenir.
Par ailleurs, je tiens également à vous rappeler que tous les jours nous prenons des dispositions pour éviter qu’il n’y ait dans Paris des déambulations susceptibles de conduire à des violences. Nous le ferons dans le respect du doit, dans la fermeté et dans le refus de la démagogie et de l’outrance !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je souhaite au préalable m’associer à la tristesse sincère que vous avez exprimée en notre nom à tous, monsieur le président, en apprenant la disparition d’Anne Grommerch.
Applaudissements sur tous les bancs.
Ma question s’adresse au ministre de la défense.
La Direction des constructions navales – DCNS – a remporté aujourd’hui un contrat stratégique en Australie : ce succès est historique. C’est le produit d’un savoir-faire industriel unique au monde, celui de nos ouvriers et de nos ingénieurs français de tous les établissements de la DCNS, et c’est également le succès d’une équipe et d’un partenariat à l’export. Je tiens donc à leur adresser aujourd’hui nos sincères félicitations.
Un tel contrat est aussi le résultat de l’effort financier que la France consent à son industrie de défense. DCNS nous apporte la démonstration que la France est un acteur industriel de premier plan dans le domaine militaire et reconnu comme tel sur la scène internationale.
Monsieur le ministre, vous avez joué un rôle de premier plan dans ce succès. Alors que certains évoquent un plan de charge de 4 millions d’heures de travail en France, pouvez-nous indiquer l’impact de cette victoire industrielle sur l’activité des différents établissements de la DCNS en France et nous décrire les modalités du partenariat engagé entre DCNS et l’Australie ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la députée, vous l’avez dit : la décision du Premier ministre australien prise cette nuit de confier à DCNS la construction de douze sous-marins pour un montant de presque 35 milliards d’euros est une très bonne nouvelle pour la France ! Cette décision intervient de surcroît au moment où nous célébrons le centenaire du sacrifice de soldats australiens aux côtés de la France durant la Première guerre mondiale en présence du Gouverneur général d’Australie, Sir Cosgrove, en visite d’État en ce moment à Paris.
Cette décision, c’est une reconnaissance de la puissance de la France, de sa dimension mondiale. C’est aussi la reconnaissance de la qualité opérationnelle de notre marine et de notre excellence industrielle.
Aujourd’hui, nous allons nous attacher à rédiger le contrat définitif et à mettre en place l’organisation industrielle de ce contrat gigantesque. Ce travail sera fini à la fin de l’année, mais je peux déjà vous dire que plusieurs sites industriels sont concernés en France : non seulement Cherbourg, madame la députée, mais aussi Brest, Lorient et Nantes. Plus de 200 entreprises de sous-traitance permettront une collaboration au niveau national.
Par ailleurs, je tiens à affirmer que cette victoire est celle d’une méthode – la discrétion d’abord –, et celle de l’équipe France, qui réunit non seulement l’industriel DCNS, mais aussi les diplomates, les militaires et l’équipe qui m’entoure. C’est une méthode gagnante.
Soyons fiers, madame la députée, de ce qui vient de se passer ; soyons fiers de l’industrie française qui gagne ; soyons fiers de nos ingénieurs, de nos techniciens et de nos ouvriers qui ont permis ce gros succès !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, je vous remercie tout d’abord d’avoir évoqué la disparition de notre collègue et amie Anne Grommerch dont le sourire et la volonté hors du commun nous manquent déjà beaucoup.
Applaudissements sur l’ensemble des bancs.
Monsieur le Premier ministre, après le lycée Jean-Quarré, bloqué durant quatre mois en 2015, c’est au tour du lycée Jean Jaurès, situé dans le XIXe arrondissement de Paris d’être bloqué par plusieurs centaines de migrants, manipulés par un groupuscule d’extrême-gauche. Dans son principe, cette occupation est la négation totale et frontale de l’État de droit. Dans ses conséquences, elle porte atteinte au droit à l’éducation et à la formation. En effet, loin d’être un bâtiment désaffecté, comme le prétendent les militants à l’origine de l’opération, cet établissement doit accueillir à la rentrée prochaine les élèves d’un lycée professionnel du XVe arrondissement. Cette situation inacceptable met en cause le projet que je porte, avec Philippe Goujon, d’ouvrir un nouveau collège sur le site ainsi libéré, alors que le XVe arrondissement, le plus peuplé de Paris, souffre actuellement d’un déficit de places en second degré.
Devant l’inaction de l’État, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a déposé une demande en référé, afin d’obtenir l’évacuation des lieux.
Ma question est simple et appelle une réponse tout aussi simple de votre part : ferez-vous enfin preuve d’autorité, en ordonnant à la force publique de rendre ce bâtiment à la collectivité ? Ou ferez-vous à nouveau preuve de complaisance, en laissant une poignée d’agitateurs prendre en otage la société française tout entière, comme c’est le cas place de la République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, je vous remercie pour votre question, qui me permet d’apporter toutes les précisions utiles. Nous sommes dans un État de droit (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), qui, comme vous venez de le rappeler, monsieur le député, suppose que les règles soient respectées.
En l’espèce, les bâtiments dont il est question appartiennent au conseil régional. L’État ne peut donc pas, en droit, procéder à leur évacuation,…
…aussi longtemps que le conseil régional – ses représentants en sont d’ailleurs convenus lors d’un entretien au ministère de l’intérieur – n’a pas saisi le tribunal administratif, afin que celui-ci délivre une ordonnance d’évacuation. C’est la raison pour laquelle la présidente du conseil régional, dans sa grande sagesse, a saisi hier le tribunal administratif en urgence, afin que celui-ci se prononce et permette à l’État de procéder à l’évacuation de ces locaux.
Le conseil régional et le ministère de l’intérieur entretiennent donc une très bonne relation, pour que nous puissions procéder à cette évacuation, dans le respect rigoureux des règles de droit. Je regrette sincèrement, monsieur le député, que vous n’en ayez pas été informé.
Naturellement, lorsque le tribunal administratif se sera prononcé – la présidente du conseil régional a demandé que cette décision intervienne en urgence –, nous procéderons à l’évacuation de ces locaux dans les heures qui suivront, comme nous l’avons toujours fait jusqu’à présent.
Pour que votre information soit parfaite, monsieur le député, sachez que depuis le 2 juin, nous avons procédé à dix-huit évacuations, selon les modalités de droit que je viens d’indiquer. Elles ont permis d’évacuer 6 700 migrants, qui ont tous été hébergés dans cinquante-cinq centres dédiés. Nous continuerons ces évacuations, avec fermeté et humanité, dans le respect du droit, parce que ces sujets ne souffrent aucune approximation et aucune outrance.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma présence aujourd’hui dans l’hémicycle, parmi vous, est une fierté, mais c’est aussi une immense douleur que de succéder à mon amie, Anne Grommerch.
Anne était une grande dame, engagée avec passion, malgré les épreuves. Elle était appréciée de tous pour son courage, son dynamisme et sa joie de vivre. Nul doute que son absence ne sera jamais comblée. Aussi, vous me permettrez d’avoir une pensée émue envers sa famille et ses enfants, ainsi qu’envers tous ceux qui ont croisé sa vie et partagé ses combats.
Applaudissements sur tous les bancs.
Héritière de Robert Schuman, Anne Grommerch défendait avec force son territoire ouvert sur l’Europe et tourné vers nos voisins allemands et luxembourgeois. J’aurai à coeur de poursuivre son oeuvre, en particulier les relations transfrontalières qu’elle avait su développer. Au-delà, j’aurai surtout à coeur de représenter dignement celles et ceux qui ont été à l’origine de son engagement au service de l’intérêt général.
Monsieur le Premier ministre, plus que jamais, les drames sociaux et humains que nous traversons nous obligent à l’humilité. La Moselle, comme les autres territoires de la région Grand Est, reste marquée par les stigmates des restructurations industrielles et minières. Le chômage n’est pas une fatalité : c’est une tragédie humaine, qui bouleverse la vie de milliers de femmes et d’hommes, de tout âge et de toute origine. La semaine prochaine, lorsque nous examinerons le projet de loi Travail, mes pensées n’iront pas seulement vers Anne Grommerch, qui aurait eu à coeur de s’investir pour défendre ce bien commun qu’est le travail, mais aussi vers ces familles brisées par le doute et le désespoir. Nous devons leur redonner confiance et créer une dynamique nouvelle en faveur de l’emploi.
Aussi, monsieur le Premier ministre, comptez-vous apporter des réponses pragmatiques et ambitieuses aux entreprises de ces territoires, ainsi qu’aux collectivités, qui vivent au rythme des coopérations territoriales ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, j’ai eu l’occasion de rencontrer Anne Grommerch, notamment dans mes fonctions de secrétaire d’État à la politique de la ville. Je sais combien elle a milité pour que son territoire et sa ville, Thionville, bénéficient des crédits de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, à la fois pour favoriser l’emploi des habitants des quartiers populaires et parce qu’elle avait besoin du soutien de l’État en termes d’investissements publics. Anne Grommerch a mené cette bataille ; elle l’a gagnée. C’est avec humilité, modestie et pragmatisme qu’elle a toujours eu à coeur d’améliorer la vie quotidienne des habitants de Thionville, et qu’elle a tenu ses engagements. Aussi, monsieur le député, je m’associe à l’hommage que vous lui avez rendu.
La Moselle, territoire industriel dont de nombreux habitants sont frappés par le chômage, doit bénéficier de toutes les mesures que nous mettons en oeuvre en faveur de l’emploi.
Je citerai tout d’abord l’aide à l’embauche pour les petites et moyennes entreprises, qui connaît un grand succès dans les territoires. Ce dispositif, dont de nombreuses petites entreprises bénéficient, permet d’accélérer la création d’emplois.
Aujourd’hui, près de 70 % des entreprises qui demandent cette aide l’emploient pour recruter une personne en contrat à durée indéterminée ou prolonger des contrats particulièrement courts. L’aide bénéficie aux jeunes, à près de 40 %. Si des besoins spécifiques sont identifiés sur votre territoire, monsieur le député, nous sommes prêts à les examiner.
Par ailleurs, la Moselle peut bénéficier du Plan de 500 000 formations supplémentaires. Celui-ci est essentiel, notamment pour permettre les transitions professionnelles, en conférant de nouvelles compétences, car le monde du travail évolue. À cet égard, nous sommes parvenus à conclure un accord avec le président Richert.
Enfin, la Moselle pourra bénéficier des dispositions du projet de loi Travail, sur lequel nous reviendrons la semaine prochaine et sur lequel nous nous mobiliserons.
Monsieur le Premier ministre, décidément nous sommes en droit de vous demander ce qu’il restera demain d’une loi qui n’institue plus de nouvelles libertés ni de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. À peine avions-nous terminé, en commission des affaires sociales, l’examen d’un texte totalement vidé de mesures efficaces pour lutter contre le chômage, que vous annonciez votre volonté d’augmenter le taux de taxation des CDD, les contrats à durée déterminée. Tout le contraire de ce qu’il faut faire pour relancer l’emploi !
Alors que les demandeurs d’emploi sont les grands oubliés de vos propositions, vous ne faites qu’ajouter des obstacles aux entreprises, notamment aux plus petites d’entre elles, qui étaient pourtant, selon vous, les premières concernées par le projet de loi El Khomri.
Vous trompez les demandeurs d’emploi, notamment les jeunes, en leur laissant espérer que cette mesure obligera les entreprises à créer plus de contrats à durée indéterminée. Jamais vous ne contraindrez un employeur à embaucher en CDI en rendant plus difficile l’accès au CDD ! Au contraire, et vous le savez, l’employeur renoncera à embaucher ou aura recours à l’intérim. Il sera en outre contraint de faire peser sur ses employés des obligations salariales pour compenser la nouvelle taxe.
Monsieur le Premier ministre, vous n’avez plus de cap, vous naviguez à vue et ne savez plus comment faire face à la contestation.
L’incohérence existe au sein même de votre majorité parlementaire, qui exprime de nombreux points de vue discordants.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Elle existe aussi au sein du Gouvernement – nous serions en droit de vous demander ce qu’en pense votre ministre de l’économie.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : allez-vous, oui ou non, commettre l’erreur de taxer les contrats à durée déterminée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, vous qui avez suivi les débats en commission des affaires sociales – et je tiens à remercier le rapporteur, Christophe Sirugue, la présidente de la commission, ainsi que l’ensemble des députés qui se sont engagés dans cette démarche – vous ne pouvez pas dire que le texte a été vidé de son contenu !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous ne pouvez pas dire cela, car la philosophie du projet de loi, qui consiste notamment à laisser plus de place à la négociation collective au sein des entreprises, pour que celles-ci puissent mieux s’adapter, est intacte. Le texte, tel qu’il sort de la commission des affaires sociales, permettra de renforcer l’appui aux très petites entreprises – les TPE –,…
Sourires.
…grâce par exemple à la provision sur charges, au développement des accords types de branche, les TPE ne pouvant bénéficier aujourd’hui de cette souplesse, et aussi à la possibilité de préciser, selon la taille des entreprises, les critères des licenciements économiques.
Comment pouvez-vous dire que le projet de loi a été vidé de son contenu quand on crée un cadre pour les contrats saisonniers, quand on améliore la lutte contre le travail détaché et quand on permet la mise en oeuvre du compte personnel d’activité, qui facilitera notamment la formation de ceux qui en ont le plus besoin ?
Vous m’interrogez sur la modulation des CDD. Je vais vous répondre très précisément, car il s’agit d’un sujet essentiel.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous le savez : l’Accord national interprofessionnel de 2013 a été conclu à la demande des organisations patronales, qui souhaitaient qu’il y ait une modulation des cotisations patronales d’assurance chômage. Le Parlement a entendu cette demande et l’a intégrée dans la loi de juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. La disposition a ensuite été mise en oeuvre dans le cadre de la convention d’assurance chômage.
La France est aujourd’hui le deuxième pays utilisateur de CDD de moins d’un mois. Nous souhaitons apporter une réponse à cette hyperprécarité.
« La réponse ? Où est la réponse ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Notre pays aura toujours besoin de CDD…
Sourires.
La parole est à M. Alain Ballay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Madame la ministre, vendredi dernier, vous étiez à New York pour la signature, par 174 pays, du texte issu de la conférence environnementale qui s’est tenue à Paris à l’automne dernier. La France a réussi à réunir tout le monde et à obtenir des engagements fixes, ambitieux et financés pour sauver la planète d’un inévitable déclin. Nous sommes parvenus à un accord historique : chacun s’est engagé à maintenir le réchauffement climatique mondial en deçà de 2 ° C. Il faut désormais transformer ces engagements en actes.
La France s’y attelle depuis 2012. Nous avons récemment adopté définitivement la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui donne au pays les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergies fossiles. Nous développons les énergies alternatives, comme l’éolien ou le photovoltaïque, qui sont créatrices d’emploi. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique permet de développer les travaux de rénovation thermique des bâtiments. Des mesures efficaces, comme l’interdiction des sacs plastiques, mettent fin à la pollution des océans. Ce sont autant de mesures qui préparent notre avenir commun et celui de notre planète.
Madame la ministre, les engagements sont concrets, les moyens sont là, nous devons continuer à aller de l’avant. Les critiques sont faciles, alors que notre majorité met en oeuvre ce qu’aucune majorité n’avait encore mis en place pour l’écologie.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Merci, monsieur Ballay. Madame Royal aura compris votre question.
La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Monsieur le député, la France peut en effet être fière d’avoir réussi à rassembler presque tous les pays du monde pour la signature de l’accord de Paris, mais c’est à la communauté internationale tout entière qu’il faut rendre hommage. Il aura en effet fallu déployer trois qualités.
Le courage, d’abord. Je veux rendre tout particulièrement hommage aux pays les plus vulnérables et les plus pauvres, qui sont eux aussi venus signer et s’engager, alors qu’ils sont les principales victimes du dérèglement climatique.
Il s’agit d’abord de faire de la justice climatique.
Le sens de l’action collective, ensuite. Tous les pays du monde se sont rassemblés, quels que soient leur niveau de développement, leur taille, leur latitude. Cela aussi mérite d’être souligné.
La vision, enfin. Comment changer le regard, comment construire autre chose, comment penser un monde nouveau, qui soit meilleur et qui cesse d’exploiter les ressources naturelles et d’utiliser les énergies fossiles ?
L’Assemblée nationale a beaucoup aidé pour cela. En adoptant le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, la France a été exemplaire. Elle a de ce fait été crédible pour cet exercice international.
Que reste-t-il à faire, et qui suppose encore beaucoup de courage et de détermination ?
D’abord, passer à la ratification de l’accord. Le conseil des ministres du 4 mai prochain sera saisi de l’avant-projet de loi. Vous aurez à débattre du texte à partir du 18 mai, donc avant l’été. Ce projet de loi sera promulgué, c’est-à-dire que la France sera là encore exemplaire, en devenant le premier pays de l’Union européenne à ratifier l’accord de Paris.
Il nous restera à entraîner l’ensemble des pays dans ce processus. Mon objectif, en tant que présidente de la COP21,…
…est de faire en sorte qu’au cours de l’été prochain, l’accord devienne applicable parce que 55 pays représentant au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre l’auront ratifié.
Le mouvement sera alors irréversible.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à celui qui s’aime mieux en porte-parole du Gouvernement qu’en ministre de l’agriculture.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
« Hé oh », monsieur Le Foll (« Hé oh ! » sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), ce n’est pas parce que les agriculteurs ne manifestent plus, pour l’instant, qu’ils ne souffrent pas. Ils sont au travail, mais nombre d’entre eux ne se versent plus de salaire.
Mêmes mouvements.
Ils essaient de sauver leurs exploitations quand vous, vous êtes au chevet du Président de la République, au chevet d’un François Hollande qui est censé gouverner le pays, agir, obtenir des résultats, mais qui, en réalité, ne pense qu’à sa réélection.
L’horizon des agriculteurs, ce n’est pas dans un an ; c’est dans une semaine pour certains, et à la fin du mois pour d’autres. Où en êtes-vous du décret sur l’étiquetage ? Quand allez-vous préférer le prêt à taux zéro plutôt que l’année blanche ? Savez-vous que la politique agricole commune 2015 n’est toujours pas soldée, et que le fonds de soutien à la filière porcine n’est toujours pas en place ? Quelles initiatives avez-vous prises pour revaloriser le prix du lait depuis le sommet européen du 4 avril ? Soutiendrez-vous, ce jeudi, la résolution du groupe les Républicains sur la levée de l’embargo russe ?
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Et puis il y a le Traité transatlantique, dont nous entamons le treizième cycle de négociation cette semaine. La question de l’alimentation est essentielle et stratégique. Nos spécificités alimentaires sont potentiellement menacées : je pense en particulier à la viande bovine, mais aussi aux AOC – appellations d’origine contrôlée – et aux AOP – appellations d’origine protégée. « Hé oh », monsieur le ministre (« Hé oh ! » sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), c’est là ma question du jour : il n’y aura aucun accord, avez-vous déclaré, si les normes européennes sont remises en cause. Alors, comptez-vous enfin déserter la rue de Solférino pour vous consacrer à en convaincre tous nos partenaires européens ?
« Hé oh ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Mes chers collègues, arrêtez avec cette page de publicité, s’il vous plaît.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, je ne savais pas que vous me feriez autant de publicité.
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – « Hé oh ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il y a, en politique, une règle selon laquelle on ne salue pas l’initiative d’un adversaire : je vous le dis au passage, madame Le Callennec.
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous ne participiez pas au déjeuner à Saint-Malo, d’ailleurs, mais ce que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles y a dit vous a été transmis, puisque vous avez parlé du prêt à taux zéro.
Sur cette mesure, comme sur toutes celles qui seront prises en plus du plan de soutien à l’élevage – 370 millions d’euros versés aux éleveurs –, la question est ouverte : nous pourrons l’étudier pour permettre aux exploitations de faire, s’il en est besoin, la soudure nécessaire. Sur ce sujet, il n’y a donc aucune discussion entre nous : hé oh, c’était une précision !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous avez également évoqué la négociation du Traité transatlantique. Sur ce sujet, le Premier ministre, comme le Président de la République, ont exprimé des positions très claires ; et les positions de la France ont été transmises à la Commission européenne dès la discussion du mandat de négociation.
Aucun droit ne sera donné sur une éventuelle remise en cause des IGP, les indications géographiques protégées, qui sont la caractéristique de notre agriculture.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La France, on l’a rappelé, réaffirmera par ailleurs ses positions sur la grande question des normes sanitaires. Si nous n’obtenons pas, avec Matthias Fekl, les garanties nécessaires, il n’y aura pas de Traité transatlantique : les choses sont claires et précises.
Mêmes mouvements.
Il ne sert donc à rien de nous interpeller sur ces sujets.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste. – « Hé oh ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Qu’en est-il de l’embargo russe ?
La parole est à M. Romain Joron, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le 13 avril dernier, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté a été présenté en Conseil des ministres. Ce texte répond à trois grands enjeux : le développement de l’engagement citoyen, notamment pour la jeunesse ; la mixité sociale et l’égalité d’accès au logement ; l’égalité réelle et un meilleur accès à l’emploi et aux droits.
En 2012, le Président de la République a fait de la jeunesse l’une des priorités du quinquennat. En tant que député de la Somme, en tant qu’éducateur et citoyen engagé, j’ai la conviction que nous devons rassembler. La République doit être porteuse de tous les espoirs. Elle est là pour que chaque citoyen, notamment les plus jeunes, ait les mêmes outils pour faire face à son avenir.
Pour assurer l’égalité des chances, nous avons le devoir de lutter contre la pauvreté, de combattre les situations individuelles difficiles et de permettre l’accès à un logement abordable. Il faut ouvrir les portes de l’école, de la formation, des études, de l’entreprise et des associations à ceux qui n’ont pas les clefs pour y entrer facilement.
Pour assurer la cohésion de notre République, nous devons partager des valeurs communes, lutter contre le racisme, l’antisémitisme, la peur de l’autre, et contre toute forme de violence. Il faut lutter contre les discriminations et encourager les comportements responsables et respectueux. La grande campagne nationale menée contre les discriminations et les violences est à cet égard un premier pas.
Monsieur le ministre, de grands défis nous attendent. Nous devons offrir des outils à la jeunesse et accompagner les plus démunis. Pouvez-vous nous dire quelles sont les principales mesures du projet de loi « Égalité et citoyenneté » que nous examinerons prochainement dans l’hémicycle ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. - « Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Merci de me poser, monsieur le député, cette question qui est pour vous, me semble-t-il, la première dans l’hémicycle.
Le 13 avril dernier, Emmanuelle Cosse, Ericka Bareigts et moi-même avons en effet présenté le projet de loi « Égalité et citoyenneté » en Conseil des ministres : citoyenneté, parce que l’année 2015 a montré qu’il faut vivre la République au quotidien, donc à travers la force de l’engagement ; égalité, car la République ne respecte pas sa promesse si elle n’assure pas à chacun, en particulier à tous les jeunes, les moyens d’accomplir sa vie.
Ce projet de loi vous sera donc soumis ; mes collègues et moi vous proposons, à travers lui, de renforcer la mixité sociale par et dans l’habitat, et d’adopter des mesures relatives à la lutte contre la discrimination et à l’apprentissage de la langue française. Nous créerons également un véritable droit d’interpellation pour les conseils citoyens dans les quartiers populaires.
Ce texte officialisera par ailleurs la réserve citoyenne, véritable arme civique de la République. Nous développerons aussi de nouveaux viviers de développement du service civique, tout en assurant la reconnaissance de l’engagement des jeunes dans leurs diplômes.
À l’initiative du Premier ministre, nous renforcerons l’autonomie des jeunes en améliorant notamment l’accès aux droits, qu’il s’agisse de la santé, de la garantie universelle des loyers ou de la création, dès la rentrée 2016, d’une aide à la recherche du premier emploi, en lien avec Myriam El Khomri.
Toutes ces mesures, monsieur le député, compléteront celles que nous avons déjà prises au cours du quinquennat, depuis 2012, au nom de la priorité donnée à la jeunesse : je pense en particulier à la garantie jeunes, dont chacun s’accorde à reconnaître la pertinence.
C’est donc ce texte de progrès, mesdames et messieurs les députés, que vous examinerez bientôt : vous lui donnerez, j’en suis convaincu, une ambition plus grande encore ; car le degré de civilisation se mesure, dans nos sociétés, à la place qu’elles font aux jeunes. Je vous remercie donc toutes et tous pour votre engagement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Hé oh ! Il est où, Macron ?
Il n’est pas là, je vous la pose donc, monsieur le Premier ministre.
L’année 2015 restera dans l’histoire de l’industrie française comme celle au cours de laquelle trois géants de l’industrie – Lafarge, Alstom et Alcatel – seront passés sous contrôle étranger.
Ce coup de tonnerre est révélateur des faiblesses de notre économie. Est en cause une politique qui a considérablement dégradé la compétitivité de nos entreprises, qui n’ont plus les moyens ni d’investir ni de reconstituer leurs fonds propres. Les dossiers industriels s’accumulent : Orange, EDF, Air France, Renault, Peugeot, Bouygues et bien d’autres.
Et voilà à présent que nous apprenons la vente par le consortium franco-allemand Airbus Group de toute son électronique de défense, pour plus de 1 milliard d’euros, contrairement à la préconisation du président de l’époque, M. Louis Gallois, dans son plan « Vision 2020 ».
En outre, cette cession a été consentie non pas au français Thales, qui était sur les rangs – et qui vient, comme l’a rappelé le ministre de la défense, de contribuer largement au succès de DCNS en Australie – mais à KKR, un fonds d’investissement américain spécialisé dans l’immobilier, la finance et les chariots élévateurs.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pourquoi le ministre de l’économie n’est-il pas intervenu fermement, avec son homologue allemand, pour empêcher la cession d’une telle activité qui est, pour la France, stratégique et à forte valeur ajoutée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, je regrette que M. Poniatowski n’ait pas écouté la réponse que j’ai apportée à cette question il y a quinze jours dans ce même hémicycle.
Je lui conseille de se reporter à cette réponse. J’avais alors indiqué que la localisation des activités d’électronique de défense du groupe Airbus étant à dominante allemande, celles-ci étaient de la responsabilité du ministre fédéral de l’économie et de la défense, et que la partie française de ces mêmes activités, très minime, faisait l’objet d’un examen extrêmement attentif de la part des autorités françaises. Les décisions sur ce point ne son pas encore prises.
Mais interrogez-moi dans quinze jours, je vous répondrai à nouveau !
La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la ministre de la culture et de la communication, les Français sont très attachés au patrimoine national, mais ils le sont encore plus à leur patrimoine local.
Dans bon nombre de villes et de villages, les maires et l’ensemble des élus se démènent pour entretenir et restaurer ce patrimoine. Ils peuvent, dans ce cadre, compter sur l’appui et sur le soutien logistique et financier de la Fondation du Patrimoine.
Or, vous le savez, une grande partie du budget de cette fondation dépend de la quote-part que reverse l’État sur les successions en déshérence – 50 % en l’occurrence. Ce montant diminuant d’année en année, cela fragilise le budget de la Fondation et remet en cause son accompagnement auprès des collectivités territoriales.
Dans ces conditions, quid des centaines de projets en cours, de l’impact sur l’attractivité de nos territoires et, enfin, des conséquences économiques, notamment en termes d’emploi, d’insertion et de formation professionnelles ? Quid du savoir-faire de nos artisans qui valorisent les fontaines, chapelles et autres églises ?
En outre, aujourd’hui, la partie non protégée de ce patrimoine, qui n’est pas entretenue, disparaît. Or la baisse des recettes de la Fondation du Patrimoine porterait un coup nouveau et difficile à ce patrimoine, et irait forcément dans le sens d’un appauvrissement culturel de notre pays.
Madame la ministre, vous êtes la seule à pouvoir débloquer la situation en intervenant auprès de vos collègues de Bercy pour que la quote-part sur les successions en déshérence soit portée de 50 % à 80 %, voire 100 %. On peut en effet imaginer que la totalité du produit de ces successions en déshérence soit reversé à la Fondation du patrimoine.
Vous venez d’entrer dans un gouvernement qui, au fond, peine à nous donner un peu d’espoir dans l’avenir de notre pays. Donnez-lui au moins l’occasion de montrer qu’il s’intéresse à son histoire !
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous l’avez dit, la France dispose d’un patrimoine culturel exceptionnel. C’est une chance pour notre pays ; c’est un facteur de cohésion sociale quand les habitants se retrouvent dans un projet de restauration et de valorisation. Quelques jours après ma prise de fonctions, j’ai eu la chance de me rendre avec le président Bloche à Figeac, ville dans laquelle un projet de ce type a été mené.
C’est une chance aussi de développement économique quand les entreprises, les artisans s’attellent à ce type de restauration. Et c’est un facteur d’attractivité du territoire.
S’agissant de la question que vous m’avez posée, je tiens tout d’abord à préciser que, depuis 2012, le Gouvernement a, dans un contexte que vous connaissez, maintenu les crédits en faveur des monuments historiques, soutenant ainsi les travaux de restauration et la commande publique en la matière.
Vous l’avez également dit, l’État s’appuie, s’agissant du patrimoine non protégé, sur des opérateurs tels que la Fondation du patrimoine. Celle-ci perçoit à ce titre 50 % du produit des successions en déshérence. Une partie des fonds est également utilisée pour le fonctionnement de la Fondation et de ses délégations. En 2014, cette quote-part représentait 30 % des recettes totales de la Fondation.
Vous m’alertez sur une situation dont Charles de Croisset, le président du conseil d’administration de la Fondation, nous a parlé puisqu’il nous a fait part de la baisse de ce produit.
Nous avons mené une concertation avec Bercy, sous l’égide et l’arbitrage du Premier ministre : le produit de cette quote-part va être porté à 75 % afin de relever les recettes de la Fondation. Un minimum annuel va même être fixé.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
En 2016, les recettes seront donc de 6,5 millions d’euros, soit une augmentation de plus de 2 millions d’euros par rapport à ce qui se serait passé sans réforme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme Véronique Besse, au titre des députés non inscrits.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.
Monsieur le ministre, il existe aujourd’hui un vrai scandale en France. Ce scandale, c’est que les agriculteurs sont contraints de vendre à perte. Je pense en particulier aux producteurs de lait et aux éleveurs. Cette pratique est interdite dans toutes les professions, mais elle ne pose pas de problème quand il s’agit des agriculteurs.
L’agriculture est un pilier de la nation. Les Français sont attachés à leurs agriculteurs et à ce qu’ils représentent pour notre société.
Mais jamais l’agriculture n’aura été aussi maltraitée. La politique agricole actuelle n’a aucun sens. Tandis que les technocrates de tous bords imposent sans cesse de nouvelles normes, de nouvelles charges, les prix stagnent, les marchés se ferment et nos agriculteurs sont livrés totalement à la concurrence mondiale.
L’Europe ne les protège pas, bien au contraire. Elle les expose à des embargos, comme l’embargo russe, qui a entraîné une saturation du marché agricole européen et une chute des prix. Elle les expose à l’application de traités sans protection douanière, comme bientôt le TAFTA, le traité de libre-échange transatlantique. Elle les expose aussi à la concurrence des pays à faibles coûts de production.
En parallèle, l’Union européenne ne propose aucune autre solution que des primes, des subventions, des aides, et, sur le terrain, ce sont encore des dossiers qu’il faut remplir pour, en définitive, ne rien voir venir.
Dans la précipitation et à grands coups de com’, vous êtes allé à Bruxelles en début d’année pour quémander des subventions supplémentaires afin d’atténuer la colère du monde agricole. Des subventions, encore et toujours ! Mais mettre l’agriculture sous perfusion n’est pas une solution. Les agriculteurs veulent être respectés, ils veulent être protégés, et ils veulent d’abord pouvoir vivre des fruits de leur travail.
En réalité, monsieur le ministre, vous avez jeté l’éponge. Vous l’avez d’ailleurs dit il y a quelques jours en avouant sur la crise des prix agricoles que le Gouvernement « n’a plus de marge sur le sujet ». « Dans une économie de marché, le ministre ne décide plus des prix ».
Dont acte : vous subissez l’idéologie mondialiste de Bruxelles. Aujourd’hui, le constat est là : l’Europe ne protège pas les agriculteurs. Qu’attendez-vous pour les protéger de l’Europe ?
« Hé oh ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Je ne savais pas que vous feriez autant de publicité à ce petit slogan !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je ne sais pas exactement comment vous abordez le sujet, madame la députée. Si vous pensez que les prix sont décidés par un gouvernement sur un marché, nous pouvons sûrement avoir, ensemble, une discussion approfondie sur ce point. Mais je crains que, dans cette assemblée, en particulier du côté droit de l’hémicycle, les choses n’aient été tranchées depuis bien longtemps. La loi de modernisation de l’économie avait en effet tranché encore plus favorablement que précédemment en faveur de ceux qui négocient les prix entre la grande distribution et les industriels.
Vous évoquez la question européenne et la mondialisation. Savez-vous combien de litres de lait sont produits en France ? Il y en a 24 à 25 milliards, dont plus de 8 milliards sont exportés. Si vous considérez que, pour régler les problèmes de l’agriculture, il suffirait de sortir de l’Europe et de fermer les frontières, allez le dire aux agriculteurs que vous rencontrez. Que faisons-nous alors des 8 milliards de litres que nous exportons ? Et je ne parle même pas du vin !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
C’est un sujet, madame la députée. Vous ne pouvez pas me faire de tels reproches alors que vous n’avez qu’une mauvaise réponse à apporter.
Selon vous, enfin, le Gouvernement n’est pas aux côtés des agriculteurs. Il y a eu un plan de soutien de 700 millions d’euros. Jamais il n’y aura eu autant d’aide, et aussi rapidement, avec des allégements de charges et une baisse des cotisations de sécurité sociale agricole. Nous avons été capables de faire baisser les charges des agriculteurs de plus de 750 millions d’euros. C’est une action qui portera ses fruits.
Quant à l’Europe, ce ne sont pas des aides que j’ai demandées, c’est une stabilisation.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale.
C’est vrai, madame la ministre, nous revenons souvent sur le sujet, mais la question est répétée parce qu’elle ne reçoit aucune réponse argumentée.
Votre réforme du collège a suscité et suscite toujours de nombreuses critiques que vous méprisez. Elle demande de nombreux éclaircissements que vous n’apportez toujours pas. Et c’est non pas notre surdité ou notre inattention mais bien votre attachement aveugle à quelques concepts et votre absence de vision pragmatique de l’état réel du collège qui font que votre réforme ne passe pas.
Les enseignements pratiques interdisciplinaires et l’accompagnement personnalisé sont mal appréhendés ; le service partagé pose problème dans les petits établissements ; des inégalités territoriales sont créées, notamment au regard des classes bi-langues, et pointe le risque d’un ajustement des moyens des lycées pour permettre la mise en oeuvre de la réforme du collège.
À Marseille, récemment, vous avez jugé essentiel qu’existent et que soient écoutés des lanceurs d’alerte qui, connaissant le terrain, interpellent les responsables.
Alors pourquoi êtes-vous sourde face aux enseignants inquiets
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
qui envisagent de boycotter surveillance, correction d’examens et conseils de classe, ou encore d’entrer en résistance pédagogique ? Pourquoi êtes-vous sourde face aux parents d’élèves qui, dans tous les coins de France, sont nombreux à signer des appels contre votre réforme ?
Madame la ministre, vous comptez sans doute sur la résignation et la lassitude des enseignants, des parents, de tous les acteurs de l’éducation, mais pensez-vous vraiment que cela suffira à donner à votre réforme les qualités qui lui manquent et à répondre aux exigences de niveau et de formation des collégiens ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Je vous remercie, madame la députée, d’avoir évoqué Marseille. C’est en effet une très belle illustration de ce que nous sommes capables de faire lorsque nous prenons les sujets au sérieux, pour changer, notamment celui de l’école.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Non, il n’était pas acceptable que, dans une ville de cette taille, autant d’enfants aillent dans des écoles délabrées. Nous avons décidé d’intervenir avec fermeté mais dans le dialogue avec la ville de Marseille, et nous réalisons enfin les travaux qui auraient dû être faits depuis des années, parce que la ville de Marseille, certes, a accepté de mettre quelques moyens, mais aussi parce que l’État, avec sa politique de la ville – et je remercie Patrick Kanner – a accepté d’en mettre aussi. C’est au fond l’illustration de tout ce que nous faisons en matière d’éducation.
Je pourrais prendre les deux minutes qui me sont accordées pour vous expliquer à nouveau en quoi va consister la réforme du collège mais, honnêtement, cette question, vous me l’avez posée souvent, et je crois vous avoir apporté toutes les réponses.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous verrez à la rentrée prochaine, lorsqu’elle entrera en vigueur, ce à quoi tous les établissements se préparent, qu’elle est faite dans l’intérêt des enfants.
Je vais vous répondre plus généralement, madame la députée, puisque la réussite scolaire de nos élèves partout sur le territoire semble vous intéresser.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Qu’avons-nous trouvé en matière éducative lorsque nous sommes arrivés en 2012, et où en sommes-nous aujourd’hui ?
En 2012, il y avait 140 000 décrocheurs par an, nous en sommes à 110 000 aujourd’hui.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
En 2012, les professeurs n’étaient plus formés, ils le sont enfin aujourd’hui, en formation initiale et en formation continue.
Mêmes mouvements.
En 2012, l’éducation prioritaire n’avait pas été réformée depuis trente ans, avec des injustices flagrantes et du saupoudrage inefficace. Nous l’avons réformée, les établissements sont enfin accompagnés.
Mêmes mouvements.
En 2012, vous supprimiez un poste de professeur à chaque fois qu’il y avait huit élèves de plus. Aujourd’hui, nous en créons un pour cinq élèves de plus.
Mêmes mouvements.
Madame la députée, vous n’avez pas de leçons à nous donner.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il y a trente ans, jour pour jour, débutait la terrifiante catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Nous n’oublions pas les victimes et, parmi elles, les enfants et les centaines de milliers de liquidateurs. Nous n’oublions pas les vastes territoires où le poison radioactif est encore partout présent. Nous n’oublions pas non plus que Tchernobyl, c’est aussi l’un des plus grands mensonges de l’histoire du nucléaire – celui du nuage qui se serait arrêté à nos frontières. Trente ans plus tard, l’Autorité de sûreté nucléaire assure qu’un accident majeur est possible dans notre pays.
Tous nos réacteurs ont été conçus avant Tchernobyl. Le seul que l’on ait tenté de construire en tirant les conséquences de cette catastrophe, c’est l’EPR. Mais c’est un tel monstre que l’on n’arrive pas à le construire et, surtout, il produirait une électricité hors de prix. Tout le problème du nucléaire est là : plus on le veut sûr, moins il est compétitif, surtout face à des énergies renouvelables dont la rentabilité bat record après record.
Nos concitoyens se rendent compte que ce nucléaire, vendu pendant des années comme la poule aux oeufs d’or, est en réalité une poule aux oeufs de plomb. Au sauvetage d’AREVA s’ajouterait en effet une recapitalisation d’EDF, destinée à construire deux EPR britanniques jugés non rentables, même par les plus ardents partisans du nucléaire. Est-ce vraiment la priorité, au moment où le monde entier se tourne vers les énergies renouvelables ?
Madame la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, nous avons voté la loi de transition énergétique et nous avons réussi la COP21 – les 175 signatures vendredi à New York l’ont confirmé. Il nous faut maintenant saisir et concrétiser cette formidable opportunité. Pouvez-vous nous confirmer que la prochaine PPE – programmation pluriannuelle de l’énergie – sera conforme à l’ambition de la loi et que la recapitalisation d’EDF sera bien destinée à cette mutation, c’est-à-dire à faire d’EDF un champion des énergies renouvelables ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Monsieur le député, vous avez raison d’accorder un moment à toutes les victimes de cet effroyable accident de Tchernobyl, qui a eu lieu il y a trente ans et suite auquel est apparu un mouvement international pour renforcer la sûreté nucléaire, comme je l’ai dit ce matin devant la conférence environnementale. La loi de transition énergétique que vous avez tous votée renforce les pouvoirs de l’Autorité de sûreté nucléaire, son contrôle et son pouvoir de sanction.
Il faut veiller aussi bien à la sécurité qu’à la sûreté nucléaires. La sécurité concerne tout ce qui se passe à l’extérieur des centrales, comme la protection contre les intrusions ; la sûreté, tout ce qui se passe à l’intérieur. Il y a quelques jours s’est tenu un sommet mondial sur la sécurité nucléaire, sous la présidence de Barack Obama. Il y a donc un mouvement mondial pour faire en sorte qu’un effroyable accident de ce type ne se reproduise pas. Mais la vigilance doit toujours être de mise sur ces problématiques.
Je réponds positivement à votre question : bien évidemment, la loi de transition énergétique sera appliquée. Preuve en est que ce matin a été publié au Journal officiel l’arrêté fixant les perspectives et les décisions concernant la montée en puissance de toutes les énergies renouvelables. Certaines des propositions que vous avez faites au sein de la commission supérieure de l’énergie ont d’ailleurs été retenues, et je vous remercie de votre implication. La part du nucléaire sera ramenée de 75 % à 50 % à l’horizon 2025.
Pour cela, il faut réussir à monter en puissance sur les énergies renouvelables. C’est ce que je fais, ce que nous faisons, c’est ce que le ministère fait, tout comme les industriels et les territoires à énergie positive. Grâce à ce travail collectif, nous réussirons à obtenir les résultats qui nous permettront d’appliquer sans faille et avec beaucoup de détermination la loi que le Parlement a votée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, les accords de Paris seront sans effet si nous ne réussissons pas à vaincre l’injustice de par le monde. Le drame du Rana Plaza, il y a trois ans, et le scandale des « Panama papers » participent de la même logique mortifère. Ils disent l’opacité des chaînes de production dans le monde. La quête de transparence que nous menons tous aujourd’hui, y compris dans les traités internationaux, est une quête de loyauté, ce concept étonnamment moderne. Il existe un besoin d’éthique face à l’ultralibéralisme et à l’individualisme sans limite.
Nous avons besoin de nous affranchir de ce qui s’apparente à un culte du veau d’or : la fascination pour une compétitivité qui fait travailler les enfants et qui vole l’argent public – ce sont 2 000 euros par citoyen européen, dont on prive l’éducation et la santé, et 800 milliards d’euros pour les pays en voie de développement. Nous avons également besoin de nous affranchir des mondanités, avec ces responsables d’une économie qui fabrique, au bout du monde, de la misère et de la barbarie et, au bout de la rue, un nationalisme de faussaires.
Nous avons besoin, dans notre majorité et au-delà, de bâtir un nouvel âge de la mondialisation. Je pense à l’abbé de l’Assemblée constituante, au député Henri Grégoire. Heureusement qu’ils n’ont pas attendu, à l’époque, que les États du sud américains veuillent supprimer l’esclavage pour en proclamer l’abolition dans notre Parlement. J’en appelle à l’esprit des Lumières, parce que ceux qui combattent aujourd’hui pour la transparence sont leurs héritiers.
Je pense à ces syndicalistes, à ces ONG, à ces entreprises responsables et aux lanceurs d’alerte. Je pense à Antoine Deltour, qui est la vigie de la démocratie, la sentinelle d’une économie humaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le député, je vous remercie pour la tonalité de votre question, pour votre fougue et votre volonté de faire partager votre belle passion : qu’il y ait plus de transparence et de justice, aussi bien dans les relations économiques que dans les relations sociales et financières entre les pays de l’ensemble de la planète – car aujourd’hui c’est bien au niveau planétaire qu’il faut penser la question de la transparence.
Vous avez cité Antoine Deltour. Je voudrais à mon tour lui dire toute notre solidarité. J’ai demandé ce matin à l’ambassadeur de France au Luxembourg et au consulat général de bien vouloir le suivre et l’aider, si cela est nécessaire, dans cette période difficile où il défend l’intérêt général mais où il doit répondre devant une juridiction pénale au Luxembourg.
C’est grâce à lui
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste
que nous avons pu mettre fin à l’opacité qui empêchait les pays européens de connaître la situation fiscale exacte de certaines grandes entreprises au Luxembourg.
Au-delà de cela, vous le savez plus que d’autres, monsieur le député, pour travailler dessus : un texte sur la transparence et la lutte contre la corruption est en cours d’examen dans les commissions du Parlement, où sont formulées des propositions pour mieux protéger les lanceurs d’alerte. Vous savez aussi que le Conseil d’État a réfléchi sur ce sujet et qu’il a lui-même fait des suggestions.
Je vous propose, mesdames, messieurs les députés, de travailler ensemble à l’amélioration des premières propositions de ce texte. Il faut un statut qui protège les lanceurs d’alerte. Il faut également créer un processus permettant à ceux-ci, s’ils le souhaitent, de conserver l’anonymat. Nous devons leur apporter l’aide nécessaire dans la lutte pour défendre leurs droits, comme pour faire face aux difficultés financières qu’ils peuvent rencontrer, afin de leur permettre de continuer à jouer ce rôle d’intérêt général auquel nous devons rendre hommage.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.
Dans les explications de vite, la parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en 2013, lors de la première lecture du texte, nous avions clairement soutenu une révision constitutionnelle visant à approfondir les garanties d’indépendance de la justice et à permettre au Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, d’être à l’abri de toute intervention politique. Trois ans plus tard, en deuxième lecture, c’est une réforme a minima, bien en deçà des ambitions initiales, qui est soumise à notre approbation.
Le texte revu et corrigé par le Sénat limite en effet le champ de la réforme à la clarification de la mission du CSM et à l’accroissement de ses prérogatives à l’égard des magistrats du parquet. L’article 1er du texte reconnaît ainsi que le CSM « concourt » à garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire, plutôt que d’« assister » simplement le Président de la République, tandis que l’article 2 renforce ses pouvoirs en matière de nominations et de discipline. En prévoyant l’avis conforme du CSM, il s’agit d’aligner le régime de nomination des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège qui n’occupent pas les postes les plus élevés dans la hiérarchie.
Il subsiste cependant une différence importante dans la nomination des magistrats : tous les magistrats du parquet resteraient nommés sur la proposition initiale du garde des sceaux, alors que les plus hauts magistrats du siège sont, pour leur part, nommés sur la proposition du CSM.
La réforme prévoit également et opportunément que la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du parquet statue aussi comme conseil de discipline, alors qu’elle ne dispose aujourd’hui que du pouvoir de donner un avis au garde des sceaux sur les sanctions disciplinaires qu’il entend prononcer.
Ces dispositions constituent certes l’une des garanties de l’autonomie des parquets et de la protection de leur statut juridique, mais elles ne sont guère suffisantes. Comme le résume bien l’Union syndicale des magistrats, « c’est mieux que rien mais le lien entre parquet et pouvoir n’est pas rompu ».
Cette réforme apparaît ainsi particulièrement décevante car elle ne parviendra pas à équilibrer l’accroissement continu des pouvoirs du parquet depuis une vingtaine d’années. À l’évidence, le compromis proposé n’est pas à la hauteur de l’enjeu, alors que nos concitoyens ont souvent le sentiment que la justice n’est pas la même pour tous, qu’elle est complaisante à l’égard d’intérêts particuliers et dépendante du pouvoir politique. Si c’est assurément une occasion manquée, les députés du Front de gauche voteront néanmoins ce texte qui, malgré tout, représente une avancée pour une meilleure reconnaissance du rôle du CSM et le renforcement de ses pouvoirs à l’égard des magistrats du parquet.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre de la justice, mes chers collègues, le projet de loi soumis au vote de notre Assemblée aujourd’hui est, comme l’a souligné le garde des sceaux, un texte de rassemblement. En effet, au-delà de tout clivage politique, il met en relief une valeur commune à tous les démocrates : l’indépendance de notre justice, élément essentiel du pacte républicain sans lequel la confiance de nos concitoyens en la justice ne sera pas rétablie. Le garde des sceaux l’a noté, ce texte est juste et équilibré ; sa rédaction simple, lisible, limpide et compréhensible permet de donner une garantie constitutionnelle supplémentaire à l’indépendance de la justice et particulièrement des magistrats du parquet.
Dans son article 1er, le texte dispose que le Conseil supérieur de la magistrature concourt à garantir cette indépendance dont par ailleurs le Président de la République est gardien aux termes de la Constitution. Pour concrétiser plus encore cette indépendance, l’article 2 dispose que les magistrats du parquet sont nommés sur avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet. En inscrivant ce principe dans la loi, nous allons mettre un terme aux aléas qui ont pu caractériser les pratiques gouvernementales successives.
Au cours de l’actuelle législature, le garde des sceaux, fonction successivement occupée par Christiane Taubira et Jean-Jacques Urvoas, s’est conformé scrupuleusement aux avis donnés par le CSM ou s’est engagé à le faire, comme l’avaient fait auparavant des ministres appartenant à des gouvernements de droite comme de gauche. Cependant, dans des circonstances parfois très polémiques, d’autres ministres sont passés outre cet avis, entamant du même coup la légitimité du Conseil supérieur de la magistrature. C’est pour mettre un terme à cette instabilité préjudiciable tout autant à l’exécutif qu’aux acteurs de l’autorité judiciaire que nous voulons inscrire dans la loi ce qui constitue un vrai progrès.
Ce dispositif doit nous rassembler ici, parce qu’il fait consensus entre les deux chambres – vous l’aviez rappelé au cours de nos débats, monsieur le garde des sceaux – et n’a jamais été sérieusement contesté parce qu’il correspond à une évolution souhaitée par tous. Dans nos rangs respectifs, des éminentes personnalités politiques ont souligné l’intérêt d’inscrire dans la loi cette nomination sur avis conforme, que le Sénat a effectivement validée dans les mêmes termes que notre assemblée.
Si, notre collègue Marc Dolez vient de l’évoquer, notre regret est immense de n’avoir pu porter la réforme du Conseil supérieur de la magistrature tant attendue et tellement nécessaire que nous avions envisagée, le dispositif soumis à notre vote constitue néanmoins, ainsi que nos débats l’ont révélé, un pas supplémentaire sur le chemin d’une justice indépendante. Nous savons que cette condition participe du regard que portent nos concitoyens et justiciables sur la justice. Nous savons aussi, notamment par les avis que la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de cassation ont rendus à leur sujet, que les magistrats du parquet occupent une position complexe. Ils doivent exercer de manière indépendante tout en étant par ailleurs acteurs de la politique pénale que conduit le Gouvernement – article 20 de la Constitution – et qu’exprime le garde des sceaux – article 30 du code de procédure pénale. Tout cela est bien clair, je tenais à le souligner.
C’est pourquoi cette réforme n’est ni anodine ni accessoire. Elle est essentielle pour le respect de la séparation des pouvoirs, essentielle pour la pérennité de notre État de droit, essentielle pour donner tout son sens à la justice de notre pays et pour faire progresser et triompher l’intérêt général. Le groupe socialiste votera donc bien évidemment ce texte et invite chacun d’entre vous à lui apporter son soutien par son vote, en se gardant des postures partisanes afin de préserver ce consensus.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ce projet de loi qui, contrairement à ce qu’indique son titre, ne porte pas réforme du Conseil supérieur de la magistrature, a été voté le 4 juillet 2013 par le Sénat puis enterré pendant deux ans et demi au motif qu’il n’y avait « aucune pertinence à ce que l’Assemblée Nationale soit ressaisie d’un texte qui avait perdu toute sa substance » ; je cite vos propres termes, monsieur le ministre. Vous avez manifestement changé de conviction en même temps que de fonction, puisque vous le présentez aujourd’hui comme absolument nécessaire et urgent à adopter.
Dans la lettre que vous avez adressée aux députés le 21 avril dernier, vous sollicitez abusivement leur engagement en faveur de l’indépendance de la justice, comme si elle dépendait de ce texte, alors que – et vous le savez mieux que quiconque – dans notre pays, fort heureusement, les juges sont totalement indépendants.
La question est en vérité beaucoup plus complexe. Les jurisprudences de la CEDH et de la Cour de cassation affirment en effet que les membres du parquet français ne sont pas des juges au motif qu’ils ne remplissent pas les garanties d’indépendance, d’une part, à l’égard de l’exécutif, auquel ils sont hiérarchiquement rattachés, d’autre part, à l’égard des parties, puisqu’ils sont eux-mêmes une partie au procès pénal. De fait, le parquet, organe de poursuite, n’est pas un juge. Or, le texte dont nous débattons ne supprime pas le lien hiérarchique avec le garde des sceaux et ne dit rien sur les garanties d’indépendance à l’égard des parties. Certes, il entérine la pratique de la nomination des magistrats du parquet sur avis conforme du CSM, mais il maintient au profit de l’exécutif l’initiative de la présentation des candidats, ce qui est une forme avancée d’hypocrisie.
Nous avons en réalité à résoudre la difficile équation suivante. Si le procureur n’est pas un juge, le législateur, au fil des années, en a fait un quasi-juge. Nous souhaitons naturellement que les poursuites soient exercées de manière indépendante du pouvoir politique, mais seul ce dernier a qualité pour déterminer la politique pénale de la nation, dont il demeure comptable du résultat, ce qui renvoie à la question de la nature du lien organique entre le peuple et sa justice et à celle de la hiérarchisation.
Nous devons aussi considérer cette notion culturelle française d’unité du corps judiciaire, les juges du siège et les membres du parquet ayant tous deux la qualité de magistrat, bien qu’ils ne soient pas soumis aux mêmes garanties à l’égard du justiciable.
Enfin, l’impartialité due aux mêmes justiciables peut poser question au moins dans son apparence, en raison notamment des prises de positions politiques régulières de la part de syndicats de magistrats dont les membres exercent au quotidien, alors que chacun connaît l’influence majeure de ces syndicats dans les élections au CSM.
Finalement, ce texte évite de tout mettre sur la table et donc de tout régler, alors que tout est lié. Il apparaît comme un faux gage en trompe-l’oeil donné aux magistrats. Vous aviez raison, monsieur le ministre : il n’a aucune substance. La magistrature française vaut mieux que cela. C’est pourquoi, le groupe Les Républicains ne le votera pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Près de trois ans après la première lecture de ce projet de loi, le Gouvernement a, contre toute attente, soumis à nouveau ce texte à notre examen.
Le contexte d’aujourd’hui est bien différent de celui de 2013 : le Président de la République a renoncé à réunir le Congrès sur le projet de loi constitutionnelle portant protection de la Nation, ce qui peut d’ailleurs laisser présager le sort du présent texte. Ne nous berçons pas d’illusions : les chances de voir ce projet de loi aboutir un jour, tout du moins avant le terme de la législature, sont minimes. En outre, le présent texte, véritablement vidé de sa substance, est sans commune mesure avec celui qui avait été adopté par notre assemblée en première lecture.
Au fil des années et des réformes, le CSM a évolué dans un sens qui a permis de consolider l’indépendance de la magistrature, principe essentiel de notre démocratie. La réforme qui nous avait été présentée en 2013 entendait poursuivre ce même objectif de renforcement de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Si le groupe UDI ne contestait pas la nécessité d’une réforme, le projet de loi initial comportait des défauts qui nous empêchaient de l’approuver totalement. Alors opposés au déséquilibre qu’instaurait le texte dans la composition du CSM, nous avions considéré la composition paritaire finalement retenue, soit huit magistrats et huit personnalités qualifiées, comme un moindre mal qui ne permettait pas, cependant, d’éviter les deux écueils que sont le corporatisme et la politisation. Certes, nous avions eu gain de cause sur la modification du mode de désignation des membres extérieurs dans le but de renforcer leur légitimité et sur la parité hommes-femmes parmi les personnalités qualifiées. En revanche, nous n’avions pas été entendus sur ce qui constituait l’une de nos principales revendications : l’incompatibilité entre la fonction de magistrat membre du CSM et toute autre activité professionnelle. Selon nous, la mise en place d’une autorité véritablement indépendante implique que l’organe de nomination et de discipline des magistrats ne puisse être composé de magistrats eux-mêmes en cours de carrière. Or, cette nécessaire incompatibilité n’était pas prévue par le projet de loi.
Mes chers collègues, nous connaissons la lourdeur de la procédure et le coût élevé que représente la réunion du Congrès, nécessaire à l’adoption d’un projet de révision constitutionnelle. Une telle procédure ne doit être engagée que si elle vise à mettre en oeuvre une réforme qui soit réellement à la hauteur des enjeux auxquels la justice doit faire face. Tel n’est pas le cas de ce texte. Les avancées acquises, notamment grâce au groupe UDI lors de la première lecture à l’Assemblée, ainsi que les autres aspects de la réforme ont été supprimés par le Sénat. Les seuls apports de ce texte se résument à la nomination des magistrats du parquet sur l’avis conforme de la formation du CSM et au fait d’instaurer la formation du CSM comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Le Sénat a donc non seulement restreint le champ de la réforme du CSM au seul sujet de ses compétences, mais il en a également limité la portée en renonçant à lui conférer un pouvoir d’auto-saisine s’agissant des questions relatives à l’indépendance de l’autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats.
Vous nous demandez donc aujourd’hui de valider un texte qui ne fait qu’institutionnaliser l’avis conforme pour la nomination des procureurs, une pratique déjà respectée par le garde des sceaux. Pour le groupe UDI, cette modification à la marge ne justifie en aucun cas la réunion du Congrès. Seule une vraie réforme qui permette d’améliorer le fonctionnement de notre système judiciaire saurait recueillir notre approbation et notre soutien. Par conséquent, nous nous abstiendrons de voter ce projet de loi en deuxième lecture.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Mes chers collègues, deux orateurs doivent encore s’exprimer avant que nous ne passions au vote. Je vous demanderai de les écouter dans le calme.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La Constitution est le coeur même de la République. Son éventuelle modification doit rassembler une majorité qualifiée de parlementaires. Elle ne peut concerner, tant la procédure est lourde, que des aspects importants du texte fondateur ; de minimis non curat praetor, pourrait-on soutenir.
En 2008, la réforme constitutionnelle ne fut adoptée, grâce aux radicaux, qu’à une voix de majorité, alors même qu’elle instituait des droits nouveaux, notamment la question prioritaire de constitutionnalité. Aujourd’hui, nous sommes saisis d’un texte qui peut paraître important, à savoir remplacer l’adjectif « simple » par l’adjectif « conforme » en ce qui concerne l’avis que le Conseil supérieur de la magistrature donne sur la nomination des membres du parquet. Admettons que convoquer le Parlement pour une modification aussi minime est au mieux suspect, et le rapprochement que certains ne manquent pas de faire avec l’abandon de la révision visant à inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution renforce notre scepticisme. Si l’affaire était si vitale pour les intérêts de la Nation, on n’aurait pas attendu plus de deux années avant de nous ressaisir du texte adopté par le Sénat.
Ces observations ne sont que de pure forme. Il en va autrement du fond, car il faudra nous convaincre de la nécessité républicaine de suivre en tout moment les propositions du CSM et de l’inscrire dans la Constitution alors même que depuis 2008 s’est précisément établie la coutume de suivre ces avis. Il est bien vrai que ces dernières années les pouvoirs du ministère public ont été profondément renforcés, au détriment d’ailleurs des magistrats du siège et du juge des libertés. Ces derniers s’en plaignent avec véhémence. Il est donc paradoxal de renforcer les pouvoirs du parquet sans assurer un renforcement de son contrôle. Il faudrait, jusqu’à l’absurde, suivre les propositions de nomination des procureurs. Si le CSM proposait la nomination de Fouquier-Tinville, dont chacun se rappelle le talent, il faudrait immédiatement l’accepter. Quel abandon du pouvoir politique !
Monsieur le garde des sceaux, vous avez défendu avec talent un texte qui a pu être qualifié d’inabouti, car après tout, si l’on veut complaire aux juridictions européennes, il faudrait renoncer au pouvoir de proposition sur les nominations des avocats généraux et des procureurs de la République.
Il faudrait bien évidemment également renoncer aux circulaires du garde des sceaux concernant l’application de la politique pénale du Gouvernement. En réalité, si nous nous opposons à ce texte, c’est pour une raison simple : nous voulons qu’il existe un lien entre le parquet et la chancellerie. Nous ne voulons pas d’un gouvernement des juges, nous ne voulons pas d’un gouvernement des procureurs.
Le rôle du garde des sceaux est essentiel. Celui-ci n’est pas un simple ministre. C’est en ce sens que se prononçaient d’éminents juristes qu’il faut relire, le doyen Carbonnier, notamment. Et comment ne pas se rappeler les philippiques du professeur Roland Drago ? Voici ce que celui-ci disait devant la commission de réflexion sur la justice, dite commission Truche : « C’est au nom de l’État, représenté par le gouvernement responsable, que les poursuites sont engagées. C’est l’État qui défend l’intérêt général devant toutes les juridictions […]. Ne pas placer les magistrats du Parquet sous l’autorité du ministre de la justice, appartenant au Gouvernement responsable devant le Parlement, émanation de la souveraineté nationale, aboutirait à une privatisation de la Justice. Il s’agirait alors d’une révolution d’une extrême gravité dans la France républicaine telle qu’elle existe depuis 1875. »
Les magistrats, mes chers collègues, forment un corps fermé et revendiquent leur indépendance. Quoi de plus normal pour les magistrats du siège ? Quoi de plus dangereux pour les procureurs qui, lors des séances de rentrée, n’hésitent pas à adresser au pouvoir politique des remontrances sévères que les parlementaires que nous sommes doivent écouter sans pouvoir réagir ?
À côté de la justice, le corps même des procureurs constituerait une nouvelle autorité ! Que veut donc le justiciable ? Il veut connaître le sens des réquisitions du parquet. Il veut savoir quelle peine sera requise. Il veut que la présence d’un avocat figure comme principe à valeur constitutionnelle, ce qui a été admis par la commission et malheureusement refusé ensuite au seul motif qu’il fallait adopter rapidement le texte du Sénat alors qu’il suffisait de laisser quelques jours à la navette parlementaire !
Nous ne voulons pas d’un pouvoir judiciaire sans contrôle alors même que le législatif est soumis à l’élection et l’exécutif au renvoi et à la censure ! Nous voulons une autorité judiciaire impartiale qui puise sa légitimité dans un principe plus fort que la simple réussite au concours de l’École nationale de la magistrature !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Si le parquet veut être indépendant, qu’il soit élu par l’ensemble des citoyens ! Une République qui s’abandonne à ses procureurs en niant les principes d’universalité et d’intelligibilité de l’action publique n’est déjà plus une République ! Chacun aura compris que nous ne voterons pas ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le parquet français fait l’objet de critiques régulières de la Cour européenne des droits de l’Homme en raison de son manque d’indépendance, malgré plusieurs réformes du Conseil supérieur de la magistrature depuis sa création en 1883, dont la dernière a eu lieu en 2008. L’arrêt Moulin contre France du 23 novembre 2010 a ainsi souligné que le parquet français n’est pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5 alinéa 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Si le garde des sceaux respecte les avis du Conseil supérieur de la magistrature sur les nominations au parquet depuis 2011, il semble indispensable d’inscrire cet état de choses dans le marbre constitutionnel. Il n’est pas loin le temps où des gardes des sceaux ignoraient les avis du CSM, y compris sur des nominations importantes ! Une réforme du statut du parquet semble d’autant plus nécessaire que les missions du procureur de la République se développent, comme le montre la récente adoption du projet de loi de réforme de la procédure pénale qui donne au parquet des compétences en matière de sonorisation et de perquisitions de nuit. Le parquet français est le seul parquet européen ayant autant de pouvoirs et présentant si peu de garanties d’indépendance.
Les interventions ou tentatives d’intervention du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires parsèment l’histoire de la République. Ni les gouvernements ni la justice n’en sont jamais sortis grandis. C’est pourquoi nous soutenons fortement la rupture du lien entre le parquet et le pouvoir exécutif inscrit au sein même de la Constitution. Toutefois, nous aurions souhaité que le texte aille plus loin sur plusieurs points abandonnés en cours de route au gré des fluctuations de l’opposition. L’objectif initial du projet de loi était en effet de renforcer l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature vis-à-vis du pouvoir politique en réduisant le poids des personnalités extérieures. Le but était d’assurer une véritable parité entre magistrats et non-magistrats. Depuis 2008 en effet, les magistrats sont minoritaires en matière de nomination, ce qui est une particularité en Europe que nous partageons avec le Portugal.
La version initiale du projet de loi prévoyait également l’auto-saisine du Conseil supérieur de la magistrature ou sa saisine par un magistrat. Si le pouvoir exécutif ainsi qu’un simple citoyen peuvent saisir le CSM, les magistrats sont les seuls à ne pas pouvoir le faire, ce qui limite parfois fortement leur champ d’action. Un autre point, qui nous importe particulièrement, a été oublié en chemin, la parité entre les hommes et les femmes. Si la profession de magistrat est massivement féminisée, 60 % de magistrats étant des magistrates, les femmes représentent actuellement moins du quart des membres du CSM.
Nous avons également avancé des propositions sur deux autres points qui ne figuraient pas dans la version du texte adoptée par l’Assemblée : premièrement, donner au Conseil supérieur de la magistrature un pouvoir de proposition pour les nominations de certains postes de magistrats du parquet ; deuxièmement, reconnaître la place des avocats dans la Constitution. Il est selon nous nécessaire de prévoir une protection constitutionnelle du droit à l’assistance d’un avocat, que prévoient d’ailleurs de nombreuses constitutions étrangères.
La nécessité de parvenir à un consensus avec le Sénat et la volonté d’aboutir à une adoption conforme du texte aura remis à plus tard l’adoption d’évolutions attendues. Néanmoins, compte tenu des réticences du Sénat, il est nécessaire d’adopter définitivement ce texte de compromis. C’est pourquoi les députés écologistes, qui auraient souhaité une réforme plus ambitieuse, voteront ce texte qui est un pas, certes limité mais indispensable, pour que la justice gagne en indépendance et en sérénité et soit mieux reconnue par nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 532 Nombre de suffrages exprimés: 488 Majorité absolue: 245 Pour l’adoption: 292 contre: 196 (Le projet de loi constitutionnelle est adopté.)
Avant de suspendre brièvement la séance, je vous rappelle, mes chers collègues, que nous allons maintenant procéder à l’élection, par scrutin dans les salles voisines de la salle des séances, de deux juges suppléants de la Cour de Justice de la République.
Je rappelle que le scrutin est secret. Des bulletins imprimés sont à votre disposition. Pour que le vote soit valable, le bulletin déposé dans l’urne ne doit pas comporter plus de deux noms. Enfin, les délégations de vote ne sont pas admises. J’ouvre le scrutin qui est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale et sera clos à 18 heures.
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.
L’ordre du jour appelle le débat, sur le rapport de la commission des finances, sur le projet de programme de stabilité pour 2016-2019.
La Conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les interventions de la rapporteure générale et du président de la commission des finances, puis celles des groupes et du Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui du rapport sur le programme de stabilité pour les années 2016 à 2019 et sur le programme national de réforme 2016. Ces deux documents, élaborés par le Gouvernement, présentent la stratégie budgétaire et économique de la France à destination des institutions européennes.
Tout d’abord, je souhaiterais souligner que les hypothèses macroéconomiques – concernant l’inflation ou les taux d’intérêt – retenues par le Gouvernement pour bâtir son programme de stabilité rejoignent les prévisions de la plupart des instituts économiques, comme l’a d’ailleurs souligné le Haut conseil des finances publiques dans son avis adopté le 12 avril. Celui-ci a estimé le scénario macroéconomique plausible.
Concernant le programme de stabilité, la Commission européenne fixe des objectifs sur la base de deux indicateurs : le déficit nominal et l’ajustement structurel.
Il n’y a pas de débat sur la définition du déficit nominal : il s’agit simplement de la différence entre les recettes publiques et les dépenses publiques. L’objectif du Gouvernement est très clair, et n’a pas changé par rapport au précédent programme de stabilité ; il est conforme à la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 10 mars 2015. Enfin, il est parfaitement cohérent avec ce que nous avons voté en loi de finances pour 2016. Le Gouvernement prévoit un déficit public de 3,3 % en 2016 et de 2,7 % en 2017, tandis que le Conseil recommande 3,4 % en 2016 et 2,8 % en 2017.
Les moyens pour atteindre cet objectif reposent exclusivement sur la réduction des dépenses publiques. Pour 2016, il faut réaliser 15 milliards d’euros de réduction de dépenses publiques, toutes administrations confondues, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités locales et des administrations de Sécurité sociale.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2016, nous avions voté 15,8 milliards d’euros d’économies, soit 800 millions d’euros de plus que nécessaire, le calcul ayant pris en compte un déficit nominal plus élevé.
Du fait de la faible inflation, ces 15,8 milliards d’euros sont amputés de 4,6 milliards d’euros, qu’il convient de compenser. Le Gouvernement propose de réaliser 2 milliards d’euros d’économies nouvelles et constate que les faibles taux d’intérêt permettent de réaliser une économie supplémentaire de 1,8 milliard d’euros. Si l’on ajoute ces 3,8 milliards aux 800 millions d’euros d’économies supplémentaires déjà évoquées, ces 4,6 milliards d’euros sont entièrement compensés.
Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé à compenser par de nouvelles économies l’ensemble des nouvelles dépenses annoncées depuis janvier 2016, que nous avons évaluées à 4 milliards d’euros. À ce sujet, la porte-parole des Républicains semble avoir pratiqué un méli-mélo de chiffres puisqu’elle a évoqué hier une somme de 15 milliards d’euros, après avoir parlé la semaine précédente de 8 milliards d’euros. Chers collègues qui siégez à droite de l’hémicycle, je vous invite à communiquer à votre porte-parole des chiffres exacts. Cela évitera les confusions !
En 2017, les nouvelles économies prévues par le Gouvernement s’élèveront à 18,7 milliards d’euros. Il faut 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour atteindre les objectifs du programme de stabilité.
Le second indicateur de la Commission européenne, l’ajustement structurel, est beaucoup plus compliqué à appréhender, puisqu’il s’appuie sur la notion – virtuelle en quelque sorte – de croissance potentielle. Cette croissance potentielle reflète ce que devrait être la croissance économique du pays si tous les facteurs de production et de créativité étaient mobilisés à 100 %. Cela revient à apprécier la capacité du pays, et sur ce point, il peut y avoir des divergences d’appréciation. On constate ainsi 0,3 point d’écart entre les prévisions de la Commission européenne et celles du Gouvernement.
Répondre à la demande du Conseil et doubler notre effort d’ajustement structurel reviendrait à réaliser 26 milliards d’euros de réduction de dépenses publiques supplémentaires en 2016 et 2017, comme l’a calculé la commission des finances. Cela aurait des conséquences néfastes pour notre économie. Le modèle Mésange du ministère des finances montre que cela conduirait à détruire 150 000 emplois à l’horizon 2017 et coûterait 1 point de taux de croissance du PIB. Par conséquent, j’approuve pleinement le choix du Gouvernement, qui est de privilégier un équilibre raisonnable entre l’assainissement des finances publiques et le soutien à la croissance, et de ne pas suivre la recommandation du Conseil.
Au-delà des objectifs de stabilité, le Gouvernement présente également son programme national de réforme, dont les mesures de politique économique ont fait l’objet d’un chiffrage, qu’il s’agisse de leur coût ou de leurs effets sur les créations d’emplois et sur le PIB, ce qui permet de mesurer leur avantage net. À l’horizon 2020, l’ensemble des mesures mises en oeuvre devraient conduire à la création de 665 000 emplois, après prise en compte des effets de financement, et à créer 2,5 points de PIB.
Enfin, ce rapport dresse un état des lieux des résultats atteints par la France dans la poursuite des objectifs de la stratégie « Europe 2020 ». Si l’assainissement des finances publiques est une nécessité, il ne peut être le but unique de notre continent, qui est un continent de croissance, de création et de créativité. C’est pourquoi les États européens se sont engagés depuis 2010 autour de cinq grands objectifs : taux d’emploi ; recherche et développement – car il est crucial que nos générations poursuivent l’effort entrepris depuis des décennies par l’Europe et maintiennent un niveau de dépenses suffisant dans ce domaine ; changement climatique et énergie ; éducation ; lutte contre la pauvreté.
À titre personnel, j’estime que les institutions européennes, notamment dans le cadre du semestre européen, ne prennent pas suffisamment en compte ces cinq objectifs. Il est essentiel que les stratégies budgétaires présentées par les États membres fassent apparaître les résultats des mesures prises dans ce cadre. Ces objectifs sont les piliers d’une croissance durable, juste et partagée. Ils permettront à l’Europe de reprendre le flambeau de la créativité et d’une croissance économique de qualité. Je formule le voeu que l’année prochaine, le programme national de réforme et les programmes de stabilité reprennent de manière plus explicite ces cinq objectifs. Pour l’heure, j’approuve la stratégie suivie par le Gouvernement en matière de finances publiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, je commencerai cette courte intervention en regrettant que le Gouvernement n’ait pas pris l’initiative d’un débat suivi d’un vote, au titre de l’article 50, alinéa 1 de la Constitution.
Nous multiplions les votes sur des sujets secondaires, mais chaque fois qu’il s’agit de parler d’économie et de finances publiques, le Gouvernement semble redouter la discussion. Et pourtant, le programme de stabilité transmis à Bruxelles – c’est-à-dire la politique économique du pays, les perspectives, les prévisions sur quatre ans des dépenses et des recettes, les trajectoires du déficit et de la dette – constitue probablement l’un des engagements les plus importants que notre pays puisse prendre. Cela se fait sans véritable débat, et c’est d’autant plus regrettable que des mesures fiscales nouvelles ont été décidées, voire mises en oeuvre depuis le début de l’année, sans avoir été prévues par la loi de finances pour 2016.
Il nous faudra attendre le collectif budgétaire de fin d’année pour discuter de ces sujets pourtant essentiels. Oui, cette législature aura marqué un nouvel affaiblissement du rôle de notre assemblée !
L’excuse d’une majorité divisée, dont le Gouvernement redoute les débats et les votes ne justifie rien. J’espère que le Gouvernement saura se reprendre pour l’année qui reste !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Le Gouvernement trouve les résultats de 2015 excellents, et s’en glorifie. Mais à les regarder de plus près, ils ne sont pas si bons : ils s’expliquent par des moindres dépenses à caractère exceptionnel, que l’on ne retrouvera ni en 2016 ni les années suivantes.
De plus, les 3,5 points de déficit en 2015 doivent être comparés aux 2,1 points de déficit, en moyenne, des pays de la zone euro.
Ce résultat, que je considère moyen, n’a pas empêché le Gouvernement de multiplier depuis le début de l’année les annonces de dépenses nouvelles, semaine après semaine, milliards après milliards.
Rappelons, en vrac, le plan emploi, le point d’indice, l’extension de la garantie jeune et du RSA, les mesures agriculture, la poursuite de l’amortissement dégressif et j’en oublie certainement.
La rapporteure générale, dans son excellent rapport, évalue ces dépenses à 4 milliards d’euros, mais elle se montre peu diserte sur les moyens de les compenser. Nous restons donc sur notre faim.
Au-delà des 4 milliards nécessaires pour compenser les dépenses nouvelles, il faudra en trouver presque 4 autres à cause d’une inflation qui, comme l’an dernier, sera plus faible que prévu. Nous aurons donc droit aux gesticulations du Gouvernement pour essayer d’expliquer l’inexplicable, c’est-à-dire qu’une inflation plus faible limite les économies. Messieurs les ministres, quand cesserons-nous de raisonner en termes de tendance ? La critique est collective et s’adresse également à l’ancienne majorité. Nous nous appuyons sur des tendanciels très complaisants mais au final, comme ils ne sont pas bons, nous n’avons plus qu’à rectifier le tir.
Je pense que les dépenses nouvelles se situeront plutôt dans une fourchette entre 5 et 5,5 milliards et non 4 milliards car vous ne prenez pas en compte les dérapages désormais certains d’un certain nombre de guichets sociaux, en particulier celui de la prime d’activité. Nous avons provisionné 4 milliards avec un taux de recours de 50 %. Ils seront largement dépassés et les dépenses nouvelles approcheront plutôt des 5 milliards.
Le secrétaire d’État chargé du budget voudra bien sûr nous rassurer en invoquant la réserve de précaution.
La réserve de précaution, en tenant compte des crédits de report, atteint presque 10 milliards d’euros. Rapporté aux crédits effectivement pilotables, c’est énorme et cela remet en cause à la fois le vote du Parlement il y a quelques mois et la responsabilité des gestionnaires de crédits. Dix milliards d’euros, rapportés à une enveloppe pilotable de moins de 100 milliards : c’est plus de 10 % ! Cela remet aussi en cause la responsabilité des gestionnaires.
Mais c’est peu par rapport aux 8 milliards qu’il reste à trouver, car l’expérience de ces dernières années a montré que sur 8 ou 9 milliards mis en réserve, on parvient au maximum à en annuler 4 ou 5, soit moins de la moitié. Le risque de dérapage des dépenses est très sérieux.
Peut-être, plus grave encore, à force d’annuler des crédits dans une sorte de sauve-qui-peut budgétaire en fin d’année pour financer la dérive incontrôlable des guichets sociaux, c’est toute la politique d’investissement public ou d’intervention régalienne de l’État qui, année après année, se trouve remise en cause. Nous avions déjà constaté cette tendance sous la précédente législature mais elle devient, d’année en année, plus préoccupante.
Je voudrais donner deux exemples. Le premier fut la surprise, non feinte, de notre ancien collègue M. Urvoas, de découvrir, une fois nommé garde des sceaux, la disette budgétaire totale du ministère de la justice, mission régalienne par essence.
Deuxième exemple, une étude du Sénat révèle qu’entre 2011 et aujourd’hui, la part d’investissement de l’État dans le PIB a diminué de 15 %. C’est le seul poste de dépense qui ait diminué en valeur.
Je conclurai par quelques mots sur le programme national de réforme que nous a présenté Emmanuel Macron il y a quelques jours – où est-il d’ailleurs cet après-midi ?
Ce programme est totalement vide de réforme. À y regarder de près, ce n’est qu’un exercice littéraire. Les seules réformes structurelles dont on puisse aujourd’hui parler se résument à des mesures qui augmenteront l’assistanat, l’irresponsabilité et créeront des couches de dépense publique supplémentaires. Je veux parler de l’ouverture du RSA aux jeunes, ce que nous n’avions jamais voulu faire, de la généralisation du tiers payant, de l’augmentation du nombre de fonctionnaires.
Par conséquent, ce PNR est plus inquiétant que rassurant. Cependant, il comporte une bonne nouvelle. La dernière tranche du pacte de responsabilité de 2017 devrait être tenue. Nous vous donnons rendez-vous à l’automne pour vérifier que la contribution sociale de solidarité des sociétés sera définitivement supprimée et que le taux de l’impôt sur les sociétés amorcera une décrue. Mais je ne suis pas certain, messieurs les ministres, que votre majorité vous laisse faire en la matière.
En conclusion, je voudrais que nous nous posions tous la question suivante. Les taux d’intérêt sont proches de zéro. Le cours de l’euro est très favorable. Le prix du baril de pétrole est au plus bas. Et pourtant, la croissance en France se traîne autour de 1 %, le chômage continue d’augmenter alors que nous avions déjà franchi les 10 % et notre pays, très objectivement, décroche par rapport à ses voisins, en particulier l’Allemagne et le Royaume-Uni. Le programme de stabilité, le programme national de réforme répondent-ils à ce mal français ? Non, pour une simple raison : le Gouvernement et sa majorité manquent de courage, de lucidité, de constance. Hélas, je ne pense pas qu’à moins d’un an de la fin de cette législature, nous engagerons enfin les réformes de structure dont notre pays a cruellement besoin.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui, après qu’ils ont été examinés à deux reprises par la commission des finances, du programme de stabilité et du programme national de réforme qui seront présentés dans quelques jours par la France à la Commission européenne.
Ce rendez-vous, devenu rituel, est utile, non pas tant en raison de la prestation habituelle de Cassandre du président de la commission des finances, toujours démenti par les faits
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
mais parce qu’il intervient six mois après la présentation des hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent la loi de finances initiale et six mois avant le prochain projet de loi de finances. C’est donc l’occasion de faire le point sur tous ces sujets, y compris sur ceux qui tiennent à l’exécution de la loi de finances pour 2016.
Alors que vous allez engager les discussions avec la Commission européenne, je veux vous assurer, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, du plein et entier soutien du groupe socialiste, républicain et citoyen à votre politique économique et budgétaire qui porte aujourd’hui ses fruits.
Que de chemin parcouru en quatre ans, en effet, pour, dans le même mouvement, redresser les finances publiques et relancer la croissance !
La croissance s’est installée sur des bases solides. Le pouvoir d’achat des ménages progresse fortement grâce à la politique de modération fiscale, à la baisse du prix du pétrole et au retour à une parité euro-dollar plus convenable. Après trois années successives de baisse de l’impôt sur le revenu, ce sont douze millions de foyers fiscaux, soit les deux-tiers des contribuables, qui auront vu leur impôt baisser en 2016, pour un gain total de pouvoir d’achat de 5 milliards d’euros.
Les marges des entreprises se redressent du fait des mesures que nous avons votées. En 2016, 34 milliards d’euros d’allégements fiscaux et sociaux au bénéfice des entreprises sont déjà effectifs, après 24 milliards l’an passé. L’économie française a renoué avec les créations d’emploi dans le secteur privé en 2015, à un rythme qui devrait s’accélérer grâce au renforcement de la reprise et au déploiement du plan d’urgence pour l’emploi.
La trajectoire de redressement des comptes oublies a été tenue et a même été améliorée. Le déficit public a été ramené à 3,5 % du PIB au lieu des 3,8 % prévus et aura ainsi été divisé par deux depuis le pic de la crise de 2009.
Hors crédits d’impôt, la dépense publique a progressé de 0,9 % en valeur, soit le plus faible rythme d’augmentation de ces dernières décennies. Les dépenses ont diminué de 1,4 milliard d’exécution à exécution.
C’est le résultat d’une gestion réactive du budget : tout au long de l’année, nous avons su dégager de nouveaux moyens pour agir.
Sur ces quatre années, nous avons engagé une vraie rupture avec le passé car la dépense avait progressé en moyenne de plus de 3 % entre 2007 et 2012. Le taux de prélèvements obligatoires a de nouveau baissé en 2015 comme en 2014, sous l’effet du pacte de responsabilité et de solidarité.
Les comptes de la Sécurité sociale se redressent tout en préservant et améliorant notre modèle social. En quatre ans le déficit du régime général a été divisé par trois, enregistrant son niveau le plus bas depuis 2002. La progression des dépenses d’assurance maladie, alors même que nous avons augmenté les niveaux de remboursement, a été contenue à 2 %, niveau lui aussi historiquement bas.
Enfin, les collectivités locales, s’inscrivent désormais dans l’objectif de maîtrise de la dépense publique.
La dépense locale a ralenti, dépenses de fonctionnement courant comme dépenses de personnel, et pour la première fois depuis 2003, le solde des administrations locales est excédentaire.
Le résultat d’un déficit qui se réduit et d’une croissance qui repart, c’est une dette qui est enfin près de se stabiliser. Celle-ci n’aura progressé que de 0,4 point en 2015 pour atteindre 95,7 % du PIB. C’est bien peu au regard des 1 000 milliards de dettes accumulés par la droite entre 2002 et 2012.
Bref, nous avons dans le même temps baissé les prélèvements obligatoires, diminué le poids de la dépense publique et stabilisé la dette, tout en finançant nos priorités politiques et en préservant en l’adaptant notre modèle social.
Le programme de stabilité 2016-2019 repose sur un scénario macroéconomique à la fois prudent, réaliste et ambitieux : le maintien de la prévision de croissance à 1,5 % en 2016 et 2017, des prévisions d’inflation inférieures à ce que nous avions envisagé en début d’année, une poursuite de la diminution de la part des dépenses publiques et des impôts dans le PIB.
Ce programme de stabilité et le programme national de réformes qui l’accompagnent portent bien leur nom : les grandes orientations économiques, budgétaires et de réforme sont inchangées par rapport à l’année dernière et, comme c’est le cas depuis 2012, la stratégie mise en oeuvre par le Gouvernement pour les trois prochaines années vise à poursuivre le redressement de nos finances publiques tout en relançant la croissance. Nous savons bien que l’un ne va pas sans l’autre.
Le groupe SRC s’en félicite car seule la constance dans les objectifs et dans la méthode peut nous permettre d’obtenir des résultats tangibles et durables pour l’avenir.
Notre groupe se félicite également que les cibles de déficit public nominal soient ainsi confirmées à 3,3 % du PIB en 2016 et sous les 3 % du PIB en 2017. Nos engagements européens sont ainsi, et c’est heureux, respectés !
Aller au-delà serait contre-productif et mettrait en péril le retour de la croissance, tout comme le redressement des finances publiques.
Atteindre les objectifs d’effort structurel souhaités par la Commission nécessiterait de réaliser 18 milliards d’euros d’économies supplémentaires en 2016 et 2017, ce qui ne serait ni soutenable, ni raisonnable.
A contrario, il est nécessaire de poursuivre, comme l’a rappelé le Président de la République, la stratégie nationale de réforme jusqu’au terme de ce quinquennat, comme nous devons assurer le financement des mesures nouvelles et l’impact négatif de la faible inflation sur les finances publiques.
Nous l’avons fait en 2015, nous le ferons en 2016.
Pour 2017, les orientations fixées par ce programme de stabilité sont, là aussi, constantes et inchangées. Avec un déficit inférieur à 3 %, nous serons revenus sur les errements de la précédente majorité en matière de gestion budgétaire avec, à la clé, la relance de la croissance et de l’emploi. Nous continuerons donc sur cette voie en réformant jusqu’à la fin du quinquennat.
Madame la présidente, je voudrais aborder la question du cadrage macroéconomique.
La stabilité économique est un mythe. On n’en trouve pratiquement aucun exemple dans l’histoire, même dans notre beau pays. La livre tournois, sur laquelle un président de l’Assemblée nationale, Edgar Faure, avait écrit des pages admirables, a perdu vingt fois de sa valeur initiale, entre le bon roi Saint-Louis et Louis XVI.
Le franc germinal, c’est vrai, a été stable, mais c’était par la grâce du génie napoléonien. Quant au dollar il est, en apparence, resté stable de Bretton Woods à 1971, à 35 dollars l’once mais c’était l’effet rémanent du génie keynésien !
Au passage, puisque nous parlons beaucoup de dette publique, signalons que vers 1850, moment où la Grande-Bretagne avait atteint ce qu’aucun pays, même les États-Unis, n’était parvenu à réaliser, sa dette publique par rapport au PIB était de 170 %. Je ne discuterai pas avec le président Carrez de Rogomme et Reinhart mais il faut en tenir compte.
Pouvez-vous me dire ce qui est stable dans les marchés ? Dans l’économie ? Avec une volatilité de 20 % en un mois qui n’étonne jamais personne ?
Ah si, une chose peut-être est stable : le taux nominal d’imposition sur les sociétés dans la République d’Irlande, sans doute explicable par l’influence millénaire de l’église catholique dans ce beau pays. À part cela, rien.
Le programme que l’on nous présente prévoit, à la décimale près, des taux de croissance, d’investissement, que sais-je encore, faisant de ce cadrage macroéconomique un sommet d’humour involontaire. Henri Bergson définissait le comique comme « du mécanique plaqué sur du vivant ». C’est exactement cela : on réduit l’économie, qui est vivante et complexe à une mécanique simpliste et triviale, ce qui déclenche un rire irrépressible.
Outre que ces prédictions sont le produit de modèles de prévision d’une pauvreté théorique confondante, elles omettent les réalités concrètes d’un monde qui n’a jamais été aussi instable, pour des raisons qui tiennent non seulement à un excès de liquidité monétaire comme jamais l’histoire n’en a connu, mais également à une crise terrible pour des pans entiers de l’économie réelle et industrielle.
L’hyper-liquidité a été quantifiée et stigmatisée depuis très longtemps. Je l’ai dit au moins une dizaine de fois à cette tribune depuis 2007 : la crise financière que nous traversons depuis bientôt dix ans, a été prévue, théorisée, mise en équations bien avant qu’elle ne survienne. Je me souviens de l’époque où l’on nous vantait la titrisation comme la panacée d’une ingénierie financière garantissant la croissance perpétuelle de nos économies,…
Ça, c’était Sarkozy…
…bien après pourtant que le professeur Minsky eut fait la démonstration qu’elle constituait une chaîne de Ponzi de dimension planétaire qui ne pouvait conduire qu’à la catastrophe. Cette démonstration est incluse dans un livre de 1986 qui annonçait la crise à venir et qui s’intitulait Stabilizing an unstable economy.
Aujourd’hui, si l’on en croit des auteurs vivants et de référence, je pense par exemple à Andrew Smithers, la surévaluation des marchés financiers – qui s’exprime par le coefficient q de Tobin, c’est-à-dire, pour faire simple, par un rapport entre la capitalisation boursière constatée et la valeur de remplacement du capital correspondant – est au moins de l’ordre de 50 % pour les valeurs non financières et de 79 % pour l’ensemble des valeurs cotées aux États-Unis – chiffres de mars 2016.
Ce qui se passe sur les marchés des obligations à risque est bien mal décrit par la statistique, et pour cause, mais est tout aussi, voire plus préoccupant. L’excès de liquidité conduit les agents économiques à prendre des risques inconsidérés. La croissance de ce marché, appelé en anglais high yield bond market quand on est poli et junk bond market – marché des obligations pourries – quand on est réaliste, représente un triplement en volume sur les dix dernières années. Là aussi, il s’agit d’une bombe à retardement.
Certes, la spéculation a abandonné le pétrole, lui permettant de revenir à des prix, non pas anormalement bas, mais un peu plus proche des réalités de l’offre et de la demande. Cependant, la baisse du pétrole elle-même crée un trouble immense dans l’économie planétaire. Il y a quelques jours, j’ai dû relire trois fois un titre de première page du Financial Times, qui précisait que le royaume saoudien comptait emprunter 10 milliards de dollars sur les marchés !
Selon une estimation large mais sans doute réaliste, la crise de 2007 a détruit environ 15 000 milliards de dollars. Depuis 2007, les banques centrales ont contribué à créer, par vagues successives de ce que l’on a appelé le quantitative easing, une masse de liquidité probablement équivalente. Ce volume, qui représente seulement l’excès pathologique de liquidité de la planète financière, correspond à peu près à l’équivalent du PIB des États-Unis et se déplace à la nanoseconde, au gré, non pas des humeurs des opérateurs de marché, mais des algorithmes de nos ordinateurs financiers, c’est-à-dire des robots qui décident, infiniment plus vite qu’aucun être humain ne saurait le faire, les variations de la valeur sur les marchés.
C’est dans ce contexte que le programme de stabilité prévoit sur trois ans des évolutions à la décimale près. Si la démarche est courageuse, convenez que la base est toute de même contestable !
S’agissant des fondamentaux de l’économie réelle, le raisonnement me fait penser au mot de Sacha Guitry qui, sur son lit de mort, entendant ses médecins vanter son pouls régulier, sa tension normale et sa température stable, leur répondit : « En somme, messieurs, je meurs guéri ! »
Prenons le cas de l’acier, marché imprévisible s’il en est puisque M. Mittal lui-même affirme qu’il est impossible d’en prévoir les évolutions au-delà de six mois. Aujourd’hui, ce marché est clairement déprimé. Compte tenu du caractère indispensable de l’acier dans bien des secteurs industriels, de l’automobile au bâtiment, de la machine-outil au ferroviaire, en passant par les transports en commun, cette dépression est très significative d’une dépression globale de l’ensemble de l’industrie mondiale.
Je connais l’explication que l’on nous sert sur le sujet : il ne s’agirait que de la conséquence de la concurrence de l’acier chinois. Certes, après la folie des hauts-fourneaux dans les campagnes sous Mao, la Chine a relancé une véritable activité sidérurgique, mais cela ne suffit pas à expliquer le problème. Aujourd’hui, en Grande-Bretagne, une entreprise que je connais un peu, Tata, plus précisément sa branche sidérurgique Tata Steel, qui doit être le cinquième producteur mondial d’acier, a décidé de fermer ses activités après des pertes massives dans ce pays, de l’ordre d’un cinquième de son chiffre d’affaires. Il en résulte des pertes de dizaines de milliers d’emplois.
Voilà des réalités économiques, voilà l’économie réelle telle qu’elle est. Le contexte est plutôt terrifiant !
Il reste cependant quelques raisons d’être optimiste, non dans à l’immédiat mais sur le moyen, voire le long terme.
La première est que l’assainissement financier est possible, non pas par une faillite qui conduirait, si elle concernait un grand pays, à un effondrement systémique de l’économie mondiale, non pas par le serrage de ceinture qui nous conduit depuis des années en Europe à une croissance atone, malgré l’injection de milliers de milliards d’euros par la banque centrale, mais tout simplement par l’inflation. Or, après avoir rejeté l’inflation comme un péché capital, les banquiers centraux rêvent aujourd’hui – et vont même jusqu’à exposer en public leur rêve – d’une inflation à 3 % qui arrangerait bien des choses.
Une inflation à 2 %, disons.
Il supporterait aisément d’aller jusqu’à 3 %, monsieur le ministre, et cela irait encore mieux.
À 3 %, ils réagiraient !
La deuxième raison d’espérer, c’est l’innovation. Dans ce domaine, notre gouvernement est très actif. En particulier, il a su défendre avec détermination et efficacité le mécanisme du crédit d’impôt recherche, qui reste, malgré quelques imperfections, un modèle envié au niveau mondial.
Enfin, après que les banquiers centraux ont cru pendant vingt ans que la baisse des taux d’intérêt suffisait à résoudre toute crise – d’ailleurs, en matière d’intervention des banques centrales, nous y sommes, aux taux négatifs réels –, après qu’ils ont imaginé des outils non conventionnels consistant à accorder sans intérêt et souvent sans contrepartie au système financier des dizaines de milliers de milliards de dollars, l’idée se fait jour que pour faire repartir la machine économique, il faudrait peut-être distribuer un peu de cette manne fabriquée par les banques centrales aux seuls agents capables de faire repartir les choses : les consommateurs, en particulier les moins favorisés, mais aussi les petites et moyennes entreprises, dont chacun sait que l’investissement est seul susceptible de créer de l’emploi.
Les banquiers centraux, qui sont parfois d’exceptionnels économistes, y pensent sérieusement et parfois tout haut.
Sortirons-nous un jour du paradoxe qui fait que l’on distribue sans limite et sans frais des milliers de milliards d’euros ou de dollars à un système financier qui les utilise pour gonfler des bulles spéculatives dont l’explosion peut nous tuer ? Oserons-nous imaginer une distribution, non pas par les États, lourdement déficitaires, mais par les banques centrales, qui, après tout, se sont tout permis au cours des dix dernières années, d’une part au moins de cet argent aux particuliers et aux entreprises, tout particulièrement aux PME ?
Je termine, madame la présidente. « Stabiliser un monde instable », pour paraphraser et traduire maladroitement le titre prophétique de Minsky en 1986, paraît une tâche impossible dans une période de crise historique qui dure depuis 2007 et qui se prolongera encore, en étant optimiste, au moins autant qu’elle a déjà duré. Il nous reste à espérer, d’abord que l’évolution des décideurs fondamentaux que sont les banquiers centraux permettra d’ouvrir une voie nouvelle mais efficace, avant que nous n’ayons à subir une explosion majeure des bulles spéculatives que la planète économique redoute pour le moment, à juste titre et à court terme.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si ce programme de stabilité était soumis au vote, nous voterions contre.
Hélas, il ne l’est pas. Le Gouvernement n’a pas eu cette audace et cette franchise.
Le petit progrès démocratique, c’est que – rendez-vous compte ! – nous en débattons dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Ce n’était pas le cas l’an dernier, mais ce n’est pas suffisant. Le programme de stabilité est un acte important, tant du point de vue de notre relation à l’Europe que vis-à-vis des Français. Nous souhaitons qu’à l’avenir il fasse l’objet d’un vote.
Si nous sommes contre, c’est d’abord au regard de ce qu’il dit de l’état de la France. Notre croissance est atone, inférieure à la moyenne de la zone euro et à ce que l’on constate non seulement dans des pays ordinairement prospères comme l’Allemagne, mais aussi dans des pays dont les difficultés ont été très commentées, par exemple l’Espagne. Les conditions matérielles de nos concitoyens sont difficiles, qu’il s’agisse des rémunérations ou de la situation de l’emploi et quel que soit l’optimisme artificiel des prévisions du Gouvernement. Le Haut Conseil des finances publiques lui-même souligne à quel point l’évolution supposée de la masse salariale est surévaluée.
Nous avons abordé le sujet en commission mais il faut y revenir tant il est important. Comme le montre le Haut Conseil, le déficit conjoncturel est surévalué. Comme le reste, il est construit artificiellement par le Gouvernement, et conduit à une sous-estimation du déficit structurel. Par ce moyen, messieurs les ministres, vous gonflez artificiellement l’effort structurel que vous feignez d’accomplir.
Car là est bien le noeud du programme de stabilité et de la stratégie de réforme : quelle réforme, en réalité ? Il est tout à à fait irresponsable d’augmenter le point d’indice, comme le Gouvernement l’a décidé il y a quelques semaines, sans lier cette augmentation à une évolution du temps de travail dans la fonction publique.
De même le Gouvernement – et vous en particulier, monsieur Sapin – n’a de cesse d’affirmer qu’il garde le cap des 50 milliards d’économies supplémentaires. J’ai déjà posé la question en commission : alors que vous faites toujours valoir que des économies nouvelles sont supposées gager des dépenses supplémentaires, comment se fait-il que le programme d’économies en reste absolument et fixement à ce chiffre totem de 50 milliards ?
Dépenses supplémentaires inconsidérées, donc, s’agissant de l’extension du RSA, de l’augmentation du point d’indice sans contrepartie, mais on pourrait aussi s’inquiéter de la grande fragilité des évaluations de la stratégie de réforme en matière de politique énergétique. Et passons sur les conséquences contradictoires de certaines législations évoquées par votre majorité. J’en ai des exemples dans ma propre circonscription, où des sites ordinairement ouverts le dimanche depuis des dizaines d’années ne pourront plus le faire en raison des rigidités d’application de la loi Macron. Voilà le résultat suprême d’une loi censée développer l’activité économique : du fait de ses rigidités en dehors des zones touristiques, elle va produire, dans des situations parfois établies – je peux les citer – depuis soixante ans, des effets totalement inverses.
Bref, le Gouvernement, le ministre des finances et celui de l’économie ne jouent pas beaucoup pour le dynamisme de notre économie.
D’autant que nous conservons un niveau de fiscalité élevé. Les ménages n’ont à attendre aucune bonne nouvelle. Vous l’avez d’ailleurs souligné honnêtement la semaine dernière et je vous en donne acte. Les Français ne doivent pas être dupes : en l’absence de perspective heureuse pour des ménages assommés par les impôts d’État et les charges de toute nature, le seul dérivatif est le débat que vous introduisez au sujet de la retenue à la source. Il s’agit pour nous d’une mauvaise réforme sur laquelle, je le souhaite, nous serons amenés à revenir.
Aucune bonne nouvelle pour les ménages, donc, et beaucoup d’incertitudes pour les entreprises. Vous ouvrez certes le chantier de la barémisation, ce qui est une bonne chose. Mais dans quelles conditions ? Avec quelle précision et quelle cohérence serez-vous à même de franchir le pas du CICE et du pacte de compétitivité ? Alors que le CICE était trop compliqué, la barémisation est une bonne voie. Encore faut-il l’appliquer à toute l’échelle des salaires. Ne nous résignons pas à la politique que la gauche – et parfois la droite, hélas ! – a menée, à savoir la spécialisation de l’économie française au niveau du SMIC, qui revient à une forme de « tiers-mondisation » de notre économie. En la matière, les décisions que nous prendrons dans la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 seront essentielles. Or ni le programme de stabilité ni la stratégie de réforme ne nous rassurent sur ce point.
Vous le voyez, quelles que soient la nécessité et la qualité de notre échange, celui-ci s’arrêtera à ces critiques nombreuses. De vote, point. Que les choses soient claires cependant : le groupe Les Républicain voterait contre ce programme de stabilité. Nous souhaitions, messieurs les ministres, que vous l’entendiez clairement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Heureusement, car nous avions un doute…
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, « La France va mieux » déclarait François Hollande, le 14 avril dernier, avec l’aveuglement et le cynisme qui le caractérisent depuis le début de son quinquennat.
« La France va mieux » mais les salariés ne le voient pas au quotidien, ni sur leur feuille de paye, ni sur leur feuille d’impôts.
« La France va mieux » mais le nombre de chômeurs continue de battre des records et les entreprises ne cessent de rencontrer des difficultés pour créer des emplois.
« La France va mieux » mais le nombre de jeunes précaires et de retraités pauvres augmente, et la confiance en l’avenir n’est plus là.
Non, messieurs, en réalité la France ne va pas mieux. Au contraire, elle s’est enlisée dans la crise depuis que vous êtes arrivés au pouvoir.
Ce programme de stabilité que vous présentez aujourd’hui devant l’Assemblée nationale en est la démonstration éclatante et pour cette raison vous refusez de le soumettre, pour la deuxième année consécutive, au vote de la représentation nationale.
Vous avez toujours de bonnes raisons pour ne surtout pas voter. Et malgré le coup de boutoir du président de la commission des finances et, ce matin, du président du groupe Les Républicains, nous n’avons pu infléchir non pas la courbe mais la décision du Gouvernement de ne pas soumettre au vote ce programme de stabilité.
Ce programme de stabilité lève le voile sur l’ampleur d’un échec. Vous aviez promis une croissance de 2,5 % en 2016, or elle ne sera au mieux que de 1,5 point, malgré la conjoncture extraordinairement favorable dont vous bénéficiez, comme l’a souligné Paul Giacobbi.
Vous aviez promis que la dette ne dépasserait pas 83 % du PIB : elle a explosé à 96 %, faisant peser sur chaque Française et chaque Français un poids encore plus écrasant. Sans parler de ces 22 milliards d’OAT – obligations assimilables du Trésor – que vous avez émises à des taux supérieurs aux taux du marché et dont la valeur de remboursement est inférieure à 22 milliards, leur vraie valeur. Mais notre collègue Charles de Courson, orfèvre en la matière, a retrouvé ces 22 milliards cachés.
Vous avez bénéficié de multiples reports de la part de la Commission européenne pour parvenir à cet objectif. En 2014, alors même que toute la zone euro commençait à sortir de la crise, vous avez demandé encore un nouveau délai. Pour quel résultat ? Un déficit de 3,5 % en 2015. Vous vous en êtes réjouis car ce chiffre est meilleur que les 3,8 % attendus, mais vous savez très bien que la différence provient de la baisse des investissements des collectivités territoriales qui ont vu leurs investissements diminuer de façon substantielle du fait de la diminution des dotations de l’État.
Pire, vous avez en quelque sorte dilapidé ces 5 milliards d’euros, les considérant comme une cagnotte, en multipliant les mesures électoralistes afin de calmer les uns et les autres et d’endiguer une exaspération qui survient à un an de l’élection présidentielle. On voit bien que le Président de la République essaie de préserver son image, à grand renfort d’annonces électoralistes, et qu’il laisse tomber le redressement des comptes publics. Il a les yeux rivés sur 2017. Il est d’ailleurs d’ores et déjà en campagne – il se déplace tous les jeudis – et annonce 6 milliards d’euros de cadeaux pour l’année prochaine…
…qui devraient d’ailleurs, pardonnez-moi ce trait d’humour, être intégrés aux comptes de campagne du candidat socialiste.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, les dépenses publiques ont augmenté, madame la rapporteure générale le sait très bien puisque cela figure dans son rapport, de plus de 90 milliards d’euros depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir, sans que l’action publique en soit améliorée. J’ai en mémoire la déclaration de Jean-Jacques Urvoas, parue un dimanche matin dans le Journal du Dimanche, dans laquelle le ministre de la justice évoquait l’incurie de son ministère qui n’a plus les moyens de fonctionner.
Incapables également de mettre en oeuvre ces 50 milliards d’euros d’économies, vous n’avez cessé de décaler cet effort vers la dernière année du quinquennat – pas moins de 20 milliards d’euros d’économies sont attendus pour 2017. Qui peut croire encore à ce pacte de stabilité ?
Cette série d’échecs est due à ce qu’a souligné Hervé Mariton, à savoir l’absence de ces réformes structurelles dont la France a tant besoin.
Choisir la facilité en augmentant les prélèvements obligatoires, comme vous l’avez fait, a mis par terre tous les moteurs de la croissance et asphyxié les classes moyennes.
Ce programme de stabilité signe l’absence d’une stratégie et je le regrette, d’autant que cette absence de stratégie a été accompagnée par les efforts immenses demandés aux Français depuis le début du quinquennat.
Ce programme de stabilité signe l’absence d’un cap économique, d’une vision. Les six millions de chômeurs que compte notre pays ne verront rien arriver d’ici à la fin du quinquennat.
Ce programme de stabilité est la photographie d’un pays qui ne va pas bien, et même moins bien qu’avant l’élection de François Hollande en 2012. Cette France ne va pas mieux et les mesures annoncées avant 2017 ne sont pas de nature à me rassurer car elles n’inverseront pas la courbe, n’apporteront pas de pouvoir d’achat et n’amélioreront pas la compétitivité française.
Croyez bien qu’en tant que député d’un groupe qui a essayé, à plusieurs reprises, de construire…
…je le regrette amèrement, pour mon pays, pour toutes celles et tous ceux qui sont en souffrance, et pour les entreprises, qui attendaient une autre politique économique et surtout pas des satisfecit qui ne résistent pas une seule seconde à une analyse fine des chiffres. Je vous remercie.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, le déficit public diminue. Il a été ramené à 3,5 % du PIB et a ainsi été divisé par deux depuis 2009. En 2015, les objectifs budgétaires ont été atteints et même dépassés. Le programme de stabilité 2016-2019 présente des objectifs inchangés en termes de réduction du déficit.
Pour 2016, les prévisions économiques relatives à la croissance et la réduction du déficit public formulées au début de l’année sont maintenues. La croissance est estimée à 1,5 % et la baisse du déficit public à 3,3 % du PIB.
Je veux tout d’abord souligner le fait que, pour la deuxième année consécutive, les perspectives de croissance à court terme sont conformes aux prévisions. Notre pays a enfin rompu avec ses mauvaises habitudes consistant à faire preuve d’un optimisme déraisonnable.
En revanche, si la croissance à court terme est correctement évaluée, ce n’est pas le cas de la croissance à moyen et long termes, pour lesquelles le risque de surestimation est important.
Ce risque est en réalité corrélé à la mauvaise pondération des déficits structurels et conjoncturels. Le président du Haut conseil des finances publiques en a convenu, une partie du déficit conjoncturel devrait être requalifiée en déficit structurel, tant, au fond, c’est l’épuisement de notre modèle de croissance qui est en cause. Nous traînons comme un boulet cette distorsion d’analyse qui nous empêche de penser la nécessaire transition.
Mais si les prévisions budgétaires ont pu être respectées, c’est bien grâce aux efforts supplémentaires de réduction de la dépense publique qu’il a fallu fournir pour compenser les effets de la faible inflation. Ce qui permet au passage de considérer que la baisse de dépenses est de plus en plus réelle et de moins en moins en tendance.
La prévision de l’inflation est donc devenue le talon d’Achille de la prévision budgétaire. Ce fut le cas pour 2015 – 0,1 % au lieu de 1 % – et ce sera encore le cas en 2016, peut-être dans les mêmes proportions, ce qui entraînera un nouveau train de réductions supplémentaires de dépenses qu’il faudra ajouter à celles nécessaires pour couvrir les nouvelles dépenses, sur lesquelles je ne reviens pas un seul instant.
Il est difficile, dans ces conditions de réduction du déficit budgétaire, de soutenir simultanément la relance de l’économie, sachant que la dépense publique ampute en partie cette relance. En effet, le budget n’est qu’un outil et la question reste bien, à quelques minutes de l’annonce des chiffres du chômage pour le mois de mars, celle de l’activité et de l’emploi. C’est la raison pour laquelle le CICE, et plus largement le pacte de responsabilité, suscitent des interrogations et font l’objet de vifs débats.
Face à l’impatience légitime de nos concitoyens, il est difficile de faire valoir la lenteur de la politique de l’offre alors qu’il faut attendre que les entreprises investissent et développent de nouveaux produits et services afin d’avoir accès à de nouveaux marchés pour peut-être, enfin, embaucher.
A contrario, la baisse de la dépense publique provoque des pertes d’emploi immédiates dans l’administration mais aussi dans les associations ou les entreprises, faute de commandes publiques, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Pour les collectivités locales, la baisse des dotations, qui, à la différence des dépenses de l’État, ne se fait pas en tendance mais en valeur absolue, commence à peser lourdement sur certaines dépenses, notamment pour le maintien des services publics, les investissements et les aides aux associations.
Il faut néanmoins noter les efforts engagés pour atténuer ces baisses de dotation aux collectivités locales – je pense notamment à la majoration de 4 % du remboursement du FCTVA – fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée – et à son élargissement à la rénovation du patrimoine et aux routes, ou encore au fonds spécifique pour les territoires à énergie positive et au fameux milliard d’euros destiné aux investissements. Autant de cibles qui visent précisément à soutenir le secteur du BTP et la transition énergétique.
Je veux à cet instant insister sur le fait que les dépenses en faveur de la transition énergétique ont un temps de retour bien plus court que les autres investissements. La rareté financière doit avoir pour effet de nous amener à être plus sélectifs.
Par ailleurs, tous les investissements ne s’intègrent pas dans la transition écologique, certains allant même à son encontre. Cela aussi doit constituer un point d’interrogation quand les moyens sont réduits. Cependant, monsieur le ministre, pour 2017, nous n’échapperons pas à une question à 4,5 milliards d’euros. Cette question concerne la dernière phase de la suppression de la C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés – en direction des grandes entreprises. Cette somme importante serait sans doute plus utile aux PME, ce qui suppose de reconsidérer la baisse de dotation de 3,5 milliards aux collectivités en 2017.
L’effort budgétaire est important, mais où est-il le plus productif pour l’emploi ? C’est la question que nous devons nous poser.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le programme national de stabilité de la France pour la période 2016-2019 ainsi que le programme national de réforme.
Je tiens d’abord à remercier Mme la rapporteure générale pour ce rapport qui permet d’éclairer les débats et met en lumière les orientations budgétaires retenues par le Gouvernement pour les prochaines années.
Sans surprise, c’est le seul étendard de la réduction des dépenses publiques qui flottera sur Bercy pour les quatre ans à venir.
Le rapport présenté par Mme Rabault le montre très bien, l’atteinte des objectifs de solde repose presque exclusivement sur un effort au niveau des dépenses.
Pour 2016, 15,8 milliards d’euros d’économies ont été adoptées, affectant l’État, les collectivités et la sécurité sociale – en clair, les services publics. Ironie de l’histoire, compte tenu du faible niveau de l’inflation, qui découle de ces mêmes politiques budgétaires restrictives, des économies complémentaires devront être réalisées.
Enfin, face aux crises multiples, le Gouvernement a pris récemment des mesures générant de la dépense publique. Mais il a posé le principe d’un gage intégral et systématique de toutes ces mesures, qui seront donc compensées par de nouvelles coupes budgétaires.
Pour 2017, le Gouvernement durcira une nouvelle fois le ton en proposant cette fois 18,7 milliards d’euros d’économies, déclinées ainsi : 6,2 milliards pour l’État, 3,7 milliards pour les collectivités et 8,8 milliards pour la sécurité sociale.
Appliquant son bien mal nommé pacte de responsabilité, le Gouvernement prend donc fait et cause pour la poursuite de la rigueur, capitulant en rase campagne face aux exigences folles d’un capitalisme financier sans limite.
Cette stratégie de réduction à tout prix des dépenses publiques est une folie économique et témoigne d’un manque cruel d’imagination politique. Les décideurs européens s’en remettent au seul suivi des sacro-saints indicateurs de déficit et de dette publique pour mener leur action, reléguant au second plan le bien-être des populations et la soutenabilité de notre modèle de production.
Comment peut-on aujourd’hui persister dans cette voie qui paraît sans issue, dans cette fuite en avant qui laisse toujours plus de gens sur le bord de la route, accroît les inégalités et met en concurrence les peuples plutôt qu’elle ne les unit ?
Alors que la démocratie est menacée, que les alertes se multiplient – on l’a encore vu récemment avec les résultats électoraux en Autriche –, l’Europe s’entête à appliquer des dogmes qui laissent pourtant dubitatifs bon nombre d’acteurs, notamment les grandes puissances économiques, inquiètes d’une stratégie macro-économique à contretemps qui menace la stabilité mondiale.
Plus les années passent et plus l’échec du pacte de stabilité est patent, confirmant qu’il s’agit bien, comme l’avait qualifié le président de la Commission européenne Romano Prodi en 2005, d’un « pacte de stupidité ».
Plus les années passent et plus l’échec du pacte de stabilité est patent, ce qui confirme qu’il s’agit bien, pour reprendre le mot du président de la Commission européenne Romano Prodi en 2005, d’un « pacte de stupidité ».
Il l’est plus encore depuis l’explosion de la crise que les politiques menées au sein de la zone euro, axées sur la rigueur budgétaire, ont prolongée et accentuée, de sorte que nous peinons à nous en extirper. Répondant à une logique comptable de court terme, elles obèrent nos capacités de production, se traduisant inéluctablement par une contraction de l’activité et alimentant les risques de déflation.
La question n’est donc pas de disputailler sur tel niveau de déficit public ou de dette. La question fondamentale est bien la suivante : dans quel modèle de société voulons-nous vivre et comment faire en sorte que chacun trouve sa place dans notre société ?
Il est, à notre sens, urgent de construire une politique véritablement alternative et novatrice, ce qui nécessite de sortir du carcan financier européen actuel et du funeste TSCG, qui mène l’Europe vers la déflation.
Pour ce faire, le traitement de la dette publique est une priorité. La chape de plomb doit être allégée. La restructuration nécessaire des dettes souveraines passe par la tenue d’une grande conférence européenne sur les dettes publiques.
Ensuite, il nous faut de l’inflation. C’est vital. Nous devons sortir de la dictature des rentiers. La politique de la BCE doit cesser d’alimenter la bulle spéculative pour enfin se tourner vers l’économie réelle. Favoriser les investissements en s’appuyant sur la BEI : voilà une solution novatrice et bien plus ambitieuse que le plan Juncker, clairement insuffisant.
Enfin, derrière la question de la déflation, il y a bien évidemment la question des salaires, qui doivent être revalorisés. À ce sujet, j’aurai l’honneur de soutenir, dans le cadre d’une niche parlementaire, une proposition de loi ambitieuse visant à encadrer les rémunérations dans les entreprises.
Je conclurai en soulignant que la politique budgétaire de l’Europe et de la France est bancale. Elle ne marche pas sur ses deux pieds. Il faut de toute urgence un rééquilibrage, sous peine d’une chute fatale qui pourtant approche.
Madame la Présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme de stabilité présenté cette année s’inscrit dans un contexte bien différent de ceux des années précédentes.
La plupart des indicateurs macro-économiques se sont améliorés et permettent de crédibiliser la position constante du gouvernement français dans ce domaine depuis quatre ans.
A priori, les choix politiques faits par le Président de la République après dix années d’austérité et d’endettement n’étaient pas évidents à tenir, mais l’objectif de respecter une ligne de crête en réduisant la dette, tout en relançant la croissance dans un contexte de nécessaire mise en oeuvre d’importantes réformes structurelles, a été tenu.
Il n’est pas inutile de rappeler le passif. La dégradation des déficits et de la dette léguée par le gouvernement précédent a contraint le pays à un effort de redressement considérable. En 2012, le déficit public filait allègrement vers 5,5 %, la dette publique avait augmenté de 600 milliards en cinq ans et le déficit structurel s’était constamment aggravé entre 2007 et 2011.
Aujourd’hui, les efforts visant à piloter finement l’ensemble des leviers de la politique économique commencent à porter leurs fruits. Le programme de stabilité de la France continue de reposer sur un scénario macroéconomique à la fois prudent, réaliste et ambitieux. Il table sur un maintien de la prévision de croissance à 1,5 % en 2016 et 2017, sur une inflation inférieure au PLF pour 2016 et sur une poursuite de la diminution la part des dépenses publiques et des impôts dans le PIB.
Comme c’est le cas chaque année depuis 2012, la stratégie mise en oeuvre par le Gouvernement vise à redresser les finances publiques tout en relançant la croissance. Si nos engagements européens sont respectés avec, pour objectif final, un retour du déficit public nominal sous les 3 % du PIB en 2017, le Gouvernement refuse de suivre les recommandations de la Commission européenne en matière d’effort structurel, car celles-ci, induisant des effets récessifs, mettraient en péril le retour de la croissance.
Cette souplesse et la pleine utilisation des marges de manoeuvre disponibles ont permis de remplir les objectifs, voire de les dépasser. Ainsi, le déficit public poursuit sa baisse. Ramené à 3,5 % du PIB au lieu des 3,8 % prévus, il aura été divisé par deux depuis le pic de la crise en 2009.
S’agissant des prévisions du déficit public nominal, les cibles sont confirmées avec 3,3 % du PIB en 2016, puis 2,7 % en 2017.
Quant à la dépense publique, elle a progressé de 0,9 % en valeur, soit le plus faible rythme d’augmentation de ces dernières décennies. Les dépenses ont diminué de 1,4 milliard d’euros d’exécution à exécution.
Tel est le résultat d’une gestion réactive du budget : tout au long de l’année, nous avons su dégager de nouveaux moyens pour agir. Sur ces quatre années, nous avons engagé une vraie rupture avec le passé, car la dépense avait progressé en moyenne de 3,2 % entre 2007 et 2012.
La constance dans la politique budgétaire, c’est la poursuite de la réduction du déficit grâce au plan d’économies de 50 milliards sur trois ans annoncé en 2014 : 15 milliards d’euros d’économies sont proposées pour 2016 et 18,7 milliards d’euros pour 2017.
Enfin, le taux de prélèvements obligatoires a de nouveau baissé en 2015, comme en 2014, sous l’effet du pacte de responsabilité et de solidarité.
La croissance s’est installée sur des bases solides en 2015. Les ménages voient leur pouvoir d’achat progresser fortement, grâce à la politique de modération fiscale et à la baisse du prix du pétrole.
Après trois années successives de baisse de l’impôt sur le revenu, 12 millions de foyers fiscaux en 2016, soit deux tiers des contribuables, auront vu leur impôt baisser, pour un gain total de pouvoir d’achat de 5 milliards. De même, les entreprises voient leurs marges se redresser, portées par les mesures fiscales, et bénéficient de taux d’intérêt bas, créant un environnement favorable à une accélération de l’investissement.
Je veux donc saluer, en conclusion, la pertinence de la trajectoire des finances publiques choisie par le Gouvernement, telle qu’inscrite cette année dans le programme de stabilité de la France.
Ajustée finement pour ne pas peser sur la reprise économique, elle permet à notre pays de respecter ses engagements européens et ainsi de contribuer à la stabilité de la zone euro, de redresser ses comptes publics dans l’intérêt des générations futures et de poursuivre ses réformes tout en assurant la reprise de la croissance.
Pour toutes ces raisons, notre groupe approuve avec conviction le programme de stabilité qui nous est proposé.
Nous avons entendu tous les orateurs.
La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Madame la Présidente, monsieur le président de la commission des finances, dont j’ai écouté l’intervention, comme d’habitude, avec attention,…
…même si – c’est la force de notre démocratie –, le président appartenant à l’opposition, il se doit de nuancer toutes ses appréciations par la critique,…
…madame la rapporteur générale, que je remercie de la qualité et la justesse de son rapport, mesdames et messieurs les députés, que j’ai écoutés attentivement, parfois pour la deuxième ou la troisième fois sur ces sujets, mais se répéter est un signe de constance, le programme de stabilité retrace, comme chaque année au printemps, notre stratégie de redressement des finances publiques.
Il fait l’objet de notre discussion, qui s’inscrit dans le cadre prévu par les traités et les dispositions applicables à l’organisation de nos débats à l’Assemblée nationale.
Le document, vous le savez, sera ensuite adressé à nos partenaires européens avant la fin du mois.
Non. Je l’ai dit : nous discutons dans le cadre prévu par les traités et les textes qui régissent le bon fonctionnement de votre assemblée.
Vous savez que le débat sur le programme de stabilité est un exercice régulier, commun à l’ensemble des États membres, qui participe à la coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l’Union européenne. C’est d’ailleurs la troisième fois que Christian Eckert et moi-même nous plions avec plaisir à cet exercice. Et plus le temps passe, plus notre plaisir augmente,…
…compte tenu des résultats auxquels nous parvenons. Je vous en dirai quelques mots.
Vous avez pu constater que le document recèle peu de nouveautés par rapport au projet de loi de finances initial pour 2016. C’est en soi une bonne nouvelle, qui prouve tant la prudence avec laquelle nous avions construit nos précédents programmes que le sérieux dont nous avons témoigné dans leur mise en oeuvre.
C’est aussi le reflet de la continuité de notre politique économique et budgétaire. Or, dans ce domaine, on n’obtient aucun résultat sans continuité : pour produire ses effets, une politique doit s’inscrire dans la durée.
Beaucoup d’entre vous ont d’ailleurs souligné la continuité de notre politique économique, avec le déploiement du pacte de responsabilité et de solidarité et, bien entendu, la poursuite de réformes utiles à la croissance, que détaille le programme national de réformes accompagnant comme chaque année le programme de stabilité.
Après avoir totalisé 24 milliards d’euros en 2015, le Pacte de responsabilité représentera, avec le CICE, 34 milliards de baisses de cotisations et de fiscalité pour les entreprises en 2016. De tels chiffres n’avaient pas été atteints depuis fort longtemps. C’est plutôt à des résultats inverses qu’avaient abouti les décisions des uns et des autres.
Depuis le 1er janvier, la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises a été supprimée. La deuxième étape de la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés exonère désormais de cet impôt 90% des entreprises, soit l’intégralité des PME et l’essentiel des ETI.
Enfin, depuis le 1er avril, les allégements de cotisation concernent les salariés dont le revenu va jusqu’à 3,5 SMIC, soit 90% des salariés et une bonne partie de ceux des entreprises industrielles, dont le niveau de salaire dépasse la moyenne française.
Par ailleurs, 12 millions de foyers fiscaux, soit les deux tiers des contribuables, auront vu en trois ans leur impôt baisser pour un gain de pouvoir d’achat total de 5 milliards d’euros en 2016.
La continuité caractérise également notre politique budgétaire, qui vise à assainir les comptes publics à un rythme compatible avec la reprise économique. Nous réduisons les déficits par la maîtrise de nos dépenses, tout en assurant le financement de nos priorités et la baisse simultanée des déficits et des prélèvements dans le PIB.
Permettez-moi de revenir un instant, comme l’ont fait certains d’entre vous, sur la situation économique.
La croissance s’est installée sur des bases solides en 2015, à un taux de 1,2 %. L’objectif initial de 1 %, que certains – je n’aurai pas la cruauté de les nommer – jugeaient optimiste, voire inatteignable, a été dépassé. Cette dynamique, portée par la consommation et l’investissement, va accélérer en 2016.
Les ménages voient leur pouvoir d’achat progresser fortement, grâce à la politique de modération fiscale…
…et à la baisse du prix du pétrole.
En effet, le pouvoir d’achat a augmenté de 1,8 % l’an dernier, soit une progression inobservée depuis 2007, et il continuera de progresser en 2016 et 2017. De ce point de vue, nous avons surmonté la période de crise.
En conséquence, la consommation progresse : après avoir augmenté de 1,4 % l’an dernier, elle devrait gagner 1,6 % par an en 2016 et 2017, selon des chiffres que tout le monde s’accorde à juger raisonnables.
Compte tenu de l’application du CICE et de la baisse du prix du pétrole, les entreprises voient leurs marges se redresser. Elles bénéficient en outre de taux d’intérêt bas. Ainsi, leur taux de marge a déjà repris les deux tiers de la valeur perdue avec la crise, pour atteindre 31,4% fin 2015. Avec le déploiement complet du pacte de responsabilité, que nous avons inscrit dans le pacte de stabilité, le taux de marge reviendra à son niveau moyen d’avant la crise. Ainsi, nous allons effacer les effets de la crise pour les entreprises et leur redonner les capacités d’investissement et d’emploi dont elles ont besoin.
La situation crée en effet un environnement favorable à l’accélération de l’investissement des entreprises : celui-ci, après avoir progressé de 2 % l’an dernier, devrait augmenter de plus de 3 % en 2016.
Dans ce contexte, l’économie française a renoué en 2015 avec les créations d’emplois dans le secteur privé. Celles-ci concernent près de 100 000 emplois. Ce rythme devrait s’accélérer dès 2016, grâce au renforcement de la reprise et au déploiement du plan d’urgence pour l’emploi. L’accélération des déclarations d’embauches a augmenté depuis plusieurs mois. Leur augmentation de 4,8 % au premier trimestre pour les contrats de plus d’un mois, en particulier dans les TPE, témoigne déjà de cette dynamique positive.
Et, puisqu’il est dix-huit heures quinze, et que chacun a pu lire ce chiffre sur son smartphone, je suis heureux d’annoncer que le nombre de chômeurs a baissé de 60 000 le mois dernier, soit, puisqu’il faut essayer d’adopter une vision sur plusieurs mois, une diminution d’environ 50 000 chômeurs au cours du premier trimestre 2016.
Au bout du compte, les efforts finissent par produire des effets. Il faudra les inscrire dans la durée…
Oui, quatre ans après, et après quelle hausse du chômage lorsque vous étiez aux responsabilités ! Vous savez d’ailleurs parfaitement dans quel état se trouvait alors la France, n’ayant vous-même pas ménagé vos critiques : elle avait perdu de la compétitivité et des marges de tous les côtés.
Il a fallu les restaurer. Cela ne se fait pas en un jour ! Cela exige de la continuité, de la constance ; ce n’est pas toujours compris, car l’impatience des Français – qui attendent plus de croissance, plus d’activité économique et plus d’emploi – est normale et légitime.
L’année écoulée aura été marquée par le respect de notre objectif de déficit public : estimé par l’INSEE à 3,5 % du PIB pour 2015, il est meilleur que le niveau anticipé – 3,8 % – et atteint quasiment avec un an d’avance celui recommandé par l’Union européenne pour l’année 2016, à savoir 3,4 %.
La croissance évolue sur les bases prévues : après 1,2 % l’an dernier, première année de reprise économique effective, les derniers développements conjoncturels sont cohérents avec l’hypothèse de 1,5 % de croissance de cette année. Il faut maintenir cette ancre, sur laquelle se fonde notre construction budgétaire : ceci permet d’assurer une forme de stabilité essentielle à la conduite sereine de la politique budgétaire. Le Haut conseil des finances publiques, dont vous avez lu attentivement l’avis, estime d’ailleurs cet objectif de 1,5 % atteignable. Nous connaîtrons vendredi prochain, après ceux de l’emploi, les chiffres de la croissance du premier trimestre. Nous pourrons ainsi vérifier si ces estimations sont exactes.
Des efforts complémentaires sont néanmoins nécessaires – nombre d’entre vous en ont parlé, et je tiens à remercier Mme la rapporteure générale pour son travail précis – pour financer les nouvelles mesures décidées depuis le début de l’année, notamment le plan d’urgence pour l’emploi, dont nous avons constaté l’efficacité, et pour compenser les effets de l’inflation. En effet, la nouvelle baisse du prix du pétrole depuis janvier va mécaniquement conduire l’inflation à se redresser plus lentement que prévu. Ainsi, elle devrait être à nouveau quasiment nulle cette année – de l’ordre de +0,1 %. C’est la seule véritable révision que nous ayons introduite dans ce programme de stabilité ; il convient en effet d’en tirer les conséquences sur le plan budgétaire. Cela implique des mesures du même ordre de grandeur que l’an passé : nous ne sommes pas plus en difficulté que l’an dernier, mais nous entendons s’exprimer les mêmes inquiétudes sur l’évolution des recettes et des dépenses. Comme le dirait fort bien Christian Eckert avec son bon sens lorrain, « puisque nous avons réussi l’année dernière, il n’y a pas de raison que nous ne réussissions pas cette année. »
Nous confirmons ainsi dans ce programme de stabilité notre objectif de ramener le déficit à 3,3 % en 2016, et en dessous de 3 % en 2017, à 2,7 % du PIB. Nous nous y sommes engagés, nous nous y tiendrons. Je puis vous le dire, moi qui siège dans l’ensemble des instances européennes et internationales, cela a redonné beaucoup de crédibilité à la France : alors qu’elle était l’homme malade il y a encore deux ans ou deux ans et demi, elle est aujourd’hui considérée comme un pays qui tient ses engagements et qui a la capacité de se réformer et de se moderniser.
Beaucoup semblent ne pas vouloir y croire, et il faut les comprendre : pendant tant d’années, sous la droite comme sous la gauche, les impôts ont augmenté. Mais aujourd’hui, ils baissent en France. C’est une réalité pour beaucoup sur leurs feuilles d’imposition, et cela le sera encore davantage à la fin de cette année ; c’est également une réalité statistique. Ce qu’il est convenu d’appeler le taux des prélèvements obligatoires s’est élevé à 44,5 % du PIB en 2015. Il baisse ainsi pour la première fois depuis 2009, après s’être stabilisé en 2014. La force de ce résultat, ce n’est pas tant d’avoir su baisser les impôts, mais – je voudrais vous rendre attentifs à ce point – d’avoir su baisser conjointement les prélèvements et les déficits. Baisser les prélèvements en augmentant les déficits, on sait faire – et on pourrait craindre, au vu du programme de ceux qui souhaitent l’alternance, qu’il en soit ainsi. Baisser les impôts en creusant les déficits, en augmentant la dette et en la reportant sur les générations futures, on sait faire, et c’est facile ! Que chacun se remémore l’histoire politique de notre pays au cours des dernières années : c’est la première fois depuis l’an 2000 que nous réussissons à baisser conjointement les impôts et les déficits – et nous continuerons, bien sûr, en 2016 et en 2017.
Cela ne sert à rien de parler comme je ne sais plus quelle animatrice de télévision, monsieur Hetzel !
Ce n’est pas une farce ! C’est sérieux, ce sont les chiffres – regardez-les, et vous verrez ! Et n’emboîtez pas le pas à telle ou telle journaliste de la télévision, qui ne s’est pas grandie en s’exprimant comme vous venez de le faire !
C’est ce que je fais, monsieur Mariton. Encore faut-il ne pas m’en distraire ! Ce résultat est le fruit de la mise en oeuvre continue du Pacte de responsabilité et de solidarité, en faveur des entreprises et des ménages, dont j’ai rappelé les détails à l’instant. Cette démarche sera poursuivie et l’engagement de ne plus procéder à des hausses d’impôts sera tenu, comme nous le démontrons depuis plus d’un an.
Je l’ai rappelé, notre stratégie se fonde sur une maîtrise très stricte des dépenses publiques pour dégager les marges de manoeuvre nécessaires au redressement des déficits et aux baisses de prélèvements.
Pour la deuxième année consécutive, les dépenses publiques n’ont progressé en 2015, hors crédits d’impôts, que d’environ 1 %. C’est un résultat inédit, que nous réalisons deux années de suite ! Ne dites pas que cela n’est dû qu’au faible niveau des taux d’intérêt : cette analyse reste parfaitement valable si l’on exclut les charges d’intérêt sur la dette, avec une évolution jusqu’ici inobservée de 1,2 % en 2014 et de 1,1 % en 2015, hors crédits d’impôts également.
Ce sérieux dans la gestion de nos dépenses sera poursuivi, avec comme objectif une progression de 1,1 % en 2016 comme en 2017.
Cela se traduit logiquement par une baisse de la part des dépenses publiques dans le PIB. Cette part a baissé de 0,8 point l’an dernier, revenant à 55,3 % du PIB, soit un niveau proche de celui de 2011. Et la baisse se prolongera pour ramener les dépenses à 54 % du PIB en 2017.
Maîtriser la progression de nos dépenses ne signifie pas renoncer à nos priorités. Je pense à nos grands engagements, le renforcement des moyens de l’éducation nationale, de l’intérieur et de la justice, même si d’autres progrès restent à faire. Je pense également aux nouvelles mesures décidées en cours de route pour faire face, avec réactivité, à nos nouveaux besoins, la lutte contre le terrorisme ou l’amplification des moyens de la politique de l’emploi notamment.
Réactivité face aux urgences, mais également réactivité dans la capacité à présenter les financements appropriés. Christian Eckert y reviendra, mais je tenais à le redire : toute nouvelle mesure est et sera intégralement financée par des mesures d’économie compensatoires.
La résultante d’un déficit qui se réduit et d’une croissance qui repart, c’est une dette qui se stabilise : elle n’aura progressé que de 0,4 point en 2015, pour atteindre 95,7 % du PIB. C’est bien peu quand l’on regarde la chronique de progression de la dette depuis 2007.
La dette restera globalement stable d’ici 2017 avant de refluer. Maîtriser ainsi nos grands équilibres, c’est également la condition pour préserver la qualité de la signature de la France et se financer à bas coût. Au début du mois, nous avons emprunté à 10 ans à un taux de 0,43%, un record. De même, nous avons emprunté à 50 ans à 1,9% pour assurer durablement – en pensant aux générations suivantes, et pas seulement à nous-mêmes – des conditions de financement très favorables pour la France.
Ces bonnes conditions de financement nous permettront de dépenser à nouveau moins au titre des charges d’intérêt en 2016 qu’en 2015 : 43,1 milliards d’euros contre 44,1 milliards pour l’ensemble des administrations. Et comme il est d’usage, la chronique des taux d’intérêt reste prudente : 1,25% fin 2016 et 2% fin 2017. Nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise de ce côté-là.
Voici donc les grandes lignes de ce programme de stabilité : poursuite de la maîtrise de nos dépenses publiques, poursuite de la baisse des déficits, poursuite de la baisse des prélèvements. Cette stratégie fonctionne, les résultats de 2015 le démontrent. Elle sera poursuivie avec détermination dans l’année qui vient.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d’abord d’adresser quelques remerciements à Mme la rapporteure générale pour la clarté de son rapport et les signaux qu’elle a envoyés.
Quitte à froisser ceux que j’oublierai, je voudrais aussi remercier Philip Cordery, qui s’est livré à un rappel historique intéressant de l’histoire budgétaire de ces dernières années et de l’évolution de la situation. Je pense que chacun l’aura noté.
Merci aussi à certains d’entre vous de nous avoir fait vivre un court moment de nostalgie. Nous avons connu, par le passé, des débats budgétaires animés et pleins de passion. Souvenez-vous : telle année, nous nous opposions sur la question de la légitimité des hausses d’impôts pour réduire le déficit ; telle autre, nous débattions des réactions de la Commission européenne à nos budgets ; parfois même, dans des débats plus techniques, nous avons pu échanger sur le calcul des économies en fonction d’un tendanciel de dépense.
Ces questions ont aujourd’hui largement disparu, et nous débattons désormais dans un climat de plus grande sérénité. Car en finances publiques, la vérité, ce sont les chiffres : les chiffres sont incontestables, et ils montrent que ce que ce gouvernement a annoncé, il l’a fait, que le déficit se réduit et que les baisses de prélèvements obligatoires – les baisses d’impôts et de cotisations – sont une réalité. Et puisqu’on ne peut pas réduire le déficit et baisser les impôts sans faire d’économies, c’est donc que les économies, quel que soit le qualificatif qu’on leur appose, sont réelles.
Ce programme de stabilité a été présenté en détail à votre commission des finances. Il s’inscrit dans une trajectoire inchangée depuis deux ans ; et, pour ne pas lasser la représentation nationale, je voudrais aller à l’essentiel et être extrêmement précis dans mon propos.
L’essentiel est que les critiques portées à notre politique budgétaire se sont largement estompées, et qu’il n’en reste aujourd’hui plus qu’une seule : elle porte sur notre capacité à financer les dépenses nouvelles que nous avons engagées depuis le début de l’année.
Je voudrais apporter des éléments très précis sur ce point.
Les dépenses nouvelles vont avoir un impact de l’ordre de 4 milliards d’euros en 2016, dont un peu plus de 3,5 milliards d’euros sur le budget de l’État. J’ai entendu parler de 8 milliards, puis de 15 milliards, mélanger les budgets 2016, 2017, 2018 ; j’ai entendu évoquer des évolutions envisagées sur certaines dispositions, évolutions qui ne sont pas encore inscrites dans notre législation. Les 3,5 milliards d’euros sur le budget de l’État dont je parle, ce sont principalement les mesures en faveur de l’emploi, pour 2 milliards d’euros, dont je n’ai pas entendu contester l’opportunité, les mesures en faveur des agriculteurs, de l’ordre de 900 millions d’euros, que je n’ai pas davantage entendu contester, et la hausse du point de la fonction publique. Je vous ai bien écouté, monsieur Mariton. D’un côté, vous dites qu’il n’y a pas d’amélioration des revenus ; de l’autre, vous estimez cette hausse du point d’indice inopportune.
Je n’ai pas dit cela : j’ai dit qu’il fallait augmenter le temps de travail en même temps. M. le secrétaire d’État entend mal !
Merci d’éviter les dialogues : laissons M. le secrétaire d’État poursuivre son propos.
Il faut être cohérent ! Quoi qu’il en soit, cela représente, je vous l’accorde, de l’ordre de 600 millions d’euros sur l’ensemble des administrations. S’y ajoutent les mesures en faveur des jeunes, qui sont de l’ordre de 200 millions d’euros.
Concrètement, comment ces dépenses seront-elles financées ? Par deux moyens différents.
Tout d’abord, par une première mesure qui a déjà été prise : la réserve de précaution a été augmentée de 1,8 milliard d’euros par le gel de l’ensemble des crédits reportés de 2015 à 2016. Deuxième mesure : un décret d’avance va gager le plan emploi par des économies supplémentaires. Votre commission pourra l’examiner et émettre un avis sur ces économies. Enfin, classiquement, des annulations seront réalisées en fin de gestion sur la réserve de précaution, qui s’élève à plus de 11 milliards d’euros, monsieur le président de la commission, pour couvrir les aléas de l’année – il y en a toujours, ils sont connus – mais aussi, comme cela a été le cas l’année dernière – le ministre des finances l’a rappelé – pour atteindre notre objectif de dépenses recalé, comme mentionné dans le programme de stabilité. Comme je l’ai déjà signalé, ces éléments ont été très clairement présentés par la rapporteure générale, dont le rapport détaille avec précision et rigueur tant les dépenses nouvelles que leur financement.
L’idée de financer des dépenses nouvelles en cours d’année par des économies en cours d’exercice est neuve, il est vrai. C’est en fait une innovation de cette législature. Mais tant en 2014 qu’en 2015, nous avons réussi ce pari. Il n’y a aucune raison de ne pas rééditer cette performance en 2016. Des mesures précises de financement sont adoptées : le gel des reports, déjà décidé, et le décret d’avance, qui vous sera prochainement transmis. Ces mesures concrètes financeront ces dépenses. Puisque nous respectons nos engagements, il n’y a pas de nouveauté dans le cadrage budgétaire de ce programme de stabilité.
Toutefois, ce débat budgétaire se distingue des précédents. En effet, il y a aujourd’hui un élément neuf : le programme budgétaire que le principal parti d’opposition a récemment rendu public. Après avoir passé quatre ans à disserter sur la différence entre une économie structurelle et non structurelle, sur le bon niveau de la croissance potentielle ou encore sur les modalités de calcul des économies, l’opposition nous fait enfin des propositions concrètes en matière budgétaire et fiscale. Première surprise, monsieur le président de la commission : toutes les économies proposées sont calculées par rapport à un tendanciel. Le travail de conviction mené par le Gouvernement depuis plusieurs années a donc payé : c’est un point sur lequel nous avons semble-t-il, à défaut d’avoir convaincu le président Carrez…
…convaincu l’opposition, ce dont je me réjouis.
C’est à croire que le président Carrez n’a pas d’influence !
Sourires.
La deuxième surprise est une proposition beaucoup moins anecdotique. Je ne peux pas croire, d’ailleurs, que les parlementaires de l’opposition puissent endosser cette proposition, eux qui, depuis quatre ans, encouragent le Gouvernement à aller chaque jour plus loin dans l’assainissement des comptes ; non, je ne peux pas croire que le président de la commission des finances ou que des parlementaires rodés à nos débats comme Hervé Mariton ou Charles de Courson pourront endosser cette proposition. Quelle est-elle ? Faire repartir le déficit public à la hausse…
…alors qu’il baisse sans interruption depuis le début de la décennie ; il s’agit d’accepter qu’en 2017 et en 2018, le déficit public soit supérieur à 3 %, qu’il atteigne exactement 3,5 %, alors que des années d’efforts nous permettent aujourd’hui d’envisager de manière crédible le retour en dessous de 3 % en 2017.
Cette proposition – écrite noir sur blanc – va encore plus loin – j’espère que vous êtes assis, mesdames, messieurs les députés : autoriser un dépassement de la part de la dette publique dans la richesse nationale au-delà de 100 %, très exactement à 100,5 % en 2019, alors que la dette est aujourd’hui maîtrisée et qu’elle entamera son reflux dès l’an prochain.
En un mot, le programme de l’opposition en matière budgétaire, c’est de dilapider les efforts accomplis depuis cinq ans par les Français. Non seulement il faut dilapider mais il faut le faire vite, car ce serait dès l’été 2017 que ce trou serait creusé, sans même attendre l’automne budgétaire.
Les propositions sont là et les Français jugeront : ce gouvernement et cette majorité ont assumé leurs responsabilités dans le contexte d’une crise budgétaire majeure, comportant des racines profondes, issue de trente ans d’augmentation continue de la dette publique. Nous avons fait face à nos responsabilités. Vous avez parlé tout à l’heure de manque de courage, monsieur le président de la commission, mais nous avons fait face à nos responsabilités, nous avons demandé des efforts aux Français, nous avons pris des mesures parfois dures, impopulaires, pour assainir nos comptes.
Mais tout cela n’a pas été fait en vain, car, en redressant nos finances publiques, nous reprenons notre destin en main. Cette capacité à décider de notre avenir en toute indépendance, nous l’avons aujourd’hui mais nous pourrions la perdre demain si ces propositions folles étaient mises en oeuvre.
Sourires.
Sourires.
Cela étant, que dire d’autre de ce programme budgétaire de l’opposition ? Pas grand-chose, car il est assez désolant de banalité. C’est d’abord la course à l’échalote des économies. Nous sommes désormais à 100 milliards d’euros d’économies, par rapport, bien sûr, à un tendanciel, monsieur le président de la commission. J’ai d’ailleurs regardé le détail et je n’ai compté que 75 milliards.
Les rédacteurs ont probablement gardé quelques mesures inavouables sous le boisseau. Mais les mesures qui ont été rendues publiques rappellent la différence entre la droite et la gauche : mesdames, messieurs de l’opposition, les économies, comme toujours, c’est sur l’éducation et les retraites que vous voulez les faire ; ce sont nos priorités, ce sont vos économies.
Et qu’en est-il sur le plan fiscal ? C’est la promesse d’une nouvelle loi travail, emploi et pouvoir d’achat – TEPA –, la suppression de l’ISF, la baisse des droits de succession, la baisse de l’impôt sur le revenu des plus aisés. Ce programme, en un mot, comme je le disais précédemment, consiste non seulement à dilapider les efforts des Français mais aussi à revenir sur toutes les avancées sociales obtenues depuis 2012.
Nous avons fait les départs anticipés en retraite pour les carrières longues, vous proposez le report de l’âge légal de la retraite.
Nous avons préservé les droits des assurés sociaux, vous proposez des déremboursements massifs ; nous avons augmenté les minima sociaux de 10 % et vous proposez 2,8 milliards d’euros d’économies sur ces minima.
Ce programme a un objectif, c’est la remise en cause de notre système de redistribution : il s’agit de prendre à l’éducation et aux retraites pour donner à ceux qui paient l’ISF. Quant aux ouvriers, aux demandeurs d’emploi, aux étrangers auxquels vous promettez la suppression de l’aide médicale d’État, l’AME, ils se débrouilleront bien sans l’aide de l’État.
Ce programme de stabilité, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les députés, est, comme chaque année, l’occasion de faire un point sur les résultats obtenus et sur les perspectives de nos finances publiques.
Les résultats sont là : nous baissons à la fois le déficit et les prélèvements obligatoires. C’était là notre engagement. Cette méthode a fait ses preuves et le Gouvernement vous propose de la reconduire. C’est une méthode qui est sans alternative, car elle seule nous permet de rester maîtres de notre avenir et de faire vivre et de consolider la société solidaire que nous voulons.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous en venons à présent aux questions des groupes. Je vous rappelle que leur durée est fixée à deux minutes et que le Gouvernement est invité à répondre à l’issue de chaque série de deux questions.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Dans le cadre de l’examen du programme de stabilité, nous devons, à mon sens, évaluer si la proposition de trajectoire budgétaire qui nous est proposée par le Gouvernement est ou non pertinente, et si l’équilibre entre le soutien à la croissance et la réduction du déficit est le plus pertinent possible, et la trajectoire la plus positive possible. Sur ce plan, je crois que l’on peut répondre par l’affirmative : la trajectoire qui nous est proposée permet à la fois de concilier la réduction des déficits et le soutien à la croissance. Je le dis parce que la recommandation du Conseil, l’année dernière, était de mettre en oeuvre un ajustement structurel plus important – de 0,8 % en 2016 et de 0,9 % en 2017 – alors que l’ajustement qui nous est proposé par le Gouvernement est, respectivement, de 0,4 et 0,5 %. Le Gouvernement a, me semble-t-il, bien fait de tenir bon à l’égard de la Commission. L’application de la recommandation du Conseil se serait traduite par 20 milliards d’économies supplémentaires et donc par un effet récessif sur la croissance. Je pense qu’il faut avoir la volonté et l’intelligence de ne pas étouffer la sortie de crise que la France amorce.
Je note d’ailleurs que, dans l’opposition, personne ne conteste fondamentalement la trajectoire qui nous est proposée. M. Eckert vient de citer un document des Républicains. On pourrait citer M. Bruno Le Maire, qui a indiqué récemment qu’il n’envisageait pas de revenir à l’équilibre budgétaire, comme cela était prévu, et qu’il faut garder une certaine marge de manoeuvre.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner des explications supplémentaires sur l’équilibre entre le soutien à la croissance et la réduction des déficits ?
La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Le Parlement s’apprête à examiner le nouveau programme de stabilité. Les perspectives de réduction du déficit sont supérieures aux dernières prévisions, ce qui constitue une excellente nouvelle. Avec 11 milliards d’euros de baisse des dotations de l’État aux collectivités, les territoires prennent toute leur part à cet effort. Mais ces baisses pénalisent fortement les collectivités, en particulier les communes rurales et les petites villes centres. Pour la seule ville de Château-Thierry, la dotation globale de fonctionnement a diminué de 40 % en quatre ans tandis que, dans le même temps, les charges obligatoires, elles, ne cessent de croître : revalorisation réglementaire des rémunérations, réforme des rythmes scolaires, dégel du point d’indice.
Par ailleurs, le Gouvernement s’était engagé à compenser les abattements liés à la politique de la ville au moyen de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, au profit des bailleurs. Il n’en compense finalement qu’une petite partie. N’est-il pas temps, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de mettre fin à la baisse des dotations, qui pénalise tant l’investissement sur nos territoires ? N’est-il pas temps, également, de s’attaquer enfin à la révision des bases d’imposition locales ? Ce dernier chantier a été ouvert par la dernière loi de finances rectificative pour 2010, dont les dispositions ont été modifiées à plusieurs reprises, entraînant des reports d’application. Pour prendre l’exemple de Château-Thierry, la question des valeurs locatives y est cruciale. Bien que, depuis sept ans, nous n’ayons pas augmenté les taux, ces valeurs demeurent très élevées, et nous assistons à une progressive désertification du centre-ville au profit des communes voisines. Quelles sont vos propositions pour faire face à ces injustices anciennes ? Le niveau de fiscalité des centres bourgs, souvent plus élevé, caractérisé par des charges de centralité, sera-t-il pris en compte comme paramètre pour la fixation de la dotation globale de fonctionnement, la DGF ?
Nos concitoyens ressentent beaucoup d’injustice en constatant que les références de valeurs locatives utilisées n’ont souvent rien à voir avec la valeur réelle de leur bien immobilier, d’autant plus qu’il existe des différences très importantes d’une commune à l’autre. N’est-il donc pas temps de profiter de l’accalmie budgétaire pour engager cette réforme et assurer une plus grande justice fiscale au niveau local ?
Monsieur Caresche, vous avez posé la question fondamentale de l’équilibre économique et budgétaire nécessaire. Nous devons continuer à diminuer nos déficits. Je constate, avec une certaine inquiétude, que plusieurs voix, dans l’opposition, entendent s’abstraire de cette exigence. Or, il s’agit d’une nécessité pour nous, pour la France ; de fait, tout déficit excédant 3 % entraîne une augmentation du poids de la dette. On ne peut pas être, d’un côté, contre la dette, avec de bons arguments – éviter de reporter sur les générations suivantes les dépenses d’aujourd’hui – et, d’un autre côté, soutenir l’accroissement des déficits : il y a là une contradiction insupportable. Cela étant, il faut le faire à un rythme qui soit compatible avec la reprise de l’activité. Tel a été, au fond, l’objet de la bataille que nous avons menée en 2014. Quand nous sommes arrivés au ministère de l’économie et des finances, nous avons souhaité mener une opération vérité. Cela n’a pas été simple, car il a fallu discuter de cette remise à plat avec la Commission, les institutions européennes. Finalement, nos arguments ont porté et les souhaits des institutions européennes ont exactement correspondu à la trajectoire que nous sommes en train de parcourir et de respecter, ce qui nous permet de retrouver de la croissance.
Voyez : l’année dernière, en 2015, nous avons fait un peu mieux que ce que nous avions prévu – alors qu’auparavant, les performances réelles étaient toujours en retrait par rapport aux prévisions. C’est le plus haut niveau de croissance depuis nombre d’années. Cela prouve bien qu’une augmentation de la croissance est compatible avec une diminution des déficits.
Je vais répondre précisément aux questions de M. Krabal en donnant quelques éléments sur les finances locales.
Premièrement, l’an dernier – je tiens à votre disposition les chiffres sur l’exécution budgétaire de l’année 2015 –, malgré la baisse d’environ 3,5 milliards d’euros des dotations de l’État, les recettes globales des collectivités territoriales ont progressé en moyenne de 1,5 %. Je parle là des recettes réelles de fonctionnement. Les dépenses réelles de fonctionnement ont également augmenté, de l’ordre de 1,46 %.
Notre objectif était de faire baisser les dépenses de fonctionnement. Il est en grande partie atteint : les dépenses de fonctionnement des collectivités augmentaient généralement de plus de 3 % par an, elles n’ont augmenté – c’est une réaction logique à la baisse des dotations – que de 1,5 %. Il faut bien avoir ce premier élément en tête.
Le dynamisme naturel des recettes de fonctionnement s’explique par l’évolution de la fiscalité directe – la CVAE, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, la taxe d’habitation – et de la fiscalité indirecte – la TICPE, taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers.
Je rappelle que les valeurs locatives ont été augmentées forfaitairement de 0,9 % par le Parlement – une proposition vis-à-vis de laquelle le Gouvernement était resté neutre. Tout cela explique que les recettes aient continué de progresser. J’y insiste : nous avions annoncé qu’elles resteraient stables, et elles ont même progressé.
Des questions se posent quant aux capacités d’investissement des collectivités locales. Je n’ai que deux minutes de temps de parole : je ne rappellerai donc pas, à ce sujet, les mesures prises concernant le fonds de compensation de la TVA et le fonds exceptionnel de 1 milliard d’euros destiné à soutenir l’investissement. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Vous avez évoqué la question des bases des valeurs locatives. Concernant les locaux professionnels, la dernière loi de finances prévoit, pour l’année prochaine, l’application des valeurs révisées, qui sont l’aboutissement d’un travail de longue haleine auquel de très nombreux élus ont participé. Pour les locaux professionnels, c’est donc chose faite ; pour les locaux d’habitation, c’est en cours, sur le même modèle : cinq départements pilotes ont été choisis, et un rapport d’expérimentation sera rendu. Nous voulons, bien entendu, généraliser cette réforme à l’ensemble du territoire, mais à cause de la complexité du dispositif, cela prendra un certain temps. Pour les raisons d’équité que vous avez bien décrites, cela reste toutefois essentiel.
Nous en arrivons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le nouveau diagnostic du Fonds monétaire international a été dévoilé le 12 avril dernier. Il apparaît plus pessimiste que les précédents. Selon ce dernier état des lieux de l’économie mondiale, le PIB mondial ne devrait s’accroître que de 3,1 % à 3,2 % en 2016 et de 3,5 % en 2017 – un niveau jugé décevant. L’économie mondiale suscite des inquiétudes : outre la chute des prix du pétrole, la guerre en Syrie et le terrorisme, il y a le Brexit, le Brésil, la Russie et la Chine.
L’absence d’efficacité des remèdes conventionnels laisse le FMI perplexe. Il préconise des plans de secours pour le cas où la croissance économique continuerait de ralentir. En clair, le FMI redoute que les décisions prises ne soient pas à la hauteur des besoins en matière de croissance économique. C’est le cas pour notre pays, dont les perspectives sont inquiétantes – voire alarmantes.
Notre situation budgétaire figure parmi les plus dégradées de la zone euro. Nous avons le plus haut niveau de dépenses publiques de l’Union européenne – 57,5 % du PIB en 2014 contre 49,4 % pour la zone euro – après la Finlande – 58,3 %.
Et depuis quand avons-nous le niveau de dépenses publiques le plus haut de l’Union européenne ?
En dépit de la stabilisation de la dette publique de la France dont vous faites état, notre dette atteint près de 2 100 milliards d’euros, et continuera d’augmenter en 2016 et en 2017. Selon les prévisions de Bercy, elle atteindra ainsi 96,2 % du PIB en 2016, et 96,5 % en 2017.
Et vous, vous proposez 100,5 % !
La Cour des comptes européenne, gardienne des finances de l’Union européenne, a elle-même regretté, il y a quelques jours, la mansuétude de la Commission européenne envers la dérive des finances publiques de certains États, tels la France ou l’Italie.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous pose à nouveau la question que j’ai posée en commission des finances le 13 avril dernier, et à laquelle je n’ai pas eu de réponse. J’espère que, cette fois, vous y répondrez ! Oui ou non, le Gouvernement a-t-il envisagé la possibilité d’un tel plan de secours, conformément aux préconisations du FMI ?
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais revenir sur les chiffres que vous avez annoncés, notamment à propos de la réalisation des objectifs de réduction des dépenses publiques.
Vous prévoyez, pour l’année 2016, 15 milliards d’euros d’économies. Au sein de cette enveloppe, vous avez fixé à 5,3 milliards d’euros le montant d’économies à réaliser par les administrations de sécurité sociale. Lorsque l’on regarde de plus près, on s’aperçoit que sur ces 5,3 milliards d’euros d’économies, 1,9 milliard n’est absolument pas documenté. Voilà ma première question : comment comptez-vous documenter ces économies ?
Il en est de même pour les chiffres que vous avancez pour l’année 2017 : les administrations de Sécurité sociale devront réaliser 8,8 milliards d’euros d’économies. Pouvez-vous les documenter ? Cette absence d’information met très sérieusement en cause la crédibilité de vos prévisions. C’est pour cela, monsieur le ministre, que j’ai employé tout à l’heure le mot « farce ».
Il est dommage, monsieur le député, que votre question finisse aussi mal, car elle est par ailleurs parfaitement légitime. Christian Eckert y répondra dans quelques instants.
Pour ma part, je répondrai à la question de Mme Louwagie. Madame la députée, vous avez évoqué les remarques formulées par le FMI sur la situation de la France. C’est le rôle du FMI que de faire de telles remarques. J’étais d’ailleurs à Washington il y a quelques jours pour les réunions dites « de printemps » du FMI. C’est à cette occasion que les remarques que vous avez relayées dans cet hémicycle ont d’abord été formulées.
Le FMI juge l’ensemble des politiques mondiales. Il considère qu’il y a des facteurs de risque ; je crois qu’il a raison. Ces facteurs peuvent être d’ordre géopolitique : le FMI prend en compte, par exemple, la question du Brexit. J’espère, à ce sujet, que les Britanniques feront le bon choix, le choix de la stabilité, pour donner de la visibilité à tous. Le FMI tient compte, par ailleurs, de l’évolution d’un certain nombre de grands pays comme la Chine, le Brésil – qui est plongé dans une crise très grave – et la Russie.
De ce point de vue, le FMI voit plutôt les choses à la baisse. Il a ainsi mis tout le monde à la baisse à peu près dans les mêmes proportions, d’une façon un peu simpliste – il le reconnaît lui-même. Les prévisions du FMI pour la zone euro et particulièrement pour la France ont ainsi tellement baissé que ces chiffres ne sont, à mon avis, pas raisonnables.
J’ai évoqué un aspect important lors de mon intervention, que le FMI a d’ailleurs lui aussi relevé. Les deux moteurs de l’économie française sont la consommation – qui va se maintenir – et l’investissement des entreprises – qui continuera aussi. Je pourrais presque parler, en outre, de l’investissement des ménages, car le secteur du logement est en train de reprendre vigueur. Nos moteurs internes sont puissants – sans parler du commerce extérieur, qui ne sera pas mauvais –, de telle sorte que notre croissance repose sur nos propres forces. C’est parce que ces moteurs fonctionnent bien que nous n’avons pas modifié nos perspectives de croissance pour l’année 2017.
Faut-il prévoir une sorte de « plan B » ? C’est ce que demande le Fonds monétaire international aux pays qui dépensent très peu, ceux qui ont, en matière de dépenses publiques, des marges de manoeuvre. Le FMI cite, comme exemple de pays vertueux, le Canada, qui vient d’augmenter ses dépenses budgétaires, en particulier en matière d’infrastructures, car il avait les moyens de le faire. La France, bien évidemment, n’a pas ces moyens : elle doit continuer à diminuer ses déficits.
Monsieur Hetzel, vous nous avez demandé des détails quant aux 5,3 milliards d’euros d’économies portant sur les administrations de Sécurité sociale.
Tout d’abord, 3,4 milliards d’euros d’économies portent sur l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. C’est toujours le même débat, et nous en avons parlé tout à l’heure : je rappelle que l’évolution tendancielle des dépenses de santé est de l’ordre de 4 %, car les Français sont plus nombreux, vivent plus longtemps et demandent des soins plus chers. Je vous laisse donc apprécier la réalité de cet effort.
Par ailleurs, 300 millions d’euros d’économies sont liées aux mesures prises l’année dernière sur la branche famille de la Sécurité sociale, qui continuent à produire des effets, 250 millions d’euros concernent le cumul emploi-retraite, et 500 millions la gestion des organismes de Sécurité sociale. En 2015, sur ce point, les résultats ont été bien meilleurs que prévu ; nous avons donc « rebasé » ces crédits, comme nous disons en jargon budgétaire. Diverses autres mesures, que je ne détaillerai et ne chiffrerai pas, porteront sur la lutte contre la fraude, sur des fonds d’action sociale, et sur la revalorisation.
Toutes ces mesures représentent quasiment 5 milliards d’euros. Une question subsiste quant à l’UNEDIC ; nous escomptions que les négociations en cours aboutiraient à des économies mais, compte tenu du déroulement de ces négociations, il est peu probable qu’elles soient réalisées à la date prévue. Nous rencontrerons là, probablement, une difficulté en fin de gestion.
Concernant le montant d’économies pour l’année 2017, attendons que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2017 soit établi ! Je rappelle toutefois que nous tablons sur un ONDAM de 1,75 % pour l’année prochaine, soit une augmentation inférieure aux tendances habituelles, avec un « rebasage » lié aux bons résultats – qui ne vous ont pas échappé, et qui sont dus à de moindres dépenses – de l’exercice 2015.
Nous en venons à une question du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Philippe Vigier.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le programme de stabilité prévoit que 20 % des économies seront réalisées par les collectivités territoriales. Or vous savez très bien que ces collectivités ne pèsent que 10 % de la dette publique.
Ce n’est pas vrai, elles représentent 20 % des dépenses, soit exactement la même chose !
C’est pourquoi la réduction du déficit public en 2015 – il est passé de 3,8 % du PIB à 3,5 % – a été obtenue au prix d’une diminution très importante des investissements des collectivités territoriales. Vous le savez bien, monsieur le ministre ; je l’ai déjà dit tout à l’heure.
L’effort demandé à ces collectivités est extraordinairement important : elles doivent réaliser près de 12 milliards d’euros d’économies entre 2014 et 2017. Les conséquences de ces baisses se ressentent au quotidien : au-delà des économies, des emplois sont perdus dans les territoires.
Vous prévoyez pour l’année 2017 une baisse des dotations des administrations publiques locales de 3,7 milliards d’euros. Je vous ai entendu expliquer à la radio que vous vous y tiendriez, que la copie du Gouvernement serait respectée ; le lendemain même, le Premier ministre expliquait, à l’antenne d’une radio concurrente, qu’il y aurait peut-être un redéploiement de 1 milliard d’euros de crédits au bénéfice des collectivités locales. Il reconnaissait que les départements font face à une augmentation très forte des dépenses sociales, notamment le RSA – vous le savez bien. C’est si vrai que l’on a envisagé que l’État reprenne à son compte le financement de ce dispositif ; il semble toutefois que cette suggestion ait fait long feu.
Les élus locaux, vous le savez, sont sous pression, du fait de la baisse des investissements et des dotations, et à cause de la réorganisation des territoires. Les régions sont en pleine réorganisation, mais aussi les cantons et les intercommunalités, à cause de l’arrivée de communes nouvelles. Il faut ajouter à cela les dépenses supplémentaires mises à la charge des collectivités par la réforme des rythmes scolaires. Je ne peux non plus passer sous silence l’impact des normes qui ont été édictées.
Bref, que se passera-t-il en 2017 ? Attendez-vous le jour sacré du congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France pour annoncer une bonne nouvelle aux départements ? Ou maintiendrez-vous rigidement le montant de 3,7 milliards d’euros d’économies à la charge des collectivités territoriales pour l’année 2017 ?
Nous en venons à une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Gaby Charroux.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, entravés par le pacte de stabilité et le carcan budgétaire européen, les Français sont une nouvelle fois soumis aux conséquences de la réduction du déficit public : aggravation de la précarité de milliers de salariés, affaiblissement des services publics, diminution des dotations aux collectivités territoriales.
À nos yeux, la rigueur ne peut être la seule réponse au déficit public. Au contraire, elle enfonce encore plus les Français dans la spirale de l’austérité ; vous vous interdisez ainsi de mettre en oeuvre une politique volontaire de progrès social, culturel et écologique.
Des centaines de milliers de salariés, aussi bien du secteur privé que du secteur public, et des centaines de milliers de jeunes se mobilisent depuis plusieurs semaines contre les perspectives de destruction du code du travail et contre les régressions sociales. Eux aussi refusent ce pacte de stabilité. Ils demandent plus de démocratie, plus de politiques sociales, plus de services publics, et une meilleure répartition des richesses.
Les révélations des Panama papers prouvent que les exigences des Français sont légitimes. La puissance publique a les moyens d’aller chercher l’argent là où il se trouve en augmentant les impôts des plus riches et en agissant fermement contre la fraude et l’évasion fiscale. La France est par ailleurs le pays d’Europe qui verse le plus de dividendes aux actionnaires.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, affronterez-vous la Commission européenne pour sortir la France des critères imposés par l’Europe, et pour actionner les leviers nécessaires afin que notre pays retrouve le chemin de la justice sociale et fiscale ?
Je répondrai à M. Charroux ; Christian Eckert se fera ensuite un plaisir de répondre à Philippe Vigier sur l’évolution des dotations aux collectivités territoriales.
Monsieur Charroux, vous avez posé deux questions. La première porte sur le pacte de stabilité. Ce pacte est-il la cause de tous nos maux ? Non, bien sûr ; en lui-même, c’est simplement un pacte de bon sens ! Nous partageons notre monnaie avec un certain nombre d’autres pays ; or il ne faut pas que la situation budgétaire de pays ayant la même monnaie diverge de trop, car cela poserait de graves difficultés.
On l’a vu d’ailleurs avec les risques d’éclatement de la zone euro, ce qui aurait été extrêmement préjudiciable pour chacun des pays susceptibles d’en sortir – si je me bats avec d’autres pour que ce pays reste dans la zone euro, c’est parce que je pense que ce serait une très mauvaise chose pour elle –, et pas bon non plus pour l’avenir de l’Union européenne.
Le pacte de stabilité est donc un pacte de bon sens, mais il ne faut pas qu’il en vienne à brider la croissance. J’ai déjà dit que l’équilibre entre réduction nécessaire des déficits et soutien à la croissance me paraît un bon équilibre pour notre pays. Je le répète : l’année 2015 est la preuve que nous avions raison, à savoir qu’on peut continuer à diminuer les déficits tout en ayant une croissance plus forte.
Le second aspect de votre question portait sur la lutte contre la fraude fiscale, ce qui est absolument indispensable, et je vous rassure : la Commission et toutes les autorités concernées trouvent que c’est une très bonne chose. Cette lutte aide par ailleurs à baisser les déficits, à financer des baisses d’impôts pour les ménages ou encore un certain nombre de dépenses prioritaires. Même si je suis sûr que vous les avez bien tête, je vous rappelle les chiffres : 16 milliards de redressements en 2011, 22 milliards en 2015, soit 2 milliards de plus que l’année précédente. Et il ne s’agit pas de petits commerçants, de petits artisans : les redressements sont concentrés sur les très grandes entreprises, en particulier les multinationales qui ont des stratégies d’évitement que nous commençons à combattre avec efficacité. Nous agissons aussi dans un cadre international, et les propositions que nous avons mises sur la table au niveau européen nous permettront d’être encore plus efficaces pour lutter contre ces évitements fiscaux préjudiciables à la société française.
Monsieur Vigier, j’entends votre interpellation, mais je ne partage pas votre analyse lorsque vous dites que la réduction du déficit est liée uniquement à la baisse des dépenses des collectivités territoriales. J’entends très souvent cet argument alors que je rappelle que si un père de famille donne un peu moins d’argent à un des autres membres du foyer, ce n’est pas pour autant que l’ensemble du foyer s’appauvrit ou s’enrichit : il s’agit d’un transfert, que vous le vouliez ou non. L’efficacité doit être appréciée au niveau des dépenses. À cet égard, s’il est vrai que les collectivités locales reçoivent moins de dotations de l’État, cela devrait les inciter à dépenser moins en fonctionnement.
J’ai déjà évoqué les dispositifs de soutien à l’investissement : l’application du FCTVA à des dépenses qui n’y étaient pas jusqu’alors éligibles, ou encore la mise en place d’un fonds d’investissement de 1 milliard annoncé par le Premier ministre dans le fameux communiqué que vous avez évoqué. J’ajoute que diverses mesures diminuent quelque peu les 3,67 milliards de baisses de dotations de l’État aux collectivités.
Il y a trois niveaux de collectivités : les communes – éventuellement en intercommunalités –, les départements et les régions. S’agissant plus précisément des départements, le Gouvernement a clairement proposé la recentralisation du RSA avec comme référence 2016, soit 700 millions d’euros sur la table. Les discussions ne sont pas encore achevées sur ce point. Quant aux régions, elles réclament 500 millions d’euros de liberté fiscale supplémentaire, et la discussion est, elle aussi, en cours. Tout cela devrait se décanter vers la fin du mois de mai. La concertation concerne donc tous les niveaux de collectivités territoriales.
Mais je pense que si l’investissement a baissé, c’est aussi pour d’autres raisons, que vous avez d’ailleurs évoquées : renouvellement électoral – c’est traditionnel –, mais aussi regroupement des collectivités : la modification des cartes des communes ou des intercommunalités a parfois abouti à une absence de lisibilité qui a pu freiner certaines ardeurs à investir.
Le débat sur le programme de stabilité 2016-2019 est clos.
L’ordre du jour appelle maintenant les questions sur l’agriculture biologique. Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
Les deux premières questions seront posées par le groupe écologiste.
La parole est à Mme Brigitte Allain.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, à l’heure de la conférence environnementale, les écologistes ont souhaité ce débat sur l’agriculture biologique pour faire le point sur les engagements pris et sur le chemin qui reste à parcourir pour atteindre les objectifs du plan Ambition bio 2018. Je salue à ce titre le président du comité des vins de Bordeaux, président par ailleurs de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellation d’origine contrôlées – la CNAOC –, qui a déclaré hier « viser un objectif de sortie de l’usage des pesticides ». Je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur le développement des alternatives aux pesticides.
Le cadre français, depuis la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, a mis en place un dispositif simplifié permettant d’instruire plus rapidement certains dossiers de bio-contrôle dits « à faible risque ». Mais 800 produits naturels attendent toujours le sésame : le décret d’application qui permettra de les échanger gracieusement et de les vendre sans risquer une amende. Quel est l’état d’avancement du décret et des dossiers d’homologation ?
Au niveau européen, des freins importants au développement de cette filière innovante et durable demeurent aussi. En effet, d’une part, on observe un lobbying puissant de l’industrie chimique qui impose ses propres produits ; je ferai référence, pour ne prendre qu’un exemple, à la polémique qui retentit actuellement à Bruxelles sur la proposition de la Commission européenne de renouveler pour dix ans le glyphosate, herbicide le plus utilisé au monde, classé comme cancérogène probable pour les humains par l’Organisation mondiale de la santé. D’autre part, le cadre européen reste peu favorable aux produits de bio-contrôle, les traitants d’une manière encore trop proche de celle des phytosanitaires classiques. Il existe pourtant dans les textes une possibilité de procédure spéciale d’homologation pour les bio-contrôles, procédure qui n’a jamais été définie. Et pendant ce temps, l’usage de produits hautement toxiques est maintenu, au prétexte qu’il n’existerait pas de produits de substitution.
Que souhaite faire la France dans les prochains mois, en lien, notamment, avec les autres pays européens, pour accélérer cette mutation ?
Madame la présidente, monsieur le ministre, les écologistes ont depuis toujours soutenu le développement de l’agriculture biologique et accueillent avec satisfaction l’évolution actuelle de la demande de la population en ce domaine.
En effet, après avoir difficilement trouvé sa place en France, l’agriculture biologique connaît depuis plusieurs années un engouement certain. Si les crises de plus en plus graves de l’agriculture traditionnelle expliquent en partie ce fait, l’évolution des demandes du consommateur et la prise de conscience dans le milieu agricole des risques, voire des dangers, et des limites de l’utilisation des pesticides sont aussi un facteur déterminant. L’agriculture biologique, qui préserve l’environnement et la santé, apparaît comme une des solutions possibles à la crise agricole actuelle, bien que des difficultés persistent par exemple s’agissant de la structuration des filières concernées. Notons que l’agriculture biologique est tout de même l’un des rares secteurs agricoles qui tend à se développer et qui crée des emplois.
Cependant, notre pays est loin de couvrir sa demande intérieure, ce qui a pour conséquence de multiplier les importations. À cet égard, si la loi d’avenir pour l’agriculture a apporté des éléments positifs, il n’en reste pas moins que la conversion à l’agriculture biologique est souvent difficile dans un premier temps.
Il est vrai que des aides existent, mais force est de constater qu’elles ne sont pas toujours à la hauteur des besoins des agriculteurs. De même, les formations à l’agriculture biologique restent insuffisantes ainsi que l’accompagnement à la conversion, ce qui freine son développement.
Monsieur le ministre, quels dispositifs en faveur de la conversion ou de l’installation en agriculture biologique le Gouvernement est-il prêt à renforcer ou à promouvoir ?
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Tout d’abord, s’agissant des phytosanitaires, je rappelle que le plan « Écophyto II » a été adopté il y a quinze jours. À ce sujet, je le dis au passage, la mise en place de certificats d’économie phytosanitaire est une première à l’échelle mondiale.
S’agissant des enjeux liés au bio-contrôle, le décret est paru au mois de juillet 2015, on est donc en phase d’examen et la définition des produits concernés aura lieu prochainement pour faciliter la mise en place des alternatives, notamment en termes de bio-contrôle parce que c’est un enjeu dont j’ai dit dès le départ qu’il était pour moi extrêmement important.
Quant à la formation, l’agriculture biologique a déjà aujourd’hui toute sa place dans l’enseignement agricole, et cette place va encore être renforcée.
Vous avez par ailleurs rappelé, madame Bonneton, qu’existent des aides à la conversion. Ces mesures sont très utilisées puisqu’on est en phase d’augmentation très nette des surfaces en agriculture biologique. Je rappelle que la France a probablement dépassé l’Allemagne en ce domaine et qu’elle se situe désormais, avec plus de 1 250 000 hectares, au deuxième rang – si l’on met de côté l’Espagne, où les oliveraies sont considérées comme surfaces relevant de l’agriculture biologique. Notre pays a donc rattrapé très rapidement son retard, et cette évolution continue puisque les conversions et les projets d’installation dépassent – malheureusement d’ailleurs – l’ensemble des moyens mis à disposition. Cela a nécessité en particulier des mesures de plafonnement dans certaines régions, ce qui n’est pas toujours facile à faire accepter.
On peut encore renforcer la facilité d’accès à cette agriculture, le suivi et l’accompagnement, domaines où il est toujours possible d’améliorer les mesures existantes, mais je rappelle que les aides actuelles ont considérablement augmenté : à notre arrivée, elles s’élevaient à 90 millions d’euros, et leur budget a plus que doublé depuis, à 190 millions d’euros. Cela s’inscrivait dans un enjeu spécifique, en complément d’un plan visant à doubler les surfaces. Il y aura ainsi 350 000 hectares supplémentaires par rapport à 2012. Certes, il y a des progrès à faire, des marges à mettre à profit. Mais j’insiste sur le fait qu’on a renforcé l’Agence BIO – l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique – car on ne peut pas se contenter d’augmenter les surfaces concernées si derrière l’on ne structure pas le marché de l’agriculture biologique afin qu’il soit rémunérateur pour ceux qui font ce choix. En effet, si un jour le bio est banalisé, les prix des produits baisseront et nous n’aurons pas alors atteint l’objectif fixé car cette agriculture doit bénéficier de sa spécificité de marché pour pouvoir être plus rémunératrice que certains autres produits.
Sur la question des importations, je voudrais apporter plusieurs précisions. Certes, la France importe des produits bios – je pense en particulier à des produits non cultivés dans l’Hexagone tels que le café et le chocolat, ensuite certifiés bios – et aussi des céréales, notamment pour l’alimentation animale où notre production est insuffisante, ainsi que dans le domaine de la panification. Je suis d’ailleurs sûr – et c’est en train de se démontrer – que des débouchés nouveaux se présentent en matière de céréales bios, en particulier s’agissant du pain. Mais, globalement, la France est aujourd’hui en capacité de satisfaire à la demande de produits bios sur son territoire.
Nous en venons aux deux questions du groupe gauche, démocrate et républicaine.
La parole est à M. Gaby Charroux.
Madame la présidente, monsieur le ministre, si les surfaces agricoles cultivées en bio représentent encore moins de 5 % de la surface agricole utile, le marché du bio atteint désormais 5,5 milliards d’euros, avec une vente en augmentation de plus de 10 % en 2015 par rapport à 2014.
Du fait que l’intérêt croissant que suscite l’agriculture biologique, notamment auprès de la grande distribution, nous nous orientons vers une agriculture bio à deux vitesses, avec le développement d’une agriculture commerciale où les préoccupations sociales et environnementales, liées notamment à la provenance et au conditionnement des produits, passeraient au second plan.
Pour préserver la spécificité de la filière, la Fédération nationale d’agriculture biologique – FNAB – a révisé sa charte en réaffirmant son attachement à une agriculture biologique de proximité, aux prix équitables et aux conditions de travail dignes. Cette charte nous rappelle opportunément que l’agriculture biologique est porteuse de valeurs et vise d’abord à replacer l’humain au centre du système alimentaire.
Compte tenu de la crise agricole majeure que nous connaissons et des conversions à l’agriculture biologique, ainsi que des engagements pris en faveur de la filière, visant à porter l’agriculture biologique à 20 % de la surface agricole utile en 2020, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour accompagner le rythme de croissance soutenu de cette forme d’agriculture et éviter le dévoiement que je citais à l’instant ?
Je vous laisse la parole, monsieur Charroux, pour une deuxième question.
Monsieur le ministre, un nouveau round de négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement a eu lieu en février. Alors que le secteur agricole traverse une crise profonde en France, ce traité représente une menace sérieuse pour notre agriculture et la transition vers une agriculture durable, respectueuse des hommes et de l’environnement.
Alors que la France cherche à réduire le recours aux antibiotiques ou aux produits phytosanitaires, on peut craindre que ce traité ne conduise nos agriculteurs à une fuite en avant dans l’agriculture intensive, au détriment de la transition agricole et du développement de l’agriculture biologique.
L’interdiction des organismes génétiquement modifiés pourrait ainsi être remise en cause, sous la pression de multinationales de l’agrochimie, également hostiles à la diminution du recours aux pesticides.
Ce traité se donne aussi pour objectif d’ouvrir largement les marchés publics, au risque que les exigences écologiques et sociales, telles que l’objectif d’utiliser 20 % de produits bio en restauration collective, soient demain considérées comme des mesures discriminatoires et des freins à la libre concurrence.
Cela marquerait la fin de toutes les tentatives de relocalisation de l’économie, la fin de la nécessaire transition agricole et le triomphe du moins-disant social et environnemental. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur l’évolution des négociations et nous informer des positions défendues par la France pour atteindre l’objectif de placer la triple performance économique, environnementale et sociale au coeur des pratiques agricoles ?
Monsieur le député, je comprends vos inquiétudes – vous avez dressé la liste de tous les risques que l’on peut imaginer liés à ce dossier. Mais même si chacun fait comme si tout était déjà signé, je rappelle qu’aucun accord n’a encore été trouvé.
En effet, comme le Président de la République et le Premier ministre l’ont évoqué, les conditions d’un accord ne sont pas réunies, parce que de nombreuses questions ne sont pas résolues. Vous en avez évoqué certaines, monsieur le député ; je citerai pour ma part celle des indications géographiques protégées. Le secrétaire d’État américain chargé de l’agriculture, que j’ai rencontré plusieurs fois à ce sujet, juge les marques supérieures au IGP. Je ne suis pas d’accord, et il s’agit là d’une divergence fondamentale entre deux conceptions de l’agriculture.
De même, s’agissant des normes sanitaires et des OGM, sujet important, des positions historiques dans de nombreux pays européens. Personne n’acceptera, par exemple, de se voir imposer l’usage d’organismes génétiquement modifiés.
Enfin, en ce qui concerne l’agriculture biologique – qui existe également aux États-Unis sous le terme d’organic agriculture –, nous défendrons les règles qui s’appliquent en Europe. Ce sujet majeur faisait d’ailleurs partie des engagements inscrits dans le mandat de négociation que la France a donné à la Commission européenne.
Ainsi, dès lors que les conditions nécessaires ne sont pas réunies – et l’intervention du Premier ministre laissait supposer que nous en sommes loin –, vous pouvez être rassuré, monsieur le député : nous ne braderons pas les fondements de notre agriculture, tant pour ce qui concerne l’agriculture biologique que les IGP, pour parvenir à un accord sur le traité de libre-échange. Celui-ci devrait être hypothétiquement signé dans les mois ou les semaines à venir mais, à mon avis, ce ne sera pas le cas.
Par ailleurs, monsieur le député, vous dites que l’agriculture biologique doit porter un projet humain de relocalisation de la production. Bien sûr ! Les discussions que nous avons eues, avec Brigitte Allain, sur les plans alimentaires – locaux, départementaux ou régionaux – et l’organisation locale de la demande et de la production font partie d’une stratégie dans laquelle l’agriculture biologique prend toute sa place. Nous restons sur la ligne de l’objectif voté à l’Assemblée nationale – nous n’avions pas pu convaincre le Sénat de l’adopter – : porter à 20 % la part des produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration scolaire.
Vous objectez, monsieur le député, que les produits biologiques peuvent être trouvés dans la grande distribution. Certes, mais c’est le cas de 90 % des produits achetés par les Français ! On peut certes refuser de recourir à la grande distribution – la décision appartient aux agriculteurs concernés –, mais cela priverait l’agriculture biologique d’une partie des débouchés qui lui permettent aujourd’hui de se développer.
Le débat est donc complexe. Pour ma part, je ne veux exclure aucun canal de distribution : je suis certes favorable au développement de la production locale, des achats locaux et des circuits courts – cela va de soi, et nous devons continuer à encourager ces pratiques. Mais la grande distribution a également sa place. En tant qu’élu local, je connais la situation des épiceries de village, où personne ne se rend car chacun préfère acheter dans les supermarchés situés en bordure de ville. Les deux canaux doivent permettre à l’agriculture biologique de se développer et d’offrir aux consommateurs des produits de grande qualité.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Germinal Peiro.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous les problèmes que pose l’usage des pesticides – insecticides, fongicides ou herbicides. Le lien entre l’utilisation et la manipulation de ces produits et les problèmes environnementaux et de santé est désormais avéré. Les milieux médicaux s’en sont émus depuis plusieurs années déjà.
Ainsi, dans le Limousin, près d’un millier de médecins avaient lancé un appel pour réduire l’usage de ces produits dans la culture de la pomme. Récemment, un grand quotidien du Sud-Ouest a publié la carte de France des victimes des pesticides. La société évolue énormément. Et comme vous le savez, chers collègues, le président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux a déclaré hier que le vin de Bordeaux devrait se passer des pesticides. L’annonce est véritablement historique.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même agi, non seulement en interdisant, dès votre nomination, des produits dangereux, tels le Cruiser, mais aussi en présentant une loi qui a placé l’agroécologie au centre de l’action politique. Vous avez aussi agi en encadrant l’usage des pesticides, en développant le biocontrôle, et, récemment, en interdisant un produit visant à tuer une mouche qui pond sur les cerises.
En tant que rapporteur du projet de loi pour l’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, j’ai pu travailler sur les produits de substitution, parmi lesquels ce que l’on appelle les « préparations naturelles peu préoccupantes », comme le purin d’ortie. L’article 50, que j’ai présenté et qui a été adopté quasiment à l’unanimité dans cet hémicycle, tend à considérer ces préparations comme des biostimulants, non comme des pesticides. Depuis la promulgation de la loi, monsieur le ministre, nous attendons le décret qui doit fixer la liste de ces préparations et leurs modalités d’utilisation : quand sera-t-il publié ?
Monsieur le ministre, l’agriculture biologique représente un secteur porteur et dynamique. Depuis 2012, vous avez d’ailleurs fait de son développement une de vos priorités. Comme vous l’annonciez à l’instant, le plan « Ambition bio 2017 », mis en place dès 2013, qui visait à doubler les surfaces cultivées en agriculture biologique d’ici 2017, est sur la bonne voie.
Face au succès du plan et à la forte augmentation des surfaces en agriculture biologique en 2014, l’enveloppe d’aides mobilisée, bien que passée de 87 millions en 2013 à 103 millions en 2014 – soit une augmentation de 16 millions d’euros –, n’a pas permis de répondre pleinement à l’ensemble des demandes. En 2015, suivant votre objectif de soutenir le développement de l’agriculture biologique, vous avez donc débloqué des moyens supplémentaires, permettant d’aider chaque agriculteur bio au niveau prévu initialement pour 2014.
Par ailleurs, pour la période 2015 – 2020, la réforme de la politique agricole commune que vous avez négociée permettra de doubler les aides à l’agriculture bio en les portant à 180 millions d’euros en 2020. Cette volonté de développer l’agriculture biologique répond aux attentes d’un nombre croissant de Français, nouveaux « consom-acteurs » cherchant à concilier une alimentation saine et de qualité avec le respect de l’environnement et de la biodiversité.
Je souhaite néanmoins appeler votre attention sur un cas particulier de plus en plus fréquent, dans lequel un agriculteur qui cultivait ses terres en bio grâce aux aides versées par l’État vend, avant de partir à la retraite, ses terres à un repreneur ne souhaitant pas faire de l’agriculture biologique. Non seulement ce retour à une agriculture chimique, utilisant engrais et pesticides, ne peut qu’inquiéter les « consom-acteurs », soucieux de préserver leur santé et la biodiversité, mais il pose la question de l’usage de l’argent public. En effet, pendant des années, l’agriculteur bio a perçu des aides de l’État pour rendre ses terres plus saines. Si son successeur abandonne ce mode de production, le résultat sera nul à terme. Aussi, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour prévenir de telles situations et inciter les repreneurs des parcelles concernées à maintenir l’exploitation en agriculture biologique ?
Monsieur Peiro, le décret relatif aux préparations naturelles peu préoccupantes, dont l’élaboration a en effet été longue, paraîtra cette semaine. Je tenais à vous l’annoncer, à vous qui avez largement participé aux débats du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
S’agissant des biostimulants, le décret comprendra une première liste de toutes les préparations simples contenant des plantes médicinales pouvant être librement vendues en dehors des pharmacies, telles que l’ail, la menthe ou l’ortie, sous forme de poudre ou diluées. Cette fameuse bouillie d’ortie, si utile, et dont j’ai si souvent entendu parler, figurera donc officiellement dans un décret de la République ! Cela faisait partie des engagements de cette belle loi d’avenir que vous avez votée.
Pour ce qui concerne le maintien des terres agricoles en bio, nous avions débattu des possibilités d’aller le plus loin possible, tout en respectant la Constitution et le droit de propriété. Chacun se souvient par exemple du débat sur le bail environnemental, qui cherchait à mettre en valeur des pratiques très protectrices pour les sols et l’environnement, en particulier dans l’agriculture biologique. Sur ce sujet, la loi d’avenir – aucun autre projet législatif n’est en préparation – prévoit d’abord des autorisations spécifiques pour les sociétés d’aménagement et de développement de l’espace rural – SAFER – et le contrôle des structures. L’autorisation d’exploiter prend désormais en compte le maintien et le développement des systèmes de production agroécologiques, notamment d’agriculture biologique.
Nous avions donc fait en sorte d’inscrire dans la loi le souci de préserver la destination agroécologique et bio des terres dans le contrôle des structures, non lors d’une vente. L’installation de nouveaux agriculteurs reste le principal objectif mais, grâce à la loi d’avenir, le bio fait partie des nouvelles priorités des schémas régionaux mis en place par les préfets. Les SAFER jouent donc un rôle pour pérenniser l’activité biologique, de même que les préfets, via le contrôle des structures. Chacun peut donner priorité à une reprise avec agroécologie et agriculture biologique.
La SAFER a même une obligation, instituée par notre loi : celle de céder prioritairement à un agriculteur bio une terre qui serait déjà en agriculture biologique. Pour ce faire, comme il se peut que l’on ne trouve pas immédiatement de repreneur, la SAFER peut éventuellement consentir une convention de mise à disposition à une collectivité ou à une association, par exemple Terre de liens, ou stocker la terre pendant au maximum cinq ans afin de trouver un repreneur susceptible de garantir la pérennité de l’agriculture biologique.
Par ailleurs, mais ce n’est pas une obligation, le bail environnemental relevant du droit privé, le bailleur peut imposer au repreneur d’être un agriculteur biologique.
Par conséquent, pour vous répondre, madame la députée, au-delà de ce qui a été voté par la loi, et qui a déjà été précisé, il n’y a pas, pour l’heure, d’autres règles législatives prévues. Il convient d’appliquer auparavant ce que nous avons adopté il y a à peine un an et demi.
Nous en venons à deux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Philippe Armand Martin.
Monsieur le ministre, depuis de très nombreuses années, plus particulièrement depuis la fin des prix imposés et celle des quotas laitiers, les agriculteurs n’ont plus de réelles prises ni de garanties sur la fixation des prix agricoles – à l’exception de ceux qui pratiquent des circuits courts. Tant du côté de la grande distribution que des transformateurs, les prix payés aux producteurs apparaissent comme une variable d’ajustement.
Dans les faits, les prix de vente de certaines denrées alimentaires sont actuellement en dessous, parfois largement, des coûts de production, ce qui n’est pas acceptable.
Face à ce constat, il apparaît que les organes de contrôle que sont la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – DIRECCTE – ne sont pas en mesure d’effectuer tous les contrôles nécessaires. Or leur rôle dans un marché agricole dérégulé ou mal régulé est primordial.
Dès lors, êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à soutenir l’activité de la DGCCRF et des DIRECCTE, en leur donnant les moyens humains et matériels dont elles ont besoin de manière urgente pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales au sein de la chaîne alimentaire, et ce afin que les agriculteurs et les producteurs soient rétribués pour leur juste travail ?
Monsieur le ministre, depuis le début de la législature, les députés du groupe Les Républicains dénoncent régulièrement l’inflation normative qui va à rencontre du choc de simplification si souvent promis par votre gouvernement. Ce fut le cas, par exemple, lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, du projet de loi « ALUR » pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ou encore du projet de loi relatif à la biodiversité.
Une profonde détresse traverse le monde agricole. Nous vous avons alerté à maintes reprises sur ce point. Pourtant, malgré vos discours rodés, monsieur le ministre, les contraintes s’accumulent. En voici quelques exemples : les normes sur les installations classées ; les zonages environnementaux prévus dans le projet de loi relatif à la biodiversité ; le compte pénibilité. Quelques exemples, bien trop nombreux pour nos agriculteurs ! En agriculture biologique, on croule aussi sous les obligations.
Vous n’êtes pas obligé de me croire, alors j’imagine que vous avez lu le livre d’Isabelle Saporta, Foutez-nous la paix ! Dans un tour de France, elle dénonce, exemple après exemple, les excès franco-français et une administration qui harcèle en permanence les producteurs.
En France, la norme est reine, même pour l’agriculture biologique. Nous pouvons toujours discuter dans cet hémicycle de l’ancrage territorial vertueux de l’alimentation, comme nous l’avons fait dernièrement, mais il est vital que le Gouvernement, et une partie de l’administration ministérielle, acceptent des allégements ou des dérogations sur les normes environnementales, administratives et sanitaires. Là, ce n’est pas l’Europe qui est en cause, c’est nous ! En revanche, lorsque nous demandons l’étiquetage de l’origine des produits agricoles, qui permettrait à chaque consommateur de prendre ses responsabilités, vous nous dites que c’est l’Europe qui bloque.
Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser vos intentions ?
Nous sommes mobilisés sur la question de la vente à perte. De quoi s’agit-il ? On n’a pas le droit de revendre moins cher ce que l’on a acheté ; or cela dépend aussi, malheureusement, de règles et de situations de marché qui ne relèvent pas de la question que vous évoquez. La question, en l’espèce, c’est la vente des produits et les contrats ; s’agissant du lait, c’est aussi, comme je l’ai dit tout à l’heure, lors des questions au Gouvernement, le fait qu’une partie du lait produit en France est destiné au marché de la poudre, qui est un marché international. Or, en la matière, l’Europe porte une part de responsabilité, puisqu’elle dépasse aujourd’hui, pour ce qui est de la production, les capacités du marché, ce qui s’est traduit par l’augmentation vertigineuse des mesures d’intervention et ce qui nous a conduits à demander l’application de l’article 222 du règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles afin de maîtriser la production, et non pour demander des aides, comme cela a été affirmé cet après-midi.
La revente à perte, c’est quand un distributeur veut vendre un produit moins cher que le prix auquel il l’a acheté. Cela a pu se produire ; mais c’est interdit. Il y a des contrôles, qui seront poursuivis et renforcés : il convient de se montrer extrêmement vigilant sur ce point. Mais cela ne réglera en rien la question du prix d’achat au producteur, qui est autre chose. Il ne faut pas se tromper de sujet.
S’agissant des normes, pour ce qui est de la pénibilité, je vous invite, monsieur Le Ray, à lire un petit bouquin très intéressant, qui a été écrit par Stéphane Geffroy, qui travaille dans la « tuerie » d’un abattoir à Liffré. Il y dit qu’à quarante-cinq ans, il a déjà été opéré à deux reprises de l’épaule. C’est un livre très important ; je vous invite vraiment à le lire. On comprend alors que la prise en considération de la pénibilité, c’est quand même quelque chose de très important.
Si vous êtes breton et que vous savez ce qu’est le travail dans un abattoir, alors vous savez que le compte pénibilité, cela signifie reconnaître qu’il existe des métiers qui conduisent les salariés à subir d’énormes difficultés.
Il ne s’agit pas de normes supplémentaires ; c’est une question de justice sociale, notamment par rapport à la retraite.
C’est pourquoi je défends cette mesure.
Il faut en effet qu’ils partent en retraite plus tôt, et les premiers points qu’ils vont accumuler permettront à 500 000 d’entre eux de le faire.
Mais je vais offrir ce livre très intéressant à Philippe Le Ray.
Pour ce qui est des installations classées pour la protection de l’environnement, on a allégé les normes. Je veux aller plus loin aussi s’agissant d’un certain nombre de normes dans le cadre de l’agro-écologie ; on lèvera en particulier les normes dans les zones vulnérables, lorsqu’il y a couverture permanente de sol, avec rotation et diversification de l’assolement. Il y a là un véritable enjeu ; on ne peut lever une norme que si l’on a l’assurance qu’il n’y aura pas de nouvelle pollution derrière.
Si l’on lève une norme pour polluer derrière, ça ne peut pas marcher. Donc pour toute norme qui sera levée, cela voudra dire que l’on aura été capable de prouver que l’on ne polluera plus derrière.
S’agissant de l’agriculture biologique, il est fort possible que ce soit très contraignant, mais n’oubliez pas que le cahier des charges fixé par l’organisme de certification est lui-même très lourd. La France a été historiquement le premier pays à mettre en place l’agriculture biologique, et il est vrai qu’en la matière, notre cahier des charges est plus strict que ce que l’on peut trouver à l’échelle européenne.
Mais cela ne dépend pas du ministère : c’est un choix qui a été fait dès le départ par les agriculteurs biologiques, et que nous respectons. De surcroît, cela permet de valoriser des choix citoyens et des produits de l’agriculture biologique qui sont aujourd’hui plébiscités par les consommateurs.
Nous en venons aux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Thierry Benoit.
Deux minutes, deux points.
Premier point : en janvier dernier, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi d’une de nos collègues, Mme Brigitte Allain, visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation.
Ce texte prévoit d’introduire dans la loi un objectif chiffré de 20 % de produits bio dans la restauration collective. Je voudrais savoir l’opinion du ministre sur le sujet. Puisque le bio coûte un peu plus cher à produire que les produits dits « conventionnels », cela ne va-t-il pas conduire les responsables des achats à se tourner, pour les 80 % restants, vers des produits bon marché, afin que le prix du repas reste acceptable ?
Deuxième point : puisqu’il est question de pratiques vertueuses, je trouve, comme d’ailleurs tous les membres de mon groupe, que dans le domaine de l’énergie, le mix énergétique, c’est intéressant ; eh bien, je pense qu’il en est de même dans le domaine de l’agriculture, avec le mix agricole. Le bio, les circuits courts, l’agriculture conventionnelle, l’agro-industrie agricole : tout cela devrait pouvoir se côtoyer dans notre pays.
En matière de mesures agro-environnementales et climatiques, pensez-vous, avant la fin de la législature, aller au-delà de ce qui existe aujourd’hui, afin d’encourager l’autonomie fourragère, la production de protéines d’origine végétale via le lupin, la luzerne ou le trèfle, et, plus largement, les cultures bénéfiques pour la santé, comme celles d’aliments riches en oméga-3 – vous avez, il y a quelques jours, rendu visite à l’association Bleu-Blanc-Coeur chez Valorex à Combourtillé. Allez-vous prendre des mesures en ce sens avant la fin de la législature ?
Les abeilles, reines de la pollinisation, sont absolument indispensables à la préservation de la biodiversité. Or, nous en sommes tous conscients, certains usages de pesticides, dont les néonicotinoïdes, ont des effets tout à fait désastreux sur les abeilles. Selon l’Union nationale de l’apiculture française, ces pesticides seraient responsables de la mort d’environ 300 000 ruches chaque année. Ce chiffre sans appel n’est malheureusement pas surprenant lorsque l’on sait qu’un tiers des insecticides vendus dans le monde sont des néonicotinoïdes.
À l’Assemblée nationale, l’examen en deuxième lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a permis l’adoption d’un amendement de notre collègue Jean-Paul Chanteguet, qui prévoit l’interdiction de ces produits au 1er janvier 2018. En parallèle d’une telle interdiction, un arrêté ministériel devra définir les alternatives à l’utilisation de ces produits. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous présenter un premier état des lieux de la recherche indépendante et publique dans ce domaine, notamment les travaux de l’ANSES – l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – et nous communiquer la liste des produits de substitution existant à ce jour ?
J’aimerais, plus généralement, connaître le cap du Gouvernement sur la réduction de l’utilisation des pesticides dans notre agriculture. Alors que la loi d’avenir pour l’agriculture a consacré le concept d’agro-écologie, nous apprenons que la Commission européenne devrait de nouveau autoriser le glyphosate pour dix ans. Comment espérer mener une politique ambitieuse de réduction des pesticides si nos voisins européens ne jouent pas le jeu ?
Enfin, pourrions-nous disposer d’études indépendantes et fiables sur la toxicité de ces produits de manière à éviter de futures catastrophes environnementales et humaines ?
Monsieur Benoît, nous avons en effet visité ensemble Valorex et la production Bleu-Blanc-Coeur, en Ille-et-Villaine. De quoi s’agit-il ? L’idée est d’introduire des oméga-3 dans l’alimentation du bétail, via le lin et les légumineuses, ce qui permettra ensuite de les retrouver dans la viande et d’avoir des acides gras polyinsaturés plutôt que saturés, ce qui est très important pour la santé. C’est donc un véritable enjeu.
Qu’est-ce que cela nécessite ? De développer des productions, des couvertures et des rotations en matière fourragère, et c’est pourquoi nous avons mis en place des aides couplées visant à favoriser l’autonomie fourragère. Mais je l’ai dit, monsieur le député : on est encore loin du compte par rapport au potentiel budgétaire débloqué.
Ce que l’on peut faire, et ce que l’on va faire pour ce qui concerne la région Bretagne, c’est remettre tout cela en perspective, de sorte que la polyculture élevage puisse consommer ces aides, qui permettront d’augmenter la part des légumineuses et du lin dans l’alimentation du bétail. C’est extrêmement important, puisque, comme vous l’avez souligné, cela a des effets sur la santé et même, ajouterai-je, sur le réchauffement climatique : on sait en effet que les aliments à base de lin et de légumineuses permettent aux vaches d’avoir un peu moins de ce qui peut poser problème en la matière – je ne ferai ni dessin ni imitation : je pense que tout le monde aura compris.
L’introduction de 20 % de « bio » dans les cantines implique-t-elle un surcoût ? Là où les circuits organisés entre production et distribution locales sont les plus performants – comme c’est le cas dans plusieurs départements que nous avons identifiés –, l’impact sur le prix est nul. Les premières expériences semblent donc infirmer l’hypothèse que vous évoquez. La mesure dont nous parlons, que vous avez d’ailleurs votée à l’unanimité, est une marque de confiance pour inciter les collectivités à recourir au bio, étant entendu, je le répète, que le prix des repas n’augmente pas si le circuit est bien structuré.
J’en viens aux abeilles et aux néonicotinoïdes. L’alternative à ces produits, à ma connaissance, ce sont les pyréthrinoïdes, dont on ne peut pas dire qu’ils soient préférables. Toute la question, dont vous avez au demeurant débattu, est là : quelles sont les alternatives, sur le plan scientifique, hormis les molécules dont j’ai parlé ? Que se passerait-il, si l’on mettait brutalement fin à l’usage des néonicotinoïdes ? Lorsque je suis entré dans mes fonctions en 2012, ces produits, utilisés pour l’enrobage de semences de plantes qui deviennent mellifères au printemps, ont été interdits ; j’avais alors négocié, au niveau européen, un moratoire qui s’applique encore aujourd’hui. On ne peut donc pas dire que nous n’avons rien fait.
J’ajouterai encore un mot sur l’UNAF et sur les pollinisateurs. Les néonicotinoïdes, faut-il le rappeler, ne sont pas responsables de la mortalité très élevée des abeilles dans l’Ariège au cours de l’hiver 2013-2014. Chacun doit donc regarder les choses de façon objective.
Il faut chercher à se passer de ces produits, c’est une chose entendue ; aussi le plan « Écophyto II » vise-t-il à réduire de 20 % les ventes de produits phytosanitaires et à favoriser les substituts, dont ceux que nous avons évoqués avec le biocontrôle. L’enjeu, à terme, est d’atteindre ces objectifs, qu’il s’agisse du plan « Écophyto II » ou des certificats d’économie de produits phytosanitaires, mesure qui, votée avec la loi d’avenir pour l’agriculture, s’applique depuis l’accord conclu la semaine dernière à l’occasion du Comité d’orientation stratégique – COS – relatif à l’agroécologie.
Voilà ce que nous faisons : Dominique Potier, d’ailleurs, pourra y revenir s’il le souhaite.
Je suis favorable à ce que l’on se passe des néonicotinoïdes, mais j’ai rappelé quelles sont les alternatives. J’ai demandé à l’ANSES de procéder à de nouvelles évaluations.
Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Dominique Orliac.
Monsieur le ministre, les mesures agroenvironnementales – MAE – applicables à l’agriculture biologique ont vu leurs modalités d’engagement modifiées en 2015. Avant cette date, les aides étaient annuelles. Les agriculteurs engagés ont donc rempli leurs obligations et perçu les aides pour chaque année d’engagement.
Depuis 2015, la « MAE bio » est un contrat de cinq ans qui permet aux cultures annuelles et prairies constituées de plus de 50 % de légumineuses d’être financées à hauteur de 300 euros. Pour rester dans la catégorie des « cultures », les prairies de légumineuses doivent être mises en culture au moins une fois dans les cinq ans du contrat.
Ce changement dans les modalités des MAE pose des difficultés pour les agriculteurs qui se sont engagés entre 2012 et 2014. En effet, certaines directions départementales des territoires – DDT – estiment que l’engagement de ces agriculteurs en 2015 relève d’un contrat d’engagement d’une durée de deux ans, prenant ainsi en compte les aides annuelles perçues antérieurement. Cependant, la reconnaissance d’un tel contrat oblige l’agriculteur à avoir une culture sur ces deux années, sans pouvoir laisser sa terre reposer ; aussi les engagements passés de l’agriculteur ne sont-ils pas pris en compte dans ce système. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, clarifier les règles pour les agriculteurs engagés en bio avant la modification des modalités des MAE ?
D’autre part les DDT ne disposent toujours pas de l’outil informatique nécessaire à l’instruction des dossiers bio de 2015. Les agriculteurs ne savent donc toujours pas avec certitude si les engagements sont rattachés à l’exploitation ou aux parcelles. En outre, d’après la notice bio d’aujourd’hui, l’abaissement du seuil de chargement minimum pour les animaux, prévu au titre d’une dérogation liée à l’indemnité compensatoire de handicap naturel, ne semble plus possible. Pouvez-vous nous éclairer sur ces sujets ?
Notre agriculture traverse une crise grave. Vous l’avez dit cet après-midi, monsieur le ministre, les réponses sont complexes. Nous devons aussi cesser d’encourager certaines mesures. La montée en gamme de la production de la « ferme France » inclut, bien entendu, le développement de l’agriculture conventionnelle, l’agroécologie, mais aussi le bio.
L’agriculture bio, c’est d’abord la certification d’un processus de production qui repose sur des pratiques de culture et d’élevage en phase avec les cycles naturels et qui exclut les intrants chimiques de synthèse ; mais c’est aussi le gage de produits de qualité définis selon un cahier des charges strict.
Cette agriculture, qui répond à un besoin de qualité aujourd’hui bien ancré dans la mentalité des consommateurs, représente une filière d’avenir car elle apporte une valeur ajoutée significative. Elle permet de se démarquer de la concurrence et de se positionner sur un marché plus qualitatif.
Elle est une filière en forte progression, – plus 10 % par an et plus 140 %, en termes de surface, entre 2000 et 2010. Nous devons nous mobiliser pour encourager ce saut qualitatif, que ce soit dans l’agriculture biologique ou dans l’agriculture traditionnelle.
Dans un territoire que je connais bien, le sud de l’Aisne, les productions bio, bien qu’en progression, demeurent faibles puisqu’elles n’occupent que 0,7 % des surfaces cultivables. Aujourd’hui, quelque 300 hectares sont labellisés en bio et en conversion, soit une vingtaine d’exploitations, pour la plupart viticoles. On peut aussi mentionner le développement des AMAP, les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne.
Ces efforts donnent des résultats significatifs : à Château-Thierry, que ce soit dans les crèches, les cuisines centrales ou les collèges, près de 20 % des produits utilisés sont d’origine bio.
Mais pour aller plus loin, et afin de favoriser les circuits courts, n’opposons pas les deux modes de production, que je crois complémentaires. Ce constat appelle deux questions. En premier lieu, comment favoriser le passage des grandes cultures vers le bio, et quelles sont les mesures incitatives à prendre pour répondre à cet objectif ? Comment, d’autre part, améliorer la vérification des équivalences et l’harmonisation des normes des organismes certificateurs ? C’est là une question cruciale au regard de la loyauté de la concurrence comme de la confiance des consommateurs.
La question de Mme Orliac est très technique puisqu’elle concerne les primes pour la conversion et le maintien, en grande culture et en prairie, cultures différentes les unes des autres. Ces primes, soit dit en passant, ont été revalorisées puisqu’elles atteignent, en conversion, 300 euros l’hectare pour les grandes cultures – contre 200 euros précédemment –, et 130 euros pour les prairies – contre 100 euros précédemment.
Aux termes du contrat – trois ou cinq ans de conversion –, les cultures peuvent être modifiées et, ce faisant, permettre à l’agriculteur de toucher plus s’il justifie qu’au moins une grande culture légumineuse s’est effectuée en prairie. Les agriculteurs concernés se sont donc engagés sur ce point dès l’entrée en application du contrat de cinq ans, si bien que leurs primes à l’hectare s’en sont trouvées augmentées. Or de nouveaux contrats, apparus avec la nouvelle réglementation, portent sur les trois prochaines années sans prendre en compte les deux années précédentes. Il est difficile de revenir sur le fait que ce qui était cultivé en prairie le sera grande culture alors que, au départ, le contrat n’a pas été clairement identifié comme tel par l’administration.
Des mesures techniques ont été prises pour introduire de la souplesse et permettre des rotations sur les cultures, mais, sur la question spécifique que vous avez posée, madame la députée, il est difficile de demander à l’administration de revenir en arrière sans savoir exactement de quoi il retourne : nous parlons, je le rappelle, de primes qui, pour la grande culture, représentent 300 euros l’hectare en conversion et 160 euros en maintien, et, pour les prairies, 130 euros en conversion et 90 euros en maintien. On voit donc tout l’intérêt de passer des prairies aux grandes cultures ; mais l’on ne peut tout faire en même temps.
Sur la réglementation des importations, la Commission européenne a proposé de remplacer le régime d’équivalence délivré aux organismes certificateurs par un régime de conformité, l’objectif étant de renforcer les contrôles, s’agissant notamment des certificats délivrés à l’importation. Le Conseil et le Parlement européens ont donné leur accord à cette proposition, que je soutiens : les certificats donnés sur l’importation de produits biologiques s’en trouveront donc renforcés.
Comment favoriser les grandes cultures bio ? Tel est précisément l’enjeu. Jusqu’à présent, les débouchés comme la rémunération des grandes cultures ne posaient guère de problème ; d’où le faible nombre de conversions. Priorité est donnée, à travers le fonds bio, au développement des productions de céréales en grande culture bio, car ces productions répondent, on le sait, à un besoin pour la panification. Il s’agit donc d’un engagement précis, sur lequel nous continuerions à progresser.
Nous en revenons à des questions du groupe écologiste.
La parole est à M. Éric Alauzet.
Nous restons sur le sujet de l’agriculture biologique, à laquelle de nombreux paysans se sont convertis ou consacrés en s’installant. En Franche-Comté, par exemple, la surface de production biologique a augmenté de 24 % en 2015, et l’on prévoit, en 2016, une hausse de 10 % du nombre des installations et conversions.
Le plan « Ambition bio 2017 » n’avait, semble-t-il, pas anticipé la vague de conversions et d’installations qui traduit son succès. Dépassés par cette vague, les financements prévus pour la période 2015-2020 s’avèrent logiquement insuffisants, tant pour les agriculteurs que pour les structures dédiées à l’indispensable accompagnement. Dans certaines régions, ces crédits sont déjà épuisés ; dans d’autres, il a fallu réduire les aides.
Lors du débat public organisé par la Fédération nationale de l’agriculture biologique le 5 avril dernier, votre représentant, monsieur le ministre, a affirmé que la modulation des aides était prévue avant le lancement du plan, mais que le Gouvernement travaillait actuellement avec les régions afin de trouver des solutions. Comment les agriculteurs pourront-ils tenir leurs engagements contractuels et les dépenses afférentes si les aides sont réduites ?
Face à la crise environnementale, sanitaire et de l’économie agricole, on ne peut rester dans la demi-mesure. Aussi ma question porte-t-elle sur les moyens que le Gouvernement entend consacrer à l’agriculture biologique. Le plan national « Ambition bio 2017 » prévoyait un doublement de ces moyens, et l’État, vous l’avez dit, les a effectivement doublés : lorsqu’elle atteint 3, 10 ou 15 %, une augmentation paraît déjà considérable ; elle est donc colossale en l’occurrence, puisque nous parlons de 100 %. Mais, puisque nous parlons aussi d’un changement de modèle – dans l’agriculture comme dans l’énergie –, l’ordre de grandeur n’est peut-être pas une multiplication par deux, mais par trois, quatre ou dix – même si je n’ignore pas que les moyens budgétaires ne sont pas infinis. Les pourcentages sont donc à relativiser.
Ma question est proche de celle que mon collègue vient de poser, à quelques nuances près. L’agriculture biologique est aujourd’hui en pleine expansion sur notre territoire. Plus de 12 % de nos exploitations agricoles se sont engagées sur la voie du bio, lequel représente désormais 3,5 % de nos surfaces agricoles, avec un chiffre d’affaires en constante augmentation.
Avec la crise de l’élevage, beaucoup d’agriculteurs conventionnels se tournent vers l’agriculture biologique. Dans la Vienne, une structure d’accompagnement technique telle que Vienne Agro-bio a ouvert autant de nouveaux dossiers au cours des deux derniers mois qu’elle ne le fait habituellement en un an. Ce fantastique engouement s’est renforcé, au cours des dernières semaines, à l’approche du 15 mai, date butoir pour le dépôt des dossiers PAC.
Aujourd’hui, Françaises et Français se tournent massivement vers la consommation de produits bio, à un degré tel que nous sommes forcés d’importer ces produits en grande quantité : autant de devises qui partent à l’étranger. Ces nouvelles conversions sont donc une chance pour relocaliser l’agriculture sur nos territoires, et une fantastique opportunité économique à saisir.
Cependant, tous ceux qui ont effectué le passage d’un modèle agricole à un autre sont d’accord pour le dire : c’est une remise en cause profonde de leurs techniques qui nécessite un accompagnement sur le court et le long terme. Telle est en effet la condition pour assurer l’efficience de leurs pratiques d’une part, et garantir leurs revenus d’autre part.
Paradoxalement, les organisations comme celles que nous avons évoquées, ainsi que les centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural, les CIVAM, manquent cruellement de moyens humains et financiers, moyens qu’ils voient même diminuer. Alors qu’un mouvement similaire émerge dans d’autres secteurs agricoles, parmi les céréaliers notamment, quels nouveaux moyens, monsieur le ministre, comptez-vous mettre à la disposition de ces organisations d’accompagnement technique ?
Le succès des conversions entraîne, notamment pour les régions, des problèmes financiers et bouleverse nos propres prévisions en matière de développement de l’agriculture biologique. En plusieurs points du territoire, nous avons dû, comme vous le savez, négocier le plafonnement des aides afin de pouvoir financer l’ensemble des demandes.
Mais si la conversion est soutenue, le maintien doit l’être aussi : il convenait donc de financer en même temps les primes au maintien de l’agriculture biologique.
Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises : l’agriculture biologique peut – dans la mesure où elle répond, par définition, à leurs critères – bénéficier des mesures agro-environnementales accessibles aux agriculteurs n’en relevant pas spécifiquement. Un tel mouvement permettrait de soulager d’autant les aides au maintien, ce qui permettrait, ensuite, de poursuivre le financement des conversions.
Monsieur Alauzet, vous avez tout à l’heure rappelé les efforts budgétaires réalisés par le Gouvernement tout en appelant à multiplier par trois, quatre, voire dix les crédits consacrés à l’agriculture biologique. Vous le savez, la question budgétaire est toujours difficile pour un ministre de l’agriculture et requiert toute sa vigilance. Pour ce qui me concerne, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour mobiliser le plus de moyens possible en faveur de l’agriculture biologique.
Je n’ignore pas, par ailleurs, les efforts bénéfiques faits dans les régions pour mobiliser dans le même sens les moyens des agences de l’eau. Dans la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées par exemple, plus de 30 millions d’euros vont être ainsi dégagés.
D’une façon générale, le Gouvernement essaye donc de mobiliser toutes les ressources disponibles pour répondre aux demandes. Celles-ci sont en effet plus nombreuses, du fait de la crise, sans doute, mais aussi des nouveaux débouchés qu’offre l’agriculture biologique. On compte beaucoup de conversions : il faut donc trouver les moyens correspondants.
S’agissant de la question du financement des organismes nationaux à vocation agricole et rurale – les ONVAR – et de l’ensemble du dispositif lié aux groupements d’agriculteurs biologiques – GAB –, aux CIVAM et aux CUMA – coopératives d’utilisation de matériel agricole –, j’ai, dès le début, lorsqu’il s’est agi de discuter du budget du compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural », le CASDAR, tenu à ce qu’augmentent les subventions de fonctionnement qui leur étaient octroyées.
J’ai également décidé – c’était important – que la Fédération nationale des agriculteurs biologiques, la FNAB, serait désormais considéré comme un ONVAR. Elle est ainsi reconnue de la même manière que le Groupe de recherche en agriculture biologique et les GAB, et participera à ce titre au développement de l’agriculture biologique. La reconnaissance de la FNAB comme ONVAR lui permet de bénéficier – à hauteur de 700 000 euros par an entre 2015 et 2020, contre 350 000 avant notre arrivée au pouvoir – des subventions octroyées par le CASDAR.
Nous avons également renforcé, via le compte d’affectation spéciale, les moyens des CIVAM, à hauteur de 550 000 euros par an.
J’ai en effet toujours considéré, depuis ma prise de fonctions, que tous ces ONVAR avaient une utilité. Je me souviens que Brigitte Allain, lors des débats relatifs à la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, les a souvent défendus : le ministre a donc entendu son message et augmenté leurs moyens en conséquence.
Le 25 février dernier, l’agence Bio a présenté les résultats de l’agriculture biologique, qui sont en progression par rapport à 2014 : 65 % des Français ont, en effet, consommé régulièrement, en 2015, des produits qui en étaient issus et 89 % au moins occasionnellement, alors qu’ils n’étaient encore que 54 % en 2003.
Comme cela a été dit, l’agriculture biologique constitue une solution majeure et durable aux problèmes environnementaux. Elle joue également un rôle clé dans le développement de nos territoires.
Ainsi, fin 2015, la France comptait 28 725 fermes « bio » – soit 8,5 % de plus qu’en 2014 – regroupant près de 10 % des emplois agricoles. De même, l’agriculture biologique génère près de 2 000 emplois dans les fonctions de contrôle, de conseil, de recherche et de formation.
Or, outre un développement de la production et de la consommation, une meilleure formation des acteurs agricoles et agroalimentaires, une adaptation de la réglementation et une structuration des filières, le programme « Ambition bio 2017 » vise, pour la période 2014-2020, à renforcer la recherche et le développement en confortant les projets de recherche et de développement dédiés à l’agriculture biologique.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dresser un état de lieux de ces projets de recherche ? Quels sont les moyens financiers qui leur sont consacrés, les priorités retenues et les résultats obtenus ?
Monsieur le ministre, notre agriculture doit relever bon nombre de défis puisqu’elle doit à la fois nourrir les populations et diminuer son empreinte environnementale tout en réalisant sa transition agro-écologique.
Dans nos terroirs, de nombreux agriculteurs s’investissent totalement dans l’agro-écologie. Or les pratiques agricoles raisonnées peuvent, dans leurs filières, occasionner un certain nombre de difficultés.
Je pense notamment à l’agropastoralisme pour l’élevage – c’est le cas, dans ma circonscription, dans les Causses et les Cévennes par ailleurs inscrits au patrimoine de l’Unesco – qui permet le développement de filières de proximité.
Je pense également à la viticulture méditerranéenne qui poursuit sa révolution qualitative ainsi qu’à l’oléiculture qui est confrontée aux attaques parasitaires. L’interdiction décidée récemment de mettre un terme à l’utilisation du diméthoate lui impose de trouver rapidement des solutions de substitution.
Vous avez, monsieur le ministre, évoqué les néonicotinoïdes, ces pesticides systémiques qui, dans certaines cultures, font courir des risques importants aux pollinisateurs, alors même que ceux-ci jouent un rôle essentiel dans l’équilibre de nos écosystèmes.
Dans beaucoup d’exploitations, les techniques culturales évoluent et intègrent des innovations : je pense, notamment, aux travaux de chercheurs et de scientifiques – tels Pierre Rabhi ou Jean Pain – relatifs à l’agriculture biodynamique ou à la permaculture.
Ces travaux favorisent des systèmes agricoles inspirés de l’écologie naturelle et de traditions respectueuses de la valorisation des sols : ils offrent, à ce titre, des perspectives intéressantes, qu’il s’agisse des semis tardifs, de la rotation des cultures, du développement des micro-organismes pour lutter contre les parasites, de l’enrichissement des sols ou du choix de variétés et de cultures locales adaptées aux conditions agro-économiques et climatiques.
Il est, bien sûr, également important de développer les AOC comme les IGP.
La suppression de certaines substances doit permettre de nouvelles expérimentations. Elle doit également stimuler la recherche de nouvelles molécules de substitution afin de sortir de la seule logique chimique.
L’objectif à atteindre, à court terme, est de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires tout en améliorant leur usage. En effet, la mesure de leurs impacts comme des pratiques d’utilisation sera de plus en plus nécessaire.
Monsieur le ministre, face à ces enjeux, pouvez-vous nous indiquer quelle agriculture de qualité vous préconisez pour nos terroirs ? Quels moyens et actions envisagez-vous afin de soutenir les agriculteurs ? Comment comptez-vous imposer aux industriels une accélération de la recherche en vue d’accompagner l’agriculture française dans sa transition écologique ?
Je réponds d’abord à la première question, qui est importante. L’Institut technique de l’agriculture biologique, l’ITAB, a été, en 2013, reconnu comme un institut à part entière. Il s’agissait, là encore, de l’un de mes choix personnels : j’ai en effet souhaité que cet institut soit en capacité de mener des recherches.
À cette fin, il a été, dès 2013, doté de 1,075 million d’euros, alors qu’auparavant sa dotation ne s’élevait qu’à 506 000 euros : son financement a donc été multiplié par deux. Son budget a été reconduit en 2014, en 2015 et est garanti en 2016 : je tiens à le souligner.
L’ITAB conduit avec l’INRA des études de reconnaissance des externalités positives induites par l’agriculture biologique : il s’agissait d’une demande que m’avait faite le sénateur Joël Labbé. Elle est donc mise en oeuvre puisque 60 000 euros ont été mobilisés pour mener à bien cette réflexion.
Les autres instituts techniques, comme Arvalis ou l’Institut français de la vigne et du vin, sont également mobilisés en matière d’agriculture biologique : en 2015, ils lui ont consacré 2 millions d’euros.
Ils travaillent tous, également, avec l’ITAB sur ces recherches qui sont nécessaires, qu’il s’agisse des externalités positives induites par l’agriculture biologique ou de l’amélioration des systèmes en agriculture biologique. Vous le voyez, sur ces questions, le Gouvernement s’est engagé.
Je n’ai, en revanche, pas de résultats spécifiques à vous communiquer : j’attends, en effet, le rapport relatif aux externalités positives, car elles feront partie des grands enjeux de la future réforme de la PAC.
J’indique également, car cela n’a pas toujours été noté, que l’INRA est aujourd’hui, à l’échelle mondiale, l’organisme de recherche agronomique qui publie le plus sur l’agriculture biologique. À ce titre, il participe aux projets européens importants comme Core Organic pour lequel il a reçu prés de 300 000 euros. C’est la France qui, avec l’Italie, a apporté à ce projet européen la contribution budgétaire la plus importante.
S’agissant de la question de l’évolution de l’agriculture et de ses modèles de production, l’objectif est, comme je l’ai dit, de prendre en compte les modifications induites par l’agro-écologie.
En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, des initiatives extrêmement innovantes sont prises en la matière au sein de groupements d’intérêt économique et environnemental, notamment dans le domaine viticole. Elles vont nous permettre de procéder à un retour d’expérience qui devra faire l’objet de la diffusion la plus large possible.
Le 23 juin prochain, j’inviterai tous les députés à participer à une nuit – puisque la nuit est propice aux discussions – de l’agro-écologie au ministère de l’agriculture. Y participeront, afin d’expliquer les enjeux de l’agro-écologie, un certain nombre de chercheurs et d’agriculteurs.
Les agriculteurs ont en effet acquis – vous le savez, monsieur le député, puisque vous l’avez rappelé – dans ce domaine une grande expérience.
Il faut également poursuivre le plan Écophyto et continuer de rechercher des alternatives aux produits phytosanitaires. Le bio-contrôle constitue par exemple une alternative importante à l’utilisation de la chimie. Il s’agit – et c’est un enjeu important – de déterminer comment les mécanismes naturels peuvent être utilisés au profit de la protection des cultures.
Un accord relatif au consortium public-privé de recherche, de développement et d’innovation sur le bio-contrôle a été signé : il associe l’INRA et un certain nombre de grandes entreprises. Selon les dernières informations qui m’ont été communiquées, si vingt-six entreprises avaient signé cet accord à l’origine, elles sont à l’heure actuelle au nombre de quarante-quatre. Là encore, les choses avancent.
Ainsi, dans tous les domaines identifiés lors des débats que nous avons eus au moment de l’examen de la loi d’avenir, nous progressons et nous avançons.
Nous en revenons aux questions du groupe Les Républicains. La parole est à M. Dino Cinieri.
Monsieur le ministre, j’associe à ma question mes collègues Paul Salen et Olivier Marleix. De nombreux arboriculteurs et maraîchers réclament la reconnaissance et l’autorisation de l’utilisation de l’huile de neem en vue de lutter, notamment, contre les pucerons.
Cette huile végétale, obtenue à partir des graines du margousier, est utilisée depuis des siècles dans le monde entier. Elle bénéficie depuis 2011 d’une autorisation – au titre du label agriculture biologique – de mise sur le marché dans quinze pays européens.
Cette situation crée une nouvelle distorsion de concurrence insupportable pour les producteurs français. Or, malgré ces arguments et les revendications des producteurs, la Direction générale de l’alimentation semble bloquer la situation.
Sur la base d’une analyse bénéfices-risques, l’huile de neem – dont le principal principe actif est l’azadirachtine – peut être, en respectant certaines précautions, utilisée de manière sécurisée.
Certes, elle présente certains inconvénients, notamment son caractère de perturbateur endocrinien. Il faudrait cependant que les critères finaux permettant de définir ces perturbateurs endocriniens au niveau européen soient fixés afin de permettre l’homologation des insecticides à base d’huile de neem.
Pour atteindre les objectifs fixés par le ministère de l’agriculture en matière de développement de l’agriculture biologique, les producteurs ont besoin d’une stabilité réglementaire s’agissant des solutions leur permettant de combattre les ennemis de leurs cultures. L’obtention d’une autorisation de mise sur le marché des produits à base d’huile de neem irait dans ce sens.
Monsieur le ministre, j’aimerais, par conséquent, savoir ce que vous pourriez mettre en oeuvre pour répondre rapidement aux attentes des producteurs.
Nous connaissons l’intérêt de votre ministère, ainsi que d’une aile de votre majorité, pour cette branche de l’agriculture qu’est l’agriculture biologique. Votre ministère en donne la définition suivante : « un mode de production qui a recours à des pratiques culturales et d’élevage soucieuses du respect des équilibres naturels. »
Permettez-moi de vous dire que les agriculteurs que je rencontre, dans mon département de la Mayenne, que vous connaissez bien..
Très bien !
… sont, eux aussi, soucieux du respect des équilibres naturels. Mais ils sont las de cette dualité qui oppose, trop souvent, les bons et les mauvais agriculteurs.
Mais leur lassitude n’est rien par rapport à leur préoccupation majeure : la survie de leur exploitation. Pour celle-ci, ils se battent depuis des années sans que leurs efforts soient récompensés.
Comment, en effet, supporter de vendre à perte alors que l’on doit faire vivre une famille et que l’on travaille chaque jour sans compter ses heures ? Comment ne pas s’inquiéter alors que la PAC ne soutient plus le modèle d’élevage européen, majoritairement familial et herbager ?
Comment ne pas s’inquiéter devant l’ouverture dont bénéficient les États du MERCOSUR – principaux producteurs au monde de viande à bas coût, bien loin, eux, de l’agriculture biologique – pour pénétrer le marché intérieur pourtant autosuffisant ?
L’Union européenne doit prendre ses responsabilités en matière de régulation des productions agricoles. Si elle ne le faisait pas, nous aboutirions à un modèle agricole à deux vitesses où il ne resterait que des productions hyper-industrialisées et du bio. Comment ne pas s’inquiéter, tout autant, des négociations en cours des accords bilatéraux avec les États-Unis ?
Monsieur le ministre, nos agriculteurs vous demandent de vous battre pour la survie et le maintien du métier, de l’exploitation et de la terre qu’ils aiment et qui font vivre l’ensemble de nos territoires ruraux.
Ce qu’ils attendent de vous, c’est que la France puisse conserver la diversité de ses productions et la richesse de ses terroirs.
S’agissant de la conversion en agriculture bio, certains agriculteurs, intéressés, s’interrogent : le marché bio va-t-il rester porteur ? Les aides publiques seront-elles stables sur plusieurs années, ce qui leur donnerait une visibilité suffisante ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de les éclairer sur ces deux points précis.
Monsieur Cinieri, vous avez évoqué l’huile de neem, dont la substance active est issue du margousier, arbre originaire d’Inde. L’azadirachtine est d’ores et déjà reconnue à l’échelle européenne. Rien n’empêcherait donc qu’elle soit utilisée en France dans l’agriculture biologique.
Cela dit, une substance active ne peut pas être utilisée en tant que telle, il faut un produit avec une autorisation de mise sur le marché. Nous devrons donc nous revoir et nous concerter avec les producteurs, mais une telle autorisation serait tout à fait possible puisque la molécule est d’ores et déjà reconnue. Je vais voir comment l’on peut faire pour accélérer la mise en oeuvre d’un tel produit, qui pourrait être tout à fait utile.
Monsieur Chevrollier, je pense pour ma part qu’il faut développer la bio, mais surtout sortir de l’opposition entre les agricultures bio et conventionnelle. L’agro-écologie est une manière de concilier la performance économique, la performance environnementale et la performance sociale, et c’est la raison pour laquelle j’y tiens. Telle est d’ailleurs l’ambition que nous nous sommes donnée dans le premier article de la loi pour l’avenir de l’agriculture, qui définit les objectifs de la politique agricole et dont nous appliquons progressivement les dispositions.
Le marché bio va-t-il rester porteur ? C’est une question que nous devons garder à l’esprit, et c’est d’ailleurs pourquoi nous avons porté à 4 millions d’euros le budget de l’Agence Bio. Il faut, en effet, organiser la commercialisation des produits de l’agriculture biologique en prenant bien garde à ne pas les banaliser, car la baisse des prix qui en résulterait mettrait en difficulté ceux qui ont fait le choix de cette agriculture.
J’ai toujours veillé à l’équilibre entre l’augmentation des surfaces, l’augmentation de la production et les débouchés. Pour les céréales, il y a des débouchés, on le sait ; il faut donc simplement développer la production. À chaque fois, on essaie de trouver le bon équilibre. Il faut développer l’agriculture biologique et maintenir l’équilibre des marchés, nécessaire pour garantir des prix rémunérateurs.
Si les prix chutaient, je sais en effet ce qui se passerait : c’est vers le ministère que certains se retourneraient pour réclamer des aides. C’est ce qu’il nous faut éviter.
Sur les moyens de garantir une visibilité, il y aura sûrement des discussions, mais le cap que nous avons fixé jusqu’en 2017 en passant de 90 à 180 millions d’euros le budget qui lui est consacré est parfaitement cohérent. Il conviendra, ensuite, de maintenir ce niveau, voire de l’élever à nouveau, pour que l’agriculture biologique puisse poursuivre son développement.
Nous arrivons aux deux dernières questions.
La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre, c’est une fierté partagée avec vous d’avoir réussi à obtenir, au bout d’un an de discussions, de palabres, voire de crises, l’unanimité de toutes les parties prenantes – et Dieu sait si elles sont diverses en la matière – autour du nouveau plan Écophyto.
Ce dispositif partenarial intègre la FNAB. D’ailleurs, parmi les visites que j’ai effectuées sur le terrain dans le cadre de la mission que m’a confiée le Premier ministre, celle qui m’a le plus marqué est la présentation, par Anne-Claire Vial, d’une ferme de la Drôme associant agriculture biologique et agriculture conventionnelle. De telles plates-formes, qui permettent des échanges entre les différentes formes d’agriculture, donnent de très bons résultats. Elles favorisent le travail collectif et l’enrichissement mutuel, à rebours de la situation décrite tout à l’heure par M. Chevrollier.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté l’ouverture d’un centre régional technique similaire à Haroué, au sud de Nancy, dans ma circonscription. Cette plate-forme permettra de diffuser l’agriculture biologique et la polyculture élevage dans le Grand Est.
S’agissant de l’avenir de la PAC, des marges de manoeuvre peuvent être trouvées sur le deuxième pilier, dont on voit bien à quel point il est utile, en différenciant les prix suivant la taille des exploitations. Mais il faut aller plus loin en attaquant tous ceux qui spéculent sur le foncier. Je ferai des propositions en ce sens dans la loi Sapin 2. Vous n’ignorez pas que c’est pour moi un combat historique, et je sais que vous serez vous-même au rendez-vous.
Concernant l’agriculture biologique, filière que je connais très bien et dans laquelle j’ai passé quelques années de ma vie, je réclame une mesure simple : un agriculteur qui convertit son exploitation en agriculture biologique et bénéficie à ce titre d’une aide pendant cinq ans devrait s’engager au moins pour dix ans, voire quinze. Ce serait beaucoup plus loyal. Certaines opérations, aujourd’hui, n’apparaissent à cet égard pas très saines.
Par ailleurs, tous les agriculteurs bio n’ont pas accès aux MAEC à défaut d’une aide au maintien. J’aimerais donc que l’on étudie, au sein de votre ministère, la question de l’accès réel à l’aide au maintien au bio, parce que les marchés, c’est compliqué. En Meurthe-et-Moselle, où on observe une augmentation de 40 % des surfaces converties, les marchés grimpent de 10 et 20 % – 10 % pour la farine, 20 % sur les produits frais. Selon les opérateurs régionaux tels que Probiolor, l’arrivée massive de nouvelles surfaces va provoquer une dérégulation. Il restera les indemnités environnementales, il faudra soutenir les bios en place. Pour le maintien du contrat cyclique, des MAEC adaptées, il y a encore du travail.
Monsieur le ministre, le marché des produits issus de l’agriculture biologique est en constante progression en France, comme dans les autres pays de l’Union européenne d’ailleurs.
Afin de répondre à la demande croissante des consommateurs, dans un contexte de crise agricole, la France a enregistré l’année dernière une forte croissance des conversions avec une surface en mode biologique de 1,3 million d’hectares, soit une progression de 17 % par rapport à 2014.
Notre pays affiche donc des ambitions fortes pour le développement de ce type d’agriculture, mais nous devons constater tout d’abord que le niveau d’aide est loin d’être suffisant pour répondre à ces ambitions. En effet, même après la vague de conversion de 2015, les objectifs du plan « Ambition Bio 2017 » sont loin d’être atteints.
Par ailleurs, la priorisation des aides à l’agriculture biologique dans un contexte d’augmentation des besoins est susceptible d’entraîner des distorsions de concurrence entre les régions qui gèrent les subventions et qui peuvent faire le choix de les plafonner. Aussi, deux agriculteurs proches géographiquement mais de régions différentes peuvent se voir attribuer des aides de niveaux très dissemblables.
Il convient également de noter que la situation des marchés est très variable selon les secteurs. Avant d’engager des productions, il faut donc s’assurer que le marché est prêt à les accueillir. C’est ce dont nous venons de parler.
Enfin, avec la crise des productions classiques, de nombreux producteurs se tournent vers l’agriculture biologique pour essayer d’améliorer les résultats. Il faut être très vigilant sur ce point sachant que selon de nombreuses études, il est difficile de départager le conventionnel et le bio sur le fondement de la performance économique.
Aussi, monsieur le ministre, quelles perspectives souhaitez-vous donner à l’agriculture biologique et avec quels outils mettrez-vous en place cette politique ?
Sur les plates-formes, oui, monsieur Potier, il faut développer ce système parce qu’il est très important d’avoir des lieux qui permettent de développer les objectifs de l’agriculture biologique.
Celui qui s’engage dans l’agriculture biologique ne le fait-il pas uniquement pour bénéficier des aides à la conversion sans s’y maintenir ensuite ? Doit-il s’engager pour dix, voire quinze ans ? C’est une vraie question, difficile à trancher dans l’immédiat. En tout état de cause, nous avons besoin de maintenir un niveau d’ambition élevé pour la bio – et je réponds aussi à Mme Genevard sur ce point.
Quant aux MAEC et aux MAE système, des questions vont se poser sur la manière dont on va faire évoluer la politique agricole commune. Je pense que le verdissement et les grands enjeux environnementaux vont nécessiter d’abord de développer les MAE système, mieux adaptés aux objectifs agro-écologiques et agro-biologiques. Mais des mesures spécifiques à destination de l’agriculture biologique apparaîtront sûrement nécessaires, dont le rapport sur les externalités positives devrait permettre de justifier la création.
Madame Genevard, je suis toujours attaché à des objectifs ambitieux en matière d’augmentation des surfaces. Nous en sommes déjà à 1 350 000 hectares, et je ne pense pas me tromper en disant que nous allons atteindre 1 500 000 ou 1 600 000 hectares, ce qui ne correspond pa tout à fait un doublement mais constitue tout de même un très grand progrès.
Mais ce progrès ne vaut que si nous sommes capables de tenir les deux bouts de la chaîne. Je ne veux pas me retrouver dans la même situation que lorsque des producteurs de vin biologique, qui ne trouvaient plus de débouchés pour leurs produits, sont venus me demander quoi faire. J’ai pris note de l’annonce du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux ; je ne connais pas encore les objectifs de ces producteurs ni la façon dont ils comptent les atteindre – nous aurons sûrement des discussions sur ce sujet –, mais ce qui est sûr, c’est que lorsqu’un produit se banalise, son prix baisse. Je préfère prévenir plutôt que de devoir guérir plus tard –même si je ne serai sans doute plus concerné le moment venu.
Bref, développer la bio, oui. La structurer, oui. Répondre à des besoins, c’est absolument nécessaire. Ce sont des produits locaux, on l’a dit, avec des circuits courts, et en même temps de grande diffusion. Tel est l’objectif que nous nous sommes fixé et que nous allons conserver. Des moyens ont été mis en place, nos atouts sont valorisés, mais il reste encore de grandes potentialités – j’ai évoqué tout l’heure la forte demande sur les céréales et le pain, à laquelle nous devons êtres capables de répondre.
Mesdames, messieurs, ce débat a été utile, il a permis de faire le point. L’agriculture biologique a montré qu’elle était capable de se développer et de réussir.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Questions sur la politique fiscale du Gouvernement.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly