Intervention de Michel Ménard

Séance en hémicycle du 14 juin 2016 à 15h00
Discrimination et précarité sociale — Article unique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Ménard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

M. Bompard n’a pas vraiment présenté ses amendements. Il a plutôt tenu un discours politique qui n’a pas grand-chose à voir avec ceux-ci. Cela dit, je vais exposer rapidement l’avis de la commission sur chacun d’eux.

S’agissant de l’amendement no 1 , qui a pour objet de supprimer la dérogation au bénéfice de la discrimination positive pour le retour à l’emploi, je veux rappeler qu’il existe, dans le droit du travail, un certain nombre d’exceptions à l’interdiction générale de discrimination, lorsqu’elles répondent à une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » ; en matière d’âge ; lorsque l’état de santé ou le handicap équivalent à une inaptitude à occuper l’emploi en cause ; lorsqu’il s’agit d’insérer des personnes handicapées ; ou lorsqu’il y a lieu de favoriser l’égalité de traitement dans certaines zones géographiques. Vous le voyez, il existe donc déjà beaucoup d’exceptions. La proposition de loi en ajoute une pour des motifs évidents : dans une action contre l’exclusion, mieux vaut aider les plus vulnérables que les plus aisés. Nous avons là une différence fondamentale avec M. Bompard quant à l’objectif à atteindre.

S’agissant de l’amendement no 3 , la proposition de loi que nous débattons a pour objet de lutter contre les actes et les comportements discriminatoires. Le Sénat a considéré qu’il valait mieux ne pas « fliquer » – j’emploie des guillemets – le langage, en créant des délits d’injure ou d’incitation à la haine contre les pauvres. C’est un choix qui peut se comprendre. D’une part, la police du langage n’est jamais souhaitable ; mieux vaut changer les mentalités par la pédagogie que par la répression. D’autre part, les quelques incriminations qui existent touchent à des interdits absolus dans notre société – racisme, homophobie, handiphobie – dont il vaut mieux garder la spécificité.

S’agissant de l’amendement no 4 , qui a pour objet d’instituer une interdiction absolue de discrimination fondée sur la vulnérabilité économique, je rappelle qu’il existe une discrimination toujours bannie dans notre société : le racisme. Au regard de tous les autres critères, certaines situations peuvent justifier des discriminations ; par exemple, il est légitime qu’un handicap puisse équivaloir à une inaptitude professionnelle, ou que certaines activités soient interdites aux plus jeunes.

L’amendement no 2 , qui concerne la suppression de l’application du dispositif à Mayotte, est très étonnant, quoique rien ne devrait me surprendre de la part de M. Bompard. Cet amendement n’a pas de sens. Nous savons tous que la vulnérabilité économique est une donnée relative et qu’elle doit être appréciée dans son contexte. Je ne vois pas de raison de tolérer l’existence à Mayotte de discriminations que nous interdisons dans les territoires européens de la France.

S’agissant de l’amendement no 5 , j’emploierai des arguments identiques.

L’avis est donc défavorable sur ces cinq amendements.

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