Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 15 juin 2016 à 15h00
Exercice par la croix-rouge française de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peu connu du grand public, le rétablissement des liens familiaux est l’une des missions historiques de la Croix-Rouge. Consacrée par les conventions de Genève de 1949 et par leurs protocoles additionnels de 1977 – ratifiés par la France –, elle se décline en quatre activités : la recherche des membres de la famille ; l’appui à la démarche de réunification familiale lorsque la Croix-Rouge a retrouvé les proches ; la transmission de nouvelles familiales lorsque tous les autres moyens de communication sont bloqués ou inaccessibles ; la délivrance, enfin, de certains documents par le Comité international de la Croix-Rouge ou par les États pour faire valoir un droit – documents d’état civil, certificats ou attestations.

Il s’agit d’une mission essentielle, qui permet d’apaiser les souffrances morales liées à la disparition d’un être cher en informant, en rassurant et en rétablissant la communication entre les membres des familles séparées. Elle s’adresse à de nombreuses familles confrontées aux conflits armés, aux catastrophes naturelles ou d’origine humaine et aux migrations internationales.

Au regard de l’augmentation des migrations pour raisons humanitaires, la facilitation de la mission statutaire de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge apparaît plus que jamais indispensable. Rappelons en effet que le service de la Croix-Rouge française a enregistré 200 nouvelles demandes de rétablissement des liens familiaux entre janvier et avril 2015, puis 299 autres demandes, pendant la même période, en 2016.

L’association constate que les opérations qui visent à empêcher les réfugiés de traverser les frontières nationales au sein de l’Europe ont entraîné un grand nombre de pertes du lien familial. En effet, la fermeture des frontières, loin de dissuader les migrants de continuer leur périple, les pousse au contraire à se séparer. Comme le souligne l’UNICEF – le Fonds des Nations unies pour l’enfance –, les parents se résolvent à faire voyager leurs jeunes enfants dans des conditions terribles, dans l’espoir que les frontières se rouvriront et qu’ils pourront poursuivre leur chemin.

De son côté, la Croix-Rouge déplore que « les contrôles aux frontières effectués au hasard et la criminalisation des déplacements irréguliers tendent à exposer les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants, à des risques plus importants, tels que la séparation familiale […] ».

Dans ce contexte préoccupant, la mission de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge doit être favorisée ; or il apparaît, au contraire, qu’elle est régulièrement entravée par le refus des administrations et des services publics de transmettre des données personnelles relatives aux personnes recherchées.

L’exercice de cette mission par la Croix-Rouge se révèle d’autant plus difficile que, comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi, « le ministère de l’intérieur n’assure plus, depuis le printemps 2013, la mission de recherche dans l’intérêt des familles qu’il exerçait depuis la fin de la Première Guerre mondiale pour permettre aux membres d’une famille de se retrouver avec l’aide de la puissance publique ». La Croix-Rouge a donc perdu son interlocuteur privilégié dans la recherche des données personnelles des personnes recherchées.

Aussi les députés du Front de gauche soutiennent-ils pleinement cette proposition de loi qui accorde à la Croix-Rouge française des dérogations ciblées en vue d’obtenir des administrations françaises – entendues au sens large – communication de documents administratifs comprenant des données à caractère nominatif permettant de retrouver une personne. Cela lui facilitera l’exercice de sa mission de rétablissement des liens familiaux.

En définitive, les députés du Front de gauche voteront en faveur de cette proposition de loi, à la fois légitime et nécessaire. Toutefois, ils insistent sur le fait qu’elle ne saurait en aucun cas exonérer l’État de ses responsabilités, en particulier s’agissant de la protection des réfugiés.

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