Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, les liens familiaux offrent la possibilité au petit de l’homme de s’intégrer à la société, famille de familles, puis de s’assimiler à la nation. Étant un fervent défenseur de leur sanctuarisation face aux nombreuses intrusions de l’État dans la sphère familiale, il m’est possible de comprendre cette proposition de loi.
Par parenthèse, celle-ci nous laisse entrevoir une partie de la folie des délires individualistes et consuméristes qui nous guettent. La marchandisation d’enfants, notamment par le biais de la gestation pour autrui, pourrait, à terme, aboutir à ce que certains enfants recherchent leurs ascendants réels, en utilisant les services de la Croix-Rouge. L’appel à l’humanité, que contient le texte, devrait justement nous inciter à prendre garde à la folle logique d’autres idées.
Les chiffres sont intéressants, même s’ils restent limités : moins de mille dossiers traités chaque année par la Croix-Rouge. Deux cents d’entre eux concernent des migrants ou des réfugiés. On ne peut que soutenir l’action de la Croix-Rouge qui a oeuvré pour que se retrouvent, physiquement ou par la mémoire, ceux que la Seconde Guerre mondiale sépara.
À ce stade, une politique compréhensive est permise mais ce ne doit être qu’à la condition expresse que notre pays ne connaisse pas une explosion de l’accueil des migrants. Si celui-ci devait enregistrer des chiffres avoisinant ceux de la dérive allemande– 1,1 million de demandeurs d’asile –, plus rien dans ce dispositif ne serait viable. Or l’on sait qu’en France le rejet d’une immigration massive est amplement partagé, au point de susciter une crise identitaire sans précédent.
Nous sommes donc, indirectement, confrontés à cette réalité tellement rejetée par les tenants du politiquement correct. Prétendument généreuse, notre actuelle politique migratoire, au lieu de servir le bien-être, porte atteinte à ce qui permet à notre nation d’être équilibrée et harmonieuse. Or, comme en toutes choses, seul l’équilibre pourrait réparer les cassures auxquelles ont conduit quarante ans d’immigration incontrôlée.
Prenons donc garde qu’au simple bon sens ne se substitue pas la folie du cosmopolitisme extrémiste : il est d’autant plus important de parvenir à un équilibre simple et fort qu’il pourrait permettre, par exemple, de panser certaines des blessures de notre histoire.
Ainsi certains pieds-noirs et certains harkis – anciens d’une Algérie que la France décida d’abandonner – se trouvent-ils dans des situations d’éclatement familial ou font face à des disparitions non résolues, qui pourraient parfaitement bénéficier du dispositif de dérogation prévu à l’article 1er ainsi que des dispositions relatives à l’information des tiers prévues à l’article 4.
Quoi qu’il en soit, le meilleur service à rendre aux familles dispersées est bien de prévenir l’éclatement des nations, par exemple en sortant d’un unilatéralisme qui tue et aux conséquences explosives.
En menaçant d’intervenir en Syrie, en étant le seul pays au monde parvenant à avoir une position plus caricaturale que certains États du Moyen-Orient, la France a présidé à l’accélération du pourrissement d’un conflit dont chacun sait maintenant qu’il était un jeu commercial et d’influence. Aujourd’hui, plus de 80 % de la population syrienne vit sur le territoire loyaliste, mais des millions de réfugiés incontrôlables ont émigré vers les pays voisins et en Europe.
Évidemment, le Gouvernement français n’a pas présenté d’excuses, pas plus qu’il n’en a présenté lorsqu’il a soutenu les bombardements odieux des populations chiites du Yémen. Il n’en a d’ailleurs pas davantage présenté aux chrétiens du Kosovo dont certains devaient recevoir un visa en échange des services rendus à nos armées et attendent toujours un début de reconnaissance.
Le délitement des liens familiaux du fait de l’émigration est d’abord le résultat d’une politique internationale décérébrée, ou, pire, d’une politique qui met notre pays en tête des plus alignés.
Et aucun récit grandiloquent ne pourra venir excuser cinq ans d’abaissement de la France à l’international. Toutes ces familles offertes aux marées et aux passeurs n’avaient aucun besoin que nous abandonnions, pour le service de puissances étrangères, les piliers d’une politique étrangère équilibrée.
On retrouve d’ailleurs cela en creux, madame la rapporteure, dans les propos que vous avez tenus en commission, quand vous avez indiqué : « les zones sensibles sont connues : Syrie, Ukraine, République démocratique du Congo, Guinée, etc. »
Je nourris toutefois l’espoir que le bon sens qui a présidé à l’élaboration de cette proposition de loi pourra inspirer les politiques publiques à venir afin que, plutôt que d’augmenter les dossiers à traiter par la Croix-Rouge, nous en venions, enfin, à une politique de démondialisation, de développement des pays d’origine des immigrés et de vérité dans les relations internationales. Trop nombreux sont en effet les êtres humains jetés sur les routes et sur les mers parce que nous avons ici cédé aux factions partisanes et idéologiques au lieu de nous mettre au service du bien commun.