Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 13 juillet 2016 à 15h00
Validité des habilitations des clercs de notaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Cette proposition de loi, adoptée par le Sénat le 29 juin et par notre commission, à l’unanimité, le 6 juillet dernier, vise à accompagner une réforme dont nous avons longuement discuté au cours de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Il s’agit en effet de repousser la date de suppression des habilitations accordées par les notaires à leurs clercs du 1er août 2016 au 31 décembre 2020, pour l’aligner sur l’échéance du dispositif de validation des acquis de l’expérience dont peuvent bénéficier ceux d’entre eux qui souhaiteraient se reconvertir et devenir notaires.

Cet alignement constitue à la fois une mesure de coordination avec les dispositions réglementaires récentes fixant le cadre de cette validation des acquis et une mesure de cohérence avec l’engagement que nous avions pris envers la profession d’accompagner au mieux la réforme pour que les clercs actuellement habilités ne soient pas pénalisés. Ceux-ci sont encouragés à se reconvertir au plus tôt, sans toutefois que soient remises en question les conditions d’exercice de clercs qui, en activité depuis de longues années, s’apprêteraient à prendre leur retraite dans les années à venir. Cette mesure nous semble donc équilibrée et conforme à nos nombreux travaux sur ce sujet.

À cette fin, la présente proposition de loi reprend, dans des termes strictement identiques, les dispositions de l’article 51 ter B du projet de loi sur la modernisation de la justice au XXIe siècle tel qu’adopté en première lecture sur l’initiative du Gouvernement. Ce texte ne pouvant être adopté avant le 1eraoût 2016, il convenait qu’un autre véhicule législatif puisse l’être dans de meilleurs délais. C’est donc l’objet de la présente proposition de loi. L’article en question a d’ailleurs été, par coordination, supprimé du projet de loi précité par notre commission.

Pour éclairer le sens de cette réforme, je rappellerai qu’il était nécessaire de mettre un terme au système des habilitations pour plusieurs raisons.

En premier lieu, cette possibilité donnée aux notaires constituait un puissant frein à l’embauche de notaires en titre, puisqu’il était possible de leur substituer des clercs. Il est vrai que ceux-ci sont souvent des personnes très compétentes qui s’acquittent avec diligence de toutes les tâches préalables à la signature des actes. Cependant, de très nombreux jeunes diplômés notaires sont en attente de pouvoir s’installer, soit dans un office existant, soit en créant leur propre office. Actuellement, 4 000 diplômés ne parviennent pas à s’installer et il est de notre devoir de mettre fin à cette situation dommageable pour ces professionnels comme pour nos territoires. À ce titre, monsieur le ministre, nous nous félicitons que la carte sur les zones d’implantation, très attendue, soit en passe d’être publié – une publication annoncée pour la mi-juillet.

Je rappelle également qu’en 2008, le Conseil supérieur du notariat s’était engagé à créer 12 000 postes de notaire pour 2015. Or, cet objectif n’a pas pu être atteint, parce que rien dans le dispositif ne facilite la création d’offices. Le constat est regretté, les difficultés rappelées dans de nombreux rapports qui ont fait date. Quant aux clercs habilités, les professionnels déplorent unanimement que leurs nominations aient pour effet d’empêcher l’entrée dans la profession de notaires en titre, ce qui s’explique sans doute d’ailleurs par la très grande qualité de ces agents.

En deuxième lieu, le recours aux habilitations pouvait se traduire par des écarts de salaires et de reconnaissance professionnelle bien trop importants au regard des nombreuses missions confiées aux clercs. Enfin, en troisième lieu, il constituait un facteur d’éloignement du notaire de sa mission d’officier public ministériel, en responsabilité intuitu personæ de l’authentification des actes comme de la solennité qui s’y attache.

Pour ces raisons, la suppression des habilitations, recommandée par les professionnels lors des auditions sur ce sujet dans le cadre de notre mission sur les professions réglementées, ainsi que par l’Autorité de la concurrence, qui a été suivie par le Gouvernement, n’est pas remise en question par la présente proposition de loi. Celle-ci se contente d’accompagner la réforme que nous avons eu le courage de porter et qui est aujourd’hui saluée par une partie au moins de la profession, au motif qu’elle permet aux notaires de se concentrer à nouveau sur leur coeur de métier et qu’elle favorise l’accès des diplômés en notariat aux postes ainsi libérés.

À la suite de l’adoption de la loi croissance et activité, aucune nouvelle habilitation n’a été accordée et aucune ne le sera à l’avenir. Toutefois, il reste à prendre en compte la situation des clercs qui avaient été habilités, parfois pendant une longue période, avant le 1er janvier 2015. Cette suppression ne doit pas se faire au préjudice des clercs habilités, ainsi que nous nous y étions engagés à maintes reprises dans le cadre de l’examen de ladite loi. La mission de suivi de la loi croissance et activité, présidée par Richard Ferrand, n’a eu de cesse de rappeler l’exigence de prévoir dans le cadre réglementaire une validation des acquis à la hauteur des services ainsi rendus par ces professionnels, qui pour certains d’entre eux ne remplissent pas les conditions pour être nommés notaires. Parmi ceux-ci se trouvent principalement des femmes, habilitées en général depuis plus de dix ans.

Ainsi, trois dispositions transitoires ont été prévues. La première vise à mettre en place ce dispositif de validation des acquis de l’expérience pour permettre aux clercs habilités remplissant des conditions d’ancienneté ou de diplôme d’intégrer les fonctions de notaire. Cette passerelle, détaillée par le récent décret du 20 mai 2016, sera effective jusqu’au 31 décembre 2020.

La seconde permet aux notaires titulaires d’engager d’ici le 1erjanvier 2020 jusqu’à quatre notaires salariés au lieu des deux prévus pour les autres officiers publics ministériels, de manière à les encourager à recruter, sous ces nouvelles fonctions, leurs anciens clercs habilités.

La troisième consiste en une entrée en vigueur différée d’un an de la suppression des habilitations, pour permettre aux professionnels concernés de se reconvertir. La suppression des habilitations accordées avant le 1er janvier 2015 ne devait intervenir qu’à compter du 1er août 2016. Or, il est apparu que, pour permettre aux clercs de justifier des compétences requises pour devenir notaire dans de bonnes conditions, il était nécessaire de prolonger davantage la validité de leur habilitation. En effet, certains d’entre eux devront passer un examen de validation de leurs compétences qui peut nécessiter une préparation personnelle, donc un peu plus de temps.

Pour accompagner et encourager les reconversions, comme nous nous y étions engagés, la présente proposition de loi propose de substituer à l’échéance du 1er août 2016 celle du 31 décembre 2020, de manière à assurer une continuité entre la période transitoire de maintien des habilitations effectives et l’entrée dans le notariat par le biais de la validation des acquis de l’expérience. Il est utile de rappeler que cela ne doit pas être considéré comme le report nécessaire à cette date de la nomination en tant que notaires de clercs habilités qui pourraient bien avant cette date butoir satisfaire aux exigences de la validation des acquis de l’expérience et être promus notaires. Je le dis parce que des mails nous ont été adressés montrant l’inquiétude à ce sujet de certains clercs habilités.

Les clercs remplissant les conditions de diplôme pour être notaire pourront donc se reconvertir rapidement ; certains bénéficient d’ailleurs déjà des effets de la réforme. Les autres disposeront de quatre années supplémentaires pour concrétiser leur souhait de reconversion. Tout ceci témoigne de notre volonté et de celle du Gouvernement de poursuivre les réformes tout en garantissant que les conditions de leur mise en oeuvre soient adaptées à la situation des professionnels concernés.

Sur le fondement de cette présentation, et dans la continuité des travaux de la commission des lois, je vous invite, mes chers collègues, à adopter la présente proposition de loi.

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