Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 23 juillet 2013 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mardi 23 juillet 2013

La séance est ouverte à onze heures quarante.

(Présidence de M. Michel Ménard, vice-président de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'audition, ouverte à la presse, commune avec la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, de M. Jean-Paul Delahaye, directeur général de l'enseignement scolaire, dans le cadre des travaux de la mission d'information commune sur les zones d'éducation prioritaire (M. Xavier Breton et Mme Carole Delga, rapporteurs).

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Je vous prie d'excuser l'absence du président de la Commission des finances, M. Gilles Carrez.

Mes chers collègues, nous concluons ce matin, avec l'éducation prioritaire, la série de trois réunions qui ont associé la Commission des finances avec la Commission de la défense, sur l'équipement des forces armées le 9 juillet, puis avec la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, en présence de Mme Valérie Fourneyron, sur la politique de soutien au sport professionnel et les solidarités avec le sport amateur le 10 juillet.

Ces trois réunions conjointes font suite aux réflexions de MM. François Cornut-Gentille et Régis Juanico, et à la décision prise par la Conférence des présidents d'entreprendre des évaluations de politiques publiques afin de valoriser les discussions intervenant autour du projet de loi de règlement et, plus généralement, le rôle d'évaluation de notre assemblée.

Comme pour les deux thèmes précédents, deux rapporteurs ont été désignés sur la mission d'information commune qui nous occupe aujourd'hui : la rapporteure spéciale Carole Delga, pour la Commission des finances, et notre collègue Xavier Breton, pour la Commission des affaires culturelles. Leurs travaux ont porté sur les zones d'éducation prioritaire (ZEP), politique qui fait l'objet d'une évaluation menée par le gouvernement dans le cadre de la modernisation de l'action publique.

À cette fin, nous avons souhaité entendre le directeur général de l'enseignement scolaire du ministère de l'Éducation nationale, et je remercie donc M. Jean-Paul Delahaye d'avoir répondu ce matin à notre invitation.

Le 3 juillet dernier, les deux Commissions des finances et des affaires culturelles ont auditionné le Premier président de la Cour des comptes, qui nous a présenté son rapport public thématique sur la gestion des enseignants. C'est certainement l'un des aspects centraux de la politique d'éducation prioritaire. À cette occasion, M. Didier Migaud a souligné devant nous que l'effort financier que nous consacrons à l'éducation ne se traduit pas dans les résultats de nos élèves, que le métier d'enseignant semble avoir perdu de son attractivité, et que la rémunération est significativement inférieure à la moyenne européenne. Autant de considérations qui intéressent évidemment l'éducation prioritaire.

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Monsieur le président, je trouve particulièrement déplacé, surtout en session extraordinaire, de nous réunir ce matin – créneau horaire habituellement réservé aux activités des groupes politiques –, d'autant qu'aucune réunion n'est programmée dans la matinée de demain pour notre Commission des affaires culturelles, alors que le mercredi matin est habituellement réservé aux auditions. Je déplore cette mauvaise organisation, qui explique le faible nombre de collègues présents, aussi bien dans la majorité que dans l'opposition, car l'audition de M. Jean-Paul Delahaye est d'une grande importance.

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Effectivement, beaucoup de nos collègues n'ont pu être présents. Je précise que cet horaire a été choisi en fonction des contraintes des deux commissions.

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Ce matin également se tient le séminaire des groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale avec le Premier ministre. Cela étant, pour ce qui est de la Commission des finances, elle auditionnera demain matin la Cour des comptes et son Premier Président, M. Didier Migaud, que nous auditionnons environ une fois par semaine actuellement… Je vous renvoie donc auprès du président de la Commission des finances, M. Gilles Carrez, pour trouver des horaires compatibles.

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Jean-Paul Delahaye, directeur général de l'enseignement scolaire

L'éducation prioritaire a été définie comme une priorité lors de la concertation conduite pendant l'été 2012 sur la refondation de l'école de la République. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, cet axe a été choisi pour faire l'objet d'une évaluation. C'est un point fort du rapport annexé à la loi de refondation du 8 juillet 2013. Le fait que votre assemblée s'empare de ce sujet me semble un très bon signe. Pour en avoir été l'un d'eux dans une vie professionnelle antérieure, je sais que les acteurs de l'éducation prioritaire y sont très sensibles.

Mon propos sera organisé en trois parties : le diagnostic, les actions engagées et, enfin, celles qui seront réalisées dans le cadre de la relance de l'éducation prioritaire.

Je commencerai par dire que les résultats scolaires sont effectivement décevants, malgré les efforts des personnels. Ces résultats stagnent à l'école et régressent au collège. Nous n'avons pas réussi à réduire les écarts de réussite entre les territoires de l'éducation prioritaire et les autres établissements scolaires pour trois raisons principales.

La première est due à la discontinuité, depuis 1981, du pilotage de l'éducation prioritaire, avec des périodes de relance et des périodes plus calmes, voire d'oubli. Cela constitue un réel problème car faire réussir les enfants en très grande difficulté nécessite une action durable. En outre, les orientations ont changé à certaines périodes. Le passage, par exemple, de la réussite pour tous à une personnalisation des réponses pour ceux qu'on aide à quitter l'éducation prioritaire dans une logique de promotion individuelle nous a fait changer de registre. Enfin, on a parfois confondu éducation prioritaire et prévention des violences. Par conséquent, il me semble nécessaire de relancer l'éducation prioritaire sur des bases explicites pour répondre aux enjeux des territoires.

La deuxième raison tient à l'extension et au saupoudrage des moyens de l'éducation prioritaire. Le taux des élèves concernés par l'éducation prioritaire est passé de 10 % en 1981-1983 à 20 % aujourd'hui ; or il est évidemment plus difficile d'aider 20 % des élèves que 10 %. Cette situation pose la question de la gradation des réponses en fonction des niveaux de difficulté des élèves. Dans les établissements concernés par le programme Écoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite (ECLAIR), le taux des élèves issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées va de 40 % à 95 % ; dans ceux concernés par les réseaux de réussite scolaire (RSS), la proportion s'étend de 20 % à 95 %. Cette très grande hétérogénéité pose la question de la reconcentration de la politique d'éducation prioritaire.

La troisième raison s'explique par le fait que les moyens ne sont pas suffisamment concentrés sur l'essentiel pour être efficaces. Comme nous le savons tous, un plus grand nombre d'adultes ne suffit pas pour faire baisser les difficultés scolaires – même si cela est très important –, l'utilisation qualitative des moyens supplémentaires est également un aspect primordial.

J'ai coutume de dire que l'éducation prioritaire est une sorte de miroir grossissant des problèmes de l'école française. C'est dans l'éducation prioritaire que l' « effet maître » est le plus essentiel pour la réussite des élèves et que la taille de l'établissement est très importante. C'est dans l'éducation prioritaire qu'apparaissent mieux qu'ailleurs les difficultés du collège, où les résultats s'effondrent. C'est dans l'éducation prioritaire que l'importance de la stabilité et de la cohérence de l'action des équipes pédagogiques et éducatives prend toute sa mesure. C'est dans l'éducation prioritaire que l'on apprécie toute l'importance du soutien des collectivités territoriales, de la relation avec les familles, de la qualité du pilotage – qualité d'un chef d'établissement, d'un inspecteur de l'éducation nationale, d'un recteur, d'un assistant d'éducation. Enfin, c'est dans l'éducation prioritaire que la question de la justice sociale dans notre système éducatif est la plus prégnante : la France est classée dans les derniers rangs des pays de l'OCDE – vingt-septième sur trente-quatre pays – du point de vue de l'équité scolaire ; or c'est l'éducation prioritaire qui est la mieux à même de faire réussir les enfants issus de familles pauvres, sachant que l'origine sociale déteint sur le destin scolaire des élèves.

Ainsi, les zones d'éducation prioritaire doivent rester centrées sur leur objectif de lutte contre l'échec scolaire, et non se contenter d'être le volet scolaire d'un dispositif de gestion sociale des quartiers.

Dans le cadre de la refondation de l'école, plusieurs mesures sont d'ores et déjà très ciblées sur l'éducation prioritaire. Je citerai, pour l'école primaire à laquelle la priorité a été accordée, la scolarisation des moins de trois ans et le dispositif « plus de maîtres que de classes », efforts qui seront concentrés sur les zones en grande difficulté, aussi bien urbaines, que rurales et en outre-mer. Ces nouveaux moyens doivent être utilisés différemment. Le dispositif « plus de maîtres que de classes » n'est pas seulement un moyen supplémentaire, il est aussi une façon de transformer l'approche pédagogique dans les classes. Je citerai également la refondation de la formation initiale des enseignants, qui améliorera à terme l'efficacité de l'action pédagogique dans les zones d'éducation prioritaire. Je pourrais également parler de la mise en place des assistants chargés de la prévention et de la sécurité, de l'aide aux directeurs d'école, etc.

Nous avons mis en place au ministère un groupe de travail dans le cadre duquel nous auditionnons depuis plusieurs mois un grand nombre d'acteurs de terrain, des associations, comme l'Observatoire des zones prioritaires (OZP), mais également les organisations syndicales, afin de tenter de leur faire partager progressivement ce diagnostic.

En octobre, nous avons ainsi prévu une demi-journée « banalisée » pour que les enseignants des écoles et collèges de l'éducation prioritaire puissent travailler sur ce diagnostic afin de le partager avec la nation. Elle sera suivie en novembre des Assises académiques. Cela permettra au ministère de proposer les évolutions souhaitables dès le début de l'année 2014.

L'esprit dans lequel nous allons travailler est simple. Il ne s'agira certainement pas de constituer un système éducatif à part. Ce qui doit être fait dans l'éducation prioritaire doit l'être partout. Mais il est sans doute plus indispensable de le faire dans l'éducation prioritaire de façon coordonnée et volontariste. J'évoquerai quelques pistes.

La première vise à remettre la pédagogie au centre de l'action des écoles et des collèges. Je résumerai mon propos en disant que tout ce qui contribue à maintenir un niveau d'exigence élevé pour l'ensemble des élèves, y compris dans les territoires de l'éducation prioritaire, doit être encouragé. Les habitants de ces quartiers veulent eux-mêmes une vraie école – pas une école pour mener des expériences, où l'on achèterait la paix sociale en abaissant le niveau d'exigence. Pour eux, le fait d'être très exigeant à l'égard de leur enfant est une marque de respect.

La deuxième piste tend à faire davantage confiance aux acteurs de terrain et àleur donner de véritables marges d'autonomie. Cela permettra notamment de favoriser le travail collectif des équipes pédagogiques, de faciliter une plus grande souplesse d'utilisation des horaires afin de répondre au mieux aux besoins des élèves.

La troisième piste consiste à renforcer le pilotage à tous les niveaux pour rendre plus cohérente l'action pédagogique et éducative. On peut penser à une forme de contractualisation dans la durée avec les futurs réseaux d'éducation prioritaire. Des dispositifs d'évaluation permettraient de redresser les choses en cas de mauvaise direction et, ainsi d'assurer, un meilleur accompagnement. Un pilotage partagé avec l'ensemble des partenaires, y compris le ministère de la ville, serait bien évidemment un atout. Enfin, il faudrait mettre en place une politique de ressources humaines adaptée.

Un immense chantier s'ouvre à cet égard devant nous pour mieux accueillir, accompagner et former les personnels éducatifs et pédagogiques dans ces territoires, mais aussi mieux reconnaître l'évolution de leur mission. Songez en effet que dans certains collèges de l'éducation prioritaire, 60 % des personnels ne sont pas les mêmes d'une année à l'autre. Dans un grand nombre d'établissements où je me suis rendu, les personnes les plus anciennes sont les élèves : le principal est en place depuis deux ou trois ans, les enseignants changent à 50 % tous les ans, et donc l'élève de troisième est celui qui porte la mémoire de l'établissement ! Dans ces conditions, comment voulez-vous concevoir dans la durée une politique pédagogique et éducative efficace, qui plus est une politique partenariale ?

À mon sens, trois questions complexes devraient être traitées dans le cadre d'une large concertation. De ce point de vue, votre mission sera une aide précieuse.

La première question est celle de l'étendue de la politique de l'éducation prioritaire et de la cohérence des territoires relevant de cette politique avec celle des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il faut sans doute renforcer la priorité accordée aux zones les plus difficiles, qui devront être identifiées. Le plus compliqué sera de gérer la sortie progressive, sans brutalité, de territoires qui relevaient de l'éducation prioritaire en 1981-1983 et qui n'en relèvent plus nécessairement. En effet, si toutes les relances de l'éducation prioritaire ont été l'occasion d'affirmer une volonté de recentrer cette politique sur des territoires plus réduits, elles se sont néanmoins toujours traduites par un élargissement des territoires concernés. Nous abordons cette question avec une infinie modestie, mais nous sommes conscients de la nécessité de concentrer davantage les efforts.

La deuxième question est celle des moyens consacrés à l'éducation prioritaire. Selon la Cour des comptes, et même l'OCDE, obtenir de meilleurs résultats exigera de concentrer les moyens et sans doute de dépenser un peu plus pour ces zones en très grande difficulté. C'est ce que nous nous efforçons de faire grâce aux moyens de la politique de la refondation de l'école – scolarisation des enfants de moins de trois ans, dispositif « plus de maîtres que de classes », priorité donnée au primaire. À la rentrée 2013, la dépense va en effet augmenter dans ces zones en grande difficulté. L'idée d'accorder des moyens en prenant davantage en compte la gradation des difficultés fait son chemin. Nous essaierons de trouver un système qui évite les effets de seuil. Depuis plusieurs années déjà, l'administration centrale a mis en place un mécanisme d'attribution des aides plus ciblé, qu'elle s'efforce d'améliorer. Et depuis quelque temps, les recteurs ont eux-mêmes effectué ce travail dans les académies. Il faut sans doute aller plus loin dans cette progressivité des dotations.

En tout état de cause, la cible devra rester une cible pédagogique. Aujourd'hui, la dotation supplémentaire de 1 milliard d'euros sert essentiellement à diminuer le nombre d'élèves par classe, à indemniser les personnels, à créer des emplois d'accompagnement et de coordination, mais n'a pas permis d'obtenir des résultats totalement satisfaisants. Ces dernières années, de nombreuses bonnes idées ont été avancées. Je pense, par exemple, au préfet des études dans le cadre du dispositif CLAIR devenu ECLAIR, fonction de coordination absolument nécessaire de l'avis de tous les acteurs de l'éducation prioritaire, mais qui n'a malheureusement pas été suffisamment intégrée dans une politique d'ensemble.

La troisième question est celle de la gestion des ressources humaines. L'objectif est de mieux accueillir et stabiliser les personnels qui travaillent dans l'éducation prioritaire et mieux prendre en compte leurs conditions de travail particulières.

Je terminerai mon propos par une interrogation née de la relecture de la circulaire du 28 décembre 1981 à l'origine de la politique d'éducation prioritaire dans notre pays et signée par M. Alain Savary, alors ministre de l'éducation nationale. Il y est écrit : « S'il apparaît nécessaire de prévoir une action soutenue s'étendant sur plusieurs années, il serait peu souhaitable d'envisager une assistance permanente qui risquerait d'aboutir à la constitution de ghettos scolaires. » Méditons sur cette formule…

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Initiée par M. Alain Savary, la politique de l'éducation prioritaire a aujourd'hui un peu plus de trente ans. Les critères pris en compte pour la détermination des zones d'éducation prioritaire sont-ils toujours pertinents ? D'autres critères devraient-ils être pris en compte dans l'objectif d'une meilleure concentration des moyens sur les zones particulièrement difficiles ?

Le zonage de la politique de la ville et celui de l'éducation prioritaire présentent certaines concordances, vous l'avez indiqué, mais peut-être faut-il prendre en compte d'autres aspects.

Il serait intéressant de voir comment les dispositifs actuellement en place peuvent être coordonnés avec les politiques en faveur de la meilleure réussite scolaire menées par les communes et les conseils généraux – je pense aux dispositifs de réussite pour les collèges ou certains quartiers.

La formation des enseignants dans les zones d'éducation prioritaire est une question importante. Cette formation particulière pourrait-elle être prise en compte dans le cadre des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) ? Aborde-t-elle la relation avec les parents, sachant que la réussite scolaire est largement conditionnée à la participation des parents et à leurs rapports à l'école ?

Dans les établissements relevant de l'éducation prioritaire, l'équipe éducative a-t-elle la possibilité d'avoir un projet pédagogique s'adaptant aux territoires, sachant que des établissements sont très différents selon qu'ils se situent dans un territoire d'outre-mer ou dans une zone urbaine sensible ? Des actions pédagogiques peuvent-elles être menées pour permettre une certaine équité dans l'accès à la culture et à l'environnement institutionnel par les élèves ?

Enfin, M. le ministre de l'éducation nationale a annoncé de nouveaux dispositifs en matière d'éducation prioritaire dans le cadre de la prochaine loi de finances. Pouvez-vous nous indiquer les principales mesures retenues, ainsi que les indicateurs budgétaires capables de mesurer les écarts de réussite scolaire, et les principaux régimes indemnitaires qui pourraient être envisagés ?

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Monsieur le directeur général, je vous remercie d'avoir fait le point sur la question. L'évaluation de la politique de l'éducation prioritaire a été réalisée dans le cadre de la modernisation de l'action publique. Je voudrais insister sur trois points.

Le premier porte sur l'évaluation. Le rapport de diagnostic que vous nous avez communiqué indique que, à aucun moment, les modalités de l'évaluation de l'éducation prioritaire n'ont été posées et il rappelle les difficultés en la matière. De multiples dispositifs existent – ECLAIR, RSS, réseaux Ambition réussite –, sans compter les politiques de la ville, avec notamment les internats d'excellence. Quels indicateurs permettraient une évaluation dans la durée ?

Le deuxième point concerne les enseignants. Le nombre d'élèves par classe a donné lieu à de nombreux débats au sein de notre Commission des affaires culturelles et de l'éducation. Vous avez indiqué que ce qui compte, c'est moins le nombre d'adultes que leur organisation. À cet égard, il est important que nous puissions avoir un constat partagé. L'attractivité du travail des enseignants dans les zones d'éducation prioritaire est un aspect important. La prime prévue est-elle incitative ? Les modalités de rémunérations doivent-elles être revues pour assurer à la fois attractivité et stabilité ?

Le troisième point a trait aux politiques menées dans d'autres pays. Notre système s'est inspiré des travaux menés au Royaume-Uni dans les années soixante. Disposons-nous d'éléments de comparaison internationale sur des politiques d'éducation prioritaire d'autres pays ?

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Monsieur Delahaye, vous avez listé les éléments qui entrent en ligne de compte pour le succès de la politique d'éducation prioritaire – « effet maître », taille de l'établissement, etc. En revanche, vous n'avez pas évoqué l' « effet chef d'établissement ». Dans le cadre de la politique de gestion des ressources humaines, les chefs d'établissement pourraient-ils être davantage autonomes dans le recrutement de leurs enseignants ? Et ne serait-il pas pertinent de développer une politique contractuelle ? Le recrutement d'un certain nombre de contractuels sur une période donnée, éventuellement renouvelable, permettrait en effet de disposer d'un volant de compétences susceptibles d'être mobilisées par le chef d'établissement.

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Monsieur le directeur général, le rapport de diagnostic évoque les réseaux entre l'école et le collège, la coéducation entre les enseignants et les autres personnels de l'éducation. Je vous remercie d'avoir intégré à votre propos la notion de partenariat. En effet, le débat sur la refondation de l'école nous a donné l'occasion de prouver que cette coéducation avec les parents, les partenaires de l'éducation au sens large, au premier rang desquels les collectivités, était susceptible de favoriser la réussite – la réussite scolaire et la réussite éducative.

La question du statut des écoles et des directeurs d'école s'impose fortement. Certes, l'éducation prioritaire est un miroir grossissant de l'éducation, mais les besoins y sont plus importants. Or le charisme d'un directeur peut être limité car son statut lui confère un faible pouvoir hiérarchique à l'égard de l'équipe éducative et notamment en vue de l'élaboration d'un projet d'établissement. Des expérimentations du statut de directeur et du statut des écoles, notamment en éducation prioritaire, sont-elles envisageables ?

J'aimerais terminer par un point qui me paraît essentiel au regard de l'accroissement des inégalités, je veux parler du travail personnel au domicile. Les devoirs sont interdits depuis 1956, mais les leçons existent toujours et les cahiers de textes de nos enfants, y compris dans les zones d'éducation prioritaire, sont pleins presque tous les soirs. Si des parents peuvent accompagner leurs enfants parce qu'ils en ont le temps ou la capacité, d'autres n'en ont pas toujours les moyens – et sont largement concentrés dans les zones d'éducation prioritaire. Une réflexion mériterait d'être engagée en la matière. Quelques écoles aujourd'hui fonctionnent sur la base du « zéro cahier de texte » et assurent un accompagnement du travail personnel sur le temps scolaire et périscolaire. Il ne s'agit pas de nier le travail personnel de l'enfant, mais de le dissocier du travail au domicile et d'associer plus largement les parents en trouvant de nouveaux moyens de faire le lien avec l'école. En effet, le parent est souvent négligé, y compris dans les zones d'éducation prioritaire. Or toutes les expériences permettant aux parents d'entrer dans l'école une matinée tous les quinze jours, comme dans les maternelles où ils entrent dans la classe et y restent quelque temps, ont donné des résultats particulièrement positifs. Le dispositif « coup de pouce » en CP est également un succès.

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Si l'effet de seuil n'est pas la meilleure des solutions, trop de liberté entraînera un risque de dérive. C'est pourquoi un suivi attentif des moyens financiers mis en oeuvre me semble nécessaire. Comment envisagez-vous le dispositif ?

Le maintien des professionnels en zone d'éducation prioritaire est une question importante. Comme le dispositif ECLAIR l'a montré, un risque existe aujourd'hui à l'échelon intra académique comme en inter académique, dans le Nord notamment. Une vraie solution doit être trouvée pour éviter de pénaliser des territoires, et pour assurer une couverture permanente et régulière. En effet, la réussite des zones d'éducation prioritaire est en partie liée au maintien et à la stabilité des personnels.

L'objectif de la zone d'éducation prioritaire est de lutter contre l'échec scolaire. Vous avez dit qu'il fallait étendre cette politique, mais qu'entendez-vous par là ? Cela signifie-t-il que, outre la lutte contre l'échec scolaire, il faudra aborder la formation citoyenne ou l'intégration pleine et entière dans notre société ?

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Nos missions d'information communes visent à mesurer l'efficacité des politiques publiques, parmi lesquelles la politique d'éducation prioritaire. Or je suis frappé par le caractère lacunaire des évaluations, notamment dans la durée, contenues dans le rapport de diagnostic. Il indique la proportion d'élèves qui maîtrisent les compétences de base en fin de CM2 et en fin de troisième, comparée à des échantillons hors réseaux d'éducation prioritaire. Avez-vous réfléchi à d'autres indicateurs permettant de mesurer la performance et l'efficacité des dispositifs relevant de l'éducation prioritaire, en particulier leurs effets dans la durée ?

Les visites de terrain que vous avez effectuées, en choisissant des échantillons de territoires représentatifs, constituent un point très positif. Le rapport souligne que les « résultats sont globalement décevants et inégaux selon les niveaux, les académies et les réseaux ». Cette hétérogénéité nous interroge beaucoup.

Je rejoins votre constat lorsque vous écrivez que les ressources humaines sont un facteur clé. En effet, les équipes de direction et pédagogiques dans ces établissements jouent un rôle très important. Ne faudrait-il pas généraliser le volontariat dans la durée – travailler en éducation prioritaire est selon moi une vocation ? J'ai l'exemple dans ma circonscription, d'un établissement scolaire où l'on a muté une principale qui ne pensait qu'à repartir… La majoration des barèmes et les primes ne jouent pas un rôle significatif dans le maintien des personnels. Quelles mesures devraient être prises pour parvenir à stabiliser ces personnels ?

Dans le cadre des travaux du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre assemblée sur la mobilité sociale des jeunes, nous avons eu l'occasion avec notre collègue Frédéric Poisson de visiter le collège Chateaubriand à Saint-Malo où a été mis en place un dispositif Relais. En jouant un rôle de prévention du décrochage scolaire, les dispositifs Relais sont particulièrement intéressants – ils visent d'ailleurs moins aujourd'hui les élèves de quatrième et de troisième que ceux de cinquième et de sixième. Néanmoins, je suis frappé par la diversité de ces dispositifs – ils sont aussi divers que les établissements le sont –, notamment en termes de financement. Ils dépendent en effet largement du financement des collectivités locales – en particulier des conseils généraux –, des partenariats qui peuvent être noués ici ou là – je pense à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) –, sans compter que des fonds européens étaient prévus, avant d'être remis en cause dans certaines régions. Une réflexion est-elle engagée pour tenter d'uniformiser ces dispositifs, certes marginaux, mais fort intéressants au regard de leurs résultats ?

Enfin, je crois beaucoup aux réseaux dans les territoires de l'éducation prioritaire : les réseaux de réussite scolaire et les réseaux ECLAIR fonctionnent lorsqu'il y a une bonne capacité de coordination sur ces territoires. Ne faudrait-il pas également envisager de créer des liens avec les échelons supérieurs, c'est-à-dire le lycée, mais aussi tout ce qui concerne l'articulation entre la terminale et l'enseignement supérieur – je pense aux Cordées de la réussite ? Une telle initiative me semble intéressante.

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Selon moi, le seul combat qui vaille dans l'éducation nationale est celui qui vise à mieux prendre en compte la difficulté scolaire.

Monsieur le directeur général, vous avez parlé de l'hétérogénéité de l'éducation prioritaire, du manque d'efficacité de ses moyens, et vous avez remarqué qu'il ne suffisait pas d'employer davantage d'adultes pur obtenir de meilleurs résultats. Vous allez dans le sens des différents rapports de la Cour des comptes, notamment du dernier d'entre eux, qui est applicable à la fois à l'éducation prioritaire et à l'ensemble du système de l'éducation nationale.

Il me semble que vous nous avez donné la clé du problème : il faut faire confiance aux acteurs de terrain et leur donner des marges d'autonomie. Je suis d'autant plus d'accord avec vous que, chaque année, 60 % des enseignants quittent l'éducation prioritaire.

Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de remettre la pédagogie au centre de l'action. Autrement dit, est-ce que la priorité n'est pas de stabiliser les équipes pédagogiques ? Cela suppose d'obtenir l'adhésion des enseignants au projet d'école au niveau du primaire, et au projet d'établissement au niveau du secondaire. C'est ainsi que l' « effet chef d'établissement » jouera, si ce dernier peut mobiliser son équipe autour des projets en question.

Je voudrais également m'inscrire dans la suite des propos de MM. Patrick Hetzel, Luc Belot et Régis Juanico : il faut se concentrer sur le premier degré et sur le statut des directeurs d'école, qui ont un rôle éminent à jouer, notamment dans ces zones difficiles. Dans certaines académies, on expérimente l'école du socle commun, pour éviter le passage difficile entre le CM2 et la sixième. Cette démarche mérite d'être développée et surtout, d'être évaluée pour pouvoir évoluer.

Enfin, vous avez noté, dans votre rapport, une stabilité des résultats en CM2 et une évolution négative des compétences de base dans les six dernières années. Or l'éducation prioritaire doit évoluer autour du socle commun de connaissances et de compétences. C'est essentiel, pour évaluer ces élèves et leur donner les compétences de base, avant d'aller plus loin.

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Selon moi, il est bon que les équipes enseignantes soient « un peu » pérennes, mais pas trop. En effet, il faut tenir compte d'un cycle humain qui fait que l'on n'est performant que pendant quatre ans. En outre, le travail en zone d'éducation prioritaire est extrêmement difficile et au bout d'un certain temps, il faut « aller voir ailleurs ». Cela m'amène à poser le problème qui a été soulevé tout à l'heure à propos des primes : l'enseignant de ZEP qui perd sa prime risque d'avoir quelque souci. Ceux qui iraient se ressourcer dans d'autres écoles ne pourraient-ils pas revenir sans perdre leur prime ?

Ensuite, vous avez indiqué – et on le retrouve à la page 11 du rapport de diagnostic – que nos concitoyens cherchaient à être considérés. Cela suppose que certains ne jouent pas les mouches du coche, en intervenant dans des domaines éloignés des savoirs de base. Les écoles ou collèges ne sont pas des agences de voyage… Et je me permets de le dire parce que j'ai travaillé toute ma vie en zone prioritaire, dans des classes où 80 à 85 % des élèves étaient d'origine étrangère.

Enfin, vous avez évoqué la question des moyens, qui gagneraient à être renforcés. Pour la rentrée prochaine, il est prévu de mettre en place des enseignants sans classe. J'y crois beaucoup et j'espère que l'on pourra aller encore plus loin.

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Monsieur le directeur général, je partage avec vous l'idée selon laquelle les zones d'éducation prioritaire sont davantage le miroir grossissant des problèmes de l'éducation nationale qu'un domaine à part. Voilà pourquoi votre conclusion, où vous avez cité M. Alain Savary, m'a paru très préoccupante. Il semblerait en effet que, dès l'origine, on ait reconnu qu'il était nécessaire d'évoluer et qu'il y avait un risque énorme, sinon à aggraver, du moins à cristalliser certaines difficultés. Et les majorités de droite et de gauche qui se sont succédé ont sans doute fait à peu près le même diagnostic. Nous risquons donc de reproduire les mêmes erreurs que celles que voulaient éviter nos prédécesseurs.

Monsieur le directeur général, j'ai quelques réflexions et quelques questions à vous adresser.

Je remarque, en premier lieu, que pour des raisons politiques, sociales, ou de cohésion, on n'ose pas aller au bout du diagnostic. Tout le monde veut que les enfants de nos quartiers réussissent, et personne ne souhaite révéler aux populations les énormes problèmes auxquels nous sommes confrontés. Certains des enseignants de ces zones sont convaincus et très engagés dans leur mission, et il n'est pas question de les désespérer et de mettre à mal leur bonne volonté et leur énergie. Le résultat – et cela ressort de vos propos, monsieur le directeur général – est que l'on est conscient que cela ne va pas, mais qu'on n'arrive pas à le dire vraiment. Ce serait en effet reconnaître l'échec collectif du pays, ce qui serait terrible. Cette contradiction apparaît dans le discours des uns et des autres. Par exemple, on commence à dire que ce n'est pas une question de moyens… mais on s'interroge sur les moyens : sont-ils bien alloués, dans les bonnes zones ? Faut-il allouer une prime, etc. ?

On a tendance à manier la langue de bois, comme les gouvernements qui veulent convaincre la population que tout va bien et qui se gardent de tout dire. Je pense, notamment, que les phénomènes de décrochage sont beaucoup plus lourds que ceux que nous révèlent les statistiques. Il faut dire que le chef d'établissement qui affiche des résultats trop mauvais n'est pas mieux considéré que le commissaire de police qui affiche des résultats médiocres. Je pense que l'on sous-estime le décrochage, tout comme la présence effective des professeurs devant leur classe, etc. parce que l'on est incapable de sortir de ces contradictions.

Vous avez esquissé quelques pistes pour en sortir : travailler autrement, donner davantage de responsabilités aux chefs d'établissement, faire davantage confiance aux enseignants pour qu'ils puissent innover.

Ils peuvent innover dans plusieurs domaines : les relations avec les collectivités et avec les familles, et l'enseignement du français, qui assure la réussite et la cohésion sociale. Pourtant, c'est en cours de français qu'il y a le plus de chahut. Il faut donc se demander ce que c'est qu'enseigner le français aujourd'hui. Il faut inventer une nouvelle façon d'enseigner le français – et sans doute aussi l'histoire.

Mais une fois le diagnostic posé, jusqu'où le ministère est-il prêt à aller pour laisser les établissements innover dans tous les domaines que je viens d'indiquer ? Je suis pour ma part convaincu que la situation est tellement compliquée qu'une approche nationale ne suffira pas à faire changer les choses, et qu'on n'y parviendra qu'en généralisant les expériences qui ont réussi sur le terrain.

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Les objectifs de l'éducation prioritaire définis par M. Alain Savary étaient excellents. Vous venez de dresser un précieux bilan du système en place, avec ses atouts et ses faiblesses, ce qui permettra de le faire évoluer en profondeur.

J'ai trois questions à vous poser.

D'abord, vous avez parlé d'un besoin de gradation des aides. Cela implique une véritable réforme de la carte scolaire, si l'on veut lutter contre la ghettoïsation des établissements. Que pensez-vous d'un financement qui se ferait sur un modèle d'encadrement différencié, tel que le système mis en place en 2009, dans la communauté française de Belgique, à l'initiative du ministre écologiste, M. Jean-Marc Nollet ?

Ce système consiste à donner davantage de moyens aux établissements qui en ont besoin. Leur dotation est calculée en fonction des indices socio-économiques de chaque secteur. Ainsi pourrions-nous prendre en compte, comme en Belgique : le revenu par habitant, le niveau des diplômes, le taux de chômage, le taux d'activité, le taux de bénéficiaires du revenu minimum, les activités professionnelles et le confort des logements. Chaque critère est défini en fonction de plusieurs variables affinées par une étude interuniversitaire. La répartition du budget se fait ensuite de manière progressive : plus l'indice des écoles est défavorable, plus les moyens qu'elles reçoivent sont importants.

Ce système belge distingue cinq catégories d'écoles, ce qui permet d'éviter les effets de seuil, qui ont tendance à exclure certaines écoles pourtant très proches des critères des ZEP. En l'appliquant, on éviterait la stigmatisation que provoque l'étiquette « ZEP ». N'avez-vous pas dit vous-même que les habitants souhaitaient une école « normale » pour leurs enfants ?

Ensuite, vous avez insisté sur l'importance du pilotage et du travail des équipes pédagogiques dans la durée. Il faut se donner les moyens de créer de véritables dynamiques d'équipes dans les établissements. Faut-il mener des politiques incitatives, sur le plan financier ou matériel ? On pourrait, par exemple, améliorer les conditions de travail dans les classes : nombre d'élèves plus faible, décharge de cours et moyens accrus pour les projets pédagogiques, etc.

Je remarque par ailleurs que nos enseignants sont trop souvent formés à une éducation de masse. Tous les élèves sont censés intégrer les mêmes savoirs en même temps. Ce principe les laisse totalement démunis face aux élèves atypiques, qu'ils soient déficients intellectuels, surdoués, plus lents ou plus rapides. Les enseignants en zone prioritaire devraient être soutenus et accompagnés face à de telles difficultés.

Pour que des dynamiques d'équipe se créent, il faut également renforcer le rôle du chef d'établissement – en termes, non pas de responsabilités, mais d'animation d'équipes. Cela nous renvoie, une fois encore, à l'absence de cadres intermédiaires dans l'éducation nationale.

Enfin, j'insisterai sur la formation continue des personnels. Pour le moment, les ESPE font partie intégrante de la réforme de l'éducation prioritaire. Mais par la suite, que deviendra la formation continue qui permet aux équipes présentes dans les établissements d'éducation prioritaire d'avancer et d'éviter les décrochages que nous dénonçons tous ?

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Les questions qui ont été posées renvoient à la compétence de l'éducation nationale, ce qui est bien normal. Mais je voudrais faire remarquer que la réussite de l'éducation prioritaire ne dépend pas que de l'éducation nationale. Elle dépend également de la politique de renouvellement urbain, d'ailleurs déjà largement engagée dans un certain nombre de villes pour instaurer une vraie mixité.

L'implantation des établissements, notamment, a toute son importance. Par exemple, il y a quelques mois, nous avons reçu à Nantes Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée à la réussite éducative, qui venait visiter un nouveau collège. Celui-ci remplace un autre collège, situé au coeur d'une cité, qui n'accueillait plus que 120 élèves en raison de la stratégie d'évitement mise en place. La construction d'un nouveau collège attractif, à la limite entre le quartier d'habitat social et un quartier nouveau, beaucoup plus diversifié, avec des populations différentes, a fait qu'en quelques années, le nombre des élèves a doublé. Le public scolaire a changé : aujourd'hui, la moitié des élèves sont issus de milieux défavorisés – contre pratiquement 100 % dans l'ancien collège. Cela nous ramène à la responsabilité conjointe des collectivités locales en matière d'implantation des établissements. Il conviendrait d'y réfléchir.

Cela nous ramène aussi à la question de la carte scolaire et des stratégies d'évitement. Êtes-vous capables d'en mesurer les conséquences ? Pour contourner la carte scolaire, j'ai remarqué, par exemple, que les parents jouent sur les options proposées par certains établissements. Il serait sans doute intéressant de s'intéresser à la localisation des enseignements optionnels. En effet, certains établissements très bien situés, déjà très attractifs, proposent de nombreuses options qui justifient des demandes de dérogation.

Le recours à l'enseignement privé est une autre stratégie d'évitement. Quel engagement l'enseignement privé pourrait-il prendre, dans le cadre de cette politique d'éducation prioritaire ? N'oublions pas qu'il a une mission de service public, ce qui lui donne une certaine responsabilité.

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Jean-Paul Delahaye, directeur général de l'enseignement scolaire

Monsieur le président, j'ai parlé en tant que directeur général de l'enseignement scolaire. Je travaille avec les outils dont je dispose au sein de l'éducation nationale, même si nous faisons en sorte de les partager, dans la mesure du possible, avec nos partenaires. Quand j'ai dit que l'éducation prioritaire était le « miroir grossissant » des difficultés rencontrées par le système éducatif, j'aurais pu ajouter, en tant que citoyen, qu'elle était le « miroir grossissant » des problèmes sociaux rencontrés par notre pays. Mais comment introduire de la mixité sociale – puis de la mixité scolaire – dans nos établissements, dans des quartiers où il n'y a plus de mixité sociale ?

En 1975, au moment de la mise en place du collège unique, on disait que les problèmes de certains de nos établissements tenaient à l'hétérogénéité du niveau des élèves. Aujourd'hui, c'est leur homogénéité qui est difficile à gérer : aucune tête de classe, aucune diversité dans les compétences des élèves. L'éducation nationale ne pourra évidemment pas trouver seule la solution. Depuis trente ans, notre pays est en train de se cliver socialement. Je l'ai constaté en tant que DASEN – directeur académique des services de l'éducation nationale – dans différents départements.

L'éducation nationale dispose de moyens pédagogiques – et pas seulement d'ordre matériel – pour améliorer les résultats scolaires. J'en veux pour preuve qu'à difficultés sociales équivalentes, toutes choses égales par ailleurs, certains établissements réussissent beaucoup mieux que d'autres. Pour autant, ses marges d'action seront nécessairement limitées tant que la société elle-même n'aura pas évolué vers davantage de mixité.

Je serai rapide, car vous m'avez posé de très nombreuses questions, tout en faisant de nombreuses remarques et en posant de nombreux éléments de diagnostic, qui ne peuvent que nous enrichir.

Les critères utilisés pour définir une zone d'éducation prioritaire n'ont finalement pas beaucoup évolué depuis une trentaine d'années. Il y a d'abord les critères sociaux, comme les bourses ou les professions et catégories sociales – PCS. Dans les premières circulaires, on tenait également compte du pourcentage d'enfants d'origine étrangère. Il y a ensuite les critères scolaires : difficultés et retards scolaires. En 1981-1982, M. Alain Savary avait ajouté le pourcentage d'élèves en CPPN – classes pré-professionnelles de niveau – parce que c'était à l'époque un indicateur de difficultés scolaires. Aujourd'hui, nous prenons plutôt en compte le retard à l'entrée en sixième, même si ce critère est de moins en moins pertinent. En effet, la mise en place des cycles, permet d'intervenir dès l'école élémentaire.

Il s'agit donc essentiellement de critères sociaux, les critères scolaires venant en complément. Mais il faut trouver le bon équilibre entre ces critères, et toute la difficulté est là. Prenez l'exemple d'un collège qui, bien que situé dans une zone particulièrement difficile, réussit grâce au dynamisme des personnels, au travail d'équipe, aux projets qu'il mène et à la collaboration mise en place avec différents partenaires. Faut-il le « punir » en le faisant sortir du territoire d'éducation prioritaire, alors qu'il a les difficultés sociales considérables, équivalentes à celles des établissements voisins ?

Je reconnais ensuite que le nombre des dispositifs de l'éducation prioritaire et des dispositifs qui y interviennent est impressionnant. Le tableau de la page 11 du rapport de diagnostic est éloquent à cet égard. De fait, la mise en cohérence de ces différents dispositifs est délicate.

Il faut malgré tout prendre en compte le fait qu'aujourd'hui, un enseignant ne travaille plus seul. Il travaille non seulement avec ses collègues, mais aussi avec les familles et avec d'autres partenaires. C'est d'ailleurs pourquoi, dans le nouveau référentiel de compétences pour les métiers du professorat et de l'éducation que nous venons de rédiger – l'arrêté est paru la semaine dernière au Journal officiel – trois des quatorze compétences communes à tous les métiers du professorat et de l'éducation commencent par : « Coopérer… » L'ensemble des organisations syndicales ont accepté cette petite révolution qui prend acte de l'évolution de ces métiers.

Il est évidemment beaucoup trop tôt aujourd'hui pour vous donner quelque indication que ce soit sur le projet de loi de finances pour 2014 ou sur les indicateurs budgétaires. Tout cela est en construction. Mais ce sera fait, et nous le ferons en parfaite collaboration avec le Parlement.

Comme nous l'indiquons dans le rapport de diagnostic, nous manquons d'éléments d'évaluation de la politique d'éducation prioritaire – alors même que le sujet avait été évoqué dès l'origine, dans les premières circulaires. Nous disposons de quelques rapports d'inspection générale. Je vous renvoie au rapport Moisan-Simon de 1997, intitulé « Les déterminants de la réussite scolaire en zone d'éducation prioritaire » ; et au rapport de Mme Anne Armand, de 2006, intitulé « La contribution de l'éducation prioritaire à l'égalité des chances des élèves ». Ce ne sont pas des évaluations quantitatives, mais ils donnent malgré tout des informations très intéressantes, précisément sur l'approche pédagogique. Ainsi, dès 1997, dans le rapport Moisan-Simon, on a appris que les établissements d'éducation prioritaire qui réussissent mieux que les autres n'ont rien rabattu des exigences pédagogiques et sont restés fermement concentrés sur les apprentissages fondamentaux.

Une évaluation opérée sur la longueur nous permettrait une plus juste appréciation des résultats de l'éducation prioritaire. Or nous nous heurtons à la difficulté du suivi des cohortes. La population est elle-même extrêmement fluide et changeante. Une directrice ou un directeur d'école de Saint-Denis, par exemple, vous dira que l'élève qui est aujourd'hui en CM2 n'était pas nécessairement au cours préparatoire dans cette école cinq ans auparavant. Donc, si j'évalue cet élève de CM2, qu'est-ce que j'évalue ? Le résultat et le travail de qui ? Pour tout dire, il est pratiquement impossible d'évaluer, toutes choses égales par ailleurs, les résultats d'un établissement, parce que, sur une période de cinq ou six ans, le recrutement social varie.

Quels sont les moyens utilisés pour baisser le nombre d'élèves par classe ? Comme cela ressort du rapport, la différence entre un établissement en éducation prioritaire et un autre établissement est en moyenne de deux élèves par classe. La Cour des comptes nous a d'ailleurs reproché ce faible écart, prenant pour exemple les écoles rurales, qui ont des taux d'encadrement très satisfaisants et sont donc mieux traitées. Il se trouve en effet, et les élus que vous êtes le savent, que dans nos écoles rurales aussi, il y a des effets de seuil. Dans une école à 26 ou 27 élèves, on ne peut pas faire qu'une classe. Donc, en on fait deux, avec une moyenne de 13 ou 14 élèves par classe – contre 21 ou 22 en moyenne dans les classes de l'école d'éducation prioritaire. Mais comment faire autrement, avec une politique d'aménagement du territoire qui implique d'assurer partout une scolarisation de qualité ?

L'indemnité ZEP est-elle suffisante pour attirer les enseignants et stabiliser les équipes, ce qui est indispensable pour enrichir les approches pédagogiques ? À l'évidence non. Cela se saurait et on n'assisterait pas, chaque année, à l'affectation en masse de néo-titulaires dans les écoles où les postes sont vacants.

Néanmoins, cette indemnité est jugée très importante par les personnels, parce que c'est une reconnaissance de la difficulté particulière qu'il y a à enseigner dans ces territoires. Il sera d'ailleurs délicat, dans les établissements qui sont aujourd'hui encore en éducation prioritaire alors que, pédagogiquement et socialement, raisonnablement et objectivement, ils n'ont plus à y être, de gérer leur sortie de la ZEP et la perte de la prime correspondante. Celle-ci améliore en outre le pouvoir d'achat d'une profession qui considère qu'elle n'est pas bien traitée financièrement.

Les discussions que nous pouvons avoir avec les organisations syndicales témoignent de l'attachement des enseignements à cette indemnité. Mais les conditions de travail à l'intérieur des écoles et des établissements ont également leur importance et contribuent à l'attractivité des établissements – davantage, selon moi, que cette seule indemnité. Nous devons donc faire admettre que dans ces établissements difficiles, il est encore plus nécessaire qu'ailleurs de travailler en équipe, de se concerter, de faire du tutorat, d'accompagner les élèves et de leur faire faire leur travail personnel au sein de l'établissement, sans en charger les familles. De fait, s'il est des endroits dans notre pays où il faudrait travailler en priorité à l'amélioration des conditions de travail, c'est bien dans l'éducation prioritaire. C'est en tout cas une piste que nous devrions explorer.

Quelles marges de manoeuvre convient-il d'accorder aux écoles et aux établissements ? Pour moi, il n'y a qu'une limite : le système éducatif doit rester national. Il ne faudrait pas que les possibilités d'adaptation soient telles qu'on aboutisse à des systèmes éducatifs à plusieurs vitesses. Le risque est de ne plus être dans la norme nationale. Quand je dis cela, je ne porte évidemment aucune critique en direction des personnels qui travaillent dans ces zones et qui font un travail remarquable. Mais devant la difficulté parfois effroyable de certaines situations, on pourrait être amené à utiliser ces marges d'adaptation pour s'éloigner des apprentissages fondamentaux.

Les marges de manoeuvre n'en sont pas moins réelles, et ce depuis très longtemps : depuis 1890, depuis la première réforme des lycées, alors que notre ministère s'appelait encore « ministère de l'instruction publique ». Les républicains de la IIIe République, qui n'étaient pas des révolutionnaires, ont en effet écrit dans les circulaires qu'il fallait laisser aux enseignants la possibilité d'adapter les programmes – bien entendu, à partir d'un noyau national.

On pourrait aller jusqu'à dire que, dans une dotation de 100 heures, une partie peut être mise à la disposition des équipes pédagogiques pour mener des projets locaux, évidemment encadrés pour éviter que le système ne dérive. Il est donc possible de donner des marges de manoeuvre. C'est d'ailleurs uniquement à cette condition que l'on pourra parler d'équipes pédagogiques et de réseau école-collège. En effet, si vous ne donnez pas de grain à moudre à l'autonomie, il n'y aura pas d'autonomie. Il faut bien qu'il y ait de vrais sujets de discussion, de véritables moyens pour monter des projets pédagogiques locaux, pilotés et accompagnés par la hiérarchie. Sinon, tous les discours sur les équipes pédagogiques, le travail en réseau et la concertation ne seront que des incantations.

C'est une façon de donner au conseil pédagogique, par exemple dans les collèges, de vrais sujets de discussion. Et c'est sans doute aussi une façon de pérenniser les équipes. Il est exact qu'il ne faut pas trop de pérennité, pour reprendre l'expression de l'un d'entre vous. Mais actuellement, le risque que l'on court en éducation prioritaire, ce n'est pas la pérennité des équipes…

Ensuite, j'ai effectivement parlé de l' « effet chef d'établissement ». Il faut que nous soyons très attentifs à toute la hiérarchie intermédiaire. Nous devons veiller à soutenir nos cadres qui conduisent les équipes.

Cela m'amène à vous parler du statut du directeur d'école. Le ministre a annoncé l'installation d'un groupe de travail sur l'évolution des missions du directeur d'école. Nous allons donc y travailler. Mais n'oublions pas qu'il existe dans notre pays une « culture du premier degré », qui n'est pas une culture de la hiérarchie locale. Autrement dit, les enseignants du premier degré ont toujours refusé que la directrice ou le directeur soit leur supérieur hiérarchique. On peut le contester ou non, mais je le constate. Pour autant, les enseignants du premier degré ont bien conscience que leur directrice ou leur directeur a besoin de voir reconnues ses fonctions qui se sont incroyablement complexifiées ces dernières années, aussi bien à l'intérieur de l'école qu'avec les partenaires du système éducatif ou avec les principaux de collège. Nous venons en effet de créer le Conseil école-collège, qui permet, dans certains endroits, d'expérimenter l'école du socle. Je remarque d'ailleurs que l'idée de ce conseil n'a pas germé dans un esprit du 110 de la rue de Grenelle : elle vient du terrain et, notamment, des territoires de l'éducation prioritaire qui ont tissé depuis longtemps des liens entre les écoles et les collèges.

Mesdames et messieurs les députés, j'ai sans doute oublié de répondre à certains d'entre vous. Voilà pourquoi, si vous le souhaitez, je vous enverrai très volontiers une réponse par écrit.

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Merci, monsieur le directeur général. Vos réponses étaient déjà très complètes.

En conclusion des travaux de leur mission d'information commune, nos collègues Xavier Breton et Carole Delga vont publier leur rapport dans quelques jours.

La Commission autorise, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport de la mission d'information commune sur les zones d'éducation prioritaire.

La séance est levée à treize heures cinq.