La séance est ouverte à dix-sept heures trente.
Je remercie M. le ministre d'avoir accepté de revenir devant notre Commission pour répondre à ceux qui n'avaient pu lui poser leurs questions le 2 octobre.
Il semble que soit envisagé un retour sur le territoire français du 110e régiment d'infanterie (110e RI) de Donaueschingen, qui appartient à la brigade franco-allemande (BFA). Ce retour remettrait en cause des accords franco-allemands. Le rapatriement en France du 110e RI avait en effet déjà été envisagé il y a une dizaine d'années ; aux termes de l'accord trouvé à l'époque avec le secrétaire d'État allemand à la Défense, un bataillon allemand était venu s'installer à Illkirch-Graffenstaden – c'était la condition du maintien du 110e RI à Donaueshingen. Le retour du 110e RI en France pourrait donc susciter un contentieux politique avec nos amis allemands.
Lors de la dernière loi de programmation militaire (LPM) avait été évoqué un redéploiement des forces prépositionnées, en particulier en Afrique. Celui-ci n'a finalement pas eu lieu. Nous avons mesuré lors de l'intervention au Mali combien ces forces pouvaient s'avérer précieuses. Avec ma collègue Geneviève Gosselin-Fleury, nous avons par ailleurs eu l'occasion de visiter la base d'Abu Dhabi. Or des rumeurs de redéploiement de nos forces prépositionnées circulent à nouveau. Pouvez-vous nous en dire plus et faire le point sur la situation au Mali, où l'on entend parler d'une recrudescence des actes terroristes ?
Permettez-moi une question en forme de suggestion. Le Gouvernement décide en même temps de supprimer 34 000 postes dans la Défense nationale – dont 10 000 au titre de la précédente LPM – et de créer 150 000 emplois d'avenir. Le montant des économies découlant des suppressions de postes reste à déterminer ; l'expérience nous fait craindre qu'elles ne soient pas à la hauteur de nos espérances. D'un autre côté, alors que l'institution militaire est remarquable d'efficacité en matière de formation et d'intégration, voire d'éducation, il met 2,5 milliards d'euros sur la table pour créer 150 000 emplois d'avenir, ce qui suppose la mise en place de dispositifs de formation, pour un résultat dont nous ne sommes pas certains. Tout cela donne à réfléchir. N'y a-t-il pas moyen d'amortir le couperet qui menace la défense nationale ?
Par ailleurs, je tiens d'une source que je considère comme fiable qu'il y aurait eu pour la première fois dans l'armée française, il y a peu, des refus d'exécuter des ordres pour raison religieuse. Avez-vous eu vent d'incidents de ce type ? Si oui, pouvez-vous essayer de savoir où est la vérité ?
Je rejoins la question de Damien Meslot sur la situation au Mali et la recrudescence des actes terroristes dont nous entendons parler ici ou là.
Vous avez annoncé il y a quelque temps des mesures de fermeture ou de déplacement qui concernent notamment le 1er régiment étranger de cavalerie (1er REC). Mais il se murmure aujourd'hui qu'une deuxième série de mesures de ce type – encore plus sévères – serait annoncée après le mois de mars. Si cette rumeur est fondée, je trouve anormal de ne pas la confirmer dès maintenant. Pouvez-vous nous assurer qu'il n'en est rien ?
Je regrette ces auditions hachées, qui ne nous permettent pas toujours d'avoir des échanges cohérents.
Lors de votre première audition, vous avez répondu à notre collègue Fromion qu'il fallait veiller aux questions que l'on vous posait car vous aviez des munitions. Vous aviez apporté la même réponse à l'un de nos collègues dans l'Hémicycle lors de la discussion sur le Livre blanc. Il serait souhaitable que les échanges entre le ministre et les parlementaires gardent une tonalité plus raisonnable. Si vous avez des munitions, mettez-les sur la table ; si vous n'en avez pas, n'en parlez pas.
Toujours lors de votre première audition, vous nous avez dit que des opérations immobilières avaient été lancées pour financer les recettes exceptionnelles de l'année prochaine. De quelles opérations s'agit-il, et où en sont-elles ? Concrètement, quelles recettes pourront venir abonder le budget de la défense dès 2014 ?
Je me rends aux invitations de votre commission, monsieur Meunier. En l'occurrence, c'est parce que je n'avais pu répondre à toutes les questions la dernière fois que je reviens aujourd'hui.
S'agissant de votre observation sur la réponse que j'ai apportée à M. Fromion, je considère que les débats sur la défense doivent sortir de la polémique outrancière. Je n'ai donc jamais critiqué mes prédécesseurs, et je n'entends pas déroger à cette ligne. Ils ont fait leurs choix et traversé des difficultés – car être ministre de la Défense est une responsabilité complexe. Je respecte ces choix. J'aurais des choses à dire, mais je ne veux pas que les questions difficiles auxquels je suis confronté fassent l'objet de polémiques. C'est tout ce que j'ai voulu dire à M. Fromion. Il peut bien sûr y avoir des divergences d'appréciation, et heureusement – mais je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire de polémiquer sur les enjeux de défense.
Il n'est pas question de remettre en cause le concept de la BFA, monsieur Hillmeyer. Nous nous interrogeons néanmoins, avec mon homologue allemand, sur son caractère opérationnel. Depuis qu'elle a été constituée, elle est intervenue – uniquement au niveau des états-majors – une fois dans les Balkans et une fois en Afghanistan, mais dans l'ensemble de manière très modeste par rapport aux espoirs qui avaient été mis dans sa création. La question se pose de l'intégrer dans un battle group européen pour donner davantage de sens au concept. Nous n'excluons pas des réorganisations internes, y compris en ce qui concerne le 110e RI, mais aucune décision n'a encore été prise formellement. Ces réorganisations devront être discutées dans le cadre d'une réflexion sur la vocation qu'il convient de donner à la BFA pour aller au-delà du simple concept. Les complications observées tiennent notamment au fait que la décision d'engagement ne répond pas à la même procédure en France et en Allemagne. Il faut donc remettre l'ouvrage sur le métier, même si cela nécessitera peut-être des réorganisations périmétriques.
Les forces prépositionnées font actuellement l'objet d'une réflexion approfondie qui conduira à des décisions du chef de l'État, monsieur Meslot. Il y a aujourd'hui deux zones majeures pour notre sécurité : la zone du Golfe et la zone sahélienne. Des forces françaises sont stationnées sur l'ensemble de cet espace ou à proximité, soit sous la forme d'opérations extérieures (OPEX), qui sont parfois maintenues contrairement à leur vocation d'origine, soit sous celle de forces prépositionnées. Ces positions se sont juxtaposées au fil des événements, si bien que nous avons aujourd'hui des forces prépositionnées qui tiennent davantage de l'OPEX, et inversement. Une réorganisation est donc nécessaire, en particulier pour favoriser une plus grande réactivité. Vous évoquez justement l'expérience du Mali : c'est parce que nous avions des forces à Ouagadougou et à Abidjan que nous avons pu faire preuve de cette réactivité et procéder à une meilleure répartition des forces déployées pour assurer nos missions de sécurité.
Cette réflexion se traduira par des mouvements et par une diminution du total des effectifs prépositionnés hors de France, qui devrait cependant rester marginale par rapport au repositionnement des forces. Mais la base d'Abu Dhabi sera maintenue en l'état – je m'y suis moi-même rendu deux fois. Pour le reste, nous allons réorganiser le dispositif pour lui donner plus d'efficacité, de force et de complémentarité. L'actualité nous montre que notre présence reste nécessaire.
J'en viens au Mali. Globalement, l'action des forces françaises ne s'inscrit plus dans le registre de la guerre, mais dans celui des opérations de contre-terrorisme. Nous maintenons néanmoins un effectif significatif sur place – près de 3 000 hommes – en raison des élections législatives qui doivent se tenir fin novembre et début décembre. Cet effectif devrait ensuite progressivement redescendre à 1 000 hommes sur le territoire malien à partir du début de l'année prochaine. Ces forces restent localisées en priorité à Gao, ce qui ne nous empêche pas de continuer nos actions de formation à Koulikoro, dans le cadre de la Mission européenne d'entraînement au Mali (EUTM Mali) : nous en sommes maintenant à la formation du troisième bataillon. Je m'y suis rendu il y a peu : cela se passe très bien ; l'ensemble des acteurs européens – dirigés par un général français – font un très bon travail.
Sur le terrain plusieurs évènements se sont produits : nous avons mené des opérations au nord de Tombouctou il y a une dizaine de jours, qui ont permis de neutraliser une dizaine de djihadistes, et d'autres opérations ponctuelles qui relèvent du contre-terrorisme.
Dans le même temps, le président Ibrahim Boubacar Keïta prend ses responsabilités. Il a eu le courage de gérer le camp de Kati, où se trouvait notamment le capitaine Sanogo – dont la carrière a connu une accélération fulgurante, puisqu'il a été promu général de corps d'armée. Le camp de Kati n'est plus aujourd'hui un problème : il n'y a plus de velléités d'autonomie militaire à l'égard des forces armées maliennes, comme cela était le cas à une époque.
Un débat doit par ailleurs s'ouvrir sur la question du Nord dans le cadre des Assises nationales du Nord et des Assises nationales de la décentralisation. Mais la situation politique ne sera stabilisée que lorsque les élections législatives auront eu lieu. On note encore quelques difficultés autour de Kidal. Même si le poids démographique de cette région doit être relativisé par rapport à l'ensemble du Mali, elle constitue depuis longtemps un abcès de fixation. Des sensibilités différentes s'expriment au sein du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) et du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), et les relations aux fondamentaux tribaux sont variables. Le dialogue avance doucement, mais il progresse. Souhaitons qu'il s'approfondisse après les élections législatives. L'un des enjeux sera de faire en sorte que les peuples du nord – pas seulement les Touaregs, mais aussi les Arabes du nord et les Peuls – se présentent aux élections législatives et soient reconnus et respectés. Le président Ibrahim Boubacar Keïta est conscient de l'importance de cet enjeu ; j'espère qu'il parviendra à y répondre.
J'ajoute que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) est en train de s'étoffer. Mais elle reste à notre avis insuffisamment armée. J'ai rencontré sur place le représentant de M. Ban Ki-moon : il est déterminé à faire en sorte que les États qui ont annoncé des contributions tiennent leurs engagements ; mais pour l'instant, les choses n'ont pas suffisamment avancé.
Je porte par ailleurs un regard positif sur la manière dont l'armée malienne est en train de se reconstituer, et sur la stature politique qu'a su acquérir le président Ibrahim Boubacar Keïta devant l'opinion. C'est pour lui le moment d'agir.
Je n'ai pas à prendre position devant votre commission sur les 150 000 emplois d'avenir, monsieur Lamblin. Permettez-moi néanmoins de rappeler – car on ne le dit pas assez – que la Défense va recruter 17 000 jeunes en 2014, et que ces 17 000 jeunes – qui sont souvent issus de milieux défavorisés – seront formés et instruits. J'ai assisté avec Mme la présidente à la rentrée de l'École des mousses de Brest, qui permet à des adolescents ayant parfois connu des difficultés de retrouver, grâce à la formation militaire, une dynamique et une confiance en eux. Je tiens à ce que l'on continue à recruter au même niveau sur toute la durée de la loi de programmation, afin que le rôle de la Défense en matière de formation et d'éducation soit reconnu.
Il n'y aura pas de deuxième série d'annonces de fermetures ou de déplacements pour 2014 après le mois de mars, monsieur Guilloteau. S'agissant du dispositif de déflation, ma méthode est simple. Je regarde chaque année personnellement les propositions qui sont faites, en gardant à l'esprit plusieurs principes : éviter au maximum de toucher aux unités opérationnelles, qui ne doivent pas représenter plus du tiers des suppressions d'effectifs ; éviter le plus possible les dissolutions ; tenir compte de l'aménagement du territoire et de la cohérence des forces dans leur ensemble. J'examine ces propositions indépendamment des échéances électorales ; elles méritent d'être regardées de très près. Les annonces que j'ai faites dernièrement étaient d'ailleurs très différentes de ce qui m'avait été proposé en juin. Pour prendre un exemple dont nous avons beaucoup parlé, nous ne fermerons pas la base aérienne de Luxeuil : nous supprimons seulement un escadron de défense sol-air. Je pourrais multiplier les exemples à l'envi. Je rends ces arbitrages en m'efforçant d'être le plus objectif possible et d'alléger l'appareil administratif pour y mettre davantage de cohérence et éviter les doublons – ce qui suppose une analyse fonctionnelle de l'ensemble des chaînes d'action et de commandement sur le territoire, dans chacune des armées et à l'état-major des armées.
En ce qui concerne les cessions immobilières, nous avons inscrit 200 millions d'euros pour 2014. Je n'ai pas de raison de penser que cette prévision de recettes ne se réalisera pas. Les emprises les plus importantes sont situées à Paris. Le détail est disponible sur le site internet des Domaines.
Pour la plus grande partie d'entre elles. Tout cela figure sur le site internet des Domaines ; je pourrai vous en donner le détail.
Je n'ai pas eu connaissance de refus d'exécuter des ordres pour raison religieuse, monsieur Lamblin. Si de tels incidents se sont produits, je n'en ai pas été informé – ce qui serait tout de même étonnant. Mais puisque vous m'interrogez, je vais demander à ce que l'on vérifie cette information.
La prospective de défense a souligné la contribution du ministère de la Défense au financement de la recherche et de la technologie. Il faut saluer particulièrement l'effort consenti sur les études amont, dont le budget total s'élève à plus de 746 millions d'euros en autorisations d'engagement. Ce maintien à niveau des crédits, qui fait suite à une augmentation de 10 % en 2013, est indispensable pour conserver nos compétences industrielles et la maîtrise de nos technologies. Dans ce cadre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur le soutien à l'innovation industrielle et technologique dans la LPM, et en particulier en 2014 ? Comment ce soutien sera-t-il mis en oeuvre ? Surtout, quelle sera la place des PME et des PMI dans ce dispositif ? Pourriez-vous faire le point sur le pacte Défense PME ?
Vous prévoyez 6,13 milliards d'euros de recettes exceptionnelles sur la durée de la LPM. Quelles seront les entreprises concernées par les cessions de participations de l'État ?
Par ailleurs, les pouvoirs de la délégation parlementaire au renseignement seraient renforcés. Seriez-vous d'accord pour que tous les groupes politiques y soient présents ?
Enfin, j'ai déjà eu l'occasion de plaider pour une amélioration des droits d'expression des militaires. Ainsi que l'avait dit le candidat François Hollande en mars 2012, « il est temps de reconnaître qu'ils sont des citoyens à part entière ». Le Livre blanc propose – sans en détailler les modalités – une rénovation des instances de concertation militaire. Le projet de LPM n'est-il pas une occasion perdue à cet égard ?
Le ministre des Affaires étrangères a évoqué il y a quelques semaines l'envoi de troupes supplémentaires en République centrafricaine. Pouvez-vous faire le point sur la situation actuelle dans ce pays et celle de nos militaires ? Quel type d'intervention prévoyez-vous ? Avons-nous vraiment les moyens de nos ambitions ?
On a coutume de dire que les succès de l'armée de terre reposent sur une dream team constituée de la cavalerie, de l'infanterie et de l'artillerie. Or, le projet de LPM a vu disparaître les 64 canons Caesar qui devaient être livrés à l'artillerie. Elle restera donc dotée de seulement 77 canons Caesar : il faudra utiliser jusqu'à l'usure les AUF1 et les vieux TRF1, ce qui entraîne un danger pour les personnels. La compétence artillerie gros calibre de notre pays tend donc à devenir totalement dépendante des exportations. Se pose également le problème du devenir de notre artillerie, et de l'appui apporté à la cavalerie et à l'infanterie. Le délégué général pour l'armement, que nous avons auditionné, a « botté en touche » en nous répondant que l'artillerie pourrait s'appuyer sur le lance-roquettes unitaire (LRU). Mais l'avenir de l'artillerie et l'appui qu'elle pourra demain apporter à la cavalerie et à l'infanterie sans la livraison des canons Caesar attendus sont aujourd'hui de véritables sujets d'inquiétude pour l'armée de terre.
Permettez-moi d'abord de vous renouveler mes remerciements pour la décision que vous avez prise sur la base aérienne de Luxeuil. Je souhaite ensuite vous interroger sur le service de santé des armées (SSA), qui a fait l'objet d'un rapport récent de la Cour des comptes. Quel est votre sentiment sur les questions soulevées par ce rapport, notamment la situation délicate de certains hôpitaux militaires ? Quelles orientations comptez-vous prendre ?
S'agissant de la recherche et de l'innovation, Mme Poumirol, j'ai décidé de maintenir les crédits destinés aux études amont au-dessus du seuil de 730 millions d'euros par an pendant toute la durée de la programmation. Vous savez que la tentation est toujours grande de piocher dans ces crédits pour boucler tel ou tel programme ; moi, je m'y refuse et j'ai souhaité qu'ils soient augmentés dès le budget 2013, et ils seront maintenus à ce niveau afin de préparer les nouvelles générations d'équipements qui seront nécessaires à moyen terme.
En ce qui concerne les relations avec les PME, le régime d'appui pour l'innovation duale, ou dispositif RAPID, qui avait été mis en place avant mon arrivée au ministère, fonctionne bien. J'ai décidé de le renforcer pour le rendre encore plus performant et de le sanctuariser à hauteur de 50 millions d'euros par an – contre 40 millions dans le budget 2013. Le concept est utile et fait l'unanimité ; la Direction générale de l'armement (DGA) est très attentive à sa mise en oeuvre. J'ai par ailleurs lancé en novembre 2012 le Pacte Défense PME, afin de faire en sorte que les acteurs de la défense – à savoir le ministère et la DGA, mais aussi les grands groupes – aient constamment le « réflexe PME ». C'est en effet là que se trouvent les « pépites » et les emplois. Dans le cadre du pacte, le ministère, les grandes entreprises et les PME doivent travailler ensemble pour favoriser la présence des PME dans les marchés de Défense. Les résultats commencent à se faire sentir, y compris dans l'amélioration des dispositifs de paiement, très importante pour les PME. Nous sommes dans une démarche positive : on commence à « penser PME » dans les services achats des grands groupes et du ministère. Un premier rendez-vous entre les partenaires du Pacte Défense PME aura lieu en novembre. Ce devrait être l'occasion de confirmer ces éléments positifs.
Les 6,1 milliards de ressources exceptionnelles inscrits dans la LPM sont détaillés dans le rapport annexé, monsieur Candelier. Elles proviennent à la fois des cessions d'emprises immobilières, des cessions de fréquences hertziennes, du programme d'investissements d'avenir (PIA), et de cessions d'actifs. Pour l'instant, nous nous en tenons là. Je tiens néanmoins à faire remarquer – car c'est loin d'être secondaire – que les cessions d'actifs de l'Etat dont nous parlons ne concernent pas que les entreprises de défense. Le PIA, qui est financé par des cessions d'actifs de l'État et permet des investissements d'avenir auxquels le budget de la Défense émarge pour 1,5 milliard d'euros, n'est donc pas financé par les seules cessions d'actifs liées à la défense.
Vous savez que le projet de LPM a été adopté en première lecture par le Sénat cette nuit. Les sénateurs ont notamment décidé – avec le soutien du Gouvernement – de faire passer les dispositions portant sur les recettes exceptionnelles du rapport annexé au dispositif de la loi lui-même. Ils ont également renforcé le pouvoir de contrôle du Parlement sur les services de renseignement. Ce dernier sujet a peu été évoqué jusqu'à présent – du moins avec moi – dans votre commission. Alors que c'était aussi le cas au Sénat, une grande partie du débat en séance publique a porté sur la partie normative de la LPM, qui est nouvelle et concerne la cyberdéfense, le renseignement et la judiciarisation – trois sujets extrêmement importants pour la défense. Sont ainsi prévus un renforcement du contrôle des activités des services de renseignement par le Parlement, un renforcement des moyens techniques – qui sont un élément majeur de notre autonomie stratégique, en particulier les satellites et les drones – et des moyens juridiques, avec en particulier l'accès aux fichiers de police administrative et judiciaire pour nos services, et la création de la banque de données passagers dite PNR – passenger name record –, fournies par les compagnies aériennes, ainsi que la protection renforcée de l'anonymat des agents. Il y a donc des avancées à la fois pour la qualité du service de renseignement et pour leur contrôle par le Parlement – les deux vont de pair. Sachez en tout cas qu'il est prévu que le contrôle par le Parlement s'opère de manière pluraliste. Il appartiendra aux Assemblées de décider comment procéder.
En ce qui concerne les droits des militaires, l'engagement du Président de la République sera tenu. Le Président de la République a reçu les membres des conseils de la fonction militaire (CFM) à l'Élysée il y a quelques jours : il a demandé que ce chantier soit ouvert, et que des propositions soient faites à la fin de l'année, à l'occasion de la quatre-vingt-dixième session du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), que je préside deux fois par an. Les membres du CSFM doivent nous faire des propositions qui permettraient – tout en restant dans le statut militaire – une organisation plus performante de l'expression des interrogations qui peuvent être celles des militaires dans l'exercice de leurs fonctions. Même si la parole se libère au CSFM et dans les CFM, il importe d'avoir une bonne représentation de l'ensemble des militaires pour que cette expression soit vraiment complète.
La République centrafricaine (RCA) est actuellement un non-État, Mme Dubois. C'est une longue histoire. La Seleka, qui a porté le président Djotodia au pouvoir, n'est plus en accord avec lui ; lui-même ne s'entend pas avec son Premier ministre ; tous deux sont issus d'un coup d'État. Des rapines, des meurtres se produisent ; la situation humanitaire est catastrophique. Nous ne sommes pas dans la situation du Mali, mais il faut éviter que ce non-État devienne un « ventre mou » au milieu des trois zones à risque que sont le Sahel, l'Afrique de l'est et l'Afrique centrale autour du Congo. Nous restons donc très vigilants.
Que faire ? Nous avons aujourd'hui 400 militaires sur place, dont une partie issue de l'opération BOALI, initiée pour soutenir la mise en place de la première force multinationale africaine, et une partie venue de Libreville au moment du coup d'État pour protéger nos ressortissants. Ces forces assurent aujourd'hui la protection de l'aéroport de Bangui. Une première résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, votée il y a une dizaine de jours, va déboucher sur la présentation d' options de soutien à la mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA). Une deuxième résolution, vers la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre, permettra de mettre en oeuvre ces options et de donner des capacités d'intervention plus larges aux éléments français qui interviendraient en soutien de la MISCA et dont les effectifs pourraient être renforcés. Enfin, l'objectif est de transformer la MISCA en opération de maintien de la paix, ce qui pourrait intervenir avec une troisième résolution au printemps. Les forces de la MISCA comptent aujourd'hui 2 200 hommes venus principalement du Congo, du Tchad, du Cameroun et de la Guinée. Les forces françaises soutiendront l'opération, dans des conditions à définir lorsque le mandat des Nations Unies sera devenu effectif. Nous avons bien sûr les moyens de faire cette opération – je suis toujours surpris que l'on me pose ce genre de questions. Notre armée compte 279 000 hommes, et – disons-le – nous sommes sans doute les seuls en Europe à avoir les moyens de faire ce type d'opérations.
J'en viens à l'artillerie, monsieur Audibert Troin. Vous parlez de la dream team constituée par la cavalerie, l'infanterie et l'artillerie. Pour ma part, je ne fais pas de distinction : toutes les armes sont complémentaires et cohérentes au sein de l'armée de terre. Le canon Caesar a eu un grand succès : les 77 canons prévus dans la programmation antérieure ont été livrés. Je suis convaincu que ce matériel va se vendre à l'exportation sa qualité opérationnelle devrait permettre d'aboutir assez rapidement.
La LPM prévoit de compléter le dispositif par le LRU, avec treize lanceurs en 2014. Le chef d'état-major des armées (CEMA) considère que cet ensemble d'équipements dans le domaine de l'artillerie est suffisant pour remplir le contrat opérationnel. Par ailleurs, concernant l'armée de terre, la LPM prévoit de lancer dès 2014 le programme Scorpion – ce qui avait donné lieu à de longues discussions avec le CEMA et le chef d'état-major de l'armée de terre. Nous avons finalement arbitré en faveur d'un lancement dès l'année prochaine de ce programme pour lequel 1,3 milliard d'euros est prévu sur la durée de la LPM. Cette décision a été appréciée par les unités que je visite. Le programme permettra entre autres de remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB) et les AMX 10 RC, qui en ont besoin ; les premiers véhicules blindés multi-rôles (VBMR) seront livrés au cours de la LPM et les premiers engins blindés de reconnaissance au combat (EBRC) – qui remplacent les AMX 10 RC – seront commandés. Une cohérence sera donc assurée dans l'ensemble de l'action des brigades de l'armée de terre.
J'en viens au service de santé, monsieur Villaumé. Votre Commission a reçu la semaine dernière le médecin général des armées Jean-Marc Debonne, directeur central du SSA. Il vous a sans doute fait part de la mission que je lui ai confiée ; vous savez donc qu'il doit me remettre au mois de décembre – ou au début de l'année prochaine – des propositions sur la bonne articulation entre le service de santé des armées et le réseau de santé publique, afin de développer une stratégie « gagnant-gagnant » sans pour autant abandonner l'efficacité opérationnelle du service de santé. Je préfère attendre cette échéance pour en reparler avec vous. Le sujet est à la fois difficile et passionnant : nous devons trouver des dispositifs imaginatifs permettant aux uns et aux autres de remplir leurs missions sans provoquer de déflation majeure des effectifs.
Monsieur le ministre, je n'ai pas de raison de mettre en cause votre engagement de stricte sincérité, tant sur la description de la menace que sur la définition des moyens pour y faire face. Cela n'empêche cependant ni les inquiétudes ni le désir de prendre des précautions. Vous avez refusé au Sénat un amendement visant à céder les participations de l'État dans les grandes entreprises pour abonder de 20 milliards d'euros la LPM. Seriez-vous prêt à l'accepter, en cas de nécessité, après la clause de revoyure ? J'ai cru comprendre que oui. Pour ma part, je souhaite améliorer cette clause de revoyure – qui figure désormais, comme vous l'avez dit, dans le texte lui-même et non plus dans le rapport annexé – lors de la discussion du texte par notre Assemblée. Avez-vous un accord de principe du Premier ministre et du Président de la République pour y avoir recours si nécessaire ?
Vous nous présentez cette LPM dans un environnement budgétaire extrêmement contraint. Vous conviendrez donc que chaque euro va compter. Je ne parle pas des crédits budgétaires stricto sensu, mais de la cession des participations de l'État dans un certain nombre d'entreprises publiques. Les ressources exceptionnelles vont jouer un grand rôle dans l'application de cette LPM. Vous les estimez à 1,77 milliard d'euros pour 2014, de même que pour 2015. Vous tablez essentiellement – à hauteur de 1,5 milliard – sur le PIA pour amorcer ces ressources exceptionnelles en 2014. Vous en ciblez les bénéficiaires : ce sont le CEA et la recherche spatiale qui vont être abondés. Vous créez d'ailleurs un programme budgétaire spécifique pour consommer ce 1,5 milliard. Est-ce à dire que le PIA sera largement mis à contribution pour financer ces ressources exceptionnelles, sachant que l'enveloppe globale de ce PIA est de l'ordre de 12 milliards, dont sans doute trois à quatre milliards en 2014 – dont la défense consommerait donc près de la moitié à elle seule ?
Ces ressources exceptionnelles seront également abondées par 200 millions de produits de cessions immobilières en 2014. Si je comprends bien, il s'agit de biens immobiliers de la Défense, qui devraient être cédés après la livraison du nouveau ministère, soit à la mi-2015. Ces bâtiments sont-ils vendus occupés ? Dans l'affirmative, la recette attendue ne risque-t-elle pas d'être dépréciée ?
Bref, je m'interroge sur l'architecture de ces ressources exceptionnelles et sur leur capacité à rapporter ces 6,1 milliards au cours de la LPM. Pouvez-vous nous assurer que vous serez en mesure de les financer d'une manière ou d'une autre – et non « par d'autres ressources exceptionnelles », comme l'indique le rapport annexé ?
Monsieur le ministre, vous êtes l'un des quelques professionnels du Gouvernement. Vous approuvez donc un gouvernement qui prévoit une dépense de deux milliards d'euros pour des contrats qui sont sans avenir pour les jeunes, cela tout en supprimant de vrais métiers et de vraies formations dans les armées. Vous appartenez à un gouvernement qui verra sans doute une augmentation de 100 millions d'euros des dépenses en faveur des demandeurs d'asile. C'est votre choix. Mais il ne peut y avoir ni cohérence ni consensus dès lors que nous considérons que le niveau de dépenses pour la Défense nationale atteint un plancher critique. La clause de revoyure de 2015 montrera sans doute que vous n'avez pu tenir les engagements que vous essayez aujourd'hui de défendre en bon soldat du Gouvernement.
Est-il raisonnable d'envisager de vendre à des entreprises allemandes – je pense bien sûr à Krauss-Maffei – une partie de nos joyaux dans le domaine des armes terrestres, comme cela a déjà été proposé ?
Vous souhaitez réduire les effectifs dans le soutien. Nous connaissons pourtant l'état du service interarmées des munitions (SIMu), le manque de chariots élévateurs et d'outils de technologie moderne, ou encore le nombre d'heures supplémentaires que les hommes ont dû effectuer dans le cadre de l'opération Serval. Où donc allez-vous donc supprimer ces effectifs ?
Je souhaite évoquer le projet de Balard. J'en étais resté au contentieux qui opposait la RATP et la Ville de Paris au sujet d'un garage à bus, retardant ainsi l'ensemble du chantier, et à vos interrogations sur le mode opératoire – partenariat public-privé (PPP) ou mode de financement plus traditionnel. Pouvez-vous faire le point sur ce dossier qui commence à s'enliser ?
Je voudrais vous faire une proposition sur laquelle j'aimerais avoir votre sentiment. Nous savons tous que les casernements de nos militaires sont plus que vieillissants, voire vétustes. Nous savons que nos militaires – et notamment les militaires du rang – ne sont pas des gens fortunés ; je dirais même qu'ils sont pour la plupart de ces derniers éligibles au logement social. Néanmoins, la prochaine loi de programmation ne permettra pas – malgré tous vos efforts – d'engager véritablement la modernisation de ces casernements. Des choses pourront être faites, mais elles ne seront pas à la hauteur des enjeux. Or un effort très significatif a été consenti dans les dix dernières années en matière de renouvellement urbain, via l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et les financements apportés par les collectivités locales, principalement les villes. Il va y avoir un programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) 2. Je suggère donc – dans un esprit d'équité et de justice, et parce que nos militaires payent le prix du sang – que vous défendiez l'éligibilité du logement militaire à ce programme. Cela permettrait de bénéficier de financements complémentaires particulièrement bienvenus dans la situation de tension que nous connaissons.
À MM. Lefevbre et Lamour, je dirai que je suis conscient que cette LPM est une loi d'équilibre et qu'il faut que l'ensemble des pièces du puzzle soient au rendez-vous pour assurer cet équilibre – dont font partie les ressources exceptionnelles. Le Président de la République s'est engagé en Conseil de défense sur l'ensemble financier de la LPM – à savoir 190 milliards d'euros 2013 jusqu'en 2019, avec une actualisation par année. Parmi ces 190 milliards figurent 6,1 milliards de ressources exceptionnelles, sous les différentes rubriques que j'ai énumérées à M. Candelier tout à l'heure – dont les cessions d'actifs. Ce n'est pas une nouveauté : des cessions de titres de Safran et d'EADS ont permis d'alimenter – avec d'autres – le financement du PIA, qui nous permet lui-même de financer le budget de la défense pour 2014. Je n'ai pas de position doctrinale sur le sujet, en dehors de la préservation des intérêts industriels stratégiques du pays. La clause de revoyure nous permettra de nous assurer que la trajectoire des ressources exceptionnelles est conforme à la prévision. C'est ce que j'ai répondu hier soir au sénateur Jacques Gautier – qui l'a bien compris.
Vous avez raison, monsieur Lamour : chaque euro compte, ce qui appelle de notre part à tous la plus grande vigilance.
J'en viens au financement des ressources exceptionnelles en 2014. Le PIA sera donc mobilisé à hauteur de 1,5 milliard, et le produit des cessions immobilières à hauteur de 200 millions – ce qui correspond aux chiffres enregistrés en 2013. Il ne s'agit pas seulement de l'immeuble de l'îlot Saint-Germain, situé à côté de l'Hôtel de Brienne, mais d'abord d'autres sites susceptibles d'être vendus. Le chiffre de 200 millions d'euros me paraît donc réaliste. Pour mémoire, nous l'avons fixé à 600 millions d'euros sur la durée de la LPM. Le principal souci que nous risquons de rencontrer est celui du calendrier. L'ensemble de ce qui nous est proposé permet d'assurer le financement des ressources exceptionnelles. Le problème est celui du délai dans lequel elles seront mobilisables – je pense en particulier à la vente de la bande de fréquences 700 mégahertz. Je dois donc me préoccuper dès à présent du budget 2015 – ce qui exige une opiniâtreté dont les Bretons ne manquent pas (sourires).
Nous n'avons rien vendu aux Allemands, monsieur Dhuicq. Nous avons une industrie de défense de grande qualité, capable de répondre aux besoins de nos forces, mais aussi d'exporter. En 2012, ses exportations ont atteint 4,8 milliards d'euros. Elles seront sensiblement supérieures cette année. Notre industrie de défense jouit d'une image très favorable dans de nombreux pays. C'est également vrai pour le matériel de l'armée de terre, qu'on a parfois tendance à considérer à tort comme moins performant. Nous avons aujourd'hui des contacts très intéressants – voire certains résultats – pour les canons Caesar et les véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI).
S'agissant de la déflation des effectifs de soutien, je dis simplement que nous entendons faire en sorte que la déflation pour le ministère s'opère aux deux tiers hors des unités opérationnelles, c'est-à-dire touche l'ensemble de l'organisation de l'appareil de défense, de l'administration centrale, des directions, des services ou des états-majors. J'ai ainsi décidé de supprimer les états-majors de soutien défense (EMSD), qui constituaient de l'avis général un échelon intermédiaire de trop. Simplifier le soutien est essentiel, non seulement en termes de capacités financières mais aussi en termes d'efficacité et pour le bien-être de nos militaires. J'effectue chaque semaine une visite complète dans les forces, de la chambrée aux champs de tir. Je constate qu'il existe de vrais problèmes d'articulation entre les unités opérationnelles et les bases de défense, auxquels nous devons remédier. Il est invraisemblable que l'on ne parvienne pas – comme je l'ai vu – à obtenir des rideaux pour une chambrée ! Je vérifie aussi ce genre de détails.
Eh oui ! Je reste six ou sept heures dans les unités où je me déplace. Lorsqu'un soldat me dit que cela fait trois ans qu'ils ont demandé des rideaux pour une chambrée par ailleurs dépourvue de volets, et que le chef de corps me répond que la demande a été transmise à la base de défense mais qu'elle n'est toujours pas satisfaite, vous conviendrez que ce n'est pas seulement une question de crédits ! De même lorsqu'on me raconte que dans telle base d'Afghanistan, les hommes qui rentraient d'une opération de trois jours n'ont pas pu dîner parce que le restaurant – externalisé – fermait à vingt heures !
Lorsque je me rends dans une unité, je tiens des tables rondes séparées avec les officiers, les sous-officiers et les hommes du rang, de façon à permettre une plus grande liberté de parole. Cela me permet de faire avancer les choses.
En ce qui concerne Balard, monsieur Chrétien, le contentieux auquel vous avez fait allusion est réglé. Le chantier suit désormais normalement son cours.
La suggestion de M. Grouard m'intéresse particulièrement; je vais demander à mon cabinet d'en étudier la faisabilité.
J'ai annoncé un certain nombre de dispositions liées à la condition militaire, que je souhaite voir aboutir avant Noël. Il importe que nous puissions également opérer des avancées dans le domaine du logement et de la vie sociale du militaire. Cela pourrait en faire partie.
La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.