Nous avons souhaité vous entendre dans la mesure où votre cabinet intervient au moment où le PSE est mis en oeuvre. Votre retour d'expérience nous sera très utile sur des exemples concrets illustrant les difficultés que vous avez pu rencontrer. Des recommandations que vous pourriez formuler pour faciliter le reclassement ou la revitalisation qui découlent des plans, sont évidemment les bienvenus.
Je préside Altedia depuis 3 ans et j'ai été DRH de Thalès et Alcatel. J'ai donc initié plusieurs plans de restructuration, de cessions, de fermetures, ou de cessation d'activité en Europe et dans le reste du monde.
Altedia est une filiale à 100 % du groupe ADECCO depuis 2005 et nous appartenons à une division du groupe chargée des questions de transition professionnelle dans le monde entier. Nous avons donc une très grande connaissance de ce secteur dans d'autres pays du monde et en particulier aux États-Unis et en Europe. Nous sommes 600 salariés en France pour un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros en 2013, dont les deux tiers sont réalisés auprès du secteur industriel.
Nous avons deux activités principales : le conseil aux entreprises pour les projets de restructuration, de transformation et de réorganisation sous l'angle RH, ce qui nous place en amont dans le projet et donc dans une phase très confidentielle ; puis l'accompagnement des salariés dans la phase de transition professionnelle, – c'est-à-dire 25 000 personnes par an – dont 20 % auprès de pôle Emploi et le reste dans le secteur privé.
Nous avons tenu à exercer également une activité dans le secteur public depuis plusieurs années : cela était stratégique pour nous. Nous avons ainsi une vue d'ensemble de la restructuration des entreprises et des administrations. Nous sommes très sensibles à l'accompagnement des personnes qui ont choisi, ou pas, de quitter l'entreprise, mais également à l'accompagnement de ceux qui restent. Cet accompagnement managérial nous est souvent demandé pour préparer l'avenir de l'entreprise. Il est donc très important pour nous de faire les deux en même temps et de conduire l'entreprise à réfléchir à son projet post-restructuration.
De manière générale, à l'exception de l'aéronautique, force est de constater que pratiquement tous les secteurs sont actuellement en transformation (banque, assurance, automobile, etc.). Il s'agit vraiment de mutations, de transformations profondes à l'échelle nationale et européenne. C'est pourquoi nous sommes très soucieux d'amener nos clients à réfléchir à ces évolutions. Cela nous conduit à équilibrer nos actions entre la direction de l'entreprise, les partenaires sociaux et les salariés. Lorsque nous parlons à l'un, nous pensons toujours aux deux autres, surtout quand nous sommes nous-mêmes négociateurs des plans.
Sur la question des composantes d'un plan réussi, quelques facteurs-clés sont à retenir : il faut premièrement intervenir le plus en amont possible. Je sais d'expérience que l'entreprise attend en général le dernier moment, pour une raison simple : lorsqu'elle sait qu'elle va annoncer quelque chose de difficile à mettre en oeuvre, elle sait aussi que cela peut créer de la perturbation. Or, son souci est d'éviter que ces perturbations soient les plus longues et les plus dommageables possibles pour son activité. Il est donc toujours difficile d'anticiper. Dans certaines situations néanmoins, l'anticipation est possible : la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est un facteur assez neutre qui la rend possible.
Deuxièmement, et nous l'observons dans beaucoup de cas, plus l'entreprise est ouverte à la négociation et plus il y a de chances que la restructuration se passe dans de bonnes conditions. Ce parti n'est pas facile à prendre car il a un coût en termes de délais et de mise en oeuvre. Cette logique est actuellement bien perçue par la plupart des grands groupes, ce qui nous permet de les conseiller quant à la façon d'aborder ce sujet avec les salariés et leurs représentants.
Dans la négociation, il est important d'aller le plus vite possible. Je tiens ceci de mon expérience de DRH, et plus récemment, de consultant. Plus la partie en amont est courte (entre l'annonce de la restructuration et la notification des départs), plus nous pouvons nous concentrer sur l'accompagnement des salariés qui partent de façon contrainte ou non. La rapidité de cette phase de définition des conditions d'exécution du plan est un premier facteur de succès.
Ensuite vient la rapidité de la mise en oeuvre : les plans où les congés de reclassement durent deux ans font perdre un an ou an et demi à l'entreprise. Plus la durée du plan de reclassement est ajustée au profil des populations (plus long pour les personnes de rang senior qui peuvent avoir plus de problèmes dans le reclassement ; plus court pour un jeune cadre) et plus il est efficace. Cela s'explique par le fait que le processus de reclassement est plus intensif dans les premières semaines, lorsque nous enchaînons des entretiens, en face à face, avec les consultants et des ateliers. Nous avons notamment mis en place des ateliers pour aider les candidats à se repositionner (CV, modalités de recherche, préparation des entretiens, etc.). Statistiquement, sur les personnes que nous suivons, nous observons deux asymptotes : les salariés qui se reclassent au bout de six mois, et ceux qui se reclassent dans les 9 à 12 mois.
Enfin, je voudrais aborder la question de l'indemnisation ou de l'accompagnement financier des salariés. Sur ce plan également, nous sommes toujours tournés vers une indemnisation forte du retour à l'emploi. Je vais prendre un exemple caricatural mais parlant : si le projet de reclassement est de 12 mois mais que le salarié trouve une opportunité de reclassement intéressante au bout de 6 mois, nous préconisons de payer le solde global du projet de reclassement au salarié. Le salarié a alors intérêt à retrouver un emploi rapidement. Ce phénomène joue sur la dynamisation des salariés. Dans les projets de reclassement qui durent deux ans, il y a 50 % d'absentéisme aux entretiens individuels la première année ou la première année et demi. Or, pendant ce temps, le cabinet cherche des postes : c'est ainsi que des milliers de postes ne trouvent pas de candidats. Lorsque nous travaillons sur un bassin, le nombre d'emploi est limité : si les salariés ne viennent pas aux ateliers et vont « en fond de fauteuil » aux entretiens avec le consultant, les emplois sont perdus car ils sont pourvus par d'autres en dehors du projet de reclassement. C'est pourquoi nous incitons à adopter des projets de reclassement rapides et efficaces.
J'ajoute quelques éléments que nous avons expérimentés ces derniers mois. Nous recommandons, par exemple, de conduire systématiquement une ingénierie de l'emploi dans le bassin où le plan (volontaire ou contraint) va s'opérer dans les semaines ou les mois qui précèdent le démarrage de la procédure sociale. Cela permet d'aller chercher les emplois en tensions, de regarder la structure des emplois les plus attractifs, de ceux qui sont le moins éloignés des compétences des salariés, et donc de réfléchir à la meilleure manière de faire correspondre ces compétences avec celles des emplois en tension sur le territoire. Ainsi, lorsque l'entreprise rentre dans le processus de négociation, elle bénéficie déjà d'une information précise sur la nature des emplois futurs que pourraient trouver les salariés. De façon très symbolique, à Aulnay, nous avons mis en place le Centre de transition professionnelle qui va encore plus loin : avec le mandat de PSA, nous avons identifié les entreprises qui recrutent en permanence sur le territoire, particulièrement dans trois domaines (aéroportuaire, transport de personnes ou logistique, secteur automobile). Nous sommes aussi associés à l'AFPA pour réfléchir à des formations de reconversion de sorte que, le jour où le plan démarre, nous pouvons déjà présélectionner entre 100 et 150 candidats par an (sur 2 ou 3 ans) dans les entreprises que nous avons identifiées, pour les faire ensuite intégrer l'AFPA et ensuite le poste. Cela ne peut se faire que sur des bassins où les opérateurs économiques peuvent anticiper de 6 ou 8 mois leur recrutement. Mais cela ne peut se faire sur plusieurs milliers de personnes.
Nous vous remercions pour cette présentation très complète de votre activité. Compte tenu de votre expérience de DRH et de votre fonction actuelle, quel est votre sentiment sur la réforme en cours de la procédure de licenciement collectif pour motif économique issue de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 ? Comment cela pourrait-il changer les choses concernant l'anticipation, la rapidité et l'efficacité du dispositif ? J'aimerais également aborder la proposition de loi Brottes concernant la reprise des sites rentables et vous demander votre sentiment sur ce sujet d'actualité ?
L'ANI va certainement permettre une meilleure articulation de la partie sécurisation des parcours professionnels et de la partie gouvernance sociale, alors que les entreprises ont tendance à ne voir que la première. Avec l'appui du ministère du travail, nous cherchons à promouvoir l'ANI, dans les régions et auprès des entreprises. Il faut d'abord comprendre le dispositif concernant la procédure de validation et d'homologation. À partir de l'année prochaine, la gouvernance sociale sera aussi réformée : participation des salariés au conseil d'administration pour les entreprises d'une certaine taille, base de données unique concernant l'évolution des emplois, avec une vision prospective à trois ans, ce qui permettra une meilleure articulation de l'économique et du social.
Dans l'esprit des négociateurs, il était important d'inciter à la négociation. Dès le déclenchement de la procédure, l'administration peut intervenir, et si un des acteurs considère que l'information n'est pas suffisante, que la négociation n'est pas équitable ou que les éléments sur la table ne sont pas pertinents, l'alerte est formulée auprès de la DIRECCTE qui pourra suspendre la procédure. Les entreprises n'ont pas toujours perçu le contrôle ou les attentes des acteurs à ce moment de la négociation, avec des règles qui restent à préciser, mais qui sont celles d'une saine négociation sociale.
Il s'agit d'une vraie question : un engorgement rapide est prévisible. Sans parler des grandes entreprises qui sont habituées à ces processus, avec les PME, la sollicitation de l'administration va être encore plus volumineuse. On peut espérer que l'on n'aboutira pas à une homologation par défaut (sauf si le dossier est parfait) et qu'il y aura un regard attentif de l'administration. Les syndicats ont d'ailleurs conscience qu'ils peuvent alerter la DIRECCTE pour avoir son appui à n'importe quelle phase de la négociation, alors qu'avant ils se tournaient uniquement vers le juge.
Quant à la proposition de loi Brottes visant à renforcer les incitations à la recherche de repreneur dans le cas de sites rentables, nous espérons que l'alternative ne sera pas « vendre ou fermer ». Il est devenu de plus en plus difficile de trouver un candidat prêt à reprendre une entreprise, et encore moins une entreprise qu'on conserverait intacte. Qui va prendre le risque de recruter des personnes qui ont en moyenne entre 40 et 50 ans, dont le coût salarial est élevé, de préférence à des jeunes dont le niveau de qualification et de rémunération est plus intéressant ?
Quand vous cherchez un repreneur, la première phase est toujours confidentielle. Ce qui est important c'est que l'entrepreneur rende compte au comité d'établissement de la démarche effectuée et prouve sa bonne foi. C'est la fonction de l'expert du comité d'établissement de vérifier ce qui a été fait. Malheureusement il n'est pas possible de donner les noms des candidats à la reprise, ces derniers ne voulant pas que cela se sache. Nous attendons donc des éléments plus précis quant à la proposition de loi en question.
Je ferai à ce sujet deux observations. En premier lieu, il y a toujours le risque qu'une société low cost vienne utiliser un savoir-faire alors qu'il y a déjà une surcapacité sur le marché donné. Une entreprise ne ferme pas un site par plaisir, mais pour des raisons économiques et un problème de surcapacités. Par ailleurs, plusieurs grands groupes qui ont tenté de rechercher un repreneur ont connu un échec. S'il faut inciter les entreprises à la recherche d'un repreneur, rendre la démarche obligatoire risque de compliquer les choses.
Ce sujet est d'ailleurs en lien avec la revitalisation, dans le cadre de laquelle on préfère souvent faire du saupoudrage d'aides. La reconversion du site devient alors une option, ce qui est dommage parce que celle-ci est plus structurante, même si ses résultats peuvent être aléatoires. Le saupoudrage permet de dire qu'on a soutenu des emplois alors que la reprise d'un site vide risque d'échouer.
Il existe une véritable difficulté à définir l'entreprise ou l'établissement « rentable », et cette difficulté est indépassable. En effet, il est très facile pour des experts en comptabilité de « vider » la rentabilité d'un site.
Le dispositif de préemption commerciale est une idée d'élu local. La collectivité va préempter pendant un certain temps pour trouver un repreneur. Le parallélisme s'arrête là. La préemption commerciale fonctionne assez mal en réalité et pas du tout de la même façon pour une entreprise et une collectivité.
Même si on comprend la demande sociale à ce sujet, le fait qu'un concurrent souhaite reprendre une entreprise entraîne des difficultés qui sont tout à fait déterminantes dans la décision de lui revendre ou non le site. S'il y a une surcapacité, le nouvel entrant peut déstabiliser la position du leader et des effets pervers peuvent apparaître. C'est peut-être dans la mutualisation ou la revitalisation, voire dans la reprise d'un site vide, qu'il faut chercher l'efficacité.
Je voudrais revenir sur les points que vous avez évoqués dans le cadre d'un plan réussi. Si vous aviez trois idées principales à donner dans le cadre des nouvelles politiques qui pourraient être mises en place pour améliorer le dispositif, quelles seraient-elles ?
Que pensez-vous du dispositif des indemnisations avec versement du solde du congé de reclassement ? Quels sont les pourcentages de reclassement avec versement du solde au moment de l'embauche ?
Dans l'esprit de l'accord national interprofessionnel (ANI), pourrait-on imaginer un mécanisme qui contraindrait au versement du solde de reclassement au moment de l'embauche ?
Enfin, quelle vision avez-vous de ce qui se passe à l'étranger et qui serait transposable en France pour améliorer notre dispositif ?
Un point est, à mon avis, fondamental : plus un dispositif d'accompagnement des salariés, du type antenne de reclassement, est proche du site de l'entreprise, plus son niveau d'efficacité est élevé. En général, dans ce type de dispositif, une commission paritaire de suivi est mise en place au sein de l'entreprise. La commission nous sollicite en tant que cabinet d'études et nous lui présentons régulièrement les résultats obtenus. Les membres de la commission connaissent les salariés qui sont en accompagnement et l'échange peut être riche. Un tel dispositif crée une pression sur les trois acteurs : les dirigeants, les syndicats mais aussi les partenaires extérieurs qui ont à rendre compte de l'avancement des projets.
Deuxième élément très important : avec une unité de temps et une unité de lieu vous ne rompez ni le lien social, ni le lien de travail. Ceci est fondamental parce que la durée moyenne d'un plan de reclassement se situe entre 6 et 12 mois. La personne n'est pas un individu isolé dans un circuit administratif loin de son lieu de vie et de travail. Les salariés sont dans une communauté et les liens ne sont pas rompus.
Enfin, la vitesse de négociation et le timing de mise en oeuvre du dispositif sont des éléments fondamentaux. Quand rien ne se passe pendant des mois, cela a des conséquences désastreuses sur l'état psychologique des personnes. Le réamorçage vers l'emploi demande une énergie considérable et le nombre d'échecs est considérable. Les pays où le timing est le plus long, entre la première annonce et le départ du denier salarié, sont la France et l'Allemagne. En France, le cycle est de 16, 18 ou 24 mois alors qu'en Allemagne il est de 12 mois, en Belgique de 6 mois, en Espagne de 6 à 9 mois.
La question de l'anticipation est fondamentale, c'est tout l'enjeu de la GPEC. Comme je l'avais dit à M. Louis Gallois, je ferais remonter le débat économique au niveau du conseil d'administration parce que c'est là que se rencontrent actionnaires, direction et syndicats de salariés pour n'avoir en aval que la négociation. Je préconise aussi un plus grand nombre d'administrateurs représentant les salariés au sein du conseil d'administration. Si cela marche mieux en Allemagne, c'est parce que le débat économique a lieu très en amont. Il est au bon niveau, au bon moment, au bon endroit.
Je suis tout à fait favorable au versement du solde du congé de reclassement avant la prise de fonction dans la nouvelle entreprise. Dernier point très important : je suis tout à fait favorable à la possibilité de suspendre le congé de reclassement. Donner ce droit peut être très utile, en particulier pour les seniors. Garder son crédit facilite l'acceptation de contrats courts. L'instauration d'un droit rechargeable fait partie des dispositions négociables dans l'entreprise.
La négociation et des délais courts vont se traduire par des réponses individuelles du type prime au départ et un saupoudrage des aides alors que l'enjeu est la revitalisation. Plus on favorise la négociation individuelle et la rapidité, plus on contribue à des solutions individuelles qui vont fragiliser l'enjeu de revitalisation territoriale. Quel est votre avis sur la nécessaire revitalisation territoriale ?
Par ailleurs, existe-t-il des outils intermédiaires entre démarche individuelle et démarche collective ? Vous avez parlé des centres de transition professionnelle (CTP) qui pourraient constituer un outil intermédiaire entre le CSP (contrat de sécurisation professionnelle) et les cellules de reclassement. Faut-il mettre en place de nouveaux outils d'accompagnement, qui ne soient pas, comme ceux que nous connaissons aujourd'hui, soit trop collectifs, soit très individualisés ?
Enfin, y a-t-il des outils de gestion des effectifs, comme la GPEC, qui ne sont pas assez pris en compte ?
On constate un consensus des acteurs sur les plans de départs volontaires, qui représentent la solution la plus facile – à condition d'avoir suffisamment de volontaires. Le jeu des acteurs de l'entreprise s'accommode de ces formules. Nous avions préconisé de plafonner les indemnités de départ et de réallouer une partie du budget à l'incitation à la reprise d'emploi. Il y a des plans de départs volontaires dans lesquels le droit au congé de reclassement n'est même pas mentionné.
Une voie prend de plus en plus d'importance dans l'accompagnement des plans de départ volontaires ou contraints, c'est la formation de reconversion lourde : le vrai changement de métier. Cette voie est plus facile à mettre en place sur le plan individuel que sur le plan collectif. En effet, au niveau collectif, il faut être sûr que les emplois seront bien là. Il faut identifier les emplois qui vont attirer ces personnes et pouvoir rémunérer l'ingénierie du dispositif mis en place par l'entreprise.
En ce qui la GPEC, on est resté trop statique et pas assez opérationnel. Dans une première étape de sensibilisation, la GPEC permet de faire prendre conscience à tous les acteurs de ce qu'est un emploi sous tension ou un emploi menacé, un emploi en développement ou en risque d'obsolescence à terme. Cette étape de sensibilisation est suivie d'une phase de négociation plus complexe sur l'anticipation des évolutions de métier, les dispositifs de formation, la nature des contrats, la mobilité interne. Ces différents points doivent être articulés avec la base de données unique qui projette les profils des emplois de l'entreprise à trois ans. On pourra grâce à ce dispositif déterminer plus facilement les compétences nécessaires sur les années qui viennent.
Ces questions, qui constituent un véritable enjeu culturel, sont très difficiles à aborder ouvertement au sein de l'entreprise. La volonté des acteurs, qu'il s'agisse des dirigeants, des syndicats, des salariés, joue un rôle essentiel dans la réussite du dispositif.
Il est fondamental que les procédures soient courtes. C'est déterminant pour le retour des salariés au monde du travail. Quelle entreprise va pouvoir embaucher un salarié qui n'a pas travaillé pendant 18 mois ?
Pour la réussite de la revitalisation, une réelle volonté de la puissance publique d'impliquer l'entreprise est déterminante.
Est-ce que le saupoudrage de primes de 2 000 à 4 000 euros par emploi créé constitue une solution ? Il vaudrait mieux exiger de l'entreprise qu'elle s'implique et négocier avec elle de vraies prestations, par exemple la mise à disposition des compétences sur les territoires. Cela vaudrait toutes les aides financières.
En matière de revitalisation, il faut un leader, que ce soit le préfet, le Direccte, un entrepreneur et que le degré d'exigence soit élevé. Il ne s'agit pas seulement de faire payer l'entreprise mais de mettre ses cadres et ses compétences à disposition des territoires.
On pourrait se dire que pour lutter contre le saupoudrage, la réponse est la mutualisation des fonds. Mais ce qui est essentiel à une revitalisation réussie, c'est un projet de territoire porté par des élus leaders, les pouvoirs publics et une entreprise qui adhère à ce projet.
Si on monétise des emplois détruits avec des primes et si le lien avec le territoire est rompu par la mutualisation, alors on encourage le financement de projets non structurants. Les fonds de péréquation déliés de la problématique du territoire constituent une fausse bonne idée.
Si on compare avec ce qui se passe dans d'autres pays, les entreprises françaises sont-elles incitées à payer davantage ou pas ?
Les autres pays n'ont pas de dispositif équivalent. Mais l'Espagne, l'Italie s'intéressent à notre dispositif de revitalisation.
Vous avez souligné l'importance d'avoir un manager pour la revitalisation. Est-ce que la pluralité des acteurs dans les discussions n'a pas un effet néfaste sur l'efficacité des dispositifs qui peuvent être mis en place et sur les délais ?
Tout dépend la façon dont le projet est conduit. Si le leader crée une dynamique, et si les partenaires apprennent à se connaître les résultats peuvent être très intéressants. Les facteurs clés sont l'implication de l'entreprise et le choix du leader. Les résultats sont très contrastés entre les territoires.
Il y a un nouvel arrivant : le commissaire au redressement productif. Il a un mandat qui lui permet d'avoir une lecture transversale.
On côtoie plutôt le commissaire à la réindustrialisation dont le rôle auprès du préfet est d'intervenir sur les grandes réorganisations. Dans les cas récents, on a eu le sentiment que les commissaires au redressement productif étaient davantage préoccupés des difficultés des TPE et des PME et n'intervenaient pas beaucoup dans la négociation des grandes restructurations qui étaient plutôt du ressort du DIRECCTE ou du préfet.
Comment voyez-vous votre interaction sur le terrain avec les services de l'État, sachant que le préfet est très présent dans la phase amont de la convention de revitalisation, puis est relayé par le Dirrecte au niveau de la négociation du contenu de la convention de revitalisation, le préfet étant nécessairement en retrait sur l'engagement des crédits privés ?
Faut-il encadrer la nature des actions sur le territoire qui peuvent entrer dans les conventions de revitalisation ?
Les préfets doivent-ils fixer des obligations de résultats, voire introduire la notion d'intéressement auprès des cabinets pour la re-création d'emplois ou s'en tenir à des obligations de moyens ?
En ce qui concerne les rapports avec la puissance publique, notamment les préfets et les DIRECCTE, nous avons un rôle de conseil auprès des entreprises. Il est important de faire comprendre à l'entreprise qu'une convention de revitalisation n'est pas seulement une négociation financière, mais l'occasion de s'impliquer et l'opportunité de s'ouvrir à son écosystème.
Par rapport au coût des plans sociaux, la contribution à la revitalisation est parfois très faible. Un parallèle doit être fait entre le coût d'un plan social et les sommes fléchées vers un territoire.
L'effet positif d'une revitalisation est extrêmement durable quand l'entreprise a été motrice. Salariés et anciens salariés vivent sur le territoire et sont témoins de la réussite ou non du plan.
Le compteur à emplois ne différencie pas les emplois très structurants des emplois de courte durée ou provisoire. Rien ne contraint le préfet à différencier la qualité des contrats.
La convention de revitalisation doit être une négociation comme l'a prévu le législateur. Mais les DIRECCTE et les entreprises n'ont pas l'habitude de négocier ensemble.
Comment apprécier la qualité d'une convention ? Elle doit porter un projet de territoire et ne pas créer un effet d'aubaine. La convention doit apporter de l'innovation et de la valeur ajoutée au tissu local.
Faut-il allonger la durée des conventions ou réutiliser les fonds ? Quelle est votre pratique dans ce domaine ?
Que pensez-vous de la mutualisation des fonds - la constitution de fonds de fonds -, pour faire face aux moyens importants nécessités par la mutation profonde des filières en restructuration ?
On préconise des actions fortes et l'attribution des aides en priorité aux entreprises qui recrutent des salariés difficiles à reclasser.
Les partenaires sociaux ont du mal à accepter qu'il y ait d'un côté le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et de l'autre la revitalisation. Dans les territoires où la situation est très difficile, on pourrait prévoir que la revitalisation favorise le reclassement des salariés.
Les « fonds de fonds » sont souvent portés par les chambres consulaires ou des collectivités. Une convention de revitalisation ne fonctionne que sur un temps donné. C'est une action coup de poing qui exige des contrôles, des comptes à rendre et un leadership très exigeant.