La séance est ouverte à 17 heures.
Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.
La Délégation procède à l'audition, sous forme de table ronde, de Mme Fatiha Mlati, directrice de l'intégration à France terre d'asile, de Mme Haoua Lamine, avocate, représentante du GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigré-e-s), et de Mme Isabelle Gillette-Faye, sociologue et directrice de la Fédération nationale GAMS (Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants), sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile (n° 2182).
Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi portant réforme de l'asile en recevant aujourd'hui des représentantes d'associations d'aide aux personnes étrangères.
Nous souhaiterions savoir, mesdames, si la France rattrape son retard dans la prise en compte du genre à travers ce texte.
L'association GAMS a été créée en 1982 par des femmes originaires de l'Afrique subsaharienne et des femmes occidentales dans l'objectif de travailler à la prévention des mutilations sexuelles féminines et autres violences faites aux femmes.
Nous avons été interpellés sur la question du droit d'asile à partir de 1991, quand maître Linda Weil-Curiel, présidente de la Commission pour l'abolition des mutilations sexuelles (CAMS), fut saisie par une femme sénégalaise risquant une excision avant le mariage dans son pays d'origine. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Commission de recours des réfugiés (CRR) avaient opposé un refus à la demande, puis le Conseil d'État avait donné son accord, mais sans reconnaître le droit de cette femme à l'asile conventionnel plein et entier.
De 1991 à 2001, dans un contexte de pénurie d'experts francophones sur les violences de genre à caractère coutumier, les pays où la jurisprudence sur l'asile se mettait en place – Suisse, États-Unis, Canada, Australie – nous ont sollicités sur des dossiers. Nous avons alors étudié dans quelle mesure notre connaissance de terrain confirmait ou infirmait le récit des personnes victimes, que nous n'avons pas rencontrées.
En 2001, en l'absence de jurisprudence française, la Commission de recours des réfugiés s'est intéressée aux expertises que nous avions rédigées pour un certain nombre de pays, d'avocats ou d'organismes. Elle nous a alors présenté trois dossiers : celui de la famille Sissoko, qui a fait jurisprudence ; le dossier d'une femme somalienne qui avait perdu sa fille aînée à la suite d'une infibulation et qui souhaitait protéger sa fille cadette ; et un dossier ivoiro-guinéen difficile à défendre. Ces dossiers, pour lesquels nous n'avons pas non plus rencontré les personnes, ont pu être défendus.
De 2001 à 2006, nous avons accompagné des demandeurs d'asile en première instance, mais depuis 2006, vu l'augmentation du nombre de dossiers et le niveau de nos ressources humaines, nous limitons notre travail et nos expertises au stade du recours.
Nous pensions retrouver dans le projet de loi relatif à la réforme de l'asile une grande partie des recommandations sur le genre formulées par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh). Aussi plusieurs questions peuvent-elles se poser selon nous.
D'abord, si les parents peuvent obtenir auprès de la préfecture un droit au séjour en se fondant sur l'asile conventionnel accordé à leur enfant menacé de mutilation sexuelle féminine, ils doivent néanmoins présenter chaque année, pour obtenir le renouvellement de leur titre de séjour, un certificat médical attestant que l'enfant n'a pas été excisé durant l'année passée. Il est vrai que le risque zéro n'existe pas – certains enfants sont même emmenés à Londres ou Bruxelles pour être excisés.
Ensuite, si l'asile conventionnel est accordé à l'enfant, la mère – même si elle a milité contre les violences faites aux femmes, ou a été victime de mutilation sexuelle, d'un mariage forcé précoce ou de tout autre type de violences – n'est plus protégée, car le titre de séjour est moins protecteur que l'asile conventionnel.
Enfin, les textes français séparent toujours les mineurs et les majeurs. Or nous pensons indispensable que le projet de loi soit protecteur à la fois pour les femmes et les petites filles.
Êtes-vous favorable au certificat médical de non-excision pour le renouvellement du titre de séjour ?
Le certificat nous semble essentiel pour l'établissement du dossier, mais nous n'avons pas un avis tranché sur l'examen de contrôle annuel, une fois la protection accordée. Mme Caroline Rey-Salmon, responsable des urgences médico-judiciaires pour enfants et adultes de la ville de Paris, considère que cet examen n'est pas traumatisant. Par contre, des collègues du Comité médical pour les exilés (COMEDE) s'interrogent sur les risques pour des enfants d'être soumis chaque année à un examen gynécologique, sans compter que celui-ci induit un traitement inégal des demandeurs d'asile.
Avez-vous constaté des cas d'excision dans l'année qui a suivi l'octroi de la protection ?
Non. Dans le cadre de notre travail avec les services de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et de l'OFPRA, nous n'avons jamais demandé cet examen médical.
Par contre, des fillettes prises en charge par la protection maternelle et infantile (PMI), de zéro à six ans, et des jeunes filles ont été retirées du système scolaire par leur famille, notamment au moment du passage entre école primaire et collège ou entre collège et lycée, pour être envoyées au pays d'origine, mutilées, mariées de force, avant de revenir en France vers l'âge de dix-huit ou vingt ans.
Tout à fait, de la même manière que l'asile est supprimé en cas de retour avec l'enfant dans un pays que la personne a fui pour avoir déclaré y être en danger.
Connaissez-vous des cas de personnes engagées dans la lutte contre les mutilations sexuelles dans leur pays et qui ont obtenu l'asile ? Il semble que l'OFPRA prenne davantage en compte l'appartenance à un groupe social, plutôt que le combat politique, pour accorder la protection.
L'OFPRA examine les dossiers au cas par cas. Si la personne arrive à faire la preuve de son engagement et des menaces auxquelles elle est exposée, elle a des chances d'être entendue. Sinon, elle le sera probablement devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
Qu'entendez-vous par la nécessité d'une disposition commune aux femmes et aux petites filles ?
La notion de vulnérabilité doit prendre en compte les femmes adultes qui ne peuvent pas retourner dans leur pays car leur fille est menacée d'excision, mais aussi les mineures isolées qui ont quitté leur pays en étant menacées d'excision ou qui ont été excisées et sont menacées de mariage forcé. L'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) doit reconnaître que les petites filles et les adolescentes constituent un public vulnérable.
Je précise que le certificat médical pourra être produit chaque année sans trop de difficultés tant que la jeune fille sera mineure. Par contre, une jeune femme ayant obtenu l'asile devra théoriquement présenter le certificat même après sa majorité, car aucune limite dans le temps n'est fixée par le texte.
Vous voulez dire que leurs droits en tant qu'enfant devraient être reconnus dans le texte.
Tout à fait. Selon le projet de loi, la situation de vulnérabilité, qu'elle soit liée à la minorité ou à une situation particulière, doit être prise en compte dans la mise en oeuvre des droits des bénéficiaires d'une protection. Or, comme acteurs de terrain, nous constatons que cette vulnérabilité est difficile à établir pour les filles, soit parce qu'elles sont considérées comme majeures, soit parce qu'elles sont reconnues comme mineures et que le risque d'excision ou de mariage forcé est alors difficilement entendu.
Actuellement, soit elles sont reconnues comme mineures, et leur cas n'est pas traité au regard des mutilations ou des mariages forcés ; soit elles sont considérées comme majeures et victimes des violences spécifiques faites aux femmes, mais leur statut d'enfant n'est pas pris en compte ?
Exactement.
Le GISTI a élargi ses combats et changé de nom – le terme « travailleurs » a disparu de son appellation. Il est une association spécialiste du droit des étrangers.
Le projet de loi institue une attestation de demande d'asile commune à toutes les personnes qui sollicitent la protection. Or le droit au séjour actuel donne accès à de nombreux droits – couverture maladie universelle, ouverture d'un compte, perception de l'allocation de subsistance, scolarisation. La question est donc de savoir si cette attestation ouvrira les mêmes droits.
Ensuite, le projet de loi substitue à la procédure prioritaire actuelle la procédure accélérée. Or des situations justifient un examen spécifique de la demande sur la base soit de la présomption légale, soit d'une appréciation laissée à la discrétion de l'administration. Les personnes qui, sans raison valable, n'auront pas présenté une demande d'asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de leur entrée en France, pourront donc faire l'objet de cette procédure accélérée, alors que celle-ci présente moins de garanties – ce qui posera problème, par exemple, si la femme met au monde une fille risquant l'excision.
Le projet de loi prévoit également la présence d'un tiers lors de l'entretien devant l'OFPRA. Selon nous, cette disposition devrait être encadrée de plusieurs manières. D'abord, le demandeur d'asile devrait être libre d'être assisté ou non lors de l'entretien, et le tiers avoir la possibilité d'intervenir lors de cet entretien. Nous recommandons également la transcription par écrit de l'entretien et la possibilité pour le demandeur ou le tiers accompagnant d'apporter immédiatement des commentaires, afin de rectifier certains points. Cela n'exclut pas la possibilité de procéder en parallèle à un enregistrement pour permettre à la personne de revenir sur certains points durant l'entretien. En outre, au nom du respect de l'égalité de traitement, le texte devrait préciser clairement que l'aide sera apportée soit par un membre d'une association, soit par un avocat, mais également prévoir la prise en charge de ce tiers, en particulier l'aide juridictionnelle en cas de recours à un avocat. Enfin, cette réforme devrait renforcer les exigences en matière de formation et d'encadrement des interprètes à l'OFPRA, notamment sur les questions liées au genre.
Par ailleurs, le projet instaure la possibilité pour l'OFPRA de demander un certificat médical lorsqu'une protection a été accordée à une mineure exposée à un risque d'excision. Certes, le risque zéro n'existe pas. Néanmoins, si l'article 18 de la directive 201332UE prévoit un examen médical, il précise que cet examen a lieu sous réserve du consentement du demandeur, qu'il doit être réalisé par un professionnel de santé qualifié, et que le refus de se soumettre à un tel examen n'empêche pas l'autorité responsable de prendre une décision sur la demande de protection internationale. Je ne suis donc pas certaine que le certificat médical soit la bonne solution : des séances d'information et de sensibilisation me semblent préférables au contrôle. À mon sens, l'exigence d'un certificat médical pourrait aboutir à une systématisation, dénoncée par plusieurs associations, sans compter qu'elle engendrerait une confusion entre médecine de soins et médecine de contrôle. Au final, plusieurs questions se poseront. Comment éviter le traumatisme d'un examen systématique et la stigmatisation d'une catégorie de personnes ? Comment garantir une procédure sans la coopération du demandeur ?
Enfin, la notion de vulnérabilité est corrélée dans le projet de loi avec l'adaptation des conditions d'hébergement, à la prise en charge matérielle et aux garanties procédurales spécifiques. C'est ainsi que la qualification de personne vulnérable pourrait avoir pour un demandeur d'asile des conséquences importantes en termes d'accès aux droits. Or la reconnaissance de la vulnérabilité ne doit ni induire une discrimination entre les demandeurs d'asile, ni avoir pour conséquence de renfermer certains d'entre eux dans une catégorie et donc de les stigmatiser.
Par rapport à d'autres pays européens, on reproche à la France de ne pas suffisamment prendre en considération le genre, et notre Délégation cherche à améliorer ce texte pour les femmes.
Je suis d'accord, mais je tenais à souligner ce risque d'enfermement – dans le même esprit que ce que vous suggériez tout à l'heure sur le fait que les femmes prises individuellement devraient être reconnues dans leur combat politique contre les violences, et non pas seulement à l'aune de leur appartenance à un groupe social.
La notion de vulnérabilité soulève plusieurs autres interrogations. Quelle sera la forme de l'examen de la vulnérabilité mis en place par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) – questions, questionnaire, etc. ? Quelle qualification sera requise pour les professionnels en charge de cet examen ? Et de quelle manière sera évaluée cette vulnérabilité – par une administration ou des professionnels de la santé ?
Fondée en 1970, France Terre d'Asile est gestionnaire de 3 500 places en centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) et gère des plateformes d'accueil, notamment la plus importante à Paris.
La réforme du droit de l'asile – très attendue des acteurs – pose quatre principes : une simplification administrative, avec la fin de la domiciliation notamment ; une réduction du délai de procédure, ramené à neuf mois ; une amélioration de la qualité de la décision, notamment en première instance, avec la présence d'un tiers et l'examen de la vulnérabilité ; et l'hébergement pour tous les demandeurs d'asile, avec la fusion des CADA et du dispositif d'urgence.
Si France terre d'asile adhère pleinement à ces principes, que nous défendons depuis de nombreuses années, j'émettrai cependant deux réserves.
La première porte sur le budget consacré à l'asile pour 2015, certes en hausse de 1,3 % parce qu'il prévoit la création de 55 postes à l'OFPRA, mais il ne comporte aucun centime d'euro pour la fusion à terme des CADA avec l'hébergement d'urgence. Or le prix de journée en CADA ne cesse de baisser depuis 2008 et nous craignons que la qualité de l'hébergement et de l'accompagnement de ce dispositif – qui a permis jusqu'à aujourd'hui aux personnes de faire valoir leurs droits – ne puisse plus être assurée.
Notre seconde réserve concerne la notion de vulnérabilité. À notre sens, la France rattrape ainsi son retard, mais pas suffisamment car cette avancée est en deçà de la Convention d'Istanbul, ratifiée par la France, qui demande aux États de s'engager à reconnaître la persécution liée au genre.
La loi espagnole, par exemple, a introduit depuis plusieurs années la persécution liée au genre comme motif justifiant l'octroi du droit d'asile. En France, l'OFPRA prend en considération l'appartenance à un groupe social.
L'exposé des motifs fait référence aux directives européennes, mais pas à la Convention d'Istanbul.
Le ministère de l'intérieur nous a informés du lancement de groupes de travail sur les modalités de mise en oeuvre de la réforme, en particulier sur l'identification de la vulnérabilité. Depuis quinze ans, le dispositif national d'accueil est configuré essentiellement pour les familles, puisque le nombre de places dans les centres d'accueil est restreint. Aujourd'hui, il faut affiner le repérage des personnes les plus fragiles qui ont subi des persécutions soit dans leur pays, soit en venant en Europe, soit sur notre sol du fait des conditions d'accueil, comme les hôtels en dehors des villes, où sévissent des réseaux de prostitution. Or le texte ne dit rien sur l'identification de ces vulnérabilités, sans compter qu'il ne définit pas cette notion. Pourtant, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) en a donné une définition très claire, qui satisfaisait entièrement le milieu associatif en étant parfaitement en phase avec la réalité sur le terrain. Nous pensons donc que le projet de loi doit définir clairement la vulnérabilité, car la loi est un garde-fou contre les dérives en termes de pratiques sociales.
Le texte indique que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) procédera à un examen individuel de chaque demande, mais nous sommes sceptiques sur la capacité de celui-ci à remplir ce rôle d'identification des vulnérabilités. Le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile n'a jamais prévu de protocole d'alerte et de mise à l'abri des femmes victimes de violences, d'où la nécessité d'une concertation entre le ministère de l'intérieur et les autres ministères en charge de ces questions afin d'assurer une protection efficace.
Jusqu'à aujourd'hui, les réfugiés ont bénéficié d'un régime dérogatoire favorable, mais la procédure de rapprochement familial est très longue, ce qui peut générer des violences conjugales car l'époux qui vient rejoindre sa femme trois à cinq ans après l'arrivée de celle-ci en France ne la reconnaît plus – elle parle français, elle travaille, etc. Or le projet de loi codifie pour la première fois le rapprochement familial des demandeurs d'asile, en prévoyant que le ressortissant étranger peut demander à être rejoint par son conjoint si le mariage est antérieur à la date d'obtention de la protection. Par conséquent, les personnes qui se marieront après l'obtention de leur statut devront faire venir leur famille dans les mêmes conditions de ressources et de logement que le regroupement familial de droit commun. Mais dans la mesure où il faut en moyenne trois à cinq ans à un réfugié pour se stabiliser sur le plan social et économique, cela reviendra à reculer encore plus la possibilité de réunification familiale et donc à maintenir les violences intrafamiliales. Il est donc dommage de toucher à la procédure du rapprochement familial des bénéficiaires du statut de réfugié en vigueur.
Pouvez-vous nous parler de la problématique du récit ? Dans ma circonscription, une association a fait un excellent travail en la matière, mais ses crédits ont été supprimés par la préfecture.
En pratique, les personnes s'adressent soit aux plateformes d'accueil pour demandeurs d'asile – celle de Paris a une file active de 7 000 personnes –, soit à des associations communautaires ; d'autres demandent de l'aide à des compatriotes, etc. Le nombre de places en CADA est de 24 000 en France, et il est rare qu'un demandeur d'asile ait la chance d'être admis immédiatement dans un tel centre, où il bénéficiera d'un appui juridique. La plupart des personnes sont accueillies dans les dispositifs d'urgence, donc à l'hôtel, sans accompagnement.
À un horizon de deux à trois ans, l'OFII accueillera tous les demandeurs d'asile, ce qui signifiera la fin des plateformes gérées par les associations, et les personnes seront orientées vers le dispositif d'hébergement avec un pilotage commun entre CADA et hébergement d'urgence.
Selon nous, séparer l'accompagnement et l'hébergement est un contresens. En effet, héberger les personnes permet de les connaître, de créer du lien social, et donc de favoriser le récit dans de bonnes conditions. En outre, le prix de journée CADA baisse inexorablement depuis plusieurs années, et les crédits affectés à l'interprétariat chutent dans le budget 2015. Aussi la question est-elle de savoir comment garantir une procédure accélérée qui soit juste et équitable.
Au stade du recours, il nous arrive de nous apercevoir que ce qui a été transcrit ne correspond pas à ce qu'a dit la personne. En effet, certains interprètes ne partagent pas le point de vue des femmes victimes de violences ou n'ont pas envie d'entendre parler de leur pays de telle ou telle manière. D'où l'importance d'encadrer la disposition sur l'intervention d'un tiers.
Malheureusement, les modalités d'agrément des associations ne sont pas prévues dans le projet de loi, mais sont renvoyées à un décret d'application.
Il existe un dispositif d'urgence de droit commun et un dispositif asile. Logiquement, le SAMU social ne prend pas en charge les demandeurs d'asile.
Dans ma commune, il semble qu'un accord ait été passé entre le SAMU social et un hôtel pour dix-sept familles qui demandent l'asile. Mais je vérifierai ce point.
Vous n'avez pas parlé des femmes victimes de la traite des êtres humains en vue de la prostitution.
En lien avec les associations l'Amicale du nid et Les amis du bus des femmes, nous rencontrons de plus en plus de femmes nigérianes victimes à la fois de la traite et de la prostitution et de mutilations sexuelles.
Les femmes que nous rencontrons sont dans un processus de sortie de la prostitution, et elles demandent l'asile pour protéger leurs enfants ; c'est ainsi qu'elles nous sont présentées par les associations partenaires. Nous n'accompagnons pas celles qui sont encore dans les réseaux.
La question se pose de savoir si les réseaux de traite et de prostitution n'utilisent pas l'asile comme un moyen de régulariser la situation de ces femmes, soit momentanément avec un titre de séjour provisoire, soit définitivement grâce à l'asile conventionnel plein et entier, afin de les maintenir dans la prostitution.
Au niveau de la plateforme parisienne, nous voyons énormément de situations de ce type, et nous avons mis au point avec une association un protocole d'identification et d'accompagnement pour aider ces femmes.
Sur la question du genre et des violences, le projet de loi ne donne aucune ligne directrice aux acteurs, qu'ils soient institutionnels ou associatifs. Or il est temps que la loi prévoit que leur action s'inscrit dans le cadre d'une politique publique de prévention, de suivi et d'évaluation.
Pour les victimes de la prostitution, nous avons un dispositif d'hébergement parisien, type CHRS (centre d'hébergement et de réinsertion sociale), qui accueille 20 % de femmes sorties des réseaux de la traite, orientées essentiellement via le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) insertion et le Bus des femmes. La décision de sortir de la prostitution se fait le plus souvent à suite de la naissance d'un enfant.
Le projet de loi prévoit que le demandeur est entendu dans la langue de son choix, sauf s'il existe une autre langue qu'il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement. Il est délicat de maintenir cette disposition car l'officier pourrait alors décider discrétionnairement l'utilisation d'une autre langue. Il faudrait prévoir l'intervention systématique d'un interprète professionnel.
Le projet de loi prévoit que les demandeurs d'asile seront répartis sur le territoire. Qu'en pensez-vous ?
Les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et les dispositifs d'urgence existent dans tous les départements, sauf la Corse. Les statistiques montrent que, depuis cinquante ans, les demandes d'asile concernent dans leur grande majorité l'Ile-de-France – Paris, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Essonne. Aujourd'hui, les pouvoirs publics souhaitent orienter les demandeurs d'asile pour leur offrir un hébergement, mais cela ne changera rien à la mobilité de ces derniers.
En effet, se posera, d'abord, l'épineuse question des déboutés.
Ensuite, la procédure de neuf mois encouragera les gens à revenir en Île-de-France. En effet, des délais de procédure longs amènent naturellement les gens accueillis dans les CADA à créer des liens sociaux, notamment en s'impliquant dans des associations caritatives, si bien que, une fois le statut obtenu, ils s'installent à l'endroit où ils sont intégrés. Une procédure accélérée ne permettra pas cette insertion locale, c'est un effet pervers du projet de loi.
Enfin, se posera la question des gens qui ne pourront pas aller dans la région désignée pour des raisons médicales, des certificats médicaux attestant qu'ils doivent être soignés dans un hôpital d'Île-de-France.
Je connais le cas d'une famille qui a demandé l'asile en Pologne et en France, et qui a été renvoyée en Pologne en application de la procédure de Dublin. Les obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont toujours un drame.
Pouvez-vous nous parler des mineurs isolés étrangers ?
En raison de l'ampleur du phénomène en Seine-Saint-Denis et à Paris, la circulaire Taubira de mai 2013 a prévu la répartition sur le territoire national des mineurs isolés demandeurs d'asile. Cela doit se faire en association avec les collectivités territoriales.
Pour être conseillère générale, je peux vous dire que les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ne sont absolument pas préparés à la prise en charge des mineurs isolés – et encore moins à repérer les situations de prostitution chez ces mineurs isolés !
Je ne dis pas qu'il ne faut pas répartir les demandeurs d'asile, je dis qu'il faut aller jusqu'au bout de la réforme pour qu'elle soit cohérente.
Effectivement, aucune directive claire n'a été donnée dans les départements sur la problématique des mineurs isolés. Nous constatons le problème dans le Limousin et en Mayenne.
L'admission au séjour des demandeurs d'asile est régionalisée depuis 2009. Le projet de loi confie le premier accueil à l'OFII, mais nous ne savons pas comment il pourra assurer concrètement cette mission.
La séance est levée à 18 heures 30.