Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 8 février 2017 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 8 février 2017

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

La commission des Affaires culturelles et de l'Éducation procède à l'audition de Mme Sandrine Doucet pour la présentation de son rapport sur « les territoires de l'éducation artistique et culturelle », remis au Premier ministre le 25 janvier 2017.

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J'ai à mes côtés ce matin notre collègue Sandrine Doucet, à laquelle j'ai demandé de bien vouloir nous présenter le rapport qu'elle vient de remettre au Premier ministre sur l'éducation artistique et culturelle (EAC). Il nous a en effet semblé important d'échanger avec elle sur ce sujet au coeur des attributions de notre commission, mais qui est aussi une priorité de politique publique, notamment dans le domaine culturel, si l'on veut élargir le public existant et en gagner de nouveaux.

Je salue également la présence ce matin de MM. André Santelli, expert auprès du secrétariat général du ministère de la Culture et de la Communication, et Philippe Galais, inspecteur général de l'Éducation nationale, qui ont travaillé à ses côtés et fourni un appui solide.

Votre rapport, chère Sandrine Doucet, vient conclure une mission de six mois au cours de laquelle, notamment au travers de huit déplacements en régions, vous êtes allée à la rencontre de quelque 300 acteurs de l'EAC sur le terrain : équipes pédagogiques, artistes, élus etc., afin, tout à la fois, d'identifier les bonnes pratiques en la matière et de déterminer les obstacles ainsi que les moyens de les surmonter.

Votre travail a alimenté la définition de la politique interministérielle en faveur de l'éducation artistique et culturelle qui a été présentée en conseil des ministres à peine quelques jours après la remise de votre rapport, le 1er février dernier par les ministres de l'Éducation nationale, de la Culture et de la Communication, et de la Ville, de la jeunesse et des sports.

La remise de votre rapport constitue l'occasion pour notre Commission de s'interroger sur le bilan de l'actuelle législature en matière d'EAC, sujet sur lequel nous avons été particulièrement actifs : la loi de refondation de l'école de la République de juillet 2013 a mis en place le parcours d'éducation artistique et culturelle (PEAC), que plusieurs textes réglementaires sont venus définir précisément ; la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine de juillet 2016 a réaffirmé la place de l'EAC au sein des objectifs de la politique de service public en faveur de la création artistique ; nous avons par ailleurs voté des budgets de la culture faisant une part belle à l'EAC, dont les crédits sont passés de 31 millions d'euros en 2012 à 64 millions en 2017, soit un beau doublement. Tous ces éléments traduisent une volonté politique forte de notre majorité en faveur de l'EAC.

Je pense que beaucoup de questions vous seront posées sur la grande hétérogénéité des situations sur le terrain. L'idée est de tirer le meilleur des expériences sur certains territoires, pour en faire bénéficier d'autres et assurer ainsi une « mise à niveau ».

Nous considérons aussi que les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) jouent un rôle essentiel, notamment pour déployer une offre de formation en matière d'EAC. Avez-vous noté quelques exemples de bonnes pratiques qu'il serait utile de généraliser ? Notre Commission a déjà adopté un rapport sur l'évaluation du système de formation des enseignants que nous avons remis en place.

Enfin, il faut un réel effort d'évaluation de la qualité du contenu de ces actions d'EAC, auquel vous apportez une contribution précieuse, en formulant des recommandations particulières visant à généraliser une démarche vertueuse d'évaluation partout sur les territoires.

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La mission dont est issu ce rapport aura duré six mois. Dans une lettre de juillet 2016, le Premier ministre m'a demandé d'évaluer l'établissement du parcours d'éducation artistique et culturel (PEAC). L'enjeu en est la lutte contre l'inégalité, priorité du quinquennat, à travers la question de savoir comment favoriser l'accès de tous à la culture.

Lors de la préparation du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, en 2013, j'avais pu voir comment le cadre de vie conditionne les pratiques artistiques et culturelles. Le PEAC est décrit par une circulaire de mai 2013, l'accès à la culture étant désormais inscrit dans la loi.

La charte relative à l'EAC a été élaborée par le Haut Conseil de l'EAC. J'ai remis mon rapport au Premier ministre le 25 janvier. Le Haut Conseil l'a examiné le 30 janvier. Puis le sujet a été inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres de la semaine dernière.

Le PEAC peut être un outil favorable à cet élan démocratique ? L'histoire des politiques culturelles est liée à celle de la Vème République. Nous célébrons ces jours-ci les quarante ans du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou mais le centre d'art contemporain de Bordeaux a aussi fêté les siens, signe de la farouche bataille qui opposait autrefois les premiers ministres successifs sur le thème de la culture.

Les années 1980 ont vu l'éclosion d'autres lieux culturels en région, pionniers de la démocratisation. Se pose aujourd'hui la question de la relève pour ces institutions, qui sont autant de buttes témoins de notre temps culturel.

L'article 10 de la loi de refondation de l'école de la République de 2013 fait de l'EAC un enseignement à part entière. Des dispositions sont également contenues dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine de 2016. Les lois territoriales sur les métropoles et sur la nouvelle organisation territoriale de la République de 2015 ont par ailleurs précisé les contours d'une compétence générale en matière culturelle.

L'EAC est conditionnée par une nouvelle approche des rythmes d'apprentissage : on apprend dans l'école, mais aussi hors d'elle. La circulaire de mai 2015 a défini les parcours d'EAC, en précisant qu'ils se construisent sur des pratiques, des connaissances, des rencontres jalonnant un temps étiré.

Une première version de la lettre de mission que j'ai reçue m'invitait à me concentrer sur l'action menée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Mais j'ai très vite voulu élargir mon investigation à d'autres espaces assez dépourvus en matière d'offre culturelle. Notre objet a en effet été la lutte contre les inégalités.

Nous avons ainsi effectué huit visites hors de l'Assemblée nationale, à Strasbourg, Perpignan, Bordeaux, Pantin, l'Aigle, Blois, l'Isle d'Abeau et Aurillac. Nous avons rappelé à nos interlocuteurs que leur parole était libre. Il s'agissait de faire un point sur les bonnes pratiques, mais il était tout à fait possible de nous déclarer que l'on ne savait rien des PEAC. À vrai dire, beaucoup les pratiquaient déjà, mais simplement sans le savoir.

Les réunions organisées ont fait la preuve de la nécessaire concertation entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés, qui ont pu, à cette occasion, découvrir une nouvelle méthode. Notre journée-type se partageait entre une demi-journée consacrée à la mise en oeuvre des PEAC dans le territoire, et une demi-journée consacrée à la réussite des expériences menées sur le territoire visité.

Nous avons retrouvé quelques constantes. D'abord, il nous semble nécessaire de se retrouver pour dialoguer. Ensuite, le temps a laissé des structures pionnières vieilles de trente ou quarante ans, vaisseaux amiraux des pratiques artistiques et culturelles dans les territoires ; il nous a semblé qu'ils concentraient les pratiques mais étouffaient aussi parfois d'autres initiatives, en drainant vers eux les soutiens publics. Nous avons vu en tout cas deux belles expériences, la Casa Musicale à Perpignan, installée au centre-ville – qui constitue dans cette ville un quartier prioritaire –, et, à Strasbourg, le groupement d'intérêt public dénommé « Action culturelle en milieu scolaire d'Alsace » (GIP – ACMISA), qui fonctionne quant à lui plutôt comme un guichet.

D'une manière générale, les pôles qui existent déjà ont tendance à capter les subventions au détriment des autres. La coopération entre les DRAC et les délégations académiques aux arts et à la culture (DAAC) posent aussi parfois problème.

J'en viens aux préconisations du rapport. Elles sont au nombre de trente, organisées selon deux axes. D'abord, nous voulons bâtir le PEAC en commun, selon une vision ascendante, qui s'inspire des bonnes pratiques sur le terrain. Ensuite, nous voulons favoriser l'égalité territoriale, grâce à un État stratège qui la garantit, en suivant une vision descendante. Dans cette perspective, le Premier ministre et les comités interministériels exercent leur influence jusqu'au niveau des établissements publics intercommunaux (EPCI), à travers la définition de contrats locaux.

Notre idée reste cependant de ne pas ajouter à l'existant en matière de pilotage et de structures. Deux points forts reviennent régulièrement dans les préoccupations : la formation des enseignants et des artistes ; le nécessaire pilotage par l'État qui, même s'il respecte les projets locaux, s'affirme comme le garant des luttes contre l'inégalité.

En conclusion, comment conjuguer la volonté politique qui s'exprime depuis 2012 avec les volontés qui s'expriment sur chaque territoire ? La volonté de plusieurs ne saurait faire office de volonté commune. La volonté politique doit s'exprimer pour faire de l'EAC une politique à part entière garantissant l'accès de tous à la culture, concourant ainsi à trois priorités du quinquennat : la jeunesse, la culture et la lutte contre les inégalités.

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C'est par un rapport sur l'un des plus beaux et plus importants sujets que nous ayons traités au cours de cette législature que nous achevons – presque ! – les travaux de cette commission.

L'éducation artistique et culturelle est un pont entre les générations, les catégories sociales, elle développe la créativité, l'imagination, la maîtrise de la discipline, tout en faisant appel à l'intelligence collective. Elle permet la valorisation de notre patrimoine tout en incitant les acteurs culturels à travailler main dans la main.

Il faut rendre hommage à votre choix de concentrer votre analyse sur les territoires les plus éloignés de l'offre culturelle, à savoir les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les territoires ruraux et périurbains, parfois perdus de vue par les décideurs.

Vous le dites, une reconnaissance législative a été obtenue pour l'EAC dans la loi de refondation de l'école de la République, qui inclut l'EAC dans le socle commun de connaissance et consacre les parcours d'éducation artistique et culturelle (PEAC), mais également dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, et enfin dans la Charte pour l'éducation artistique et culturelle signée l'été dernier.

Vous l'avez rappelé, nous pouvons nous réjouir du fait que les moyens consacrés à l'EAC ont augmenté, passant de 32 millions d'euros en 2012 à 64 millions en 2017. À tel point que, comme vous l'écrivez, 50 % des enfants devraient bénéficier au moins d'une action en matière d'EAC « financée directement » cette année.

Mais l'État doit continuer à mettre davantage de moyens pour la généralisation de l'EAC dans les territoires. Comme 92 % des établissements possèdent déjà une chorale scolaire, j'avais proposé, dans mon rapport pour avis sur le budget de la culture en 2017, de développer les opérations « Orchestre à l'école » et « Fabrique à Chanson » afin que chaque enfant, à la fin de son parcours scolaire, ait pu faire l'expérience d'un processus de création musicale. Que pensez-vous d'une telle proposition ?

Nous disposons déjà d'outils très efficaces sur notre territoire, parfois insuffisamment aidés. Je pense notamment à la Confédération musicale de France (CMF), réseau de pratique musicale le plus important du pays, qui fait un travail remarquable en matière d'EAC. Il faut les aider à accomplir ces missions de service public, notamment en ce qui concerne le projet de relance de leur orchestre national dont le répertoire s'inscrit pleinement dans le patrimoine musical de notre pays.

Vous avez raison d'insister, dans votre proposition 14, sur la formation au sein des ESPE, mais aussi la formation croisée et multi-catégorielle des différents acteurs qui concourent au PEAC. Je souhaiterais savoir si vous avez pu échanger avec les directions des ESPE et si vous avez bon espoir qu'une formation initiale à l'EAC soit rapidement mise en oeuvre.

La proposition 12 de votre rapport vise à « promouvoir la place des animateurs et l'action en région des fédérations d'éducation populaire ». J'avais moi-même proposé que ces fédérations soient directement chargées de la formation des animateurs sur les temps d'activité périscolaires, alors pourquoi pas, de manière plus large, en matière d'EAC ? Que pensez-vous de cette idée ?

Je trouve également particulièrement intéressante l'idée de développer, notamment dans les collèges, des espaces de rencontre avec les oeuvres et les artistes. Quand vous écrivez que « dans ces secteurs cibles, toute construction ou rénovation d'un établissement scolaire devrait intégrer un espace d'art et de culture », je pense en effet immédiatement à l'idée du 1 % culturel que nous sommes nombreux à avoir défendue ici.

Quant au dispositif « Création en cours » dont vous parlez, je me suis renseigné sur le site internet du ministère et, à première vue, il laisse totalement de côté les activités musicales. Pouvez-vous m'en dire plus sur le rôle de la musique au sein de « Création en cours » et, plus largement, de la politique du ministère en faveur de l'EAC ?

Je voudrais enfin dire mon inquiétude quant aux diplômes des métiers d'art (DMA), qui sont proposés aujourd'hui par des lycées à Bac + 2. Il semblerait que le ministère de l'Education nationale souhaite aligner ce diplôme sur le dispositif LMD. Il passerait donc à Bac + 3 et ne pourrait peut-être plus être proposé par des lycées, mais seulement par des établissements d'études supérieures. Je trouve cela inquiétant, car cela éloignerait ce type de formation aux métiers d'art des quartiers prioritaires de la ville. En attendant, il semblerait que le ministère, en cours de réflexion, tend à dissuader les lycées demandeurs de nouveaux DMA. Auriez-vous des informations à ce sujet ?

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Je constate que votre rapport est imprégné de l'expérience du terrain. Sans conteste, le vécu est là. La jeunesse doit prendre conscience de l'offre patrimoniale et culturelle existante.

Le grand nombre d'acteurs du monde artistique et culturel fait l'objet de recommandations du rapport : les diverses entités – ministère, préfectures, départements, rectorats, établissements scolaires, associations… – doivent joindre leurs efforts pour mener à bien ces politiques. La multiplicité des parties prenantes pose de nombreux défis de coordination. Il est notamment essentiel de bien définir les rôles et responsabilités de chacun, pour éviter les incompréhensions, préjudiciables à l'efficacité et à l'efficience. Existe-t-il une feuille de route clarifiant ces responsabilités ?

S'agissant du rôle de l'État et des grandes régions, comment sont évaluées les forces et les faiblesses de l'environnement où s'inscrivent les établissements scolaires ? Les directives d'en haut risquent parfois d'empêcher la définition d'une politique artistique et culturelle autonome et en prise sur la réalité du terrain.

Les établissements scolaires performants en EAC doivent être valorisés. Leur action serait, selon votre rapport, évaluée par les services académiques « en vue d'une valorisation ». De quoi s'agit-il ? Quels seraient les critères retenus ?

Le 22 janvier dernier, j'ai assisté, à l'espace Pamina situé à la frontière franco-allemande, à la remise de la collection de fossiles de Nérée Boubée, qui avait été pillée en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Une famille de Hambourg l'a récemment restituée. Je crois qu'un événement de ce genre offre un beau point de départ pour des actions d'EAC.

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Avant de débuter mes propos, permettez-moi de saluer le travail accompli sur le terrain par tous les acteurs en faveur du développement de l'éducation artistique et culturelle. Depuis ces trente dernières années, notre pays relève le défi de l'accès de tous à l'éducation et au savoir et nous avons chacun pour ambition que les enfants découvrent et se forment au champ des arts et de la culture.

Notre collègue Sandrine Doucet a pu constater la multiplicité des projets conduits dans les territoires les plus fragiles de notre République : les quartiers de la politique de la ville et les territoires ruraux et périurbains les plus éloignés de l'offre culturelle. Nous avons à présent une image précise des avancées réalisées et des voies d'amélioration possibles.

L'éducation artistique et culturelle était un des rares points de consensus lors de l'examen du projet de loi de refondation de l'école de la République. Et, parce que nous connaissons l'importance du soutien à la démocratisation culturelle et à l'éducation artistique et culturelle pour la cohésion de notre société, nous ne pourrons oublier la baisse drastique de ces crédits lors des deux premières années du quinquennat.

À présent, l'enjeu, et vous l'avez bien défini, est d'améliorer le pilotage et la coordination au plus près des territoires, avec l'ensemble des acteurs concernés, en s'appuyant notamment sur le parcours d'éducation artistique et culturelle.

Si nous souscrivons tous au développement de cette politique, on constate que la façon dont les choses s'organisent localement est parfois un peu confuse tandis que les moyens se réduisent. Le rapport souhaite conforter l'État dans son rôle stratège, notamment pour servir l'équité territoriale, mais n'oublions pas que les collectivités territoriales doivent aussi être pleinement reconnues pour la place qu'elles tiennent dans notre vie culturelle.

Vous faites de nombreuses recommandations pour renforcer la coordination à l'échelle locale mais quelles sont les mesures prioritaires à mettre en place ?

Enfin, comment s'articulent désormais la notion d'éducation artistique, qui recouvre la sensibilisation permanente aux arts et à la culture à travers un ensemble de disciplines, et celle d'enseignement artistique, qui recouvre une formation plus technique et approfondie à l'utilisation d'un instrument par exemple, dispensée notamment dans les établissements spécialisés, type conservatoires ou écoles de musiques ? Est-ce qu'une continuité est assurée depuis la sensibilisation jusqu'à la formation des futurs amateurs ou professionnels ?

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L'éducation artistique et culturelle auprès des jeunes est un soutien et un prolongement de l'enseignement des fondamentaux. Elle permet une ouverture, une respiration, une valeur ajoutée et la perspective d'un partage dans des domaines où on peut aimer ce qu'on fait et faire ce qu'on aime. Et aimer en montrer le résultat. Comme vous le rappelez, la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine est venue justement confirmer la place de choix à accorder à l'EAC.

J'acquiesce absolument à votre insistance sur la nécessité de privilégier en premier lieu ceux qui ne se trouvent pas a priori proches des offres culturelles et artistiques. D'ailleurs, l'intitulé de votre rapport ne laisse aucun doute sur votre intention.

Dans l'objectif de la mission qui vous a été confiée par le Premier ministre, étaient inscrites l'observation de l'étape conceptuelle et celle de l'étape réalisée de projets figurant dans le parcours de l'EAC. Précisément, cette observation s'est faite sur une palette de nos territoires : urbains, ruraux et en quartiers prioritaires. Car c'est bien partout que les carences culturelles se logent et c'est partout que le risque est grand du repli sur soi, de la défiance.

L'équité territoriale en tous domaines est un point sur lequel nous ne devons pas faillir. Comme l'indique votre rapport, 64 millions d'euros seront investis en 2017 pour l'EAC par le ministère de la Culture, soit plus du double qu'en 2012. Ainsi 50 % d'enfants bénéficieront de l'EAC et s'inscriront dans le cadre du parcours y afférant. C'est bien, cela encourage à faire mieux et davantage, non seulement à l'école mais en dehors de l'école.

J'aurais une question portant en particulier sur le plan local, sur un même territoire et dans un cadre hors scolaire de l'EAC. Comment et quels circuits pourraient-on établir pour davantage d'exportations de la culture et des pratiques artistiques des centres urbains vers les parties périphériques et les zones rurales encore trop souvent délaissées. Car on le voit bien : en l'état, c'est plutôt le phénomène inverse qui s'exerce. Ce sont encore les habitants éloignés des coeurs de ville qui doivent se déplacer, ce qui n'est pas toujours ni simple, ni incitatif.

J'adhère à votre proposition d'une nouvelle rédaction du texte régissant le PEDT, une coordination centralisée et la mise à disposition d'une personne ressource pour une meilleure cohérence des projets sur un plan local. J'approuve aussi l'idée d'un contrat pluriannuel de territoire pour le parcours d'éducation artistique et culturel.

Il est un aspect auquel vous accordez une place importante, c'est celui de la formation de ceux qui encadrent les jeunes. Je veux parler, tout comme vous, de l'ensemble des temps des jeunes, « intra », « péri » ou « extra-scolaire ». J'ai, comme beaucoup d'entre nous, entendu les reproches qui ont pu être faits concernant le savoir-faire et la maîtrise des « animateurs » – choisissons un mot générique. Il est vrai que concernant le temps périscolaire, on pourrait parfois se montrer plus exigeant, mais évidemment cette exigence ne peut que s'assortir de continuité, de concertation à tous les échelons – nationaux, territoriaux, académies, instances culturelles. L'exigence requiert aussi une implication financière ad hoc et une formation qui allie apprentissage de la pratique, découverte et pédagogie.

Concernant les bibliothécaires, par exemple, nous avons eu l'occasion, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, de signaler l'intérêt de reconsidérer les formations et profils de ces professionnels qui ont contribué à l'évolution extraordinaire du métier. Ils sont un maillon de l'EAC.

Concernant les enseignants, je partage votre conviction qu'ils doivent avoir accès à une formation initiale et continue non seulement dans leurs champs de compétence sur les fondamentaux, mais également dans ceux de l'EAC. Car il ne s'agit pas seulement de savoir être inventif en matière d'enseignement artistique par exemple, il convient aussi de maîtriser des pratiques.

Concernant les contributions des étudiants de conservatoire pour des animations musicales, ou celles d'étudiants en arts plastiques et graphiques, il est nécessaire aussi d'insister sur la partie pédagogique dans les formations.

Et, pour finir, les artistes qui, on le voit, sont parfois fortement investis dans des ateliers de pratiques diverses : théâtre, musique, cirque…, peuvent transmettre le goût, le savoir-faire, le travail et la satisfaction du résultat et, là encore, la partie pédagogique doit faire l'objet de temps de formation.

Auriez-vous une préconisation particulière sur des possibilités de formation réunissant un ensemble de participants potentiels sur un territoire, avec investissement du rectorat et des collectivités ? Une formation où pourraient se croiser et s'enrichir réciproquement les compétences de chacun ?

Enfin, je souhaiterais vous interroger au sujet des écoles supérieures d'art, particulièrement sur la différence de statut entre les enseignants des écoles territoriales – pour la plupart des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) – et ceux des écoles nationales, qui sont des établissements publics administratifs (EPA). Territoriaux ou nationaux, ces établissements préparent aux mêmes diplômes, on ne peut donc qu'en conclure qu'un enseignement d'égale qualité y est prodigué. Je suppose que vous avez été saisie, de même que nous tous ici, de ce sujet. N'y a-t-il pas, selon vous, une forme d'injustice et ne vous semble-t-il pas qu'on pourrait, voire qu'on devrait, y remédier ?

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Votre rapport est à la fois convaincant et familier. Il montre comment les parcours artistiques et culturels redonnent du sens à l'action dans les territoires les plus défavorisés. Ils ne sont pas qu'un supplément, mais soulignent au contraire que l'éducation artistique et culturelle est une priorité de ce quinquennat.

Sur le fond, vous avez raison de souligner que cette offre n'est pas imposée par le haut, mais qu'elle fait suite à de nombreuses expérimentations conduites depuis plus de trente ans. Je pense à un ancien principal de collège à Ingolsheim, M. Claude Fritsch, qui avait, en 1981, organisé des parcours qui sont repris par les référentiels des politiques publiques proposées aujourd'hui.

Je pense aussi aux efforts de M. Marcel Bonjour. À travers la danse, il a su redonner confiance à des jeunes de milieu défavorisé et imposer aux académies la possibilité de proposer la danse comme une discipline à part entière. Son association est d'ailleurs régulièrement invitée à l'étranger à présenter son action sur les parcours éducatifs.

Pour irriguer ces parcours au croisement entre éducation formelle et informelle, vous proposez des actions de formation d'animateurs-médiateurs. Il s'agit d'interventions d'artistes. Comment percevez-vous le rôle de l'éducation populaire dans l'aboutissement de ces parcours artistiques et culturels ?

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Le parcours d'éducation artistique et culturelle n'est pas toujours identifié en tant que tel, mais il y a, sur le terrain, des actions qui entrent dans ce champ. Vous parlez de renforcer le pilotage de l'État. La question se pose de savoir jusqu'où. Je suis, pour ma part, favorable à un simple cadrage. Il me semble en effet préférable de ne pas aller jusqu'au formatage, car il peut y avoir localement des initiatives qui vont dans le bon sens.

Nous sommes tous d'accord, il est indispensable de garantir la qualité et le niveau des contenus, mais aussi la formation des différents acteurs. En ce qui concerne la formation continue, nous l'avons souvent entendu au sein même de cette commission, il est difficile de dégager des moyens pour la mettre en place. C'est un objectif que nous sommes loin de pouvoir atteindre aujourd'hui.

Nous sommes également tous d'accord sur la nécessité de la coopération entre les différents acteurs et de la mutualisation des moyens, mais la mise en oeuvre est difficile, compte tenu de la diversité des acteurs, de leur histoire, de leur statut et de leurs moyens.

Accroître, par exemple, le nombre d'espaces d'accès à l'art et à la culture au sein des établissements scolaires demande des investissements sur l'existant comme sur le neuf, dont le coût repose sur les collectivités en charge de l'intendance de ces établissements.

Même chose pour ce qui est du PEDT : dès lors qu'on en discute dans une collectivité, la question des moyens est centrale si l'on veut mener des actions de qualité et garantir le niveau des intervenants.

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L'enseignement artistique et culturel est l'un des défis que doit relever l'Éducation nationale. Dans ce domaine comme dans d'autres, le bilan du quinquennat est riche, mais je n'y reviens pas puisque le président et la rapporteure en ont déjà parlé.

L'enseignement artistique et culturel n'est pas simplement une initiation ou une ouverture culturelle. C'est un vrai moyen pour l'enfant de développer sa personnalité et de s'épanouir à l'école pour, ensuite, mieux réussir son parcours scolaire et trouver sa voie. Mieux répartir cet enseignement sur l'ensemble du territoire est donc une condition de l'égalité des chances dans notre société. Le rapport que vous nous présentez est précieux, car il permet de lister les bonnes pratiques réalisées sur les différents territoires et de s'en inspirer.

J'ai deux questions à vous poser sur l'articulation entre les projets éducatifs territoriaux et les projets d'enseignement artistique et culturel. Il faut veiller à ne pas juxtaposer les temps et assurer la cohérence des dispositifs et des différents temps éducatifs.

Ma première question est simple : avez-vous repéré sur nos territoires de bonnes pratiques en la matière ?

Ma deuxième question est liée à un sujet qui me préoccupe particulièrement : pensez-vous que l'on puisse profiter de ce rapprochement pour associer davantage les parents d'élèves à ces dispositifs ?

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L'éducation artistique et culturelle est un axe capital du développement scolaire au service des apprentissages et de la réduction des inégalités sociales, points sur lesquels nous ne saurions transiger.

Je m'interroge sur son développement dans nos territoires, constatant les grandes difficultés auxquelles sont confrontées nos collectivités, du fait d'une baisse importante de leur budget. On peut craindre un accroissement des inégalités en matière d'accès à la culture puisque nombre de communes sont incapables de proposer aux enfants des activités de bon niveau, tandis que d'autres utilisent toute la palette de l'offre culturelle dont elles disposent.

Sur le terrain, de nombreux élus m'ont exposé cette situation de fait, non que les communes soient opposées à développer l'éducation artistique et culturelle, mais certaines n'ont pas les moyens suffisants pour proposer des dispositifs de qualité. Bâtir des budgets équilibrés tout en protégeant les dépenses d'intervention, dont celles destinées à la culture, est un véritable casse-tête. Certaines villes annoncent que le périscolaire, souvent dédié à l'éducation artistique et culturelle, va devenir payant. Quelle est votre position sur cette question ?

Par ailleurs, le déploiement de l'éducation artistique et culturelle repose sur la construction du parcours d'éducation artistique et culturel, dont l'institution scolaire est le pivot. Sa réussite passe par la formation des acteurs et la promotion de la place des animateurs et de l'action en région. Pouvez-vous nous en dire plus sur la formation et les recrutements, s'agissant notamment de leur répartition territoriale ?

Je souhaite maintenant vous interroger sur la mission de l'EAC au sein des zones d'éducation prioritaire. Le rapport de septembre 2016 du Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO) sur l'éducation prioritaire reprend, pour les années 2014 et 2015, les conclusions de nombreux spécialistes, sociologues, économistes, didacticiens et psychologues français et étrangers, concernant l'égalité des chances dans notre système éducatif. Les travaux du CNESCO détaillent une longue chaîne de processus inégalitaires qui se cumulent et se renforcent à chaque étape de la scolarité : inégalités en termes de traitement, de résultats, d'orientation, de diplômes et même d'insertion professionnelle. Limités à l'école primaire, les clivages explosent à partir du collège. L'éducation prioritaire aboutit aujourd'hui à produire de la discrimination négative : on donne moins à ceux qui ont moins.

Face à ce bilan très négatif, comment inscrire l'éducation artistique et culturelle dans une démarche vertueuse pour les établissements de l'éducation prioritaire ? Comment en accentuer les moyens ? Comment l'intégrer, notamment dans la future réforme des lycées de ZEP, aux contours très flous pour le moment ? Davantage d'éducation artistique et culturelle figure d'ailleurs dans les demandes des collectifs « Touche pas à ma ZEP » actuellement mobilisés.

Je souhaite enfin vous interroger sur l'articulation des actions respectives du ministère de la Culture et du ministère de l'Éducation nationale dont l'objectif est de rendre efficace et effective l'éducation artistique et culturelle.

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Ce rapport souligne à propos, en cette période électorale, un trait important de la politique culturelle menée durant cette législature par le ministère de la Culture et l'ensemble du Gouvernement. Pour ce qui est de l'école, les résultats sont clairs. Vous avez rappelé que 22 % des enfants étaient concernés par des actions d'EAC en 2012 et que nous atteindrons 50 % cette année. Cela tient notamment à des efforts budgétaires. Le budget du ministère de la Culture est passé de 2 à 9 millions pour ses interventions au sein de l'école et l'ensemble des crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle est passé de 31 à 64 millions.

En ce qui concerne les musées, le Louvre comme Orsay profitent de leur jour de fermeture pour accueillir les publics scolaires. Cela montre que tous les acteurs se mobilisent.

Nous avons aussi ouvert la possibilité pour les artistes d'être rémunérés pour leurs interventions au titre de l'EAC. Dans mon rapport d'information sur le bilan et les perspectives de trente ans de copie privée, puis dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, nous avons veillé à prévoir le financement des artistes qui interviennent au sein de l'école. Cela fait partie du processus de démocratisation culturelle.

L'accès à la culture n'est pas seulement une question matérielle. Il serait vain de laisser entendre, par exemple, qu'en ouvrant les bibliothèques le soir et le dimanche, on va fréquenter le livre si, à l'école, on ne le fréquente pas. De la même façon, distribuer des chèques « culture » à des jeunes intéresse uniquement les classes sociales les plus aisées, pas celles auxquelles nous prétendons nous adresser.

Votre rapport répond à ces préoccupations. J'insiste sur le fait que ce type d'initiatives vis-à-vis de l'éducation artistique et culturelle n'a d'effet que dans la continuité. Je pense au plan Lang-Tasca, qui n'a malheureusement pas perduré. J'espère donc que votre rapport et l'accueil unanimement positif dont il fait l'objet sont de bon augure.

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Dans votre préface, Madame la rapporteure, vous indiquez que « le triptyque « lire, écrire, compter » constitue toujours l'outil le plus efficace et le plus juste. ». Je partage votre constat. Il est évident que l'instruction passe avant tout par ces notions fondamentales. Vous évoquez ensuite l'intérêt de l'éducation artistique et culturelle dans l'instruction des écoliers. Je ne peux que vous donner raison. Pour illustrer mon propos, j'évoquerai une école présente dans ma circonscription, celle qui est rattachée au Puy du Fou, où l'apprentissage des fondamentaux est complété par l'apprentissage artistique et culturel.

Il n'est pas question de remettre en cause le travail des personnes qui oeuvrent dans le secteur de l'éducation, mais on sent bien, dans votre rapport, la tentation de montrer le bien-fondé des différentes réformes que le Gouvernement a menées durant ce quinquennat. Pourtant, la réalité du terrain montre l'inverse.

Je souhaiterais vous interroger sur la stratégie mise en place par l'État ces cinq dernières années. Les écoles peinent à mettre en place les réformes imposées par l'Éducation nationale, en particulier dans les communes rurales. Ne se trompe-t-on pas en imposant des réformes d'en haut, au détriment d'une organisation locale plus efficace qui prendrait en considération le rythme des structures et les attentes des enfants scolarisés ?

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Permettez-moi d'abord d'avoir une pensée pour Alban Denuit, jeune artiste plasticien marmandais très talentueux, étudiant aux Beaux-Arts de Paris et victime de l'attentat du Bataclan, dont les oeuvres sont actuellement exposées au musée Marzelles de Marmande. Le ministère de la Culture lui rend hommage aujourd'hui sur son site internet, dans un billet intitulé « La Culture contre l'oubli ». France Culture s'est également arrêtée sur l'oeuvre de cet artiste prometteur, dans son émission « Les Carnets de la création ». Cela pour rappeler qu'il est primordial, indispensable de lutter contre l'obscurantisme et les autres formes de négation par la culture et sa transmission. Il y va de la reconnaissance de l'oeuvre de chaque artiste.

J'en viens à votre rapport, qui est à la fois instructif et ambitieux. La culture est le creuset de notre vivre-ensemble, de notre faire-ensemble. La culture rapproche les femmes et les hommes et permet de se dépasser collectivement. La culture nous élève. L'éducation artistique et culturelle est donc primordiale pour nos enfants, pour leur formation intellectuelle et leur ouverture au monde. Dans les régions et départements ruraux, éloignés des grands lieux culturels, cet enseignement est d'autant plus important que la pratique artistique et la rencontre d'artistes reste le meilleur moyen de se familiariser avec les différentes formes artistiques.

Partout sur le territoire, les collectivités locales se mobilisent pour faire vivre l'éducation culturelle. Malheureusement, dans un contexte budgétaire contraint, la pratique culturelle, et la culture en général, sont souvent les premières sacrifiées, notamment dans les petites et très petites communes.

Ma question porte sur les territoires ruraux éloignés des centres urbains et des offres culturelles nationales. Comment cibler plus particulièrement ces zones et garantir un financement spécifique ? Comment renforcer la cohésion entre les structures existantes dans ces territoires, comme, par exemple, les écoles de musique, de théâtre, d'art, et l'Éducation nationale et ses services déconcentrés ?

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Je félicite d'abord Sandrine Doucet pour son rapport d'information qui met en lumière l'importance d'une éducation artistique et culturelle exigeante et valorise la question essentielle de l'accès pour tous à la culture.

Vous plaidez pour un renforcement de la coopération entre l'État et les collectivités territoriales en prenant appui sur le parcours d'éducation artistique et culturelle. C'est en effet en généralisant l'éducation artistique et culturelle sur tous les territoires que l'on réussira à avancer. Cela doit passer, bien sûr, par une coordination des différents partenaires et des différents lieux où elle se pratique.

Les partenariats impulsés par l'État avec les acteurs de la culture et de l'éducation populaire et les collectivités territoriales sont, certes, nombreux, mais doivent être parfois renforcés. Car, bien que l'éducation artistique et culturelle se soit largement développée sur tous les territoires, elle demeure parfois trop timide, notamment dans certains endroits.

Je souhaite donc revenir sur la proposition n° 20 de votre rapport, qui préconise le renforcement de la responsabilité de l'intercommunalité. Vous insistez sur l'élargissement de l'intervention des EPCI dans ce domaine pour qu'ils puissent jouer un rôle de coordination et de mutualisation. Vous parlez d'une culture du « faire-ensemble ». Pourquoi pensez-vous que l'intercommunalité soit la bonne échelle dans ce domaine ? Avez-vous vu, lors de vos déplacements, des exemples qui fonctionnent ? Quels sont les bons exemples dont il faut s'inspirer ?

Enfin, puisque vous proposez qu'un élu ait en charge cette compétence, pouvez-vous nous préciser quel mode de gouvernance vous préconisez au regard des partenariats avec les associations et les établissements culturels des territoires ?

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Depuis 2012, notre majorité a soutenu et valorisé l'éducation artistique et culturelle afin de donner accès aux arts et à la culture à tous les élèves, notamment à celles et ceux qui en sont les plus éloignés, car, nous le savons, c'est un outil incontournable d'égalité en termes de réussite.

Pour cela, le parcours d'éducation artistique et culturelle a été rendu obligatoire dans la loi de refondation de l'école de la République. La place de l'éducation artistique et culturelle a été réaffirmée dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, et nous avons augmenté les crédits alloués à l'éducation artistique et culturelle, qui sont passés de 31 millions d'euros en 2012 à 64 millions d'euros en 2017.

Parmi les trente mesures que vous préconisez, j'en citerai trois qui me tiennent particulièrement à coeur : d'abord, engager l'État par un contrat pluriannuel au bénéfice des territoires éloignés de l'offre culturelle, dont les quartiers prioritaires ; ensuite, promouvoir la place des animateurs et mettre en place des formations d'animateurs-médiateurs en associant les collectivités ; enfin, articuler le projet d'éducation artistique et culturelle avec le PEDT. À ce sujet, comment assurer la cohérence de ces dispositifs et des temps éducatifs de l'enfant ? Comment envisagez-vous la formation des animateurs ?

Les enseignants sont de plus en plus sollicités pour mettre en oeuvre un grand nombre de projets éducatifs, et en particulier des projets artistiques et culturels. Il est primordial qu'ils aient le temps nécessaire pour préparer et conduire ces projets et les moyens d'accueillir, par exemple, des intervenants extérieurs. J'aimerais connaître votre avis sur cette question.

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Je souligne le bilan positif de l'éducation artistique et culturelle au sein des parcours éducatifs et ses apports bénéfiques. C'est une conviction que nous étions très nombreux à partager au sein de cette commission. Éveiller, ouvrir les jeunes esprits à l'art et à la culture, leur donner le goût et l'audace, ultérieurement, de les pratiquer, ne plus se sentir exclus de cet univers, quel que soit leur milieu social, me paraît fondamental.

J'ai noté votre proposition de construction ou de rénovation d'établissements scolaires qui intégreraient des espaces d'accès à l'art et à la culture dans les endroits les plus éloignés de l'offre culturelle.

Étant élue d'une circonscription rurale, je suis particulièrement sensible à votre proposition de créer un contrat pluriannuel au bénéfice des territoires qui pourront ainsi avoir accès au parcours d'éducation artistique et culturelle. Si l'art entre dans les établissements, il faut aussi donner l'envie d'aller vers l'art. Il faudrait prévoir, dans ces contrats pluriannuels, un fonds de soutien à la mobilité pour permettre aux élèves d'aller vers les lieux de culture, souvent très éloignés de leur résidence, et que nombre d'entre eux n'ont pas l'habitude de fréquenter. Avez-vous exploré cette piste ?

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Mes questions porteront sur le rôle et la place que peut tenir l'université dans l'éducation artistique et culturelle.

Je voudrais revenir sur votre proposition n° 14. Comment, au sein des ESPE, optimiser la formation des enseignants dans la conduite de l'enseignement artistique ? Comment les accompagner dans la maîtrise des PEAC ?

En ce qui concerne votre proposition n° 15, pourriez-vous faire un point sur le développement d'une formation continue et croisée entre les enseignants, les chefs d'établissement, les artistes, les médiateurs, les animateurs et le personnel des collectivités territoriales ?

J'en viens à votre proposition n° 19 qui visent à favoriser la prise en compte de la recherche scientifique. Qu'avez-vous observé concernant la place de la recherche scientifique, l'intégration des apports des équipes de chercheurs aux différentes phases du parcours d'éducation artistique et culturelle. Il s'agit là d'un point fondamental de la loi pour la refondation de l'école, réaffirmé dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

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Plus qu'un pan de notre système éducatif, l'éducation aux arts et à la culture constitue une véritable école de la vie, permettant aux jeunes générations, par l'invitation à la découverte et l'éveil de la curiosité, de se former dans le souci de l'ouverture au monde et aux autres, l'une des clés de l'épanouissement dans notre société.

Établi par la loi de refondation de l'école de la République, ce parcours d'éducation artistique et culturelle, organisé de l'école au lycée, s'inscrit pleinement dans la politique du Gouvernement et dans les objectifs que nous défendons ardemment depuis 2012 en matière d'éducation. Favorisant le partage d'une culture commune, l'enseignement artistique et culturel est devenu, avec cette réforme, une composante de la formation générale de tous les élèves.

Toutefois, ce parcours d'éducation artistique et culturelle repose principalement sur l'enseignement dispensé à l'école, les familles demeurant peu associées, peu informées sur cette question, alors que leur implication est fondamentale pour poursuivre une pratique artistique ou culturelle hors temps scolaire.

Sur ce point précis, je tiens à saluer particulièrement les préconisations nos 17 et 18 de votre rapport, visant à renforcer l'effort d'implication des familles dans le parcours. Ces préconisations rejoignent les propositions plus générales du rapport d'information de notre collègue Valérie Corre sur les relations entre l'école et les parents, dans lequel notre collègue incitait à une plus grande intégration des parents aux projets éducatifs territoriaux, voire à l'inclusion pédagogique de tous les parents.

Aussi, je souhaite vous interroger sur la meilleure façon d'associer les familles au parcours d'éducation artistique et culturelle, dans les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires, qu'il s'agisse de la forme de la contribution que pourraient apporter les familles à la réussite de ce parcours, mais aussi de la volonté des acteurs de l'éducation à encourager leur réelle coopération à cette mission.

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En ce qui concerne le rôle des collectivités et leur efficacité, mon souci était de ne pas rajouter de structures supplémentaires. Pour cela, il faut revenir à la référence essentielle de ce rapport : le parcours d'éducation artistique et culturelle, avec le référentiel mis en place par la circulaire de 2015, qui se base sur la co-construction et les partenariats.

Ce référentiel, qui s'appuie sur les enseignements au sein des écoles, doit devenir le référentiel de tous les intervenants. La prise de rôle des collectivités se fait toujours dans le cadre de cette circulaire et du référentiel. Je propose, dans le rapport, de renforcer le rôle du comité territorial de pilotage. C'est lui qui sera à la manoeuvre pour instruire et piloter le contrat pluriannuel de territoire qui doit être mis en place sur les territoires les plus éloignés de l'offre culturelle. Je le répète, je n'ai pas ajouté de structures supplémentaires. Nous travaillons sur l'existant.

S'agissant du manque de temps et de concertation, je crois possible, en suivant à la lettre le contenu de la circulaire, d'arriver à une concertation efficace, tout en laissant remonter l'initiative locale. Il est hors de question de brider les initiatives locales et le rôle des collectivités.

S'agissant des contraintes budgétaires, je dois vous dire qu'au cours des rencontres avec les quelque 300 personnes sur le terrain et à l'Assemblée nationale, il a rarement été question d'argent. Cela étant, le but de la mission n'était pas d'effectuer une expertise financière sur la construction du parcours d'éducation artistique et culturelle. Quoi qu'il en soit, la question financière n'était pas la première préoccupation des personnes que j'ai rencontrées. D'autant que j'ai pu relever des exemples montrant le réalisme des collectivités en la matière.

Ainsi, dans la communauté d'agglomération Porte de l'Isère, où nous nous sommes rendus, située en zone périurbaine et comptant 100 000 habitants, l'EPCI consacre à la construction du parcours d'éducation artistique et culturelle 200 000 euros, soit deux euros par habitant seulement. Je pense également à l'expertise menée dans le cadre de l'initiative d'excellence (IDEX) sur l'université de Bordeaux au titre du projet UBIC – Université Bordeaux Inter-Culture –, qui accompagne certains projets en termes d'ingénierie. Il s'agit là de quelques dizaines de milliers d'euros. Le manque d'argent n'est donc pas la préoccupation essentielle.

Je tiens à vous rassurer sur la modestie des opérations menées, notamment en milieu rural, mais aussi à en souligner l'ambition. Vous avez évoqué le problème des grosses collectivités disposant de structures importantes qui risquent de « stériliser » les terrains périphériques ou de devenir des lieux d'attraction des zones rurales sans qu'il y ait redistribution. Il faut tendre vers ce qu'il se passe dans les territoires ruraux, car cela peut conduire à des expériences très modestes, mais fructueuses.

Dans la communauté de communes La Ferté-Saint-Michel, dans l'Orne, une enseignante de français, travaillant en binôme avec son collègue professeur d'arts plastiques, nous a raconté ce qu'il s'est passé le jour où le principal de l'établissement a fait venir dans la salle des professeurs une équipe d'architectes. Elle nous a dit que tout avait commencé très modestement, que les enseignants leur avaient offert un café et avaient discuté avec eux. L'idée, pour le maire qui avait accueilli cette équipe d'architectes, était qu'ils travaillent avec les jeunes pour les réconcilier avec leur milieu.

Les architectes ont commencé à faire parler les jeunes, qui avaient une vision assez sombre de leur commune. Il faut comprendre le cadre dans lequel ils vivent : c'est la campagne de Moulinex… Les usines ferment, c'est le déclin industriel et la pauvreté.

Les architectes ont fait parler les jeunes de leurs habitudes, de leur quotidien, de l'arrêt de bus, de la boulangerie etc. Partant d'un récit qui traduisait finalement un certain plaisir à être ensemble, ils leur ont demandé comment ils aménageraient la place de leur village, l'arrêt de bus, l'endroit où ils discutent… Cela a débouché sur la création par ces jeunes d'une sorte de cartes postales pour parler de leur commune. C'était un projet très modeste, mais il a réconcilié les jeunes avec leur environnement et montré qu'il était possible de monter un projet, même avec un budget de quelques milliers d'euros.

La circulaire de 2013, les comités territoriaux de pilotage et le référentiel du parcours d'éducation artistique et culturelle sont donc des outils essentiels.

J'en viens à la formation et au rôle des ESPE. On nous a dit, à Blois, que l'enseignement artistique et culturel au niveau du master ne bénéficiait que de vingt-quatre heures sur deux ans. Mais en fin de compte, c'est la pratique dont les enseignants ont le plus besoin.

On l'a constaté, notamment dans la ville de Pantin et dans le département du Cantal, les formations croisées autour d'un projet entre les enseignants et les acteurs de l'éducation artistique et culturelle sont les plus fructueuses et peuvent être favorisées par les formations d'initiative locale (FIL). Cela étant, il faut que les barrières s'abaissent. Très souvent, il y a, de la part des enseignants, des réticences à considérer que l'animateur ou l'artiste est un alter ego avec lequel on peut bâtir un projet. On oppose les niveaux de formation, la volonté de ne pas empiéter sur le territoire de l'autre.

Les formations croisées sont nécessaires. L'université doit être également un lieu de formation culturelle pour les étudiants, au sein duquel ils peuvent construire des projets.

Je reprends l'exemple bordelais. Le projet UBIC de l'université de Bordeaux, les masters et les formations aux pratiques culturelles ont été, dans le cadre de l'IDEX, le moteur de toute une ingénierie, une expertise apportée à des communautés de communes ou à des EPCI qui voulaient bâtir leur projet. Dans le journal Le Monde d'hier, un article citait Bordeaux et sa volonté de croiser les enseignements, de mêler sciences et art. L'université doit devenir un creuset de pratiques culturelles pour les étudiants afin qu'ils aient à l'esprit cette idée de parcours culturel, quelle que soit ensuite leur activité professionnelle. La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine prévoit d'ailleurs, dans son article 53, la construction d'un partenariat entre les établissements d'enseignement supérieur de la création artistique et les écoles pour les aider à bâtir leurs projets.

La question de M. Féron sur le diplôme des métiers d'art nécessiterait un débat entier sur son équivalence avec les autres diplômes universitaires et sur la spécificité de la formation des professionnels artistiques et culturels.

Pour répondre à la question de Valérie Corre, le PEAC doit faire partie intégrante du PEDT.

Pour ce qui est d'associer davantage les parents d'élèves au dispositif, la préconisation n° 18 prévoit d'intégrer des représentants des familles au sein du Comité local de pilotage qui établit le bilan des actions du PEAC.

J'en viens à la question des inégalités.

Ma préconisation n° 26 prévoit la création d'un contrat pluriannuel en direction des territoires les plus défavorisés en matière d'offre culturelle. Je reprends mon propos introductif décrivant une mécanique descendante. L'État donne l'impulsion, le Premier ministre réunit un comité interministériel pour l'EAC, avec les ministères de l'Éducation nationale et de la Culture, ainsi que le ministère de l'Agriculture et le ministère de la Ville. Il s'agit de définir le cadre dans lequel doit se construire le parcours d'éducation artistique et culturelle, cadre dont se saisissent ensuite, sous l'égide du préfet, les comités territoriaux, qui prévoient des dispositions particulières pour les territoires les plus éloignés de l'offre culturelle.

Il faut articuler appel à projets et expertise, dans la mesure où il ne faut pas continuer à arroser là où l'herbe est déjà verte. En effet, les territoires les plus démunis sont les moins aptes à se signaler. Cela suppose de mettre des outils, des cartographies, à la disposition du comité territorial et de la conférence territoriale de l'action publique. Le comité territorial doit pouvoir s'appuyer sur des outils techniques – pilotage, préfet, collectivités territoriales – pour désigner les territoires les plus démunis et leur proposer, pendant trois ans, un contrat pluriannuel afin de les aider à élaborer des projets.

Cela pose aussi la question de la mobilité et des ressources locales. Quand nous sommes allés à Aurillac, nous avons été accueillis par la DRAC à l'aéroport, où l'on nous a dit qu'il fallait attendre le danseur… Nous avons ensuite compris que le danseur, c'est-à-dire l'artiste chargé d'une animation dans le département du Cantal, était venu d'ailleurs, dans le même avion que nous !

Pour lutter contre ces inégalités, l'EPCI ou la communauté de communes est l'échelle la plus pertinente, parce que c'est, en général, l'espace de vie de l'élève. On peut retracer son parcours scolaire, périscolaire et extrascolaire à travers l'EPCI. Il va à l'école, au collège, au lycée, et il a des activités artistiques dans cet environnement. D'où l'idée de créer des réseaux d'établissements scolaires au sein des EPCI et de construire des projets, ce qui permet d'avoir une « traçabilité » du parcours de l'élève. L'EPCI est à la fois le cadre de la coopération et celui dans lequel vit l'élève.

Pour conclure, je dirai qu'il faut laisser le temps au temps. C'est ce qui ressort de l'ensemble de mes préconisations, qu'il s'agisse des contrats pluriannuels ou de la concertation pour élaborer un projet, tant au niveau de l'école que de la collectivité locale.

Nous avons vécu de grands moments d'émotion en écoutant le récit poignant de personnes qui avaient découvert la culture. Je terminerai en citant le témoignage de cadres d'ATD Quart Monde, qui ont un jour proposé à des gens à la rue, dans le cadre d'un processus de resocialisation, de jouer Antigone. On leur a demandé en quoi la culture pouvait aider des gens qui n'avaient rien. Ils ont répondu en citant les propos de la fondatrice d'ATD Quart Monde, Geneviève de Gaulle-Anthonioz : « Manger, boire, un toit, c'est ce que je peux souhaiter à mon chien, mais un homme, c'est autre chose. ».

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Merci, chère Sandrine Doucet, d'avoir terminé votre intervention sur ce témoignage fort et signifiant, qui est au fondement même de la démarche d'éducation artistique et culturelle.

La séance est levée à onze heures dix.