Amendement N° AS338 (Rejeté)

(5 amendements identiques : CE85 CE13 AS418 AS746 AS369 )

Déposé le 3 avril 2016 par : M. Sebaoun, Mme Bouziane-Laroussi, Mme Romagnan, M. Philippe Baumel, M. Cottel, Mme Carrey-Conte, M. Robiliard, M. Amirshahi, M. Premat, M. Féron, M. Juanico, Mme Chabanne, M. Paul, M. Blazy, M. Cherki, M. Marsac, M. Bleunven, Mme Bruneau, Mme Laurence Dumont.

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Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

L'article 30 du projet de loi a pour objet de « préciser la définition du motif économique de licenciement. Il intègre, à côté des difficultés économiques et des mutations technologiques, le motif de licenciement tiré d'une nécessaire « sauvegarde de la compétitivité », et celui de la « cessation d'activité », que la jurisprudence reconnaît déjà.

Cependant, la rédaction actuelle de cet article « préconstitue » le critère de « difficultés économiques », qui seraient désormais « caractérisées [c'est-à-dire automatiquement justifiées] par, soit une baisse des commandes ou du chiffres d'affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison de la même période de l'année précédente, soit par des pertes d'exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés ».

La seule « baisse des commandes ou du chiffre d'affaires », même sur plusieurs trimestres, ne devrait pas pouvoir constituer un motif économique de licenciement, conformément à une jurisprudence constante depuis la loi n°75‑5 du 3 janvier 1975 relative aux licenciements pour cause économique. En effet une entreprise peut réaliser de très importants profits quand bien même ses commandes ou son chiffre d'affaires seraient en baisse sur plusieurs trimestres. Avec cette disposition, des entreprises florissantes pourraient licencier pour motif économique, sans contestation possible par le salarié.

Le critère des « pertes d'exploitation pendant plusieurs mois » révèle a priori une mauvaise situation financière. Il est toutefois possible pour une société de ne présenter que le résultat d'exploitation sans prise en compte des amortissements et immobilisations, qui peuvent expliquer à elles seules un résultat négatif. Le juge devrait donc pouvoir apprécier concrètement la réalité des pertes d'exploitation, une fois neutralisés ces immobilisations ou amortissements.

En ce qui concerne le critère de la trésorerie, il est possible pour une société d'organiser une mauvaise trésorerie passagère, par exemple en concentrant ses dépenses sur une courte période etc. Seule une lecture par le juge sur une période longue devrait permettre de caractériser des difficultés, en aucun cas une simple photographie de la trésorerie.

En outre, les alinéas 15 à 19 de l'article invitent les partenaires sociaux à négocier les durées de prise en compte de la baisse du chiffre d'affaires ou du résultat d'exploitation au niveau de la branche, des durées subsidiaires étant prévues à défaut d'accord. Inviter les organisations syndicales dans les branches à négocier les contours d'une telle mise à l'écart du juge les placerait dans une situation très inconfortable. En définitive, le contrôle du juge serait donc profondément remis en question, ce qui constitue le principal problème de ces nouveaux éléments de définition du licenciement économique.

Enfin, l'alinéa 12 précise que « les difficultés économiques créées artificiellement » ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement économique. Cette disposition amène à faire peser sur le salarié la charge de la preuve de difficultés économiques artificiellement créées. Il lui sera pourtant très difficile de prouver une telle démarche frauduleuse, car il n'a pas droit à une expertise comptable lorsqu'il conteste son licenciement aux prud'hommes.

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