Sous-amendements associés : 1496 1497 1498 1566
Déposé le 6 juin 2016 par : le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« Après l'article L. 111‑1 du code des procédures civiles d'exécution, sont insérés trois articles L. 111-1-1 à L. 111-1-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 111‑1‑1. – Des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée ne peuvent être mises en œuvre sur un bien appartenant à un État étranger que si l'une des conditions suivantes est remplie :
1° L'État concerné a expressément consenti à l'application d'une telle mesure ;
2° L'État concerné a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de la procédure ;
3° Lorsqu'un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre l'État concerné et que le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée.
Pour l'application du 3°, sont notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État à des fins de service public non commerciales, les biens suivants :
- Les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique de l'État ou de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès des organisations internationales, ou de ses délégations dans les organes des organisations internationales ou aux conférences internationales ;
- Les biens de caractère militaire ou les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions militaires ;
- Les biens faisant partie du patrimoine culturel de l'État ou de ses archives qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ;
- Les biens faisant partie d'une exposition d'objet d'intérêt scientifique, culturel ou historique qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ;
- Les créances fiscales ou sociales de l'État.
« Art. L. 111‑1‑2. – Des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée ne peuvent être mises en œuvre sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des États étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales qu'en cas de renonciation expresse et spéciale des États concernés.
« Art. L. 111‑1‑3. – Dans les cas définis aux articles L. 111-1-1 et L. 111-1-2, les mesures conservatoires ou d'exécution forcée ne peuvent être mises en œuvre que sur autorisation préalable du juge par ordonnance rendue sur requête, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. ».
Cet amendement a pour objet de mettre l'état du droit français en conformité avec le droit international coutumier, et notamment avec la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens du 2 décembre 2004, ratifiée par la France. Il clarifie la protection conférée aux biens des États lorsqu'elle est garantie par le droit international, tout en protégeant la possibilité pour les créanciers d'obtenir l'exécution des décisions de justice lorsque les biens visés ne sont pas protégés par des immunités.
L'importance prise ces dernières années par le contentieux des voies d'exécution engagées contre les biens étatiques étrangers sur le territoire national a révélé que notre législation apportait une protection inadéquate au regard de nos engagements internationaux.
Si l'attractivité de la France en matière d'arbitrage international ainsi que l'efficacité du droit de l'exécution doivent être préservés, il apparaît nécessaire de procéder à la transposition des dispositions pertinentes de la Convention de Vienne sur les immunités diplomatiques de 1961 et de celle de New York de 2004 sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, toutes deux ratifiées par la France, tout en respectant l'équilibre résultant de la Convention européenne des droits de l'homme, qui voit dans l'exécution des décisions de justice une composante du procès équitable, dont les restrictions doivent rester légitimes et proportionnées à l'objectif poursuivi de respect du droit international.
Un tel dispositif doit ainsi permettre à la France d'assurer le respect de ses engagements internationaux. Il tend donc à éviter que la France soit attraite devant une juridiction internationale tout en préservant les États étrangers de stratégies contentieuses pouvant méconnaître la protection conférée par le droit international à un certain nombre de biens.
À ces fins, le présent article introduit de nouvelles dispositions au sein du code des procédures civiles d'exécution.
Tout d'abord, en ce qui concerne les biens des États étrangers, sont précisées les conditions auxquelles les mesures de contrainte peuvent être mises en œuvre : ainsi que le prévoit la convention de 2004, il faut que l'État ait expressément consenti à l'application de telles mesures ou qu'il ait réservé ou affecté les biens à la satisfaction de la demande (article L. 111‑1‑1).
Lorsqu'un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu, la mesure de contrainte pourra également porter sur un bien qui est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée.
Par ailleurs et à des fins de précision, cet amendement reprend les termes de l'article 21 de la convention des Nations unies de 2004 sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens qui, comme le montre l'emploi du terme « notamment », dresse une liste non exhaustive des biens considérés comme des biens spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État à des fins de service public non commerciales. Il complète également cette liste en y mentionnant expressément les créances fiscales et sociales qui, selon la jurisprudence de la Cour de cassation (3 arrêts Civ. 1ère, 28 mars 2013, n°10‑25.938, n°11‑13.323, n°11‑10.450), sont des ressources se rattachant nécessairement à l'exercice, par l'État, de prérogatives liées à sa souveraineté. Il convient également de noter que l'article L. 153‑1 du Code monétaire et financier prévoit déjà le caractère insaisissable des biens des États détenus ou gérés par les banques centrales.
Enfin, sont expressément déclarés immunes les biens destinés à l'exercice de missions diplomatiques ou assimilées, y compris les comptes bancaires. Les mesures de contrainte contre ces biens ne seront dorénavant possibles que sous réserve d'une renonciation expresse et spéciale à son immunité diplomatique par l'État concerné (article L. 111‑1‑2).
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