Madame la ministre, observez cet hémicycle : on compte à peu près une vingtaine de députés de la majorité et moins d'une dizaine de députés de l'opposition. Je le regrette mais c'est vous dire l'enthousiasme, évoqué par Mme Guigou tout à l'heure, à l'idée de voter cette grande réforme constitutionnelle, cette réforme décisive… Vous rendez-vous compte ? Nous avons vraiment ce soir l'impression d'un débat surréaliste !
Parité, majorité de personnalités civiles… cela n'empêchera pas la justice de tourner, cela n'ajoutera ni n'enlèvera rien à l'indépendance de la justice et Dominique Raimbourg le sait aussi bien sinon mieux que moi. Sitôt que le Conseil supérieur de la magistrature se réunit, il y a entre les clercs et les laïcs, comme on dit, une volonté commune d'assurer l'indépendance de la justice. Votre texte ne changera pas fondamentalement la face du monde judiciaire.
Nous sommes réunis pour discuter d'une réforme dont nous pensons vraiment qu'elle est devenue une peau de chagrin, une réforme ne présentant plus le même intérêt que lorsque François Hollande avait proposé de renverser la majorité au sein du CSM – ce qui du reste aurait pu faire craindre un plus grand risque encore d'isolement du monde judiciaire.
Ce soir, j'éprouve une profonde tristesse voire un certain ennui, je dois le dire, de devoir débattre d'un texte qui ne s'impose pas, qui se révèle même inopportun, et je persiste à penser, madame la garde des sceaux, que la justice avait besoin que nous consacrions du temps à d'autres problèmes plus réels, à d'autres problèmes auxquels le justiciable est confronté chaque jour. Encore une fois, il s'agit d'une réformette, pour reprendre le mot de Sébastien Huyghe tout à l'heure : tout ça pour ça !
Nous allons néanmoins continuer de débattre toute la soirée.