Audition, ouverte à la presse, de Son Excellence M. Hael Al Fahoum, Ambassadeur, chef de la mission de Palestine en France.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Avant de débuter notre réunion, je veux souligner la présence, dans notre commission, de M. Jean-Marc Ayrault qui est présent ce matin. Avec M. François Fillon, nous avons deux anciens Premiers ministres et c'est un grand honneur.
Nous avons le plaisir de recevoir ce matin M. Hael Al Fahoum, Ambassadeur, chef de la mission de Palestine en France. Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, d'avoir bien voulu accepter mon invitation.
Je tiens à préciser que nous avons également convié l'Ambassadeur d'Israël en France, qui ne pourra venir la semaine prochaine en raison de la célébration du 66ème anniversaire de l'indépendance d'Israël, mais devrait être auditionné le 11 juin par notre Commission.
Je crois que nous pourrions commencer par évoquer l'accord inter-palestinien du 23 avril qui prévoit la formation d'un gouvernement d'entente nationale, l'organisation d'élections dans les territoires palestiniens et la restructuration de la direction de l'Organisation de libération de la Palestine. Vous nous éclairerez, je l'espère, sur sa genèse. Notre souhait est de voir les efforts de réconciliation inter-palestinienne permettre l'organisation rapide d'élections nationales, qui devraient conforter la légitimité des institutions palestiniennes.
La France est prête à travailler avec tout gouvernement engagé en faveur de la non-violence et d'une solution à deux Etats. Nous recueillerons avec intérêt votre analyse des conditions d'intégration du Hamas au processus politique et des principes qui guideront l'action d'un futur gouvernement. Par ailleurs, quel soutien l'Union européenne peut-elle apporter dans la perspective des élections qui sont envisagées ?
Il faut souhaiter que 2014 ne soit pas une année blanche pour la paix, et je pense que l'unité palestinienne peut, si les conditions nécessaires sont réunies, renforcer la viabilité d'un futur accord. Les pourparlers avec Israël sont suspendus, alors que la situation s'aggrave sur le terrain. Quelles sont, selon vous, les conditions qui permettraient la reprise des négociations, à laquelle Mahmoud Abas ne s'est pas déclaré fermé ?
Enfin, nous serons très attentifs à ce que vous pourrez nous dire sur la situation en Cisjordanie et à Gaza, au plan politique, économique, financier et sécuritaire.
Son Excellence M. Hael Al Fahoum. C'est pour moi un plaisir et un honneur de m'adresser à vous aujourd'hui. Je tiens tout d'abord à vous remercier pour cette opportunité, la deuxième que vous m'accordez depuis ma prise de fonction, il y a de cela bientôt 4 ans.
Depuis ma première audition devant la Commission des Affaires Étrangères, en mai 2011, quelques évolutions significatives sont intervenues de notre côté : l'adhésion de la Palestine en tant qu'État membre de l'UNESCO, en octobre 2011 - et le vote historique en novembre 2012, à l'Assemblée générale des Nations Unies, en faveur de l'admission de la Palestine en tant qu'État observateur à l'ONU. La Palestine a également pu adhérer à 15 traités des Nations Unies. En revanche, rien n'a changé dans les positions israéliennes que je décrivais en 2011, face à cette Commission. Cette intervention a pour objet essentiel d'attirer votre attention et d'essayer de répondre ensuite aux questions qui pourraient vous interpeller sur la situation actuelle, c'est-à-dire l'état des négociations, du processus de paix, qui dure encore depuis 20 ans, mais aussi de la réconciliation qui vient d'être annoncée entre l'OLP et le Hamas.
Vous n'êtes pas sans savoir que le secrétaire d'État américain John Kerry déploie depuis 9 mois des efforts appréciables, depuis la reprise des négociations entre l'OLP et le gouvernement israélien, en vue de parvenir à un accord final. Les Américains nous avaient donné des assurances que ces négociations menées sur la base des frontières de 1967 incluraient l'ensemble des points, tels que les réfugiés et Jérusalem. Ces points sont, comme vous le savez, essentiels à l'aboutissement d'un accord final, juste et viable. Le Président Mahmoud Abbas prit alors une douloureuse décision, à savoir le report du recours d'adhésion aux organisations des Nations Unies et des Conventions internationales qui faisait logiquement suite à notre reconnaissance en tant qu'État observateur par les Nations Unies, y compris par la France. Le report de ce recours s'est fait en échange de la libération par le gouvernement israélien de 104 prisonniers pré-Oslo, dont des natifs palestiniens d'Israël. Jusqu'à ce jour, 30 d'entre eux n'ont toujours pas été libérés.
Depuis le début de ces négociations, le gouvernement israélien n'a eu de cesse de les saboter, en poursuivant une politique de colonisation effrénée du Territoire occupé. 55 000 nouveaux colons ont été installés sur notre terre au cours de ces 9 derniers mois. Le gouvernement israélien a par ailleurs continué de tuer, de blesser et d'emprisonner des Palestiniens, de confisquer des terres palestiniennes, d'assoiffer et d'interdire l'accès à l'eau à des milliers de Palestiniens et de détruire des maisons palestiniennes. Pensez-vous que dans ces conditions, le gouvernement israélien ait adopté durant ces 9 mois l'attitude convenable d'un gouvernement souhaitant mettre fin à l'occupation ? Ou au contraire, cette attitude est-elle celle d'un gouvernement qui cherche tout simplement à passer de l'état d'occupation à celui d'annexion ? Pensez-vous qu'il a adopté l'attitude convenable vers la reconnaissance de la solution de deux États ? Depuis 9 mois, le gouvernement du Premier Ministre Netanyahu a au contraire utilisé tous les moyens possibles pour consolider son régime d'apartheid.
Existe-t-il un autre mot pour qualifier ce système discriminatoire et ségrégationniste, prenant tout un peuple en otage, système imposé à notre pays par le gouvernement de l'État d'Israël ?
Malgré l'oppression et les souffrances quotidiennes que nous subissons chaque instant au vu et au su de la communauté internationale, nous demeurons entièrement attachés à une politique non-violente, à un processus de négociations dont l'aboutissement serait la garantie d'une paix juste et définitive entre nos deux peuples, palestinien et israélien, ainsi qu'à une solution de deux États qui, au rythme actuel de la colonisation, devient de plus en plus irréaliste.
La semaine dernière, utilisant notre réconciliation nationale comme un prétexte, le Premier Ministre Netanyahu a décidé de mettre fin au processus de négociation. Si ce gouvernement israélien était sincèrement intéressé par la paix, il aurait au contraire considéré cette réconciliation comme une opportunité pour la paix, et non comme une opportunité pour un nouveau report. Lors du vote pour l'admission de l'État de Palestine comme observateur à l'Assemblée générale des Nations Unies, le 29 novembre 2012, le représentant de la France avait rappelé que " contribuer aux perspectives de la paix, [...] c'est progresser, sur la base des engagements de l'OLP, vers une réconciliation inter-palestinienne sans laquelle la solution de deux États n'est qu'un mirage". Mahmoud Abbas, suite à la réconciliation, a d'ailleurs annoncé que le nouveau gouvernement, composé de technocrates sans appartenance politique, respecterait les engagements pris par l'OLP.
Le Conseil central de l'OLP s'est réuni le week-end dernier, et a décidé que la reprise des négociations était possible, sur la base du respect par Israël de ses engagements et obligations, y compris la mise en oeuvre des accords signés, la conformité non équivoque des frontières de 1967, ainsi que celle des résolutions de l'ONU, la libération de la 4e vague de prisonniers politiques, et le gel des colonies.
Malgré les menaces israéliennes, et malgré la campagne agressive menée à l'égard du processus de réconciliation nationale, le Conseil central de l'OLP a réaffirmé le droit souverain de la Palestine à acquérir son indépendance par le biais de moyens juridiques et diplomatiques et non-violents, incluant une résistance populaire et l'utilisation de vecteurs internationaux, comme un aboutissement du rehaussement de son statut en tant qu'État observateur aux Nations Unies, voté en novembre 2012 à l'Assemblée générale de l'ONU. Après 47 ans d'une occupation belliqueuse, après 66 ans d'exil, nous devons à notre peuple le respect de leurs droits, que nous recherchons par tous les moyens légitimes possibles.
Le gouvernement israélien, formé par une coalition représentative des parties les plus extrémistes de la société israélienne, y compris les colons, n'a jamais fait de la paix une priorité stratégique objective.
Je saisis l'occasion pour remercier très chaleureusement la France, ses institutions et sa société civile, pour tous les efforts accomplis pour la libération de Marwan Barghouti et de l'ensemble des prisonniers palestiniens, à travers les nombreuses actions de soutien. Cette solidarité à nos côtés fait honneur à la France, et aux Français. Je tiens également à saluer les nombreuses personnalités françaises qui ont signé l'appel de Robben Island pour la libération de Marwan Barghouti et de l'ensemble des prisonniers palestiniens, et à leur tête Monsieur le Premier Ministre Michel Rocard. Je salue également la très appréciable diplomatie des territoires mise en oeuvre en France, par laquelle de nombreuses coopérations et partenariats ont été établis entre nos deux pays, au travers des accords bilatéraux, mais également par la décentralisation.
Nous sommes persuadés que la communauté internationale doit aujourd'hui accomplir ce qui est nécessaire pour qu'Israël comprenne que le choix d'une politique de colonisation et d'apartheid a un prix, qui devra se traduire politiquement, juridiquement et économiquement.
Jean-Pierre Dufau. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez rappelé que cette situation dure et ne trouve pas de solution depuis près de 70 ans. Chacun appelle de ses voeux une paix durable, avec raison, car ce différend a des répercussions dans le monde entier. Pourriez-vous nous éclairer sur les raisons profondes et récentes du gel des négociations ? Je crois qu'il vaut mieux en la matière parler de pause que d'arrêt des discussions. Quelles seraient selon vous les voies et moyens d'une reprise du dialogue ? Il me semble à ce titre que la réconciliation inter-palestinienne pourrait permettre de parler d'une seule voix, et s'engager de manière responsable vers une solution à deux Etats.
Enfin, quel pourrait être le rôle joué par la France, et l'Union européenne, dans ce processus ?
Comment expliquez-vous qu'avant les accords d'Oslo, la ville de Bethléem était composée à 80 % de chrétiens et 20 % de musulmans et qu'aujourd'hui ce rapport se soit inversé ? Par ailleurs, pourquoi la Palestine n'a pas cherché la création d'un Etat avant 1967, alors que les conditions étaient réunies pour le faire ?
J'aimerais aussi rappeler le fait que l'Autorité palestinienne vient de passer un accord avec une organisation qui prône l'application de la « charia », l'usage de la violence et des actes terroristes. Comment pouvez-vous justifier une telle alliance ?
Comment par ailleurs l'Autorité palestinienne peut-elle raisonnablement se prononcer en faveur du retour de tous les réfugiés, dont on connaît l'effet potentiellement déstabilisateur qu'il aurait sur l'Etat d'Israël ?
Enfin, l'Autorité palestinienne doit reconnaître au peuple juif le droit souverain à un Etat-nation, et ne l'a jamais fait.
Jean Glavany. Je vais m'efforcer d'avoir un discours plus mesuré et républicain. L'accord de réconciliation inter-palestinien suscite, à juste titre, des espoirs et des réserves. Des espoirs, car il pourrait permettre au peuple palestinien de vivre dans des conditions dignes, de construire une solide démocratie. Des doutes, car ce type d'accord est intervenu dans le passé, sans grand succès. Quelles garanties avons-nous que cette fois ci l'accord sera concluant, d'autant que les deux organisations n'ont pas les mêmes positions sur nombre de sujets capitaux, tels que le non usage de la violence ou la reconnaissance d'Israël. Le Hamas va-t-il renoncer à ses positions ?
Thierry Mariani. A la veille des échéances électorales européennes, quel pourrait être le rôle de l'Union européenne dans le processus de paix ?
Serge Janquin. Après des années d'errance, les relations complexes entre le Fatah et le Hamas semblent prendre la voie de la réconciliation. Il me semble que le choix de cette entente relève de la souveraineté pleine et entière des Palestiniens. Il peut y avoir des partis aux tendances diverses en Palestine, mais à une condition, que ces partis rejoignent les positions actuelles défendues par Mahmoud Abbas, notamment pour ce qui est de la reconnaissance d'Israël. Je rappelle que le Fatah a longtemps été considéré comme une organisation terroriste avant de normaliser ses relations avec Israël, il faut donc aussi faire confiance au temps. La ligne politique du futur gouvernement doit être celle aujourd'hui tenue par Mahmoud Abbas. Si c'est le cas, les objections d'Israël ne tiennent pas.
Les terres en jeu, grandes comme quelques départements français, sont empreintes de passion, et l'on a toujours été considéré par l'autre comme un terroriste dans cette région. Mais il y a aussi un principe de réalité sur la scène internationale.
Dans quelle mesure l'Autorité palestinienne peut-elle amener peu à peu le Hamas à reconnaître la réalité ? Au regard de la colonisation israélienne en Cisjordanie, quelle est la possibilité de créer un véritable Etat palestinien ? Enfin, est-il raisonnable de penser que l'on pourra faire revenir des millions de réfugiés ? Si le principe de réalité n'est pas reconnu ab initio, la négociation ne peut que capoter.
J'aimerais savoir quelle est la situation dans la bande de Gaza depuis la fermeture des tunnels. Où en est le rationnement, notamment celui des matériaux de construction ? Où en est également la gestion de l'eau ? Les maires de la bande de Gaza avaient organisé, avec la Banque mondiale, un congrès extrêmement intéressant sur cette question.
Où en sont vos relations avec l'Egypte depuis les révolutions arabes ? Ce pays jouait un grand rôle dans le processus de paix.
C'est finalement le principe de réalité qui a conduit le Hamas à souhaiter un accord avec le Fatah. La perte d'influence des Frères musulmans dans la région a réduit le soutien qu'ils pouvaient apporter.
La division de la partie palestinienne a conduit Israël à ne pas négocier, le Fatah ne représentant que lui-même et le Hamas contrôlant la bande de Gaza. Il y a donc aujourd'hui une opportunité historique. Des négociations sérieuses ne pourront reprendre qu'une fois que la partie palestinienne constituera vraiment une entité solide et complète.
On a annoncé que le Hamas reconnaissait le leadership de Mahmoud Abbas. Quelles sont concrètement les étapes à venir pour que l'unité palestinienne devienne une véritable réalité ?
Son Excellence M. Hael Al Fahoum. Evitons de parler de chrétiens, de juifs et de musulmans dans cette affaire. Il ne s'agit pas d'une guerre de religion. La question est politique et juridique. La société palestinienne est une société mélangée, comptant des Palestiniens juifs, des Palestiniens chrétiens, des Palestiniens musulmans et des Palestiniens laïques, qui considèrent la religion comme une affaire privée. J'ai beaucoup de respect pour mes amis et mes frères juifs ou chrétiens.
Au demeurant, ceux qui ont le mieux défendu la cause palestinienne en France sont d'honnêtes citoyens juifs français, qui connaissent les souffrances du peuple palestinien et qui ont su dévoiler la stratégie du gouvernement israélien. J'aimerais pouvoir vous parler des démarches positives entreprises par le gouvernement de M. Nétanyahou, mais il n'y en a pas. A chaque fois, au lieu d'essayer de trouver des mécanismes d'application de paramètres faisant l'objet d'un consensus, y compris par les Américains, on recule et on finit avec de nouvelles questions.
Pourquoi n'a-t-on pas posé comme condition aux Egyptiens et aux Jordaniens de reconnaître la judéité de l'Etat israélien lorsque les accords de paix ont été négociés ? Ce n'est pas à nous de reconnaître ou non la manière dont Israël veut s'appeler. C'est aux Israéliens de s'adresser à l'ONU pour demander un changement de nom.
L'objectif de Nétanyahou est de nous pousser à nous autodétruire et à nier notre propre identité et nos propres droits. Il mène une stratégie de négation qui n'est pas nouvelle. Dans les années 1950, certains disaient que les parents mourraient et que les enfants oublieraient. Mais ils n'ont pas oublié. Dans les années 1960, un haut responsable israélien a déclaré que le peuple palestinien n'a jamais existé. De même, Nétanyahou fait comme s'il allait nous donner quelque chose, non pas en vertu de nos droits, mais par générosité. Or c'est de notre partie qu'il est question. Les Palestiniens, qu'ils soient juifs, chrétiens ou musulmans, y ont des racines. Nous avons vécu ensemble pendant des milliers d'années.
Ne polémiquons pas sur des questions de religion, surtout dans un Etat laïc comme la France.
Mais le Hamas est un mouvement islamiste !
Son Excellence M. Hael Al Fahoum. Je rappelle qu'il y a aussi plusieurs ministres israéliens qui dénient publiquement à la Palestine toute existence. Il y a des extrémistes des deux côtés. Mon rôle est d'explorer le potentiel positif des deux parties pour essayer d'avancer ensemble et pour faire en sorte que la Palestine soit une valeur ajoutée pour la stabilité, la paix et le développement dans le monde et dans la région, de même qu'Israël. C'est la meilleure garantie de sécurité pour les générations futures en Israël. Si nous arrivions à avancer sur la voie de la paix réelle, avec la solution à deux Etats, nous pourrions ensuite arriver à une certaine forme de confédération économique, culturelle, voire politique, avec d'autres pays dans la région.
La stratégie de Mahmoud Abbas n'est pas celle d'une seule personne mais celle d'un ensemble d'acteurs et de la majorité des palestiniens. Certains ministres de Mahmoud Abbas l'ont accusé de mener cette stratégie de paix mais c'est lui qui malgré toutes les difficultés et les souffrances de notre peuple sous l'occupation a maintenu cette stratégie consistant à rejeter toute forme de violence. Il a été accusé par un ministre israélien de mener un terrorisme diplomatique contre l'État d'Israël. Mahmoud Abbas a affirmé que l'holocauste était la pire chose qui soit arrivée à notre époque. M. Netanyahou a considéré qu'on ne pouvait pas le croire et qu'il n'avait pas le droit d'affirmer cela, ce qui relève de la folie.
Nous palestiniens sommes solides sur notre position. La société palestinienne a subi une pression inhumaine visant à nier son existence et à la priver de ses ressources et de ses racines pendant 70 ans. Nous avons malgré tout réussi à résister. Si nous y sommes parvenus, c'est parce que nous n'avons pas développé un bloc de haine en nous. Au contraire, nous avons surmonté nos souffrances et tenté de tendre le bras vers les autres, et d'explorer le vivre-ensemble, notamment pour que la Palestine soit un exemple relativement à d'autres crises dans le monde.
La Palestine n'est pas un problème, c'est la solution. Il faut explorer ce potentiel et tenter d'apaiser la situation. La reconnaissance d'un État se fait entre États et non pas entre partis politiques. Ce n'est pas à ces derniers que l'on demande la reconnaissance d'un État. Il ne faut pas chercher à fouiller là où l'on peut trouver un problème mais bien accumuler des solutions et essayer d'être positif.
Après le gel des négociations, nous avons réaffirmé notre position et nous avons interrogé le secrétaire d'État américain John Kerry sur la question de nos engagements. Quand Mahmoud Abbas a rencontré John Kerry à Paris, celui-ci a affirmé que la Palestine avait respecté tous ses engagements. Alors pourquoi cherche-t-on à nous punir ? Même lorsque l'on respecte nos engagements, on cherche a bloqué le processus de paix.
Il convient d'oeuvrer pour le bien-être des citoyens palestiniens et préparer les élections présidentielles et législatives, et celles qui concernent le Conseil national palestinien qui représente le parlement central du futur État palestinien.
Il y a trop d'acteurs dans l'espace palestinien. On blâme les palestiniens pour certaines erreurs commises mais c'est un miracle qu'ils aient résisté jusqu'ici et qu'ils soient parvenus à créer un système et une stratégie ouverte et pragmatique qui consiste à oeuvrer pour essayer de vivre avec les autres. Depuis 70 ans, des acteurs de l'espace palestinien n'ont eu de cesse d'injecter des microbes et des virus dans le corps palestinien afin de tenter de s'en débarrasser. Le plus fatal a été le virus de division inter-palestinienne. Le corps palestinien pourrait bien apparaître comme le plus vacciné face à toutes les maladies que l'on observe dans le monde, qu'elles soient d'ordre politique, social et culturel.
Ni le Hamas ni le Fatah ne vont décider du sort des palestiniens mais bien le peuple palestinien lui-même à travers le vote.
La réconciliation représente un signe positif de la tentative de faire avancer le processus de paix. Les négociations constituent la seule solution à l'apaisement de la situation et à quelque avancée vers la paix.
Cependant, nous avons besoin d'une implication positive de l'ensemble de la communauté internationale car c'est la seule voie viable à une consolidation de la réconciliation. On ne peut écarter ni l'Europe et la France de ce processus. L'Europe et la France ont un rôle extrêmement important à jouer en s'appliquant sur le terrain. Nous avons d'excellentes relations avec l'Europe et la France. Ces derniers peuvent jouer un rôle concret en parlant avec les deux parties.
On peut avoir une certaine incompréhension face à la gêne éprouvée par le gouvernement de M. Netanyahou du fait que la France reconnaisse la Palestine. La France s'est déjà exprimée dans ce sens et a voté pour la reconnaissance de la Palestine comme membre de l'Unesco. Un tel geste ne peut que contribuer à donner une impulsion positive ainsi que l'espoir et l'énergie nécessaires pour prendre des positions encore plus courageuses à l'avenir, dans un camp comme dans l'autre.
Nous cherchons à être positifs, à exploiter le potentiel énorme qui existe chez les Palestiniens aussi bien qu'en Israël. Notre objectif est d'aboutir à une reconnaissance mutuelle et réelle. Pour cela, il faut qu'Israël mette un terme à la colonisation, aux expropriations, à l'état de siège dans lequel il maintient le million et demi de Palestiniens présents sur le territoire israélien.
Ensuite, nous voulons discuter de la sécurité d'Israël et de la sécurité de la Palestine, du statut de Jérusalem pour qu'elle soit une capitale pour deux États. Nous avons exprimé nos propositions par écrit, les Israéliens quant à eux ne nous ont donné aucun document écrit pour nous dire, par exemple, quelles sont pour eux les limites de leurs frontières. Ils refusent toujours de rentrer dans des considérations précises, préfèrent s'en tenir à des généralités.
Sur la question de savoir ce que l'on peut attendre de la France et de l'Europe aujourd'hui. La France, comme les autres pays européens et l'UE, a un grand nombre d'accords et de partenariats stratégiques avec Israël. Pourquoi ne pas faire la même chose avec la Palestine. Le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault avait lancé l'idée d'un séminaire gouvernemental franco-palestinien. Nous espérons qu'il puisse avoir lieu bientôt. Il permettrait de réfléchir aux bases d'un futur partenariat.
La Palestine serait un atout pour la crédibilité de la France sur la scène internationale. La France est un atout pour la réussite du processus de paix. Un tel partenariat ne se ferait pas « contre Israël », mais pour la réussite du processus de paix.
Lorsque Mahmoud Abbas et John Kerry se sont rencontrés il y a quelques semaines à Paris, Kerry a explicitement dit que les colonies étaient illégitimes et illégales, comme l'a été l'annexion de Jérusalem-Est.
Sur la question des réfugiés. Il y a quatre millions de réfugiés, au Liban, en Jordanie, en Syrie. Ces personnes ont été expulsées de chez elles, et elles ont un droit à revenir. Ce que l'on négocie, c'est l'application de ce droit. Le fondement de ce droit est la résolution 194 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, de 1948. Nous souhaitons négocier son application avec l'accord de toutes les parties, nous ne cherchons pas à imposer une solution aux Israéliens. Nous souhaitons une vie meilleure non seulement pour nos enfants, mais aussi pour les leurs.
Il y a une responsabilité de la communauté internationale de s'impliquer directement pour faire arrêter la colonisation israélienne et la dénégation des droits des Palestiniens par Israël.
Si l'on parvient à une solution à deux États, Israël deviendra le premier partenaire économique de la Palestine. C'est un potentiel énorme pour toute la région.
Mais aujourd'hui, ce que l'on observe ce sont des souffrances quotidiennes immenses. Les gens étouffent. Il est impensable que quelques colons privent toute une population de vivre normalement. Le problème est que les Occidentaux, quand bien même ils ont connaissance de cette réalité, ont peur de la dévoiler.
Sur la situation dans la Bande de Gaza. La situation est chaotique. Il n'y a pas d'eau, pas de matériaux de construction. Nous espérons que l'Accord de consolidation va faciliter l'accès de ressources à la bande de Gaza via l'Égypte et via Israël. En 2020, il y aura deux millions d'habitants à Gaza. La situation va être invivable. Nous assistons à un suicide collectif.
L'OLP maintient le contact, tout reste ouvert. C'est une pause. Ce qui se passe est une provocation de la part des colons et de l'armée qui espèrent une nouvelle Intifada en réaction à ces provocations pour pouvoir de leur côté relancer la répression. Nous faisons tout pour ne pas tomber dans le piège et notre stratégie est de résistance pacifique, non violente, c'est le seul moyen de restaurer notre identité et de garantir notre présence. Il y aura au gouvernement des technocrates indépendants des partis politiques. C'est notre programme à court terme.
On a eu trop d'exemples d'effets négatifs d'ingérences extérieures. C'est pourquoi, vis-à-vis de l'Égypte, et d'une manière générale, nous n'avons de mauvaises relations avec personne mais nous sommes partisans de ne pas intervenir dans les affaires intérieures des autres, sauf à en payer un prix élevé et d'en subir les retombées néfastes. Onze camps de réfugiés palestiniens ont été détruits en Syrie quand l'OLP n'a pas voulu prendre position sur le conflit syrien. Nous avons donc pour position de rester à égale distance et de nous protéger des acteurs négatifs.
La France a indiquée être disponible pour organiser une nouvelle conférence des donateurs pour la Palestine. Comment articuler cela avec l'avancement du processus politique ?
Quelle analyse faites-vous de l'état actuel de la situation ? Israël et le gouvernement palestinien sont-ils prisonniers d'une situation enkystée avec beaucoup d'acteurs intervenant, difficile à maîtriser ou y a-t-il des raisons plus fondamentales tenant à l'État d'Israël ?
L'Autorité palestinienne a demandé à adhérer à différentes conventions internationales. Considérez-vous cette demande comme une alternative à la négociation ou d'autres mesures sont-elles à envisager ?
Son Excellence M. Haël Al Fahoum. On a posé la question aux États-Unis sur notre droit à adhérer ; ils nous ont dit oui, mais attendez, pour ne pas mettre le gouvernement de Benyamin Netanyahou en difficulté, ce à quoi le président a répondu que si Netanyahou s'impliquait, il aurait une majorité supérieure à celle dont il dispose aujourd'hui. Mais nous avons respecté notre engagement. Quand Israël a failli aux siens en ne libérant pas les prisonniers, nous avons décidé d'adhérer aux quinze conventions internationales. Il est de la responsabilité de l'ensemble de la communauté internationale de s'impliquer, compte tenu du fait que la situation faite au palestiniens résulte d'un certain système créé à la fin de la seconde guerre mondiale. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera à moyen ou long terme, la deuxième victime sera la société israélienne tout entière. Il faut trouver le moyen de travailler ensemble pour changer en profondeur. Nous maintenons cette démarche pour adhérer aux autres instances. La question de la CPI gène Israël et le gouvernement Netanyahou. Pour quelle raison avoir peur si l'on est innocent ?
En ce qui concerne la Conférence internationale des donateurs pour l'État Palestinien, et des discussions menées avec la France en la matière, il ne faudrait pas que cette conférence soit conçue comme consistant à mendier et apparaître comme une simple demande d'aide financière mais plutôt comme une démarche permettant de s'impliquer dans un tout système de développement, que ce soit en termes économique, politique, ou de progrès au niveau du processus de paix.
A l'époque, quand l'idée d'une telle conférence s'est fait jour il y a quelques années, les Etats-Unis étaient contre et avaient mis leur veto, mais aujourd'hui il semble que les américains veulent donner une sorte de « feu jaune », c'est-à-dire ni vert, ni rouge. Ce qui fait que nous nous trouvons dans une position d'attente.
Néanmoins, avec les changements qu'il y a eu récemment en France et en Palestine, peut-être que cela contribuera prochainement à débloquer les portes du processus de paix.
Informations relatives aux missions d'information
– Mission d'information sur le Proche et Moyen-Orient :
M. Jean-Philippe Mallé remplace M. Avi Assouly.
Création d'un groupe de travail :
– Groupe de travail sur la proximité orientale de l'Union européenne : MM. Serge Janquin, Pierre-Yves Le Borgn, Boinali Said, Thierry Mariani et Didier Quentin
La séance est levée à onze heures quinze