Commission des affaires étrangères

Réunion du 11 mars 2015 à 16h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin (n° 1961) – M. Daniel Gibbes, rapporteur.

La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

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Nous examinons aujourd'hui, sur le rapport de M. Daniel Gibbes, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin.

C'est un territoire dont la particularité est d'avoir connu la libre circulation avant la lettre, pour des raisons historiques que notre rapporteur va sans doute nous présenter.

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Nous sommes saisis du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et les Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin. Cet accord a été signé le 7 octobre 2010 à Paris. La procédure de ratification est désormais achevée du côté des Pays-Bas, dont nous avons reçu l'instrument de ratification le 19 janvier dernier. Il nous appartient désormais de faire de même, car cet accord présente un intérêt manifeste pour le renforcement de la coopération entre la partie française de l'île de Saint-Martin et sa partie néerlandaise, Sint-Maarten.

La ratification de cette convention, dans les plus brefs délais, fait d'ailleurs partie des 32 propositions d'un rapport d'information de juillet 2014 sur la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, avec notre collègue René Dosière, au nom de la commission des lois. Il nous est apparu que le renforcement de la coopération insulaire était une priorité dans tous les domaines, notamment en matière policière.

Je commencerai par vous présenter les enjeux généraux de la coopération à Saint-Martin, puis ceux de la coopération policière en particulier, avant de vous exposer les principales stipulations de l'accord qui nous est soumis.

L'île de Saint-Martin, qui passe pour avoir été découverte par Christophe Colomb lors de son second voyage aux Antilles, le 11 novembre 1493, le jour de la Saint-Martin, est située au Nord de la mer des Caraïbes, à 250 kilomètres de la Guadeloupe. A l'exception de très petites îles situées dans la mer baltique, Saint-Martin a pour particularité d'être aujourd'hui le plus petit espace insulaire divisé au monde.

Je ne reviens pas sur les principales caractéristiques démographiques et économiques des deux parties de cette île, à savoir la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, pour la partie française, et le pays de Sint-Maarten, pour sa partie néerlandaise. Sur ces différents points, permettez-moi de vous renvoyer à mon rapport écrit.

Au plan institutionnel, la partie française, qui est située au Nord de l'île, dont elle occupe environ 56 kilomètres carrés sur un total de 90, a été rattachée à la Guadeloupe jusqu'en 2007. Il s'agit désormais d'une collectivité unique, assumant les compétences dévolues aux communes, ainsi que celles reconnues aux départements et à la région de Guadeloupe, pour l'essentiel. Outre ces attributions, la loi organique du 21 février 2007 confère à la collectivité de Saint-Martin un champ de compétences propres relativement étendu, un pouvoir d'adaptation des normes nationales, ainsi que des fonctions consultatives sur les actes juridiques et la mise en oeuvre des politiques de l'Etat susceptibles de conditionner ou d'affecter l'exercice de ses propres compétences.

Quant à la partie néerlandaise de l'île, Sint-Maarten, il faut signaler que la révision constitutionnelle du 10 octobre 2010 a consacré la dissolution effective de la confédération des Antilles néerlandaises. Sint-Maarten est alors devenu l'un des quatre « pays » formant le Royaume des Pays-Bas, en compagnie d'Aruba et de Curaçao. Sint-Maarten bénéficie d'un haut degré d'autonomie interne. Son Parlement et son Gouvernement sont ainsi compétents pour élaborer conjointement la législation relative aux affaires intérieures. Le maintien de la sécurité et de l'ordre publics relèvent notamment de l'autorité du ministre de la justice de Sint-Maarten.

En ce qui concerne l'île de Saint-Martin, les relations entre la France et les Pays-Bas sont régies par un principe de libre circulation des personnes, des biens et des marchandises qui tire son fondement historique du traité de Concordia, signé le 23 mars 1648. Nous étions déjà l'Europe avant l'Europe... L'absence de contrôle à la frontière, qui n'est pas matérialisée, demeure en principe la règle. La mission d'information de la commission des lois sur la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin était parvenue à la conclusion qu'il était nécessaire de relancer la coopération entre les deux parties de l'île dans tous les domaines, afin de maîtriser pleinement les conséquences de la libre circulation. C'est une nécessité en matière économique et sociale, car les différences sont aujourd'hui très importantes des deux côtés, mais aussi en matière de sécurité publique. Le principe de la frontière limite l'efficacité de l'action policière, alors que son absence de matérialisation et la tolérance de circulation favorisent des flux de toute nature.

En matière policière, la coopération a vocation à être régie par des textes spécifiques à Saint-Martin.

Tout d'abord, la convention d'application de l'accord de Schengen ne s'y applique pas. Son article 138 en limite l'application au territoire européen respectif de la France et des Pays-Bas. Cette convention prévoit pourtant un droit d'observation transfrontalière qui permet de continuer la surveillance et la filature d'un individu sur le territoire d'une autre Partie, dans le cadre d'une enquête judiciaire, ainsi qu'un droit de poursuite transfrontalière. Elle permet aussi le détachement de fonctionnaires de liaison. Ces mesures présentent un intérêt particulier à Saint-Martin et sont d'ailleurs reprises dans l'accord qui nous est soumis.

Ensuite, si la France et les Pays-Bas sont déjà liés par un accord de coopération dans le domaine de la police et de la sécurité, signé à la Haye en 1998, cet accord ne prévoit pas les mécanismes de coopération transfrontalière qui sont les plus nécessaires à Saint-Martin, la France et les Pays-Bas n'ayant pas de frontière européenne commune.

A Saint-Martin, la coopération s'appuie aujourd'hui sur un accord de 1994 relatif au contrôle des personnes sur les aéroports de l'île, au nombre de deux. Il permet notamment d'instaurer un contrôle commun à l'aéroport international de Juliana, situé en zone néerlandaise, pour renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière. Malgré quelques progrès récents, la pratique reste encore perfectible, qu'il s'agisse de l'application de cet accord de 1994 ou de la surveillance générale du territoire insulaire, en l'absence de coopération opérationnelle quotidienne.

L'accord qui nous est soumis a précisément pour objet de renforcer le cadre de cette coopération policière au plan insulaire. La partie française a été à l'initiative du texte, dont le principe a été accepté par les autorités néerlandaises en 2005. Cet accord devrait notamment permettre de faire face dans de meilleures conditions aux flux migratoires entre les deux parties de l'île et de juguler l'essor du trafic illicite de stupéfiants et d'autres activités criminelles dans l'arc caribéen.

Par ses finalités et ses modalités, cette convention est très étroitement inspirée des accords de coopération policière transfrontalière que la France a conclus avec ses voisins en ce qui concerne son territoire hexagonal. A la différence d'autres conventions, on notera toutefois que l'accord relatif à Saint-Martin ne prévoit pas la création d'un centre de coopération policière et douanière.

En premier lieu, l'accord tend à renforcer la coopération institutionnelle « classique ». Les articles 5 et 6 fondent juridiquement et intensifient les échanges d'informations destinés à prévenir et à rechercher les faits punissables, dans le respect de la législation de chaque Partie et dans la limite des compétences des services concernés – la police et la gendarmerie nationales pour la Partie française ; les fonctionnaires de police judiciaire au sens du code de procédure pénale des Antilles néerlandaises pour l'autre Partie. Cette coopération complète celle qui est assurée par l'intermédiaire des organes centraux nationaux.

L'accord permet aussi le détachement d'agents de liaison, afin de promouvoir et d'accélérer la coopération entre les Parties. Leurs missions sont strictement encadrées par l'accord : chargés d'une mission d'avis et d'assistance, les fonctionnaires de liaison ne sont pas compétents pour l'exécution autonome de mesures de police. Les détachements feront l'objet d'arrangements techniques sur la base des besoins ponctuels identifiés par les services.

L'article 10 demande enfin aux Parties de se prêter mutuellement assistance lors de manifestations de masse, d'événements majeurs ou encore de catastrophes.

Un deuxième grand volet est consacré à la coopération dite « directe » entre les unités opérationnelles des deux Parties à Saint-Martin, au-delà des échanges d'informations et des efforts assez classiques qui sont attendus en matière de formation.

L'article 9 prévoit en particulier l'élaboration de schémas d'intervention commune pour les situations nécessitant une coordination entre les unités, l'élaboration en commun de plans de recherche, l'organisation de patrouilles au sein desquelles l'unité d'une Partie peut recevoir l'assistance d'agents des services compétents de l'autre Partie, ou encore la programmation d'exercices communs.

Conformément à l'article 14, des patrouilles mixtes pourront être organisées afin de prévenir des menaces pour l'ordre public, de lutter contre les trafics illicites, l'immigration irrégulière et toute forme de criminalité, et d'assurer la surveillance de la frontière.

Le troisième volet principal du texte est relatif aux observations et aux poursuites transfrontalières, que j'ai déjà brièvement présentées.

Mes chers collègues, voilà les principales observations qu'appelle l'accord entre la France et les Pays-Bas qui nous est soumis. Il reste à espérer qu'il sera appliqué dans de meilleures conditions que le texte plus spécifique de 1994, relatif aux contrôles dans les aéroports, que j'ai eu l'occasion d'évoquer tout à l'heure.

En ce qui concerne la rédaction de l'accord, on pourrait s'interroger sur le fait que l'autorité préfectorale n'est pas explicitement mentionnée, contrairement à l'autorité judiciaire. Il ne faudrait pas en conclure, me semble-t-il, que les policiers et les gendarmes français, désignés à l'article 2 comme étant les services compétents pour l'application de l'accord, agiront sans en référer à l'autorité préfectorale et que celle-ci ne sera pas associée au bilan périodique de la coopération, prévu à l'article 9, ni à l'élaboration des actions communes. Il va de soi, néanmoins, que cet accord avec les Pays-Bas n'a pas pour vocation de préciser la répartition des compétences et l'articulation entre la police administrative et la police judiciaire dans la partie française de l'île.

Ces quelques réserves ne m'empêchent pas, mes chers collègues, de vous inviter à adopter le projet de loi qui nous est soumis. Comme je l'indiquais au début de mon intervention, il est grand temps que cet accord puisse entrer en vigueur. Nous sommes maintenant un peu en retard par rapport à la Partie néerlandaise.

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Merci, Monsieur le rapporteur, pour cet excellent rapport qui nous fait voyager dans le temps et dans les îles.

Vous trouverez en annexe du projet de rapport les dispositions du premier accord conclu entre les Etats de Hollande et le Royaume de France en la matière. Il comporte un article quatrième prévoyant un début de coopération policière puisqu'il dispose « que si quelqu'un, soit François soit Hollandois, se trouve en délict ou infraction des conventions ou par refus au commandement de leurs supérieurs, ou quelqu'autre genre de faute, se retiroit dans l'autre nation, lesdits sieurs accordans s'obligent à le faire arrester dans leur quartier et à le représenter à la première demande de son gouverneur ». L'ouverture des frontières et la coopération policière étaient prévues dès 1648, ce qui n'est pas rien. Mais il fallait bien sûr préciser la situation, comme le fait l'accord qui nous est soumis aujourd'hui.

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La situation a en effet beaucoup changé depuis la conclusion du traité de Concordia. La dernière évolution en date est le statut de collectivité d'outre-mer acquis par Saint-Martin en 2007.

Si cette collectivité a de nombreuses compétences, que j'ai évoquées tout à l'heure, ce n'est le cas pour la coopération régionale que dans les matières où elle est déjà compétente au plan interne. La coopération policière n'en fait pas partie.

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Il s'agit effectivement, par définition, d'une compétence d'Etat.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1961).

La séance est levée à dix-sept heures.