Examen de l'avis sur le prélèvement européen et du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union européenne (n° 3086) – Mme Estelle Grelier, rapporteure.
La séance est ouverte à dix-sept heures
Nous commençons cet après-midi l'examen des avis budgétaires de notre commission et je vais bientôt laisser la parole à notre collègue Mme Estelle Grelier pour nous présenter son avis sur l'article 22 du projet de loi de finances pour 2016, relatif au prélèvement européen.
Nous examinerons ensuite, également sur le rapport de Mme Estelle Grelier, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union européenne (n° 3086).
Les deux sujets sont intimement liés : la décision ressources propres n'est que le volet relatif aux recettes du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne qui fixe les grandes orientations du budget européen pour la période 2014-2020. C'est pourquoi il a paru plus judicieux de joindre les deux débats en Commission.
Selon une tradition désormais établie, notre Commission s'est saisie pour avis de l'article 22 du projet de loi de finances pour 2016, évaluant le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au profit du budget de l'Union européenne (PSR-UE).
Cet article l'évalue à 21,5 milliards d'euros. Ce montant, non définitif, repose sur les estimations :
– des recettes communautaires, dont je souligne qu'elles sont structurellement mal évaluées par la Commission européenne
– de notre participation au rabais britannique ;
– du solde qui sera constaté en fin d'année, sur lequel pèsent de grands incertitudes ;
– du budget 2016 de l'Union, qui n'est pas encore adopté.
La négociation sur la proposition de budget pour 2016 est engagée. D'ores et déjà inscrite dans un cadre pluriannuel resserré, alors même que l'Union européenne doit composer avec une augmentation du nombre des États membres, de nouvelles compétences attribuées par les traités, des politiques communautaires plus intégrées, des besoins majeurs en termes d'investissements structurants, que ce soit en matière de recherche et développement, de transport et d'énergie, des défis stratégiques immenses, avec une multiplication des conflits dans son voisinage, dont la crise migratoire – à laquelle l'Europe peine encore à faire face – est le dramatique symptôme.
Pour la deuxième année consécutive, un débat relatif au prélèvement européen aura lieu en séance publique. Sur la forme, c'est un progrès dont je me félicite. Nous étions plusieurs au sein de cette commission, dont notre présidente, à plaider en sa faveur. Mais sur le fond, je ne peux que regretter le peu d'avancée dans le débat sur les objectifs et les moyens financiers de la politique européenne. Le rapport que je vous présente cette année aura de ce point vue, hélas, des airs de « déjà-vu ».
Pourtant, c'est le premier budget élaboré par la nouvelle Commission européenne présidée par M. Jean-Claude Juncker. Il obéit donc, c'est un progrès, à dix priorités politiques définies dans le programme « pour l'emploi, la croissance, l'équité et le changement démocratique » présenté le 15 juillet 2014 par le Président de la Commission européenne devant le Parlement européen.
La Commission s'est efforcée de présenter un projet à la hauteur des ambitions fixées par le Conseil en juin 2014.
L'ensemble des moyens proposés s'établit à 153,8 milliards en engagements, soit 1,05 % du RNB, et à 143,5 milliards en paiements, soit 0,98 % du RNB.
Par rapport à 2015, les crédits de paiement progressent d'1,6 %, ce qui correspond à une quasi-stabilisation en volume, et les crédits d'engagement diminuent de 5 %. Cette baisse doit toutefois être relativisée. En effet, si l'on neutralise la reprogrammation des crédits de 2014, qui se fait à titre principal sur 2015, les engagements progressent de 2,4 % entre 2015 et 2016.
Conformément aux priorités affirmées par la Commission européenne et aux orientations données par les autorités européennes, l'accent est mis sur la croissance et l'emploi, la sécurité, la politique migratoire et la politique extérieure. La Commission européenne affiche également sa volonté de maîtriser les dépenses administratives, qui augmentent néanmoins de 2,9 %, et de réduire les effectifs des institutions européennes, en application de l'accord interinstitutionnel du 2 décembre 2013 sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière.
La proposition du Conseil du 15 juillet 2014, est, comme de coutume, en retrait. Il a souhaité restaurer des marges sous plafonds significatives. Comment pourrait-il en être autrement puisque le système des ressources propres de l'Union aboutit à une situation absurde, pour ne pas dire préoccupante, où chaque État essaie de reprendre d'une main ce qu'il donne de l'autre.
Le Conseil a fixé le niveau des crédits d'engagement à 153,269 milliards d'euros, soit une diminution de – 5,4 % par rapport au budget 2015 voté et a limité la hausse des crédits de paiement à + 0,6 %. Par rapport au projet de la Commission, le Conseil a décidé de réduire de 564 millions d'euros les crédits d'engagement et de 1 422 millions d'euros les crédits de paiement. Les instruments spéciaux sont maintenus au niveau proposé par la Commission, hormis l'instrument de flexibilité qui n'est plus mobilisé en crédits de paiement.
Le Parlement européen a proposé de supprimer les propositions de baisse de crédit du Conseil et d'augmenter les moyens des agences en charge de la gestion de la crise migratoire, et des programmes en faveur de l'entreprenariat et des PME, de revenir sur les redéploiements des crédits du programme de recherche d'Horizon 2020 au bénéfice du fonds européen d'investissement, et, enfin de faire un plein usage des instruments de flexibilité.
Nous sommes ici en pleine contradiction avec les priorités affichées par le cadre financier pluriannuel, par les conclusions du Conseil de juin 2014 et par Jean-Claude Juncker, mais aussi portées par la France – je n'oublie pas le plan pour la croissance envoyé aux membres du Conseil par François Hollande avant le Conseil de juin 2014. Si les Etats membres font le choix de se soumettre à une discipline budgétaire rigoureuse, alors l'Union doit pouvoir financer des investissements nécessaires à l'amélioration de notre croissance potentielle, à la modernisation de nos infrastructures, à la formation des travailleurs. C'est une vision court-termiste et intergouvernementale qui s'impose.
J'en veux pour preuve par exemple, l'initiative de la Commission européenne, qu'il faut saluer, de créer un Fonds européen pour les investissements stratégiques : les effets de levier annoncés pour les dépenses de ce Fonds de 1 à 15, sont peu réalistes. En outre, les sommes proposées ne couvrent qu'une partie des besoins de l'Europe en infrastructures, évaluées à 1 000 milliards d'euros. Enfin, le fonds mobilise surtout des redéploiements de crédits (21 milliards d'euros dont en réalité seuls 13 milliards correspondent à des crédits – 5 milliards mobilisés par la BEI et 8 milliards obtenus par redéploiement au sein du budget de l'Union).
Autre exemple, la politique étrangère de l'Union européenne, sur laquelle la Commission s'est efforcée de mettre l'accent. Un exemple, les crédits qui doivent permettre d'assurer la poursuite des opérations en cours, au Sahel, dans la corne de l'Afrique, en Lybie, en République démocratique du Congo et en Ukraine. Ils sont certes en hausse (+ 2 % en engagements et + 11,5 % en paiements), mais limités en valeur absolue : ils correspondant en 2016 à 327 millions d'euros en engagements et 299 millions d'euros en paiements. Il faudrait par ailleurs renforcer les dotations en faveur de l'instrument européen de voisinage, notamment au Sud de l'Europe, dont l'importance stratégique est trop sous-estimée par certains de nos partenaires européens.
On peut aussi regretter que l'Initiative pour l'emploi des jeunes ne bénéficie d'aucun nouveau crédit en 2016.
Le compromis entre les deux branches de l'autorité budgétaire, qui devra être trouvé avant le 18 novembre 2015, doit selon moi tendre vers la position de la Commission, dont les hausses de crédits me semblent justifiées. Certes, cette année, le cadre financier bénéficie des nouvelles modalités de souplesse de gestion définies avec le Parlement européen, dont la portée doit toutefois encore être précisée, notamment pour ce qui concerne la possibilité de mobiliser au-delà du plafond des crédits de paiement les instruments spéciaux. Mais ces instruments de flexibilité ne sont pas une réponse aux problèmes de financement de l'Europe, ils ne sont qu'un pis-aller. La question de savoir quel budget nous voulons pour quelle Europe, qui est peut être l'une des plus importante dans les années à venir, n'est pas sérieusement posée, si on veut financer les nouvelles priorités tout en continuant de financer les programmes communautaires, que ce soit les échanges universitaires ou la mobilité des jeunes.
Lors des négociations sur le cadre financier pluriannuel, une clause de revoyure en 2016 a été prévue, à laquelle les Parlements nationaux seront associés au cours d'une conférence institutionnelle.
La France pourrait y jouer un rôle de premier plan.
D'abord parce que c'est un des premiers contributeurs du budget européen, contribution dont le dynamisme ne se dément pas d'année en année. C'est d'ailleurs un des seuls pays à ne pas bénéficier d'un rabais. Au passage, le prélèvement au profit du budget de l'Union étant inscrit dans la norme de dépense, son augmentation réduit d'autant les crédits consacrés à d'autres politiques. C'est pourquoi la proposition d'exclusion du solde net de notre contribution au budget de l'Union du calcul du solde nominal et structurel des administrations publiques mérite d'être étudiée.
Nous sommes aussi grand bénéficiaire du budget européen : au-delà de la politique agricole commune, les étudiants français bénéficient des programmes comme Erasmus +, nos communes et nos régions de la politique de cohésion, la garantie jeunesse est financée par le budget européen, les fonds structurels contribuent à créer des emplois, les dépenses de recherche bénéficient à notre industrie et à nos investissements à l'étranger. Notre économie bénéficiera de l'effet de levier des dépenses européennes, si les 300 milliards d'euros d'investissements annoncés se concrétisent.
Ensuite, parce que la France oeuvre à un rééquilibrage de la politique européenne en faveur du soutien à la croissance et à l'emploi. Le pacte de croissance en témoigne, de même que nos efforts pour concrétiser l'union bancaire, renforcer la coordination de nos politiques économiques, soutenir l'investissement dans l'énergie, les transports, ou encore la santé, anticiper la mise en oeuvre de l'initiative européenne pour la jeunesse.
La France doit préparer activement cette échéance, c'est à dire :
– continuer de porter un policy mix intelligent entre croissance et rigueur. Nous devons le porter avec l'Allemagne, les dernières déclarations de François Holland et Angela Merkel vont dans ce sens, elles doivent trouver rapidement des traductions concrètes ;
– réaffirmer que dans un contexte budgétaire contraint au niveau national, le budget européen doit jouer un rôle de régulateur conjoncturel.
– enfin, il faut se donner les moyens de faire du budget européen un instrument de solidarité et d'investissement financé par des ressources propres dynamiques, s'inspirant des propositions faites par la Commission en 2011.
J'en viens donc ici à la réforme des ressources propres de l'Union, qui me semble avortée. En effet, la dernière décision, dont le projet de loi dont nous discutons également au cours de cette séance propose l'approbation, a été un rendez-vous avorté, qui n'a modifié qu'à la marge un mode de financement du budget de l'Union que j'estime pour ma part obsolète.
La décision du Conseil relative au système de ressources propres de l'Union européenne (dite « décision ressources propres ») a été examinée en parallèle des négociations du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne pour la période 2014-2020. Elle a été adoptée à Bruxelles, a été adoptée à l'unanimité, le 26 mai 2014.
Cette décision ne modifie pas en substance l'équilibre actuel du financement du budget de l'Union européenne, équilibre qui n'en est plus un. En effet, la quasi-intégralité du budget demeure financée par la ressource « revenu brut national » versée par chaque État membre, la ressource TVA n'est pas non plus modifiée.
Par ailleurs les compensations et divers rabais accordés à la plupart des contributeurs nets au budget européen – à l'exception notable de la France et de l'Italie – ont été maintenues. La France financera 27 % du rabais britannique. C'est donc, jusqu'en 2020, un mode de financement obsolète, opaque et inefficace qui prévaudra.
Cependant, il n'est pas interdit de réfléchir à la suite. L'examen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel de l'Union, qui aura lieu en 2016, doit en fournir l'occasion. Il sera nourri par les travaux du groupe à haut niveau présidé par M. Mario Monti, qui doit publier prochainement des propositions, avant la conférence interinstitutionnelle à laquelle seront conviés les Parlements nationaux. Mario Monti s'est lui-même déclaré peu optimiste sur les chances d'aboutir.
Le budget européen ne peut pas continuer à être l'agrégation des contributions des différents États membres, car ressurgira chaque année le clivage entre les pays de la cohésion – dénonçant les engagements non tenus – et les contributeurs nets expliquant qu'étant tenus par des contraintes budgétaires fortes ils souhaitent limiter leur contribution.
Une véritable réflexion sur la valeur ajoutée du budget européen et de la répartition de l'effort financier entre niveau communautaire et États membres fait aujourd'hui défaut, de même qu'une réflexion approfondie sur la nécessité d'une véritable politique budgétaire de la zone euro, sans oublier, à plus long terme, la question institutionnelle et les limites de la règle de l'unanimité, portant notamment sur les décisions relatives aux ressources propres – une des raisons pour lesquelles le système n'a jamais été réformé et qui laisse craindre un même manque d'ambition pour l'après 2020.
Je vous remercie chère Collègue pour vos deux rapports très précis et à la fois très techniques et très politiques. Je partage absolument vos constatations malheureusement : un budget qui manque d'ambition et un système de ressources propres qui devrait être profondément réformé avec cet empilement de corrections qui rend les choses illisibles et surtout qui prête le flanc à beaucoup de critiques.
Je félicite chaleureusement notre rapporteure qui a montré, une fois encore, qu'elle connaît ses dossiers, les maitrise parfaitement et les expose avec beaucoup de clarté. Je voudrais vous interroger à propos des migrants. Peut-on retrouver la trace dans le budget et les comptes de l'Union européenne de cet effondrement, nous dit-on, des crédits de l'Union à destination des camps de réfugiés syriens ou irakiens en Turquie, au Liban et en Jordanie, qui expliquerait pour une grande part la détérioration des conditions de vie dans ces camps et l'exode massif vers l'Europe ?
J'adresse mes félicitations pour les conditions dans lesquelles vous avez réalisé ce rapport. Ma question est un peu liée à la précédente. J'ai été interpellé par un article des Echos, et ce n'est pas n'importe quel journal. D'après cet article, cette semaine, le FMI et la Banque mondiale, Berlin et Bruxelles ont évoqué lors d'échanges informels l'augmentation des ressources du budget européen grâce à un impôt spécial, qui pourrait prendre la forme d'une surtaxe sur les carburants ou sur la TVA, citant le Süddeutsche Zeitung. Ce système serait inspiré de ce qui a été visiblement fait en Allemagne de l'ouest pour financer la réunification. Est-ce que ce système de taxe spéciale pour faire face à la crise migratoire est une idée sérieuse, car je crois qu'il n'y a pas de meilleur moyen de faire détester l'Europe ?
Deuxièmement, où en sont effectivement les crédits dans le budget pour financer ce qui s'annonce comme un mouvement durable, puisqu'on évoque désormais pour 2015 le chiffre de 1,5 million de personnes ? Enfin je rejoins un peu la question posée sur le financement des camps, même si il ne doit pas être assuré seulement par nous. Je réfute l'idée que parce que l'Europe a baissé ses financements aux camps, elle est responsable de la situation des camps, car il y a d'autres pays voisins qui peuvent assurer un financement.
C'est exact. Certains voisins ne le font pas suffisamment. C'est une question que nous devons approfondir : quels sont les financements des pays du Golfe qui vont aux camps de réfugiés dans les pays du sud de la Méditerranée ? Je crois qu'il y en a peu voire pas pour les camps gérés par le Haut-Commissariat aux réfugiés, qui sont les principaux, mais qu'il y a des financements qui vont à d'autres centres d'accueil. C'est ce que j'ai compris de mes échanges avec le HCR.
Lorsque j'ai posé la question au HCR dans le cadre de mes fonctions de président de la commission en charge des migrations au Conseil de l'Europe, c'est ce qui m'a été répondu.
Ce serait quand même navrant qu'il n'y ait pas une coordination, sous l'égide des Nations-Unies, de l'aide apportée aux différents camps de réfugiés, avec un risque d'avoir des systèmes d'accueil à deux vitesses : des camps de réfugiés bien dotés avec peu de réfugiés et des camps du HCR peu dotés car les crédits ont été beaucoup diminué, qui compteraient énormément de réfugiés. On s'éloigne un peu de notre sujet, même si les crédits européens figurant dans le budget sont évidemment importants.
La rapporteure a démontré avec clarté l'épuisement du système et – il faut voir les choses en face – sa mort certaine. Initialement, les Etats décidaient un certain nombre d'actions et les finançaient. A force d'avoir voulu monter en puissance avec un projet européen et un budget européen, on a abouti à un système complètement illisible avec en plus de nombreuses corrections, confortées par la décision du 26 mai 2014, et qu'il faut remettre à plat.
La question fondamentale qui se pose est de savoir s'il faut un budget européen. Je le dis. Vous avez une déperdition des moyens pour faire remonter de l'argent à Bruxelles pour des fonds structurels qui le font redescendre à Varsovie, Thessalonique ou ailleurs, c'est proprement aberrant alors qu'on pourrait financer des actions directement au moyen par exemple de protocoles financiers. Cela irait beaucoup plus vite, cela coûterait beaucoup moins cher avec l'hypertrophie administrative à Bruxelles et cela serait beaucoup plus efficace sur le terrain.
Sur le fonds européen pour l'investissement, c'est la même chose. C'est de l'argent versé par les Etats au budget européen pour financer des projets dans les Etats. Pourquoi faire remonter à Bruxelles cet argent, le faire médiatiser par une série de fonctionnaire pour le faire redescendre. C'est complètement aberrant. Le principe de subsidiarité doit s'appliquer et il faut financer directement.
Une petite anecdote et un jugement sur l'union bancaire. L'union bancaire, c'est un Titanic, c'est une catastrophe annoncée car il suffira qu'il y ait une petite banque en Allemagne ou ailleurs qui, par l'effet de la titrisation, mette en péril une grande banque, même la Deutsche Bank puisqu'elle est malade, pour que tout le système saute, alors qu'il faudrait au contraire compartimenter. Je vais vous donner un exemple : dans l'affaire des attentats des tours jumelles de New York, Axa, compagnie d'assurance française, a payé 800 millions de dollars aux assurances américaines parce qu'il y a un système de réassurance, une sorte de mondialisation des risques qui fait qu'on ne maîtrise plus rien et qu'il y a des effets en chaîne. L'union bancaire c'est la même chose. Pour en avoir discuté pendant longtemps avec un certain nombre de gens de la banque de France, ils disent que c'est exactement le contraire qu'il faudrait faire, c'est à dire compartimenter pour contenir les risques. Ce n'est pas avec un fonds de résolution de 60 milliards que vous ferez face à l'éventualité d'un château de carte qui s'écroulera par des effets en chaîne. C'est extrêmement dangereux.
J'aimerais également savoir ce que nos compatriotes paient pour le machin européen et je pèse mes mots car cela devient complètement aberrant. On est en train de monter en puissance contre l'idée même d'Europe alors qu'elle est nécessaire mais sous la forme de coopération et pas d'un machin. Je voudrais à ce propos connaître la distribution de subventions à tout un tas d'organismes qui ont pour mission de chanter l'Europe et c'est un saupoudrage scandaleux à un certain nombre de groupes politiques et je ne peux pas l'accepter. C'est un vrai problème.
Quant au service diplomatique, si vous relisez le protocole n° 14 au Traité, que constatez-vous : on dit qu'on fait un service diplomatique mais qu'on continue la diplomatie nationale et qu'il ne peut pas tangenter. C'est clair, c'est un doublon, c'est manifeste et c'est aussi d'ailleurs une machine à anglicisation car on n'y parle qu'anglais. Vous voulez faire des économies ? Supprimez ce service, cela ne sert à rien. Il faut que chaque pays qui assure la présidence de l'Union européenne parle au nom de l'Union européenne c'est à dire des Etats.
Je crois qu'on est aujourd'hui au bout d'un système. Si on continue comme ça, on va désespérer nos compatriotes de l'idée même d'Europe. Je vous remercie.
Je vous ai laissé développer vos arguments, mais je vous répondrai après la rapporteure. Je suis en désaccord avec vous sur tous les points, comme d'habitude. Mais cela n'empêche pas la bonne humeur entre nous.
Je voudrais féliciter la rapporteure et lui dire que je soutiens naturellement son analyse et ses conclusions. Je crois que le problème est moins financier que politique. Sans abonder dans le sens de Jacques Myard, il me semble que nous avons à nous poser la question d'une manière plus systémique. La crise des migrants est un révélateur : la réactivité et la capacité d'adaptation de l'Europe est en deçà de ce que nous pourrions attendre. Nous avons voté à la quasi-unanimité une résolution sur la politique de voisinage. J'aimerais savoir s'il y a des inflexions sur ce plan. Ne pas soutenir fortement les pays situés dans notre environnement immédiat en essayant de les stabiliser et en investissant dans la paix, quand elle possible, est très difficile à expliquer à nos concitoyens.
Ce que vous avez dit sur la réflexion institutionnelle me paraît très utile. A travers cette remise à plat, nous pouvons réorienter le fonctionnement politique. Pour avoir été en charge de la présentation de ce prélèvement devant l'Assemblée pendant plusieurs années, je ne crois pas que ce soit une question de principe ou de montant. C'est une question qui s'intègre dans une réflexion plus large sur l'utilité et la crédibilité.
Nous vivons des moments budgétaires difficiles, car nous recherchons des crédits pour mener des politiques publiques en France. Je comprends que si notre contribution nette est importante, son évolution l'est également. Dans un contexte de concurrence sociale et fiscale entre Etats membres aujourd'hui, et demain dans le cadre du Brexit, 2016 sera un moment crucial pour l'Union européenne. Nous devons peut-être mettre nous aussi un pied dans la porte, non pour demander un rabais à notre tour, car la logique de l'Union européenne n'est pas de verser un euro pour en recevoir un, car cela ne correspond pas à la volonté de développer un projet commun pour l'Union européenne, mais nous ne pouvons pas laisser tout faire. Nous ne pouvons laisser des chèques partir et accepter ensuite que les normes de leurs bénéficiaires s'appliquent aux autres. Je suis donc très intéressé par la proposition de la rapporteure sur l'extraction du déficit.
Le projet de budget pour 2016 doit prévoir 300 millions d'euros supplémentaire en crédits d'engagements pour l'aide humanitaire à destination des réfugiés, ce qui pourrait signifier que les crédits n'étaient pas suffisants. Mais je n'ai pas eu connaissance dans le cadre de mes travaux de la répartition des subventions. Comme je n'aime pas décevoir Jean Glavany, je lui communiquerai plus tard les chiffres précis qu'il attend.
Monsieur Mariani, le Süddeutsche Zeitung en fait beaucoup sur le sujet de la taxe spéciale que vous évoquiez, mais en réalité chacun verse au débat son propre projet de taxe dans le cadre du groupe à haut niveau présidé par Mario Monti. Il s'agirait d'une nouvelle ressource propre pour l'Union européenne, ce qui implique une décision à l'unanimité. Cette offensive allemande n'est qu'une forme de lobbying à l'intérieur d'un système en cours d'évolution. Je crois qu'il n'y a pas lieu de chercher plus loin.
Je partage au moins avec Jacques Myard l'idée qu'une remise à plat du système est nécessaire, même si nous ne sommes probablement pas d'accord sur l'idéal européen et le projet qui le sous-tend. Comme le disait Nicole Ameline, la remise à plat s'impose parce que le projet européen ne peut plus continuer à être financé de cette manière. Avec la question des contributeurs et des bénéficiaires nets, l'idéal européen est nié et la solidarité dévoyée. C'est le révélateur d'un système qui ne va pas très bien et d'un projet en panne. Sur le constat, je crois que nous pouvons être assez d'accord. Au-delà, faut-il un budget européen ? Je le pense. Vaudrait-il mieux un protocole financier pour convenir d'une forme de solidarité entre Etats qui s'organiserait mécaniquement, naturellement ou divinement ? Je n'y crois pas. Je laisserai la Présidente répondre sur la question de l'union bancaire. Les crédits de la rubrique « citoyenneté », que vous visiez sans doute au titre de la promotion de l'Union européenne, sont en augmentation.
Vous avez posé une question sur le service diplomatique européen, qui est venu se superposer aux services diplomatiques nationaux. L'ambition de Catherine Ashton était « d'aspirer », progressivement, les services diplomatiques nationaux, mais cela n'a pas fonctionné de cette manière. On peut critiquer l'ossature du projet, mais sur le fond, il s'agissait de doter l'Union des moyens d'une politique étrangère commune que nous appelons de nos voeux. Pour répondre à la question sur le solde net, il ne peut être encore connu pour 2016, mais pourrait tendre vers 8 milliards d'euros. Enfin, pour répondre à M. Bui, oui nous pourrions tenter d'extraire le solde net du calcul du déficit nominal, car il est en dégradation constante.
Un autre sujet est celui du financement des rabais. Notre position a été constante à l'égard des rabais, nous sommes contre ces dispositifs qui rajoutent à l'opacité générale du financement de l'Union. Mais nous avons une faiblesse sur le rabais des Britanniques, c'est qu'ils sont contributeurs nets. Ils avaient réussi à négocier ce rabais car, à l'époque, une grande partie des dépenses étaient des dépenses agricoles qui ne leur revenaient pas prioritairement. Ils possèdent un vrai pouvoir de chantage car, en vérité, un Brexit nous coûterait plus cher qu'un arrêt du financement du rabais britannique.
Je terminerai sur les questions institutionnelles, qui sont majeures et bloquantes. La règle de l'unanimité ne fonctionne plus. La méthode intergouvernementale de juste retour est toujours privilégiée sur la méthode communautaire mais envoie de mauvais signaux aux citoyens européens. Le budget témoigne de la faiblesse du projet européen en termes de crédibilité et d'ambition. Le système est aujourd'hui atrophié et il faut le changer. A cet égard, la décision sur les ressources propres est assez décevante.
Oui, les autorités européennes ont décidé au printemps 2014 d'accorder une assistance macro-financière, sous la forme d'un prêt d'1 milliard d'euros, à l'Ukraine et de mettre en place un « contrat d'appui à la consolidation de l'État » reposant sur un programme financier de 355 millions d'euros, avec un rythme d'exécution rapide : 250 millions en 2014 et 105 millions en 2015. Ce soutien financier a été conditionné à des progrès dans la lutte contre la corruption, la modernisation de l'administration publique, la réforme constitutionnelle et l'évolution de la législation électorale. Il a ensuite été décidé, en 2015, d'attribuer à l'Ukraine une nouvelle assistance macro-financière d'1,8 milliard d'euros, sous la forme d'un prêt à moyen terme décaissable en quatre tranches de mi-2015 à début 2016.
Pour 2014, les Anglais sont les troisièmes contributeurs nets, à hauteur de 6,9 milliards d'euros. Les premiers sont les Allemands (16,9 milliards d'euros), suivis des Français (7,9 milliards d'euros). Les principaux pays bénéficiaires sont la Pologne, la Hongrie, la Grèce et la Belgique.
J'ai quelques commentaires. D'abord, je partage entièrement l'analyse, claire et argumentée, de Mme Grelier sur la nécessité d'une remise à plat du système. Année après année, le budget en dépenses n'a pas évolué, en pourcentage du revenu national brut cumulé de l'Union, et ce, alors même que nous étions 12 et qu'aujourd'hui, nous sommes 28. Or, nous avons besoin d'un budget européen pour financer les efforts de solidarité.
Je suis, par ailleurs, en profond désaccord avec M. Myard, sur l'idée qu'il faudrait renationaliser le budget européen à travers des protocoles financiers. Vous, qui vous faites souvent le chantre du réalisme en politique étrangère, pardonnez-moi, mais il s'agit là d'une chimère, une vue de l'esprit, car si l'on s'en remet aux Etats membres pour les dépenses de solidarité, fondement même du projet européen, on n'aboutira à rien. La question est de savoir quel budget, avec quelles contributions et quels financements ? On en arrive à la conclusion que le système des ressources propres est à bout de souffle.
Concernant les rabais, leur empilement rend le système absolument illisible. Un accord avait été obtenu à ce sujet lors du Conseil européen de Fontainebleau en 1984 : les dépenses agricoles représentaient alors 75 % du budget européen, contre 38 % aujourd'hui. Ces dépenses étaient hypertrophiées. Le Royaume-Uni ne percevait rien puisque son agriculture était résiduelle – et c'est encore le cas. A la suite des réformes de la politique agricole commune (PAC), la part des dépenses agricoles a diminué et les contributions des différents États, dont la France, se sont profondément modifiées. Nous devons donc remettre ce système à plat et exiger une réforme d'ampleur.
Monsieur Myard, s'agissant de l'Union bancaire, je suis en désaccord profond avec vous. Ces affirmations péremptoires selon lesquelles l'Union bancaire aggraverait les choses sont fausses. L'Union bancaire est un système de surveillance unique de l'ensemble des banques de l'Union européenne. S'il avait été en place lors de la crise, les petites banques espagnoles n'auraient pas contaminé le reste de l'Union européenne. J'ajoute que cette Union bancaire est un système de résolution des risques octroyant une procédure unique de traitement des difficultés rencontrées par les banques. Cette procédure fait d'abord payer la banque et le système bancaire, plutôt que d'avoir recours aux contributions des contribuables, comme ce fut le cas en Irlande. Cela vise donc à déconnecter les crises bancaires des budgets nationaux. Ce système de résolution interne au système bancaire – nommé bail-in en anglais – est un filet de sécurité très important. Le recours au fonds de résolution unique n'entre en jeu que si le premier mécanisme ne suffit pas.
Quant à la Banque de France, elle a fortement soutenu l'Union bancaire, et je peux vous apporter les textes des soutiens qu'elle a apportés à ce système.
Concernant le Service Européen d'Action Extérieure (SEAE), rappelons que l'on doit à Catherine Ashton l'accord entre la Serbie et le Kosovo, alors que personne dans les diplomaties nationales ne s'en était occupé. Par ailleurs, dans le cadre des accords de Minsk, le SEAE a eu le mérite d'associer aux discussions ceux qui ne participaient pas directement au « Format Normandie ». Sans son intervention, nous aurions eu des difficultés à poursuivre le dialogue dans ce format. Ce service n'est peut-être pas idéal, je le reconnais, et il est très certainement perfectible.
Concernant la solidarité européenne, il convient de poser le problème, car c'est la grande absente : nous sommes en concurrence sur le plan commercial et tous les coups sont permis. S'agissant du SEAE, selon moi il ne sert pas à grand-chose. Nous pourrions avoir un médiateur européen qui assiste aux réunions diplomatiques et les rapporte par la suite. En revanche, je me pose des questions sur la nécessité des fonctionnaires européens présents dans chaque pays, lesquels sont par ailleurs fortement rémunérés par rapport aux diplomates nationaux.
Concernant l'Union bancaire, je suis en profond désaccord avec vous. Il est inexact de dire que c'est un système de surveillance. Cela ne l'est seulement pour les grandes banques, ce n'est pas pour le cas pour les petites banques ! De nombreuses petites banques allemandes échappent par exemple à la surveillance de ce système.
Par ailleurs, nous ne connaissons pas l'étendue réelle des engagements des banques. Dans le cas de Lehman Brothers, la banque avait fait faillite du fait de l'engagement d'une petite filiale qui ne représentait que 0,25% de son chiffre d'affaires. Or nous ne savons pas ce qu'il se produira si nous aidons les petites banques européennes, notamment en Espagne ou en Grèce. C'est pour cette raison qu'il eut fallu compartimenter les risques au sein de l'Union bancaire afin d'éviter qu'un choc systémique ne gagne l'ensemble de l'Union européenne. Je maintiens ma position : c'est un mauvais système.
Monsieur Myard, ce que vous dites est faux. Le système de surveillance est en effet différent pour les grandes et les petites banques, mais il concerne bien l'ensemble des institutions bancaires. Le système est direct pour les grandes banques et la possibilité est donnée à la Banque centrale européenne (BCE) de se saisir de toute question dès lors qu'il y a une difficulté sur les petites banques.
S'agissant de Lehman Brothers, la situation n'est pas comparable. La Réserve fédérale des Etats-Unis avait délibérément choisi de ne pas sauver cette banque, pensant que cela n'était pas important. Il y avait aussi une sous-estimation dramatique de la titrisation : cette cavalcade de création d'actifs financiers déconnectés de l'économie réelle. En parallèle, les Etats-Unis étaient confrontés à des crédits hypothécaires artificiellement gonflés. La faillite de Lehman Brothers résulte donc de l'aveuglement de la Réserve fédérale américaine ainsi que de l'ensemble du système financier international. Aujourd'hui, nous avons eu le réflexe d'augmenter les fonds propres des institutions bancaires et de limiter – imparfaitement sans doute – les effets de la titrisation.
Concernant le SEAE, nos ambassadeurs se félicitent de manière croissante de la présence des représentants de l'Union européenne à l'étranger et soulignent leur utilité pour faciliter, entre autres, la mise en place d'une coordination entre les différents ambassadeurs européens, en particulier sur la politique de voisinage de l'Union Européenne.
Tous les intervenants, à droite comme à gauche, ont sévèrement critiqué la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union européenne. Aujourd'hui, il nous est demandé d'approuver le rapport, j'aimerais donc être rassuré sur notre capacité à mettre fin aux pratiques que vous dénoncez, à juste titre.
Nous souhaitons, à travers ce rapport, défendre la poursuite du financement du budget de l'Union Européenne. Nous estimons que c'est un rendez-vous manqué s'agissant des mécanismes de correction et de rabais. Il ne s'agit pas, par un vote négatif, de remettre en cause le financement même du budget de l'Union européenne jusqu'en 2020, tout en ne restant pas naïfs quant au contenu de la dernière décision ressources propres et à ce qu'il aurait pu être si les choses avaient été perçues de façon plus ambitieuse.
Suivant les conclusions de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 22 du projet de loi de finances pour 2016.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (n°3086).
Information relative à la commission
Au cours de sa réunion du mardi 13 octobre à 17 heures, la commission des affaires étrangères a nommé :
– M. Jean-Claude Guibal, rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant n° 6 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco à la convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale (n° 2586).
La séance est levée à dix-huit heures quinze.