La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 16 novembre 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 8 h 30

Audition de M. Jean-Claude Piris, ancien directeur général du service juridique du Conseil de l'Union européenne, sur l'avenir de l'Union européenne

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Chers collègues, je suis ravie d'accueillir en votre nom M. Jean-Claude Piris, ancien directeur général du service juridique du Conseil de l'Union européenne.

Cher Monsieur, je vous remercie vivement d'avoir accepté notre invitation à participer à ce cycle d'auditions sur l'avenir de l'Europe, qui est l'occasion de tenir un propos libre, de prendre du recul et de tracer de nouvelles perspectives pour relancer l'Union.

En tant que directeur général du service juridique du Conseil – de 1988 à 2010 –, vous avez participé à la négociation des traités de Nice, Amsterdam, Maastricht et Lisbonne, ainsi qu'à celle du projet de Constitution qui, malheureusement, n'a pas été adopté. Votre grande expérience de la construction européenne nous apportera un éclairage précieux.

La tribune plutôt pessimiste que vous avez publiée au mois de septembre dernier, intitulée « Comment rendre l'Europe à nouveau populaire ? », nous a inquiétés. Vous considérez que « la transformation de la zone euro en un « noyau dur » de l'Union européenne, est devenue illusoire », qu'une révision des traités à moyen terme est exclue, que l'idée de se tourner vers les États fondateurs est obsolète et qu'une initiative franco-allemande importante paraît improbable à court terme. Dans ces conditions, comment serait-il encore possible de rendre l'Europe populaire ? Si sortir des traités actuellement en vigueur paraît difficile, que faire dans leur cadre pour renouer avec des opinions nationales de plus en plus eurosceptiques ?

Je souhaiterais aussi que nous revenions ensemble sur cette idée d'une Europe comportant un cercle plus fortement intégré et un second cercle, idée que les membres fondateurs ont longtemps promue, notamment les Pays-Bas, selon lesquels il faut refaire un « noyau dur », tandis qu'elle inquiéterait plutôt les derniers entrés, comme la Bulgarie ou la Roumanie, qui ne voudraient pas devenir des membres « de deuxième classe » de l'Union européenne. Quelles sont les possibilités ?

Plus généralement, comment approfondir la démocratie européenne, malgré tous les carcans ? Et comment mettre un terme à cette césure, que l'on retrouve aussi aux États-Unis, entre des « élites », qui seraient loin de tout, et un « peuple », qui n'aurait plus du tout l'oreille de ceux qui le gouvernent ? Est-ce encore possible ? Comment redonner un sens aux droits fondamentaux au sein de l'Union, voire en créer de nouveaux ? Et comment résoudre tous ces problèmes dans le contexte du Brexit, dont je sais que vous êtes un fin analyste ?

Naturellement, mes collègues trouveront encore d'autres questions, mais je vous remercie de nous éclairer sur ces points.

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Jean-Claude Piris, ancien directeur général du service juridique du Conseil de l'Union européenne

Sachez tout d'abord que je suis très honoré, madame la présidente, de m'exprimer devant votre commission.

J'avais la réputation, au Conseil, d'être un optimiste et de souvent encourager les États membres à des changements de traité, mais votre propos est plutôt exact ; j'ai donc changé, je me suis adapté aux circonstances. Il y a à peu près six ans, j'ai écrit un petit livre dans lequel j'encourageais très vivement à avancer sur la voie d'un regroupement autour de la zone euro – ce petit livre, comme la plupart de mes autres ouvrages, n'a été publié qu'en anglais, tout simplement parce que les éditeurs français ne s'y sont pas intéressés, ce qui dit quelque chose de l'Europe.

Tout d'abord, je suis d'accord avec l'analyse qui prévaut, selon laquelle la situation de l'Union européenne est très grave – suivant les affaires européennes depuis vraiment très longtemps, je le dis en connaissance de cause. Pendant un demi-siècle, l'Union européenne a été synonyme de paix, de fin des divisions sur le continent, de démocratie, de droits de l'homme, de droits sociaux, de croissance économique, etc. N'oublions cependant pas qu'elle est très jeune. N'ayant que soixante ans, elle est très faible et un peu artificielle aux yeux des citoyens, alors que les États-nations sont, eux, vieux et forts. Cela ressort très vite en période de crise, avec des tentations de repli sur soi, de politiques dites « identitaires », des tentations nationalistes, populistes, etc. Pour beaucoup, aujourd'hui, la légitimité démocratique et les résultats de l'Union européenne sont insuffisants ; elle est vecteur de la mondialisation, source de chômage, d'immigration illégale, etc.

Dans un premier temps, je décrirai les multiples et graves crises qui affectent l'Europe. Ensuite, j'examinerai quelles réactions politiques sont possibles.

Au mois d'octobre 2013, m'exprimant, pour le début d'une nouvelle année universitaire, devant une université britannique, j'avais décrit les cinq crises – j'en avais fait le titre de mon exposé – qui, à mon avis, frappaient alors l'Europe : la crise économique structurelle ; la crise de la zone euro ; la crise politique des États occidentaux, que vous avez résumée, madame la présidente, notamment avec cette césure entre élites et peuples ; la crise politique de l'Union européenne en tant que telle, qui perdait déjà le soutien populaire ; la crise des relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Aucune de ces cinq crises n'est aujourd'hui résolue, mais d'autres s'y sont ajoutées.

La crise économique, la faible croissance et l'insuffisante compétitivité dépendent avant tout de chaque État membre et non de l'Union européenne directement. Certains réussissent bien, comme l'Allemagne et l'Autriche, ou, dans une moindre mesure, les Pays-Bas. Pour ceux qui ne réussissent pas, notamment les pays les moins compétitifs, les solutions impliqueraient de porter atteinte aux protections sociales, à l'État providence, etc. Vous savez combien c'est difficile sans l'appui des peuples – on le voit en Grèce –, d'autant que la mondialisation met déjà à mal nos protections sociales. En outre, ce serait contraire à nos valeurs fondamentales – les valeurs qui sous-tendent l'idéal européen seront le fil rouge de mon exposé.

Quant à la crise de la zone euro, nous en sommes toujours au même point. Les nombreuses mesures que nous avons prises constituent un progrès et ont stabilisé la situation. Néanmoins, elles laissent intactes les racines de la crise, qui tiennent à une asymétrie entre une politique monétaire centralisée et des politiques budgétaires, économiques, décentralisées au niveau des États membres. Quant à l'idée d'une solidarité au sein de la zone euro, les contribuables des pays créditeurs ne veulent pas subventionner sans fin ceux qui des pays débiteurs. Et, sur le plan politique, qui aurait une légitimité démocratique suffisante pour décider des budgets, des politiques économiques et sociales des États de la zone euro ? Ces questions demeurent sans réponse, et les risques n'ont pas disparu.

La crise de confiance politique, dont le scrutin du 8 novembre dernier aux États-Unis montre qu'elle ne sévit pas qu'en Europe, est marquée par la désespérance de beaucoup, la montée des populismes, la tentation de se refermer au monde. Prospérant sur les inégalités croissantes induites par la mondialisation, l'insuffisante réactivité des gouvernants et leurs faibles marges de manoeuvre, elle affecte de nombreux États membres et menace les valeurs de l'Union européenne elle-même. Cependant, de ce point de vue, la situation n'est pas la même en Europe qu'aux États-Unis ou même au Royaume-Uni – j'y reviendrai.

Dans ce contexte, évidemment, l'Union européenne est le bouc émissaire parfait. Elle serait responsable des erreurs économiques des États membres, alors qu'au contraire elle essaie de les pousser à adopter des politiques économiques vertueuses. Elle serait responsable de la mondialisation, alors qu'au contraire elle peut aider à s'en protéger ou à en tirer profit. Elle serait responsable des inégalités, alors qu'elle n'a même pas les moyens, ni juridiques ni financiers, d'avoir une véritable politique sociale. Au plan de la légitimité, on critique sa complexité institutionnelle, une complexité bien réelle mais, je crois, inévitable. On critique la demi-réussite et donc le demi-échec du Parlement européen ; cela aussi me paraît inévitable, rien ne peut être parfait. On critique aussi l'insuffisante appropriation par les parlements nationaux du contrôle des actes législatifs de l'Union européenne et des activités de l'Union européenne ; de ce point de vue, si je puis me permettre, madame la présidente, des progrès sont effectivement possibles.

Beaucoup s'interrogent sur la raison d'être même de l'Union européenne. Quels sont ses buts ? A-t-elle encore un avenir ? Cela n'empêche pas les musiciens de continuer à jouer alors que le Titanic coule et de proposer des normes sur les grille-pains et les pommes de douche, comme l'a souligné M. Védrine, alors même que l'union bancaire n'est pas encore terminée et que nos frontières extérieures restent perméables.

La crise avec le Royaume-Uni, enfin, s'est résolue par le vote du 23 juin 2016 et le chaos politique et constitutionnel que connaît aujourd'hui ce pays, un chaos qui ne surprend guère, et de sombres perspectives pour l'économie britannique, pour la prochaine décennie, ou même, selon moi, une plus longue période, mais aussi par l'affaiblissement de l'Union européenne dans le monde. Certes, le Royaume-Uni est un cas à part, mais, après le référendum français de 2005 et le référendum aux Pays-Bas, le Brexit est un grave échec. Il montrera du moins combien il est difficile, coûteux et pénible, pour un Etat de l'Union européenne, de se retrouver seul.

À ces cinq crises non résolues se sont ajoutés d'autres problèmes : les dangers pour la sécurité intérieure et extérieure de l'Union européenne ; la crise migratoire ; les conséquences préoccupantes de ces phénomènes, avec, d'une part, pour la première fois depuis la création de l'Union européenne, des divisions graves et, d'autre part, le risque d'une remise en cause des fondements de l'Union européenne que sont ses valeurs et le principe de l'État de droit. Vous me permettrez de considérer, en tant que membre du Conseil d'État, juriste de l'Union européenne, que c'est là le coeur même de l'Union européenne

Pour la première fois, les dangers pour la sécurité intérieure et extérieure – en l'occurrence, le terrorisme, l'Ukraine, la Crimée – sont graves et concomitants. Comme dans d'autres cas, la responsabilité de l'Union européenne est mise en cause par certains : les actes de terrorisme seraient liés à la libre circulation des personnes et à Schengen, tandis que la politique russe serait liée à l'accord, pas encore entré en vigueur, entre l'Ukraine et l'Union européenne, etc. De plus, personne ne sait aujourd'hui quelle sera la politique extérieure et de défense du Président Trump.

La crise migratoire, pour sa part, a des causes structurelles, qui excèdent les seules violences en Syrie, en Irak, en Libye et ailleurs, et s'inscrit dans le long terme. La petite Europe – petite démographiquement parlant – reste riche et attirante pour ses voisins africains et orientaux, dont la croissance démographique est forte et la croissance économique insuffisante. Les réponses de l'Union européenne, peu convaincantes dans un premier temps, semblent aujourd'hui prendre forme. J'espère que cela s'améliorera encore, mais les frontières extérieures restent poreuses.

Ces problèmes, notamment la crise de la zone euro et la crise migratoire, ont créé de graves divisions entre États membres : Nord et Sud, créditeurs et débiteurs, Est et Ouest, anciens et nouveaux. Cette situation, inédite, est préoccupante parce qu'elle fait peser des risques pour les valeurs de l'Union européenne. N'oublions pas que la création de celle-ci s'est accompagnée d'une révolution juridique : pour la première fois, des États ont décidé de garantir que les engagements pris entre eux seraient appliqués. Cela s'accompagnait d'un contrôle exercé par des institutions indépendantes en mesure de leur infliger de très lourdes sanctions financières en cas de non-respect ou de mauvaise application du droit de l'Union européenne. C'est là le fondement même de l'Union européenne, de son marché intérieur, de sa crédibilité : des décisions sont prises, et appliquées par les États membres. Auparavant, les traités n'étaient pas toujours appliqués. Le respect de la règle de droit a, en somme, une valeur existentielle pour l'Union européenne.

Jusqu'à présent, les États jouent le jeu, et paient les amendes – il en a d'ailleurs été infligé de fortes à la France. Cependant, certains frémissements actuels me font un peu peur. Les décisions prises à la fin de l'année 2015 sur la répartition des réfugiés entre États ne sont ainsi pas appliquées ; un État membre a même organisé un référendum pour tenter de décider qu'elles ne le seraient jamais. Un deuxième, bien qu'encore membre, ne cache pas ses efforts pour tenter de négocier des accords commerciaux avec des pays tiers, alors que ce n'est pas permis – c'est là une compétence exclusive de l'Union européenne. Un troisième s'en prend à l'indépendance de ses propres institutions judiciaires. L'Union européenne ne pourra pas survivre si les États suivent cette voie, s'ils ne paient plus les amendes, s'ils n'appliquent plus le droit de l'Union européenne.

Mardi 8 novembre, l'élection de Donald Trump a montré que l'impensable pouvait arriver, que des valeurs apparemment communes aux États occidentaux pouvaient être brutalement remises en cause. L'Europe, ce n'est cependant pas les États-Unis. Ce sont nos valeurs qui nous distinguent, nous, Européens, des autres habitants de la planète, c'est notre conception de l'organisation de la vie en société. L'interdiction du port d'armes, l'interdiction de la torture, l'interdiction de la peine de mort, le droit à l'avortement ou au mariage homosexuel, la sécurité sociale pour tous, la protection des plus pauvres et la lutte contre les inégalités, la lutte contre le changement climatique font rarement débat en Europe occidentale. Et tout cela est aujourd'hui mis en cause aux États-Unis !

Des valeurs différentes se traduisent parfois en chiffres. Ainsi, aux États-Unis, le revenu médian et l'espérance de vie des cols-bleus, les ouvriers, sont aujourd'hui moindres qu'en l'an 2000, tandis que l'écart entre les 1 % les plus riches et les classes moyennes s'est creusé au point de devenir un gouffre. L'Union européenne ne connaît pas cette situation – et la France encore moins.

J'en viens aux réactions politiques possibles.

Les Européens en ont bien conscience, même les plus grands États ne peuvent relever seuls les défis de la mondialisation : la lutte contre la criminalité internationale et le terrorisme ; la protection de l'environnement et la maîtrise du changement climatique ; le contrôle des grands mouvements migratoires ; la résilience en cas de crise financière ; la puissance de négociation commerciale à l'échelle du globe face à des géants comme la Chine ou les États-Unis ; la défense, qui pourrait aujourd'hui être affectée par le désengagement américain. Les Européens le voient bien, mais ils sont aux prises, quotidiennement, avec certains problèmes : un chômage massif dans certains pays, y compris des pays membres de la zone euro, comme la Grèce et l'Espagne, avec un scandaleux taux de chômage des jeunes ; une croissance économique faible ; des inégalités qui se sont aggravées, quoique dans une moindre mesure qu'aux États-Unis ; une immigration illégale mal contrôlée.

Les gens disent que l'Union européenne, malgré des objectifs ambitieux en matière économique et d'immigration, a mal géré les crises et que les résultats sont mauvais. Cela explique le regain des réactions nationalistes ou identitaires, des tentations de repli sur soi. « Make America great again », « Britain first », « La France d'abord » sont des slogans attractifs en temps de crise, et il est très difficile de se mettre d'accord à vingt-huit sur les réponses appropriées non pas à une crise, mais à une multiplicité de crises. À l'époque de la politique de la chaise vide du Général de Gaulle, la crise était grave, mais le problème était circonscrit. Il en est allé de même lors de la plupart des crises européennes. La situation actuelle est différente.

Faut-il pour autant – c'est la première réaction politique possible - repenser complètement l'architecture, les fondations, les institutions et les buts de l'Union européenne ? À mon avis, ce serait une erreur ; c'est en outre politiquement infaisable. En effet, comme vous l'avez dit tout à l'heure, madame la présidente, et comme je l'ai écrit, une révision des traités paraît exclue à court ou à moyen terme – des politiciens néerlandais considèrent même que c'est exclu pour toujours, appréciation sans doute excessive. N'oublions pas qu'il faudrait l'unanimité, puis aller au bout des procédures de ratification, parfois référendaires, et de nombreux États refuseraient de partager leurs pouvoirs dans tous ces domaines sensibles pour résoudre la crise migratoire, la crise économique ou la crise de la zone euro. En outre, personne n'a trouvé par quel moyen miraculeux nous garantirions, le jour où nous aurions transféré ou mis en commun ces pouvoirs, la légitimité démocratique des décisions qui seraient prises – la levée des impôts, les prestations sociales, etc. Cela dit, nous avons besoin de l'Union européenne encore plus qu'il y a huit jours. Ne nous lançons donc pas dans des débats stériles qui ne nous apporteraient que de la division.

Une deuxième option, défendue à vrai dire essentiellement en France, serait de faire de la zone euro un noyau dur. J'y croyais tant que lorsque j'ai pris ma retraite de l'Union européenne j'ai consacré une année sabbatique, passée dans une université des États-Unis, à écrire un livre – « The Future of Europe : Towards a Two-Speed EU ? » – dans lequel je prône cette solution d'une Europe à deux vitesses, la zone euro devant être l'Europe qui avance le plus vite. J'ai décrit les moyens qui le permettaient, j'y croyais, mais je n'y crois plus. Un momentum existait peut-être en ce sens au plus fort de la crise, en 2010, mais cela n'a pas été politiquement possible, et, si jamais ce momentum a existé, il a disparu. Les Allemands ne sont pas prêts à une solidarité budgétaire, et se poseraient la question de la légitimité politique. En outre, les économies, les dettes publiques, les politiques fiscales et sociales, les politiques de défense – certains sont neutres – ou d'immigration et les ambitions européennes des dix-neuf États membres de la zone euro sont très hétérogènes. Je sais que le Président Giscard d'Estaing a défendu, il y a quelques jours, lors d'un colloque, à Bruxelles, l'idée d'un premier cercle comportant entre huit et douze membres, mais je ne crois plus à tout cela.

Une troisième option, celle d'une initiative franco-allemande, ne peut être envisagée avant les élections qui se tiendront dans les deux pays, entre mai et septembre 2017, et que savons-nous de ce qui serait possible ensuite ? Je n'ai pas de boule de cristal. Ce que je souhaite très vivement, car rien n'est possible sans cela, c'est une plus grande confiance, moins de divergences entre les politiques budgétaires et économiques, que nos deux pays parlent ensemble et qu'ils parviennent à des conclusions communes. Le moteur de l'Europe a toujours été là. Juridiquement, c'est possible. En toute matière qui n'est pas de la compétence exclusive de l'Union européenne, un rapprochement des politiques est possible à deux, trois, quatre, cinq – par exemple, un rapprochement des politiques fiscales, sociales, budgétaires, de défense, etc. Le problème est politique : veut-on le faire ? Et il faut garder en tête que ce serait un facteur de division avec les autres, avec ceux à qui ce rapprochement ne serait pas proposé. Certains États souffrent déjà de ne pas être membres de la zone euro. Il s'agirait plutôt de resserrer les rangs face à un possible désengagement américain.

Une quatrième option serait la création de deux cercles formés indépendamment de l'appartenance ou de la non-appartenance à la zone euro. Nous proposerions au Royaume-Uni et à d'autres, comme les États membres de l'Espace économique européen, qui viennent de l'Association européenne de libre-échange (AELE) – la Norvège, le Liechtenstein et l'Islande, mais peut-être aussi comme Monaco, Andorre et Saint-Marin, avec lesquels l'Union européenne négocie un accord, de participer au marché intérieur, avec un droit de regard, ou même de décision, sur la législation concernée. Je pense que ce serait une très grave erreur. En plus, la liberté de circulation des personnes serait optionnelle, limitée par des mesures de sauvegarde. En pratique, c'est irréaliste : il n'est pas possible d'avoir deux degrés d'organes décisionnels. On sait combien les va-et-vient sont déjà nombreux non seulement entre Parlement et Conseil mais aussi à l'intérieur du Conseil – du Conseil des ministres au Comité des représentants permanents (COREPER), sans parler des centaines de groupes de travail qui préparent les travaux du COREPER. Les droits et avantages des membres de l'Union européenne doivent impérativement leur être réservés, pour des raisons surtout politiques mais aussi juridiques, et l'autonomie décisionnelle de l'Union doit être préservée. Le club doit se renforcer et se consolider, non pas se diluer.

Une cinquième option serait le protectionnisme : « Allons-y, faisons comme les États-Unis de M. Trump annoncent qu'ils vont faire ! » Je ne pense pas cela possible. Tout d'abord, cela ouvrirait une guerre commerciale, notamment avec la Chine. Ensuite, si la part du commerce extérieur dans la richesse des États-Unis est extrêmement faible, compte tenu de la force de leur marché intérieur, il n'en va pas de même pour nous, Européens, qui sommes bien plus dépendants du commerce extérieur. Une autarcie relative ne serait pas possible : nos produits de consommation courante seraient beaucoup plus chers, et nous ne pourrions plus vendre nos voitures, nos avions, etc. Je ne crois donc pas que cette voie nous soit ouverte. En revanche, nous pouvons être beaucoup plus attentifs à la protection sociale et à la protection de l'environnement lorsque l'Union européenne négocie des accords internationaux avec des pays tiers, et, oui, les mécanismes de redistribution de richesses qui protègent les perdants de la mondialisation ou prévoient des compensations peuvent être renforcés.

Après ces cinq options dont j'ai, grosso modo, dit qu'elles étaient impossibles, j'en viens à une sixième, la plus modeste et la plus réaliste : pas de grande réforme, naviguer au mieux dans le cadre actuel – en anglais, « muddling through » –, prendre des mesures concrètes, seulement dans les domaines essentiels et où il y a urgence. Pour la zone euro, je renvoie à la très intéressante contribution du think tank Bruegel. Tout n'est pas bon dans les récentes publications de celui-ci mais, en 2016, il a recommandé des actions juridiquement possibles, notamment la finalisation de l'union bancaire et d'autres mesures. Elles impliqueraient cependant un certain infléchissement de la politique allemande : une restructuration partielle des dettes, question que vient d'évoquer le Président Obama en Grèce, et une certaine relance économique, même si cela fait toujours peur en Europe – pas aux États-Unis. En matière d'immigration, les propositions sont bien connues et elles commencent maintenant à être timidement mises en oeuvre, mais il faudrait y mettre beaucoup plus d'argent : il faut considérablement renforcer l'agence Frontex pour un contrôle efficace des frontières extérieures, un contrôle rapide des immigrants à leur arrivée, il faut réformer le système de Dublin, il faut lier notre politique étrangère, lier les politiques commerciale et d'aide économique de l'Union européenne aux résultats en matière d'émigration des pays qui bénéficient, il faut lutter contre les trafics de migrants, etc. En outre, un moratorium est souhaitable sur cette législation relative au marché intérieur qui donne lieu à ces articles de presse… Je sais qu'il est utile d'harmoniser les normes applicables aux tondeuses à gazon et aux aspirateurs, pour qu'ils consomment moins d'électricité, d'harmoniser les normes des pommes de douche, mais ce n'est pas le moment ; il faudrait une petite pause. Enfin, évitons de refaire, erreur fondamentale, des promesses non assorties des moyens budgétaires et juridiques nécessaires à leurs réalisations. Quand on adopte la Stratégie de Lisbonne, quand on adopte « Europe 2020 » sans prévoir un cheminement, des moyens juridiques et financiers, ce n'est pas sérieux – c'est même n'importe quoi.

J'en arrive à ma conclusion. De telles mesures suffiraient-elles à rétablir la confiance dans l'Union européenne et la popularité de celle-ci ? Elles seraient nécessaires, mais pas suffisantes, car l'Union européenne resterait opaque. Les gens ne savent pas quelles sont les limites de ses pouvoirs présents et futurs, ils ne savent pas où elle va, ni comment elle décide. Certes, pour l'instant, on ne peut pas modifier les traités, mais on peut faire preuve de pédagogie et changer les discours ambigus sur l'Europe. Plus de clarté permettrait plus de vérité, plus de passion, une plus forte capacité de toucher les émotions des Européens, cela permettrait de se fonder sur les valeurs européennes.

Une image floue n'inspire jamais confiance. Or c'est le flou et l'ambiguïté qui caractérisent aujourd'hui les finalités de l'Union européenne, tant sur l'évolution de ses frontières que sur ses pouvoirs. Pour regagner la confiance des citoyens, il faut leur parler simplement, et une vision politique claire est pour cela nécessaire au moins sur ces deux points : les pouvoirs de l'Union et la géographie de ses frontières.

Au plan géographique, quelles seront, sinon dans l'avenir lointain, du moins dans les dix ou quinze ans à venir, les frontières extérieures de l'Union européenne ? Le temps n'est-il pas venu de choisir entre, d'une part, une politique d'élargissement de l'Union, jusqu'ici été utilisée comme un outil de politique étrangère à la disposition des États membres, au prix d'un affaiblissement de l'Union européenne, de sa cohésion interne, de son efficacité et de sa compréhension par les citoyens, et, d'autre part, une Union européenne qui aide ses membres actuels et leurs peuples, qui renforce sa cohésion et sa solidarité internes, tout en aidant les autres pays tiers européens, sans pour autant leur promettre l'adhésion dans les dix ans ? L'Union européenne doit-elle s'élargir à toute l'Europe géographique, au risque de se diluer, voire d'être dans l'incapacité d'agir ?

Au plan des pouvoirs, les citoyens se demandent si l'on va vers les États-Unis d'Europe, si l'on est en train de construire un pays fédéral. Est-il possible de rassurer les uns et les autres en affirmant que l'Union européenne n'a pas pour but de devenir un État fédéral mais, plus modestement, d'aider à renforcer des souverainetés nationales souvent apparentes en les combinant pour les rendre plus effectives ? Il serait opportun de dire aussi qu'il y aura une intégration plus étroite de la zone euro, accompagnée d'une responsabilité conjointe des parlements nationaux dans les domaines économiques et budgétaires, que c'est souhaitable, que ce sera peut-être nécessaire. Et pourquoi ne pas confirmer en même temps qu'une grande partie des politiques ayant un impact direct, concret et quotidien sur les citoyens continueront à relever des États ?

Quelques mots de conclusion sur la France. J'ai tellement vécu à l'étranger que je suis Européen autant que Français. La responsabilité de la France est énorme, cruciale, essentielle. La France est au coeur de l'Europe. Sans un discours clair, une présence claire et proactive de la France, il n'y a pas d'Europe. Sans reprise des relations fraternelles avec les Allemands, l'Union est en danger. L'Union européenne a aidé la France à devenir une grande puissance. Je suis en effet convaincu que, sans l'Union européenne, notre pays ne serait pas dans la situation relativement bonne dans laquelle il se trouve comparé aux autres. Aujourd'hui, l'Union européenne a besoin de la France.

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Par ailleurs, nous sommes en train de travailler, avec notre collègue Nathalie Chabanne, à une réflexion sur la transparence au sein des institutions européennes, et en particulier du Conseil, où l'opacité est sans doute la plus grande.

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Merci, madame la présidente, de nous offrir cette occasion de débattre sur des questions de fond. Il est dommage que nous n'ayons pas toute la journée pour le faire.

J'ai cela en commun avec vous, monsieur Piris, que je suis optimiste de naissance. Étant également Alsacien de naissance, j'aime rappeler que, bien que nous ayons un régime concordataire, avant d'être baptisé je me suis fait inoculer le virus de l'Europe.

Vous vous êtes demandé si les politiques écoutaient les citoyens. Je pose la question inverse : les citoyens écoutent-ils encore les politiques ? Énormément d'Européens sont aujourd'hui désabusés, ce qui est beaucoup plus grave que d'être pour ou contre quelque chose.

La présidente m'a souvent confié des missions dans le domaine de l'énergie. Le troisième paquet européen, avec des régulateurs, le partage patrimonial, devait être merveilleux ; en réalité, cela ne fonctionne pas. Nous rêvons tous d'une forme de gouvernement européen mais pas d'une Europe fédérale qui réduise notre indépendance. La solution aux grands problèmes, chômage, affaires sociales, sont pour l'instant de la compétence stricte des pays membres, et les divergences sont très fortes. Vous avez parlé de gros écarts aux États-Unis. Tout n'est pas rose non plus en Allemagne, mais ils gèrent les choses différemment : quand quelque chose va mal chez nous, nous râlons fort et ne faisons rien, tandis qu'en Allemagne ils la ferment et ils bossent. Les attitudes sont différentes. Comment allons-nous nous en sortir ?

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Bruno Gollnisch, député européen

Grâce à votre hospitalité, madame la présidente, je représente modestement ici ce que M. Piris a appelé la montée des populismes, mais je tiens à dire que je ne fais pas de l'Europe le bouc-émissaire de nos difficultés. Je pense même que c'est un peu l'inverse, que les échecs de l'Europe sont plutôt le reflet des carences de notre politique intérieure.

C'est au juriste que vous êtes, monsieur Piris, que je m'adresse. Vous avez, dans votre très stimulant exposé, souligné le fait que les traités européens avaient, ce qui est relativement inédit, des effets véritablement contraignants à l'égard des États membres. Je me demande si l'on n'est pas allé trop loin dans ce domaine. Certes, l'article 55 de notre Constitution donne aux traités une autorité supérieure à celle des lois internes françaises, mais, depuis l'arrêt Jacques Vabre de la Cour de cassation et l'arrêt Nicolo du Conseil d'État, le droit dérivé est lui aussi supérieur aux lois internes, même postérieures.

Or le droit dérivé est de plus en plus du droit dérivant. J'ai été pendant quinze ans membre de la Commission du Règlement ainsi que de la Commission des affaires juridiques du Parlement européen et je dois dire, sans esprit de polémique, que c'est une expérience hallucinante. Nous discutions très fréquemment de la directive Y destinée à modifier la directive X. Au bout de trois ou quatre heures de débat, étant un peu provocateur par nature, je demandais à mes collègues s'ils avaient connaissance de la directive X ; ils ne la connaissaient pas, car les textes sont la plupart du temps introuvables. Le droit européen est très difficilement connaissable. On n'a jamais résolu, par exemple, le problème élémentaire de la codification. Si ce n'est pas connaissable par des experts, comment voulez-vous que le public n'y voie pas un fouillis qui s'impose à lui sans qu'il puisse y accéder le moins du monde, en contraste flagrant avec la clarté de notre code civil ?

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Mon intervention sera le témoignage d'un député paysan. En tant que paysan, je trouve, en ce qui concerne la politique agricole, que l'on attend tout de l'Europe sans se poser la question de savoir ce que l'on peut apporter pour construire l'Europe.

Nous avons une Europe plutôt technique ; n'y a-t-il pas une panne de l'Europe citoyenne ? Sans adhésion citoyenne, comment construire l'Europe ? C'est selon moi une question fondamentale.

Enfin, vous avez évoqué la nécessité d'un projet. Ne devrions-nous pas en effet nous attacher bien plus à la construction de ce projet européen, au sens d'un projet de société ? Un tel projet ne peut se construire qu'à partir des jeunes et ne peut donc être fondé que sur un système d'éducation et de formation européen.

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Vous avez présenté six scénarios possibles pour l'avenir de l'Europe. Je pense qu'ils peuvent se ramener à trois.

Le premier, c'est le scénario catastrophe, celui du repli, du détricotage à partir d'un Brexit faisant tache d'huile, voire de l'éclatement. Je ne pense pas que ce soit le plus probable.

Le deuxième est l'inverse : l'approfondissement, la marche vers les États-Unis d'Europe et, pourquoi pas, la création à terme d'un État fédéral. Je n'y crois pas non plus. Je suis frappé de constater que nous vivons tous avec ce rêve que les parlements nationaux doivent jouer un rôle important à côté du Parlement européen. Or la légitimité démocratique ne se partage pas et, si approfondissement de l'Europe il y a, il faudra à un moment ou à un autre que les parlements nationaux s'effacent. Je ne dis pas que je le souhaite mais il y a une contradiction fondamentale, et nous faisons semblant de croire que nous pouvons y échapper.

Le troisième scénario, c'est, si l'on est optimiste, celui des petits pas ou, si l'on est pessimiste ou péjoratif, le scénario cahin-caha, avec des solutions par petites touches sur chacun des problèmes auxquels nous devons faire face, tels que la politique migratoire. L'Europe doit traiter ce problème mais elle pourrait être aussi le moteur de l'aide au développement. Si l'Europe a un grand chantier à ouvrir, c'est bien celui-là. C'est l'aide au développement qui réglera, ou en tout cas diminuera le problème des migrations.

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Je suis heureux de voir de plus en plus de jeunes aux cérémonies du 11 novembre. L'Europe nous a apporté la paix, et l'on n'en parle jamais. Elle est beaucoup critiquée, sans voir ce qu'elle nous a apporté. Même les politiques ont tendance à en faire un bouc émissaire.

Le premier problème à résoudre en Europe est celui du chômage, qui est le principal facteur de la montée des populismes. Ce qui manque à l'Europe est une politique sociale plus adaptée – je pense notamment aux travailleurs détachés, une question qui pose de nombreux problèmes.

Je souhaite aussi que ce qui s'est passé le 8 novembre aux États-Unis nous fasse réagir. Si les États-Unis se désengagent de l'OTAN, il faudra que les pays européens prennent leur place et se mettent en première ligne. Il manque encore à l'Europe une véritable politique de défense. La France est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme et elle n'est pas du tout aidée par les autres pays européens.

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Nous devons sans doute conduire une meilleure pédagogie sur le « paquet des valeurs » que vous avez rappelé. Est-il possible de faire-valoir la spécificité de ce « paquet des valeurs » européen, son progressisme, par rapport aux autres grands espaces mondiaux, nouveaux émergents ou États-Unis ?

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Jean-Claude Piris, ancien directeur général du service juridique du Conseil de l'Union européenne

Les valeurs, madame la présidente, sont ce qui nous distinguent, nous Européens, du reste du monde. Je voyage énormément, aux États-Unis, en Asie… Quand des Européens se retrouvent dans ces pays, ils comprennent qu'ils se distinguent et en quoi. La difficulté, pour l'Europe, c'est qu'il n'y a pas de demos, de communauté. Pour créer un début de communauté, ce sont les valeurs qui sont importantes. Nous les avons déjà. En revanche, pour être membre d'un club, il faut connaître les membres du club. Demandez aux Français. Qui connaît le nom des vingt-huit États membres ? Qui connaît le nom des dix-neuf pays dont la monnaie est l'euro ? Nous sommes à présent trop nombreux pour constituer un État fédéral. C'est une idée que l'on pouvait auparavant défendre, et que j'ai défendue dans ma jeunesse, mais qui n'est plus réalisable.

Ce n'est pas un hasard si c'est au Conseil que la transparence est la plus difficile. N'oubliez pas que les clivages à l'Union européenne ne sont pratiquement pas entre partis politiques, sauf peut-être avec le parti de M. Gollnisch, mais plutôt entre États. Au Conseil, nous sommes dans des négociations internationales en même temps que nous sommes législateur, et il est très difficile de tout mettre sur la table lors d'une négociation, alors que le droit doit être parfaitement transparent.

Quand nous adoptons une loi européenne, c'est une seule loi au lieu de vingt-huit, ce qui est tout de même beaucoup plus clair pour un opérateur économique. Quand j'étais au Conseil d'État, nous nous étions penchés sur la codification. C'est quelque chose d'extrêmement lourd et difficile ; il faut sans cesse remettre sur le métier. On procède donc plutôt à de la consolidation pour les praticiens, ce que l'Union européenne fait très bien, avec des instruments informatiques tels que Lexis.

Les citoyens ont de l'Union européenne une image floue, tentaculaire, anonyme, ils se demandent si les décisions sont prises par les fonctionnaires ou par les politiques. Ce ne sont évidemment pas les fonctionnaires qui prennent quelque loi que ce soit à l'Union européenne, vous le savez. C'est vrai que l'Union européenne a été un grand transfert des pouvoirs du législatif vers le pouvoir exécutif, car c'est l'exécutif qui contrôle ce qui est dit au nom de la France quand des lois sont adoptées au Conseil. C'est là que le rôle des parlements nationaux peut et doit être bien plus fort qu'il ne l'est aujourd'hui à l'exception de certains pays comme le Danemark, où le Folketing exerce un contrôle extrêmement tatillon sur le rôle de l'exécutif à Bruxelles. Je crois que les parlements nationaux devraient accroître leur contrôle sur les exécutifs, car si les exécutifs contrôlent leurs fonctionnaires à Bruxelles, ils ne sont pas contrôlés par le législatif et il y a une perte de démocratie à ce niveau.

Un choc mériterait d'être produit, celui que je recommandais dans ma conclusion : il faut affirmer que, pendant les dix ou quinze prochaines années, nous resterons à vingt-sept. Vous n'aurez jamais l'unanimité sur ce point au Conseil car les PECO veulent que leurs voisins de l'Est nous rejoignent, mais pour un élargissement il faut l'unanimité et, en France, un référendum ou une décision du Congrès. De même, sur l'État fédéral il faut dire la vérité aux gens : il n'y aura pas d'États-Unis d'Europe au sens des États-Unis d'Amérique, ce n'est pas possible à vingt-sept. Je pense que les prises de position de Guy Verhofstadt font plus de mal que de bien. En dehors de lui, je pense qu'il y aurait unanimité pour dire que nous ne sommes pas les États-Unis d'Europe, que nous essayons simplement de rendre des souverainetés, parfois purement apparentes, plus réelles. Nous avons, c'est vrai, à faire des petits pas fédéraux s'agissant de l'euro, mais cela ne signifie pas que nous aurons une Constitution commune.

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Vous nous avez donné de l'espoir. Nous continuerons de travailler, avec d'autres auditions. Merci.

La séance est levée à 9 h 40