La commission a examiné pour avis, après engagement de la procédure accélérée, les articles 9 et 27 à 30 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable (n° 775) sur le rapport de M. Frédéric Barbier.
J'ai souhaité que nous soyons saisis pour avis des cinq articles du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable (DDADUE) qui concernent directement l'activité de notre Commission. Je précise que la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire est saisie au fond de ce texte.
Sur le fondement de ses compétences en matière d'agriculture et d'énergie, la Commission s'est saisie pour avis de cinq articles du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable. Ces articles procèdent à la transposition de dispositions de plusieurs directives, directement – pour les articles 9, 29 et 30 – ou indirectement, via la ratification d'ordonnances, pour les articles 27 et 28.
Comme il est bien difficile, en tant que rapporteur, de dégager une cohérence entre ces cinq articles, je vais vous les présenter successivement.
L'article 9 porte sur l'exercice de la profession de vétérinaire. Il a pour vocation de parachever la transposition de la directive « services » 2006123CE dans le domaine de cette profession ; les dispositions qui y sont inscrites répondent à des demandes de la Commission européenne.
Je rappelle que cette directive vise à faciliter la liberté d'établissement des prestataires de services dans d'autres États membres que celui dont ils sont issus, ainsi que la liberté de prestation de services, c'est-à-dire la réalisation de prestations de courte durée, qui ne nécessitent pas d'établissement préalable.
Pour la profession de vétérinaire, la Commission européenne a détecté deux barrières au respect de ces principes sur le territoire français ; le législateur se trouve donc dans l'obligation de les lever. La première découle du fait que seules les personnes physiques bénéficient de la libre prestation de service dans notre pays. L'article 29 ouvre cette possibilité aux personnes morales, c'est-à-dire aux sociétés. La seconde barrière touche à l'exercice de la profession de vétérinaire qui n'est accessible qu'à deux formes de sociétés : les sociétés civiles professionnelles (SCP) et les sociétés d'exercice libéral (SEL). L'article 29 octroie ce droit à toutes les formes de sociétés. En contrepartie, la France a obtenu la possibilité de fixer des règles contraignantes pour éviter les dérives déontologiques : la forme juridique de la société ne doit pas conférer à ses associés le statut de commerçant ; la majorité du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant la profession de vétérinaire au sein de la société ; la participation de personnes physiques ou morales exerçant une activité dans l'élevage, les produits animaux ou la fourniture de services vétérinaires est interdite. Parallèlement, les pouvoirs de contrôle de l'ordre des vétérinaires sont renforcés et l'ensemble des sociétés d'exercice doivent y être inscrites.
Cet article pose en réalité une question de fond : si certains États membres voient la profession vétérinaire comme une activité commerciale, la France la considère comme un maillon essentiel de la santé publique. Les vétérinaires jouent un rôle primordial dans la détection des épizooties, dont certaines peuvent se transmettre à l'homme. Par leur pouvoir de prescription de médicaments, notamment antibiotiques, ils ont également un impact direct sur la santé des consommateurs de produits de l'élevage. Malheureusement, ce n'est pas l'orientation suivie par la Commission européenne, qui considère au contraire qu'ils rendent un service, et sont donc soumis aux exigences de la directive « services ».
J'aborde maintenant les dispositions relatives à l'énergie, traitées par les articles 27 à 30. Sans lien entre elles, elles couvrent la quasi-totalité du secteur : la production de biocarburants, l'électricité d'origine renouvelable, l'organisation du marché de l'électricité et du gaz, l'efficacité énergétique et les stocks pétroliers stratégiques.
L'article 27 procède à la ratification de l'ordonnance de transposition des directives 200928CE et 200930CE sur les énergies renouvelables et sur les biocarburants. Le contenu de l'ordonnance de transposition peut être résumé en trois points.
Tout d'abord, cette dernière détaille l'un des trois objectifs du paquet « Energie-climat ». La France doit atteindre 23 % d'énergies renouvelables dans sa consommation finale d'énergie d'ici à 2020 et l'ordonnance précise que 10 % seront réalisés dans le domaine des transports.
Ensuite, elle encadre le marché des certificats verts, octroyés aux producteurs d'électricité d'origine renouvelable. Jusqu'à présent, deux entités délivraient ce type de certificats : Réseau de transport d'électricité (RTE) et Observ'ER. L'ordonnance de transposition confie le droit de garantir l'origine de l'électricité verte à un opérateur unique, qui a été désigné à la suite d'un appel d'offres le 21 février 2012. Ce sera Powernext, à partir du 1er mai 2013.
Enfin, l'ordonnance comporte un volet important sur les biocarburants. Il est fixé un objectif de diminution de 10 % des émissions de gaz à effet de serre produites sur l'ensemble du cycle de vie des carburants en 2020. Pour atteindre cette cible, seuls les biocarburants répondant à des critères de durabilité pourront être comptabilisés. Ces critères sont de nature quantitative – un biocarburant ne peut être considéré comme durable que s'il engendre une baisse d'émission d'au moins 35 % par rapport aux équivalents fossiles – et qualitative, leur production devant respecter les terres riches en biodiversité et les puits de carbone. En pratique, la mise en oeuvre des dispositions issues de la directive 200930CE aura pour conséquence de limiter le développement des carburants de première génération – dont la production de masse accentue la déforestation et les tensions sur les marchés des matières premières alimentaires – au profit de ceux de deuxième génération, fabriqués à partir de résidus.
L'article 28 porte ratification de l'ordonnance de codification du code de l'énergie, codification qui s'est effectuée à droit constant. L'article 28 opère pour l'essentiel des modifications rédactionnelles. Seule exception, l'introduction d'une échelle de sanctions en cas de non-respect, par un fournisseur d'énergie, de ses obligations de capacité. Alors que le coût annuel d'un mégawatt de capacité est estimé à 60 000 euros, un fournisseur pourrait se voir appliquer une amende allant jusqu'à 120 000 euros. Un tel ajout était nécessaire, car la Commission de régulation de l'énergie (CRE) étant une autorité administrative indépendante, son pouvoir de sanction doit être encadré par la loi.
La principale évolution apportée par l'ordonnance de codification du code de l'énergie est la transposition, en droit français, des exigences des directives 200972CE et 200973CE, communément appelées « troisième paquet » de libéralisation du marché de l'énergie. L'enjeu était lourd, car le projet initial de la Commission européenne consistait à imposer le démembrement des entreprises verticalement intégrées, c'est-à-dire celles qui possèdent une activité sur l'ensemble de la chaîne énergétique – production, transport, distribution et commercialisation. Suite, notamment, aux réflexions d'un groupe de travail de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et à une prise de position forte de la France, la Commission européenne a accepté de ne pas imposer la séparation patrimoniale entre l'activité de gestionnaire de réseau de transport, et celle de producteur et de fournisseur des entreprises verticalement intégrées. La France a ainsi pu conserver son propre modèle, dit « ITO » – Independent Transmission Operator –, inspiré de l'organisation de RTE.
Le « troisième paquet » n'est cependant pas sans effets sur l'organisation des secteurs électrique et gazier, car, en contrepartie du maintien du modèle ITO, il contient des dispositions renforçant la séparation entre RTE et EDF ; désormais, les deux entités sont totalement hermétiques. La France a tout de même obtenu quelques aménagements sur la définition du périmètre de l'entreprise verticalement intégrée – l'activité de distribution en est exclue, ce qui rend possible les transferts de salariés entre RTE et ERDF – et sur la détention d'actions de la maison mère par des salariés du gestionnaire de réseau.
Par ailleurs, le « troisième paquet » étend le rôle du régulateur, en imposant notamment que celui-ci fixe le niveau des tarifs du réseau. Là encore, la France s'est efforcée d'aller aux limites de ce qui était possible. Considérant que les décisions en matière d'investissement dans les réseaux constituent des choix de politique énergétique, le code de l'énergie prévoit désormais que le ministre en charge de l'énergie donne des orientations, à partir desquelles la CRE fixera les tarifs. S'il considère que la décision du régulateur ne les respecte pas, il pourra demander une seconde délibération.
L'article 29 rend obligatoire la réalisation d'un audit énergétique dans les grandes entreprises.
La très récente directive 201227UE impose à toutes les entreprises, à l'exception des PME, de réaliser un audit énergétique avant le 5 décembre 2015, puis tous les quatre ans. Le délai sera très difficile à tenir, car il faudra d'abord faire paraître les textes d'application – qui fixeront les modalités précises de l'audit obligatoire –, puis disposer de bureaux d'étude et d'auditeurs en nombre suffisant pour répondre aux sollicitations des 5 000 entreprises concernées. J'ai donc déposé un amendement pour repousser la date limite d'un an. Je suis conscient qu'une telle disposition serait contraire à la directive « efficacité énergétique », mais il me semble indispensable d'attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre les textes d'application rapidement, sans quoi les entreprises se retrouveront dans une situation difficile. Sont concernées celles qui emploient plus de 250 salariés, et dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions d'euros ou dont le bilan est supérieur à 43 millions d'euros.
Les audits énergétiques ont pour but d'analyser les principaux postes de dépenses d'énergie dans les entreprises. Ils coûteront, selon les estimations de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), entre 15 000 et 20 000 euros. Une entreprise qui met en place un dispositif de management de l'énergie certifié – ISO 50 001 – en sera dispensée, car les critères à remplir pour bénéficier de cette certification sont plus contraignants que la simple réalisation d'un audit.
L'article 29 constitue une première étape décisive. Toute action de maîtrise de la demande d'énergie a comme préalable un diagnostic bien réalisé. Mais comment pousser les entreprises à suivre les préconisations de l'audit ? Selon l'ADEME, 73% d'entre elles « passent à l'acte », pour un montant moyen de 52 000 euros. Ce chiffre est une source d'optimisme, qu'il convient néanmoins de relativiser. Les actions mises en place ne couvrent en effet que 20 à 25 % des préconisations et ne concernent que celles dont le retour sur investissement est rapide.
Je vous propose donc un amendement visant à obliger les entreprises à transmettre à l'administration un rapport sur le suivi des préconisations de l'audit, dans un délai de deux ans après la réalisation de celui-ci.
Les audits énergétiques étant désormais obligatoires, l'ADEME ne les subventionnera plus, et il est question de réorienter les aides vers la réalisation de travaux d'économies d'énergie.
Enfin, l'article 30 adapte le droit français à la directive 2009119CE sur les stocks stratégiques pétroliers. Le dispositif de stockage stratégique des produits pétroliers a servi deux fois depuis 2010 : lors des grèves contre la réforme des retraites dans les raffineries en 2010, et durant la crise libyenne, en 2011. Il est donc faux de penser qu'il n'est réservé qu'à des cas extrêmement rares.
L'obligation de stockage repose sur les opérateurs du secteur, qui, via le Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), en délèguent la gestion à la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS). Cette société, composée d'une quinzaine de personnes, loue des capacités de stockage dans les dépôts existants en France et gère un actif de 12 millions de tonnes de produits pétroliers. Le coût total de ce système s'élève à 350 millions d'euros, répercuté sur le consommateur à hauteur de 0,5 centime d'euro par litre de carburant.
Le code de l'énergie dispose que le CPSSP peut recourir à la SAGESS. La directive est plus contraignante, car elle impose la désignation d'une entité centrale de stockage (ECS) unique. En rendant obligatoire le recours à la SAGESS comme ECS, l'article 30 met donc les dispositions du code de l'énergie en conformité avec le droit européen.
M. le rapporteur a bien résumé les enjeux essentiels de ce texte transposant des directives européennes. Je me suis entretenu avec lui des initiatives prises pour vérifier la qualité de vétérinaire des professionnels transfrontaliers et, par là, la nature et la licéité des produits importés.
S'agissant de l'article 27, l'Union européenne réaffirme l'objectif – que nous partageons – d'une vraie mixité des sources de production d'énergie.
Nous ne voyons pas de difficultés particulières dans les dispositions cherchant à favoriser les biocarburants de nouvelle génération, dont la fabrication ne contribue pas à la déforestation.
Il est heureux que le code de l'énergie prévoie enfin des sanctions dans les domaines évoqués par M. le rapporteur. L'UE a estimé recevables les arguments français sur les problèmes posés par la séparation patrimoniale entre les différentes entités d'une entreprise verticalement intégrée.
Le groupe socialiste, républicain et citoyen souscrit aux deux amendements présentés par le rapporteur pour avis sur l'article 29, sous la réserve qu'ils ne rendent pas le droit français contraire à la directive 201227UE. Octroyer un délai supplémentaire pour la réalisation de l'audit énergétique est une excellente chose, car si la contrainte de temps est trop forte, le faible nombre d'ingénieurs capables d'opérer de tels audits entraînera une flambée des prix. Nous sommes également favorables à ce que les entreprises dressent un rapport retraçant la façon dont elles ont mis en oeuvre les recommandations de l'audit.
Je me suis interrogé sur l'opportunité de déposer un amendement sur l'article 9. Certains vétérinaires viendront en effet dans notre pays, en provenance notamment de pays frontaliers, ce qui pourrait soulever des questions en termes de réglementation des élevages ou de risque d'épizootie. Toutes les informations qu'ils collectent doivent remonter à nos services : ainsi, un vétérinaire exerçant en France et procédant à des analyses dans un laboratoire situé en Belgique ou au Luxembourg doit déclarer aux pouvoirs publics les risques qu'il a identifiés sur son territoire d'exercice. Les textes prévoyant déjà cette obligation, le dépôt d'un amendement devenait inutile.
La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi dont elle est saisie.
Article 9 : Ouverture de l'exercice de la profession vétérinaire à toutes les formes de société
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 sans modification.
Article 27 : Ratification de l'ordonnance de transposition des directives 200928CE et 200930CE dans le domaine des énergies renouvelables et des biocarburants
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 27 sans modification.
Article 28 : Ratification de l'ordonnance portant codification de la partie législative du code de l'énergie
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 28 sans modification.
Article 29 : Obligation de réaliser des audits énergétiques dans les grandes entreprises
La Commission examine l'amendement CE 1 du rapporteur
Cet amendement vise à allonger d'un an le délai laissé aux entreprises pour se conformer à l'obligation de réaliser un audit énergétique. Celui prévu dans le projet de loi est trop bref, puisqu'il ne court que jusqu'au 5 décembre 2015, alors que toutes les dispositions législatives et réglementaires ne doivent pas être prises avant juin 2014.
Accorder une année supplémentaire ouvre, il est vrai, le risque d'une condamnation de l'UE. Néanmoins, je souhaite par cette démarche attirer l'attention du Gouvernement sur le fait qu'un délai aussi contraint pose plusieurs problèmes. En effet, les entreprises auront-elles le temps de former les auditeurs en interne ? Les bureaux d'étude auxquels elles pourront s'adresser seront-ils assez nombreux ? La filière se sera-t-elle structurée pour répondre à une telle demande ? En outre, parmi les 5 000 entreprises, certaines opèrent sur plusieurs sites : quelles règles appliquer dans le cas d'une entreprise qui comporte de nombreux petits sites répartis sur le territoire ?
Si l'on veut que le travail soit bien fait, que la filière puisse s'organiser et que les prix ne flambent pas – comme vous l'avez noté, monsieur Blein –, il serait souhaitable d'accorder un délai supplémentaire d'une année.
Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que les entreprises inscrites dans une démarche ISO étaient dispensées d'audit. Est-ce bien le cas ? En outre, comme cette certification obéit à un long processus – qui ne sera probablement pas achevé avant décembre 2015 –, une telle démarche pourrait libérer ces entreprises de toute contrainte de temps, ce qui renforce la pertinence de votre amendement.
L'entreprise doit avoir reçu la certification ISO 50 001 pour être dispensée d'audit ; et là nous aurons très probablement dépassé 2015.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CE 2 du rapporteur
Cet amendement a pour objet d'obliger les entreprises à remettre à l'administration un rapport de suivi des préconisations de l'audit.
Je pressens que le Gouvernement ne sera pas favorable à cet amendement – surtout si ce rapport constitue une tâche supplémentaire qui ne se substitue à aucune autre.
La Commission adopte l'amendement.
La Commission émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 29 modifié.
Article 30 : Transposition de la directive 2009119CE du 14 septembre 2009 faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut etou de produits pétroliers
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 30 sans modification.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
Amendement CE 1 présenté par M. Frédéric Barbier, rapporteur pour avis :
Article 29
À l'alinéa 11, substituer à l'année : « 2015 », l'année : « 2016 ».
Amendement CE 2 présenté par M. Frédéric Barbier, rapporteur pour avis :
Article 29
Compléter l'alinéa 11 par la phrase suivante :
« Les personnes mentionnées au précédent alinéa transmettent à l'autorité administrative, dans un délai de deux ans après la réalisation de chaque audit réalisé, un rapport de suivi de cet audit. ».
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 2 avril 2013 à 21 h 30
Présents. - M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, M. François Brottes, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Jean Grellier, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier
Excusés. - M. Joël Giraud, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel