La séance est ouverte à neuf heures trente.
Nous accueillons aujourd'hui M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, pour aborder le projet de loi de programmation militaire (LPM) et le projet de loi de finances pour 2014. Comme vous le savez, nous avons déjà reçu les principaux industriels de la défense et avons notamment évoqué avec eux deux questions essentielles : les budgets consacrés à la recherche et au développement (R&D) et la mise en oeuvre des programmes d'armement.
Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui pour vous présenter ma perception du projet de loi de programmation militaire actuellement en cours de discussion, dont le projet de loi de finances pour 2014 constitue la première annuité.
Cette LPM traduit le maintien de nos ambitions stratégiques, en cohérence avec les orientations du Livre blanc, sur les trois missions fondamentales de dissuasion, dans ses deux composantes complémentaires, de protection du territoire et des populations, et d'intervention sur les théâtres extérieurs.
Malgré un contexte budgétaire contraint, marqué par l'impératif de redressement des finances publiques, le Président de la République a ainsi choisi de maintenir un effort de défense significatif, afin de donner à la France les moyens de mettre en oeuvre un modèle d'armées ambitieux à l'horizon 2025.
Un exercice difficile, visant à conjuguer souveraineté stratégique et souveraineté budgétaire, a été demandé à la mission « Défense ».
Un autre paramètre aura occupé une place majeure, celui de la préservation de notre outil industriel. Il s'agissait d'un impératif pour le Président de la République, personnellement, et pour le ministre de la Défense.
Il a ainsi fallu trouver un équilibre financier en dépit de fortes contraintes, alors que la trajectoire de besoin financier pour les équipements conventionnels prévoyait auparavant une importante croissance, avec une hausse des crédits d'équipement d'environ un milliard d'euros par an entre 2015 et 2020 – en raison de la poursuite du renouvellement des capacités engagé avec la LPM précédente, de nombreux grands programmes étant en cours de réalisation – et que les besoins financiers de la dissuasion – dans la perspective du renouvellement des deux composantes en 2030 et de l'entretien programmé des matériels – sont en croissance, ce qui met sous pression les ressources disponibles pour le reste de nos actions.
Nous avons défini neuf secteurs industriels. Pour chacun d'entre eux, il a fallu trouver le juste équilibre entre développement et production, de façon à concilier les impératifs de viabilité de l'activité industrielle avec les contraintes calendaires d'équipement en capacités militaires.
Je considère que le travail d'élaboration de ce projet de loi de programmation militaire a conduit à un résultat équilibré. Nous aurions certainement préféré que ce soit un peu plus confortable, mais la situation est ce qu'elle est.
Pour le programme 146 « Équipements des forces », qui est le principal programme suivi par la DGA, les ressources prévues pour les grandes opérations d'armement classique, pour les autres opérations d'armement et pour la dissuasion s'élèvent à environ 10 milliards d'euros par an, soit 59,5 milliards d'euros sur la période, se répartissant en 34 milliards d'euros pour les programmes à effet majeur (PEM), 7,1 milliards d'euros pour les autres opérations d'armement (AOA) et 18,4 milliards d'euros pour la dissuasion.
Il s'agit d'un retrait sensible – de l'ordre de 30 % au total, avec 41 % pour les PEM, 18 % pour les AOA et 11 % pour la dissuasion – par rapport à la programmation précédente, devenue insoutenable budgétairement et qui prévoyait une augmentation des ressources d'un milliard d'euros par an en moyenne. Je souligne que pour les AOA cela résulte d'un arbitrage collectif rendu avec le chef d'état-major des armées (CEMA) et les différents chefs d'état-major. En effet, un maintien des AOA à un niveau plus élevé aurait donné plus de fluidité, ces opérations contribuant notamment à la cohérence et au maintien de l'interopérabilité.
Cette évolution s'avère stable, en euros courants, par rapport à la loi de finances pour 2013, ce qui représente tout de même une érosion du pouvoir d'achat égale à l'inflation.
Une part significative de ces ressources – 5,5 milliards d'euros courants, soit 9 % – doivent provenir de ressources exceptionnelles, principalement en début de période : 1,5 milliard d'euros en 2014 et 1,6 milliard en 2015.
Sous l'hypothèse des ressources prévues, le report de charges du programme 146 sera stabilisé durant la nouvelle LPM à son niveau de fin 2013, prévu à environ deux milliards d'euros, les ressources escomptées ne permettant pas de le résorber. Ce report de charges représente environ 20 % des 10 milliards d'euros de ressources annuelles, ce qui constitue une part significative. La fin de gestion de l'année 2013 sera déterminante pour la bonne exécution de la LPM et il n'existe pas de marges pour faire face à des aléas.
Les études amont font l'objet d'un effort particulier – avec un flux moyen de 0,73 milliard d'euros courants par an entre 2014 et 2019 – qui constitue l'un des marqueurs de cette LPM pour l'armement.
La recherche et technologie (R&T) a été une priorité pour le ministre de la Défense dès le début des travaux d'élaboration de la LPM sur laquelle il n'a jamais varié de position.
Ce maintien de notre investissement en recherche et technologie (R&T) est absolument critique pour le maintien de la compétitivité de nos entreprises et leur capacité à répondre aux besoins futurs de nos armées et à proposer des matériels à exporter.
Ces crédits bénéficieront à la poursuite de la préparation du renouvellement des deux composantes de la dissuasion : mise en service du futur moyen océanique de dissuasion (FMOD) en 2030 ; renouvellement incrémental des missiles balistiques ; fabrication à l'horizon 2030 du successeur du missile air-sol moyenne portée améliorée (ASMPA). Ils serviront également à la montée en puissance de la coopération franco-britannique dans le domaine de l'aéronautique de combat – FCAS DP – et des missiles ; au développement des travaux sur la cyberdéfense, qui sera, à n'en pas douter, l'un des enjeux des années à venir ; à l'augmentation de l'effort d'innovation, par le soutien des PME et PMI grâce aux dispositifs du régime d'appui aux PME pour l'innovation duale (RAPID) – qui sera pérennisé et renforcé pour atteindre progressivement 50 millions d'euros annuels – et grâce à l'accompagnement spécifique des travaux de recherches et d'innovation défense (ASTRID), porté avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche pour les projets de recherche animés par des laboratoires académiques et des PME ; au maintien de l'excellence des compétences industrielles dans les autres domaines, même s'il est possible que toutes ne puissent être maintenues durablement à leur niveau actuel.
Parfois, les études amont constituent un palliatif pour fournir des crédits là où il manquerait pendant un temps de l'activité de développement sur les PEM. Cela n'est pas nouveau : on pratique ainsi depuis longtemps pour soutenir la viabilité de secteurs critiques.
L'impact économique et social de l'industrie de défense, fournisseur d'emplois hautement qualifiés et non délocalisables, aura été reconnu tout au long des débats. Les modèles de rupture qui auraient pu sacrifier un secteur ont ainsi été écartés. Les 10 milliards d'euros que la DGA injectera chaque année dans l'industrie de défense devront permettre de maintenir à terme les compétences indispensables à notre autonomie stratégique.
La LPM préserve globalement les neuf grands secteurs industriels : dans le renseignement et la surveillance – sur lesquels nous mettons particulièrement l'accent –, ce sont près de 4,9 milliards d'euros qui sont prévus sur la période, avec un effort particulier pour l'espace qui recevra 2,4 milliards d'euros ; 4,6 milliards d'euros seront alloués à l'aéronautique de combat pour la poursuite de l'amélioration du Rafale et de ses livraisons ; les sous-marins disposeront également de 4,6 milliards d'euros avec la poursuite du programme Barracuda, la transformation des bâtiments actuels pour le passage du M45 au M51 et la préparation du FMOD ; 4,2 milliards d'euros seront attribués aux navires armés de surface avec la poursuite des livraisons FREMM ; 3,9 milliards d'euros seront accordés à l'aéronautique de transport et de ravitaillement pour, notamment, la poursuite des livraisons des A400M et la commande d'avions ravitailleurs MRTT l'année prochaine ; 3,7 milliards d'euros serviront à financer les hélicoptères avec la poursuite des livraisons des programmes Tigre et NH90 ; le domaine des communications et des réseaux percevra 3,2 milliards d'euros pour la poursuite de CONTACT, radio tactique de nouvelle génération, et le lancement de COMSAT NG, successeur de Syracuse III ; 2,7 milliards d'euros seront consacrés aux missiles, dont la filière sera maintenue avec une trame de programmes nouveaux comme le missile moyenne portée (MMP) – successeur du missile d'infanterie léger anti-char (MILAN) – ou le missile anti-navire léger (ANL), développé en coopération avec les Britanniques ; enfin 2,5 milliards d'euros alimenteront le secteur terrestre, qui verra le lancement de Scorpion à la fin de l'année prochaine.
Bien entendu, des ajustements sur l'outil industriel seront nécessaires.
L'impact sera ainsi limité sur les investissements du programme 146 et minimisé par rapport à ce qu'il aurait pu être dans le contexte budgétaire difficile que nous traversons et dans certains modèles de rupture qui ont été envisagés.
Il faudra redoubler d'efforts pour conquérir de nouveaux marchés à l'export afin d'assurer des plans de charge plus confortables.
Afin de dégager des marges de manoeuvre pour lancer de nouveaux programmes et répondre aux besoins capacitaires, les calendriers de livraison des nouveaux matériels – avion de transport A400M, hélicoptères NH90 et Tigre, avion de combat Rafale, frégates multimissions (FREMM), sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda – sont en cours de renégociation et seront aménagés pour permettre la poursuite du renouvellement des capacités initié par la précédente loi de programmation.
Les conditions de réalisation de certains programmes ont déjà fait l'objet d'un accord avec les industriels. Ainsi, concernant le programme Barracuda, le calendrier de livraison des sous-marins a été étiré au maximum, tout en préservant la base industrielle et technologique de défense. Un sous-marin sera livré toutes les deux années et demie en moyenne. Quant au NH90, un engagement industriel sur l'étalement a été obtenu au moment de la contractualisation des trente-quatre hélicoptères TTH en mai dernier. Pour les autres, l'ajustement des calendriers de production est en cours de discussion afin de garantir la viabilité de l'activité industrielle, sans obérer la tenue des contrats opérationnels fixés par le Livre blanc et en respectant la trajectoire financière dressée par la LPM. L'équilibre de cette dernière repose en partie sur ces renégociations. Ces discussions ne sont pas faciles, car il s'agit de sujets complexes, parfois liés entre eux, mais j'ai confiance dans la compétence et l'implication de mes équipes comme dans le réalisme et la responsabilité de nos partenaires industriels. Elles aboutiront, je l'espère, avant la fin de l'année, car leurs résultats conditionnent l'exécution du budget dès 2014.
Parallèlement à ces renégociations de contrats, nous poursuivons un effort particulier sur le soutien aux exportations.
Le projet de LPM prévoit la livraison de vingt-six avions Rafale sur la période, avec l'hypothèse de contrats à l'exportation permettant de maintenir le rythme de production. Par ailleurs, les dix Rafale marine verront leur système d'armes rénové au dernier standard fonctionnel.
Le projet prévoit également que l'intégration de nouvelles capacités – missiles air-air longue distance MIDEMETEOR et systèmes de désignation à grande distance PDL-NG – sera réalisée dans le cadre du développement d'un nouveau standard et concernera l'ensemble de la flotte Rafale air et marine déjà livrée. Pour mémoire, le Livre blanc a fixé la cible à 225 avions de combat.
Le premier A400M a été livré en août dernier, le deuxième est attendu d'ici à fin 2013 et quatre autres sont prévus en 2014. Le projet de LPM prévoit la livraison de quinze A400M d'ici à 2019. Cela permettra de poursuivre le retrait déjà engagé de la flotte Transall C-160, dont la durée de vie a été prolongée par quelques modifications en cours d'application par les ateliers industriels de l'aéronautique (AIA). À terme, le Livre blanc a fixé la cible globale à cinquante avions de transport tactique.
Le projet de LPM prévoit un étalement du rythme de livraison des FREMM : six frégates en version anti-sous-marine seront livrées d'ici à 2019, les deux suivantes possédant une capacité de défense aérienne.
Une décision devra être prise en 2016 sur les modalités de rejointe du format du Livre blanc de quinze frégates de premier rang. Aujourd'hui prématuré, ce choix devra porter sur la réalisation des trois dernières frégates du programme FREMM, le programme de rénovation des frégates La Fayette (FLF) et un nouveau programme de frégate de taille intermédiaire (FTI) en intégrant l'actualisation du besoin militaire et la situation de l'industrie sur le marché de l'export des frégates de premier rang.
La période de la LPM sera marquée par la fin des livraisons des 630 véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) en 2015, dont quatre-vingt-quinze disposeront d'un niveau de protection adapté aux théâtres d'opérations les plus exigeants. Ce programme fait l'objet de nombreux prospects export et la fin des livraisons confirme la nécessité de lancer le programme Scorpion dans la continuité.
Je rappelle que le lancement des nouveaux programmes a été retardé dans l'attente du Livre blanc de 2013 et de cette nouvelle LPM, afin de ne pas en préempter les choix. Une vingtaine de programmes nouveaux seront lancés d'ici à 2019.
Dans l'aviation de combat, un nouveau standard F3R sera déployé pour le Rafale : il contribuera au maintien de l'activité des bureaux d'études, en lien avec les négociations sur l'étalement de la production des avions de la quatrième tranche de production.
Dans le domaine terrestre, le lancement du programme Scorpion, essentiel au maintien des compétences de l'industrie terrestre, est prévu en fin d'année prochaine ; il s'agit du programme majeur pour la modernisation des matériels de l'armée de terre, qui comprend trois volets : le véhicule blindé multirôles (VBMR), successeur du véhicule de l'avant blindé (VAB) ; l'engin blindé de reconnaissance au combat (EBRC), qui remplacera l'AMX 10RC et qui constitue le moyen blindé d'intervention ; enfin, les systèmes d'interconnexion de tous les pions tactiques de l'armée de terre qui, même s'ils sont moins visibles, sont fondamentaux pour l'efficacité globale de l'armée de terre et lui permettront de changer de siècle.
Le programme d'avions ravitailleurs MRTT sera lancé pour préparer le remplacement de C-135 vieillissants. C'est un programme essentiel, en particulier pour la dissuasion. Il y a différentes initiatives européennes dans le domaine du ravitaillement en vol, mais il est nécessaire pour la France de prendre en compte les particularités de la dissuasion.
Dans le renseignement, plusieurs programmes nouveaux seront développés : les drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE), le système de drones tactiques (SDT) et la capacité de renseignement d'origine électromagnétique spatiale (CERES).
Le domaine spatial, outre CERES, connaîtra le lancement du programme COMSAT NG, successeur du système de télécommunications militaires par satellites Syracuse III. Pour le domaine naval, les principaux nouveaux programmes prévus au cours de la LPM sont les bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH), la rénovation des frégates de type La Fayette, le système de lutte anti-sous-marine (SLAMF), qui viendra compenser le vieillissement de nos chasseurs de mines tripartites, et les navires logistiques FLOTLOG.
Enfin, plusieurs programmes de missiles seront lancés : l'ANL prévu dès cette année, comme le MMP, et plus tard, la rénovation des missiles du système de croisière conventionnel autonome à longue portée (SCALP) et le successeur du missile d'interception, de combat et d'autodéfense (MICA). Ces programmes sont indispensables au maintien des compétences de la filière.
Plusieurs de ces nouveaux programmes seront réalisés dans le cadre d'une coopération européenne, en particulier avec notre partenaire britannique : c'est notamment le cas du SLAMF et de l'ANL. Naturellement, pour les autres programmes, nous continuerons à étudier les collaborations possibles, en particulier avec le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Pologne, l'Italie et l'Espagne, la situation financière des autres pays étant moins favorable.
Concernant les dépenses de personnel, une économie de l'ordre de 4,5 milliards d'euros sur la période est demandée au titre de la déflation et des mesures de « dépyramidage ».
J'ai souligné à mes autorités que cette LPM n'induisait aucun abandon de capacité technique ou industrielle et qu'il était donc impossible d'abandonner le moindre secteur de la DGA. Dans le cas contraire, il faudrait accepter que l'on ne suive plus certains secteurs et qu'on laisse l'industriel faire ; ce n'est pas ma conception. Dans ces conditions, et alors que la DGA a déjà atteint un format optimisé et resserré, qu'a concrétisé une baisse des effectifs de près de 20 % depuis 2008, la part de la DGA dans les déflations prévues par la LPM entre 2014 et 2019 sera recherchée sans abandon de capacités.
Nous contribuerons néanmoins à l'effort collectif : ainsi, entre 2013 et 2019, la baisse des ressources allouées à la DGA sera de 10,1 % en fonctionnement et de 7 % si l'on prend en compte l'investissement, mais en absorbant dans cette enveloppe les 50 millions d'euros d'investissements liés à la cyberdéfense. Je suis attentif au maintien des capacités d'essais des centres, en particulier pour les essais de missiles et pour Bruz en raison de la montée en puissance de la cyberdéfense. Dans ce domaine, qui nécessite des moyens modestes, nous réussissons à recruter très facilement des candidats de très bon niveau, qui sont ravis de se mettre au service de l'État mais qu'il faut accompagner.
Enfin, sur la question du dépyramidage des officiers, il faut relever que les cadres de la DGA ne constituent pas une pyramide d'encadrement au sens militaire, mais bien un ensemble de compétences techniques et managériales adapté aux missions confiées aujourd'hui à la DGA. La DGA regroupe environ 5 000 ingénieurs, dont environ 1 500 possèdent le statut d'officier. Ils sont âgés de trente-cinq à cinquante-cinq ans et disposent de compétences affirmées : c'est une vue de l'esprit de penser qu'il serait possible de les supprimer en gardant le même niveau de compétences techniques et managériales
Nous estimons le report de charges de 2013 à 2014 à deux milliards d'euros pour le programme 146 – ce montant devant s'établir à trois milliards d'euros pour l'ensemble du ministère de la Défense –, sous réserve que la fin de l'exécution budgétaire ne fasse pas apparaître une attrition supplémentaire de nos crédits de paiement. Ce programme fait l'objet d'un « surgel » de l'ordre de 215 millions d'euros et d'une mise en réserve d'environ 540 millions d'euros : si ces sommes n'étaient pas débloquées, le report de charges pourrait s'accroître de 700 millions d'euros, alors que le total des crédits de paiement s'élève à 10 milliards d'euros. Cela créerait une grande instabilité et conduirait, l'année prochaine, à devoir arrêter les paiements dès le mois de septembre ; en outre, il conviendra de régler la question du surcoût des opérations extérieures (OPEX). Dans ce contexte, j'ai proposé de freiner les engagements afin de ne pas lancer de programmes que l'on ne pourrait pas financer en 2014. L'ensemble des programmes nouveaux pour 2013 et 2014 dépasse 400 millions d'euros de crédits de paiement ; une décision absurde et brutale consistant à ne démarrer aucun nouveau programme jusqu'à la fin de l'année prochaine ne permettrait pas de compenser les reports de charges. Nous maintenons donc notre prévision de non-augmentation des reports de charges et de complète disponibilité des ressources.
Nous annoncerons prochainement le démarrage d'un programme concernant l'Atlantique 2, action impérative du fait de son usage au Sahel, et la poursuite de l'opération CONTACT, conduite avec Thales, visant le poste radio tactique de cinquième génération ; son lancement fut approuvé l'an dernier, mais son déploiement s'effectue avec précaution et de manière progressive.
Comme les années précédentes, nous tenterons en 2013 de placer en réserve un minimum de crédits de paiement – ceux-ci nous préoccupant davantage que les autorisations d'engagement – afin d'être en mesure de traiter à la fin de l'année le cas des PME et des PMI. Cette pratique se situe aux limites de la régularité et nous place dans une position inconfortable.
Nous avons déjà connu ces difficultés de fin d'exercice budgétaire dans d'autres périodes et nous pourrons interroger le ministre de la Défense à ce sujet.
L'armée de terre a consenti beaucoup d'efforts, dans la mesure où des reports et des annulations d'engagements en matière d'équipement ont été décidés en 2012 et en 2013 ; elle attend la mise en oeuvre du programme Scorpion qui devrait débuter à la fin de l'année 2014. Quand les premiers véhicules blindés de nouvelle génération seront-ils livrés ?
L'armée de terre disposera-t-elle de suffisamment de crédits pour assurer la maintenance des matériels, notamment ceux revenant du Mali ?
Nous comptons notifier les contrats intéressant le programme Scorpion dès la fin de 2014 avec le début des travaux de développement du VBMR et de l'EBRC. Les premiers VBMR seront livrés en 2018, 608 le seront au cours de la période couverte par la LPM, la cible finale étant fixée à 2 080 appareils. Les premiers EBRC seront commandés en 2018, 248 devant être fournis au total. Nous avons également lancé le déploiement d'un système d'information unifié et nous prévoyons de moderniser les chars Leclerc.
Il convient de relativiser la réduction des crédits de l'armée de terre : ainsi, la quantité de 630 VBCI est maintenue – ne serait-ce que pour des raisons industrielles, car l'amputation d'une centaine de véhicules à ce programme n'aurait pas permis de réaliser la moindre économie du fait des dispositions du contrat ; une partie d'entre eux pourrait néanmoins être exportée.
Nous demandons aux industriels de s'associer pour répondre à nos demandes. La composante Scorpion ayant été reconnue comme stratégique, nous pouvons utiliser des dispositifs réglementaires qui permettront, sinon d'éviter, du moins de restreindre la compétition. Il faut que nous convainquions Renault Trucks Défense (RTD) et Nexter de collaborer pour ce programme, comme ils l'ont déjà fait pour les VBCI – excellent véhicule, climatisé, qui a donné pleine satisfaction au Mali.
Je ne suis pas chargé de la maintenance – et ne souhaite d'ailleurs pas l'être –, même si nous discutons avec les armées pour mieux organiser la maîtrise d'ouvrage du maintien en condition opérationnelle (MCO) dans l'aéronautique. Dans la LPM, toutes les composantes connaissent une stabilité en volume et en euros courants, à l'exception de celle dévolue à l'entretien programmé des matériels (EPM) qui, seule, progresse ; nous étudions donc la possibilité de dégager quelques marges dans ce secteur, tout en tenant compte des impératifs liés à l'entraînement des forces et aux OPEX, ainsi qu'aux lacunes de coopération qui ont longtemps caractérisé ce domaine d'action. En matière de maîtrise d'ouvrage, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont créé des organisations intégrées – regroupant les acquisitions et le MCO –, mais ils font régulièrement évoluer leur système, car il n'existe pas d'agencement parfait.
Monsieur le délégué général, à combien s'élève le coût global des programmes de modernisation des équipements prévus dans la LPM et quel en est l'impact sur la charge financière du MCO ?
Le programme BSAH restera-t-il fondé sur un projet de partenariat public privé (PPP) ou procéderons-nous à une acquisition patrimoniale ?
Pour le BSAH, six bâtiments militaires et quatre bâtiments civils affrétés composent la flotte de remorqueurs de haute mer ; nous avons étudié la possibilité d'obtenir huit navires – quatre pour des missions militaires et quatre pour d'autres activités – dans le cadre d'un PPP. L'intérêt économique de la seule offre reçue est nul voire négatif aujourd'hui. Nous réfléchissons à des alternatives pour l'acquisition patrimoniale de deux navires et à bénéficier de l'affrètement de six autres.
Nous avons déjà dû abandonner l'instrument du PPP pour de nombreux autres programmes – notamment dans le domaine des télécommunications –, car l'intérêt économique n'existait que pour le prestataire, et pas pour l'État.
Nous vous communiquerons, madame Gosselin-Fleury, le montant de la modernisation des équipements au titre de la LPM, nous n'avons pas constitué cet agrégat aujourd'hui. À titre d'exemples de modernisation, au-delà du Rafale F3R, nous lançons la rénovation des FLF et celle des Mirage 2000D – afin de les doter des capacités d'interception.
Ces opérations possèdent un impact sur le MCO, car la mise à jour d'équipements obsolètes a un impact positif instantané sur l'exécution du MCO. Cependant, il faut prendre en compte l'immobilisation des matériels induite par ces opérations de rénovation.
Le marché des bâtiments multimissions (B2M) porte-t-il sur trois ou sur quatre navires neufs avec cinq ans de MCO ? Quand sera-t-il lancé : avant la fin de l'année ?
Les conditions initiales de conduite du programme B2M prévoyaient une contribution de l'État – hors ministère de la Défense – de 20 % pour l'acquisition et de 50 % pour le fonctionnement. D'une réunion interministérielle tenue en juillet dernier, il est apparu que ce financement n'était plus garanti. Nous révisons donc le dispositif et consultons les industriels et la marine nationale ; nous prévoyons l'exécution des travaux liés à la consultation et à la notification avant la fin du mois de décembre 2013 et une livraison du premier B2M à la fin de 2015 ou au début de 2016 – les deux suivants étant prévus un an plus tard. Par ailleurs, il nous faudra réfléchir au déploiement du complément de dispositif nécessaire vers la Polynésie, les Antilles et la Nouvelle-Calédonie.
Ces dernières années, l'État a vendu des participations qu'il détenait dans des sociétés d'armement ; cette politique, pourvoyeuse de recettes, se poursuivra-t-elle ?
Dans les collectivités locales – voire dans les services de l'État –, les gestionnaires liquident en fin d'année la totalité des crédits disponibles afin d'obtenir le même financement l'année suivante. Ne pourrait-on pas inciter à moins dépenser et à intéresser ceux qui y parviennent ?
Les dépenses d'investissement dans le programme 146 servent à l'équipement des armées : elles correspondent à des besoins exprimés par les états-majors des armées et approuvés par le ministre en comité ministériel d'investissement, et je n'ai donc pas à les freiner. S'agissant des crédits de fonctionnement, j'ai été témoin dans le passé de la course à la consommation à laquelle vous faites allusion, monsieur Boisserie, mais cette époque semble révolue : ces crédits sont alloués au plus juste et centralisés pour l'ensemble du ministère afin que les armées puissent toujours en disposer. Pour la DGA, les crédits d'investissement technique dans nos centres d'essais font partie des crédits de fonctionnement.
Il sera nécessaire d'obtenir des recettes extrabudgétaires comprises entre 1,5 et 1,6 milliard d'euros en 2014 et en 2015. Les programmes d'investissements d'avenir (PIA) permettront d'assurer ces crédits de paiement en 2014 : ils seront orientés très majoritairement vers la direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) – ce PIA remplaçant en grande partie la subvention attribuée au CEA, il s'agit d'une débudgétisation pour cette année – et le reste vers le programme de satellites d'observation MUSIS. Ce montant proviendra de la vente de participations de l'État – dont la conduite relève de l'Agence des participations de l'État (APE) dirigée par M. David Azéma –, le moment de leur disponibilité pour la DGA restant inconnu. En 2013, l'APE a vendu 3 % de Safran pour un montant de l'ordre de 400 millions d'euros, la participation de l'État dans cette société atteignant désormais 27 % du capital. L'État ne cédera des participations que dans des sociétés dont l'avenir stratégique s'avère parfaitement établi et conservera son poids dans les entreprises dont il veut continuer de définir l'orientation.
En revanche, l'incertitude subsiste pour 2015 : les recettes devaient provenir de la vente de fréquences de la TNT, mais il n'est pas certain que les opérateurs télécoms aient les moyens de participer à la compétition ; en raison de contraintes juridiques et administratives, il n'est pas acquis que l'on puisse percevoir cette manne avant 2016. Il faudrait donc trouver 1,6 milliard d'euros de crédits de paiement en recettes extrabudgétaires pour l'année 2015 : les ministères de l'Économie et des finances et de la Défense, sous l'autorité du Premier ministre, réfléchissent actuellement aux moyens de lever cette difficulté. Je reste confiant, car le Président de la République a indiqué que, en cas de manque de recettes extrabudgétaires, des crédits budgétaires seraient versés. Le montant de 1,6 milliard d'euros représente plus de 15 % des crédits de paiement, et nous ne pouvons pas accroître le report de charges en 2015 de 1,5 milliard d'euros, car un report de charges trop important – excédant deux milliards d'euros pour la DGA – donne au contrôleur financier le pouvoir de refuser de viser les contrats qui lui sont soumis au motif de l'absence de crédits pour les payer.
Avons-nous les moyens humains permettant de réaliser la montée en puissance de la cyberdéfense ? Les liens entre l'université ou les organismes de recherche comme l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et les employeurs sont-ils suffisamment étroits ?
La France a acheté deux drones Reaper sur étagère, type d'acquisition qui pose de nombreux problèmes – comme l'atteste l'exemple du drone Harfang – et qui nécessite donc un processus de nationalisation. Les États-Unis ont-ils accepté que nous assimilions certaines techniques de liaison satellitaire, d'optronique, de capteurs électroniques ? Cette incorporation de la technologie du drone américain ne nuirait-elle pas au programme européen que les industriels continuent d'évoquer, même si son échéance, initialement prévue entre 2020 et 2022, semble être désormais fixée entre 2022 et 2025 ?
L'accroissement des effectifs dévolus à la cyberdéfense n'entrera pas dans l'enveloppe budgétaire ; nous recruterons une quarantaine de personnes en 2013 et cette quantité augmentera de 50 % l'an prochain. Lorsque nous ouvrons des postes dans ce domaine – principalement des ingénieurs –, nous recevons un afflux de candidatures de haut niveau, provenant des universités et des écoles comme Polytechnique ou Normale Sup. Intégrer ces recrues nécessite de les former et de les sélectionner – pour vérifier leur équilibre et leur sens du secret. Même si nous sommes en compétition avec d'autres structures de l'État comme la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ou avec des industriels pour attirer les candidats dans ce domaine, les postes techniques que nous proposons séduisent.
Par ailleurs, nous nouons de nombreux partenariats scientifiques avec des institutions françaises, notamment par le biais de conventions qui permettent l'exécution de programmes d'études amont (PEA) en matière de cybersécurité – dont le montant devrait passer de 10 à 30 millions d'euros par an – ou qui financent des thèses. Dans ce domaine, l'INRIA s'avère évidemment un partenaire fondamental.
Tant que nous disposerons des moyens d'embaucher, notre montée en puissance dans la cyberdéfense s'effectuera. S'effectuera-t-elle assez vite ? La question se pose, sachant que M. Ashton Carter, le numéro deux du Pentagone, a annoncé qu'il allait embaucher 7 000 personnes d'ici à la fin de l'année. À leur échelle, les États-Unis continuent d'accélérer dans ce secteur et la cyberdéfense constitue un enjeu de la LPM, peut-être le principal – non en matière financière, mais en termes de souveraineté.
Nous avons en effet acheté deux drones sur étagère, qui seront déployés avant la fin de l'année au Sahel. La LPM prévoit que douze drones MALE seront acquis d'ici à 2019 ; nous avons demandé aux Américains la certification aéronautique permettant aux appareils de fonctionner dans l'espace aérien européen – ce qui les surprend toujours, car l'espace aérien est si étendu aux États-Unis que ses parties civile et militaire peuvent être séparées. En outre, nous souhaitons qu'une étude soit conduite sur la francisation ou l'européanisation de capteurs, de moyens de transmission et d'outils de sécurisation des communications ; cette proposition n'a pas encore été acceptée.
Trois industriels – Dassault Aviation, Finmeccanica et EADS Cassidian – ont déclaré être disposés à s'unir pour élaborer un drone MALE européen, et je dois rencontrer leurs représentants dans le courant du mois d'octobre. Nous nous sommes également entretenus la semaine dernière de ce sujet avec M. Beemelmans, secrétaire d'État au ministère allemand de la Défense, chargé de l'équipement. La question que nous devons résoudre réside dans l'articulation entre ce que l'on veut intégrer du drone américain et ce que l'on veut développer dans un drone européen : la dimension financière la tranchera. Par ailleurs, le ministre de la Défense devrait prochainement annoncer la création d'un club des utilisateurs de Reaper en Europe, réunissant les Britanniques, les Italiens et peut-être les Allemands.
S'agissant des drones tactiques, nous avons évalué le Watchkeeper de Thales Royaume-Uni et nous estimons que cet appareil manque à ce stade de maturité. Je suis en relation étroite avec mon homologue britannique pour suivre les évolutions prévues du système.
Les essais du dispositif nEUROn ont parfaitement fonctionné. Il s'agit là d'un exemple de coopération européenne réussie. Les performances de nEUROn ont impressionné bon nombre de pays du Moyen-Orient et ont agacé nos amis britanniques. Nous avons également testé la furtivité radar de nEUROn dans le moyen Solange à Bruz et les résultats s'avèrent très encourageants. Ce point est fondamental pour le maintien des compétences des bureaux d'études aéronautiques – notamment chez Dassault Aviation – en l'absence d'un programme d'avion de combat en Europe.
Les problèmes de fonctionnement du logiciel Chorus tendent à disparaître ; le ministère de la Défense aurait réglé 5,6 millions d'euros d'intérêts moratoires. Ce montant est-il définitif ou augmentera-t-il encore ?
La LPM a programmé l'acquisition de vingt-six Rafale afin de porter le nombre total d'avions de combat disponibles à 225 en 2020. L'accord avec Dassault repose sur onze avions de combat par an. Que se passera-t-il en cas d'échec à l'exportation ?
On dit que le FAMAS, fusil d'assaut encore en service et très performant malgré son âge, pourrait être remplacé. Est-ce vrai, sachant qu'il était fabriqué en France, mais qu'il n'existe plus d'usine pouvant produire des fusils d'assaut ?
Monsieur le délégué général, vous avez fait part de votre optimisme, mais, au vu de la LPM, j'incline vers le pessimisme, car cette loi conduit à terme au déclassement stratégique de la France.
Pourriez-vous nous apporter des précisions sur le programme de livraison des lance-roquettes unitaires (LRU) ? Le calendrier prévu sera-t-il respecté ?
Vous nous avez indiqué que quarante personnes seraient embauchées dans le domaine de la cyberdéfense, sachant que le ministre de la Défense avait annoncé que 200 agents seraient engagés d'ici à 2015. Qu'en est-il exactement dans un contexte où les Américains procèdent à des recrutements massifs ?
Lors de votre audition en 2012, vous aviez déclaré que la DGA n'aurait plus de marges d'optimisation sans abandon de capacité en 2013. En sommes-nous là ?
Monsieur Candelier, la mise en place de Chorus à partir de 2010 fut très laborieuse, mais nous sommes aujourd'hui plus optimistes sur ses capacités. L'un des principaux avantages de Chorus est de permettre une reprise des paiements après un changement d'année dès le 2 janvier – alors qu'elle n'avait lieu qu'à la fin du mois de mars ou au début du mois d'avril auparavant ; en revanche, certaines restitutions, utiles à la DGA, se révèlent incomplètes : Chorus est donc un outil financier et non un instrument de gestion des programmes.
Nous travaillons à la vente de 126 Rafale à l'Inde – dont dix-huit fabriqués en France – et de trente-six appareils au Qatar – même si ce chiffre n'est pas encore arrêté. Je suis persuadé que nous réussirons à conclure le marché avec l'Inde, même si nous pourrions attendre jusqu'à la fin de l'année 2014 pour des raisons de fonctionnement administratif, d'attention portée par les Indiens au respect des procédures, de calendrier politique et de nécessité d'adapter certains de leurs équipements au Rafale. Sur ce dernier point, l'intérêt de l'opération avec le Qatar réside dans la proximité de la définition technique des avions avec la nôtre. À plus long terme, le Brésil pourrait réapparaître comme un marché potentiel, car ce pays développe une ambition de souveraineté qui l'a conduit à lancer un programme de porte-avions : le Rafale aura, une fois le bâtiment construit, le F-18 pour seul concurrent – si celui-ci est toujours produit. Le même secteur de l'aviation embarquée concernera également l'Inde dans le futur.
La LPM prévoit l'acquisition de plus de 21 000 fusils. Depuis la fermeture du site de Saint-Étienne et de l'atelier du Mans – qui produisait les munitions –, la France ne dispose plus d'activité de développement et de fabrication d'armes et de munitions de guerre de petit calibre. Il nous faudra donc procéder à des achats sur étagère ne nécessitant pas d'adaptations trop importantes auprès d'industriels allemands, belges, voire suisses.
Monsieur Meslot, les treize lance-roquettes multiples (LRM) seront transformés en LRU à la fin de 2014.
Monsieur Hillmeyer, plus de 400 experts dans la cyberdéfense devraient exercer à la DGA à l'horizon de 2017. Ces personnes étant majoritairement des ingénieurs civils sous contrat, je ne peux affirmer avec certitude le nombre de recrues pour l'année 2013 qui dépend du visa du contrôleur financier. Le chiffre donné par le ministre de la Défense est global et comprend le pôle opérationnel, alors que je ne m'intéresse qu'au pôle technique.
Dans le domaine de la cybersécurité, le tissu industriel connaît un grand dynamisme depuis deux ans et de nombreuses PME et PMI sont créées. Cette activité répond à un immense besoin.
Vous nous avez expliqué que vous étiez soumis à une triple contrainte : celle liée aux finances, celle correspondant aux besoins exprimés par l'institution militaire et celle de la préservation des filières industrielles ; de toute évidence, la première prime sur les deux autres. L'ampleur de la réduction de vos moyens permet-elle la sauvegarde de l'ensemble des filières ? Certaines ne se trouvent-elles pas plus en danger que d'autres ?
Les reports engendrés par les impératifs financiers ou par les réductions de programme induisent une utilisation plus longue des équipements et une renégociation des contrats, ce qui engendre un coût – de maintenance ou d'indemnisation. Réalise-t-on vraiment des économies lorsque l'on reporte au-delà du raisonnable le lancement de certains programmes ? Si elles existent, à combien se montent-elles ?
Vous avez affirmé que les moyens de transmission de l'armée de terre devaient être améliorés : à quelles évolutions songez-vous ?
Pourriez-vous faire le point sur l'état d'avancement du projet d'expérience de physique utilisant la radiographie éclair (EPURE) qui concerne notre force de dissuasion ?
Monsieur le délégué général, je suis surprise de vous entendre dire que le progiciel Chorus fonctionnait ; certaines directions départementales des finances publiques gèrent l'armée de terre sans difficulté, mais celles qui s'occupent de l'armée de l'air – notamment celle des Landes – rencontrent des problèmes. Si le traitement des flux s'avère satisfaisant, qu'en est-il des stocks ? Au cours d'une audition devant cette même commission, mes collègues avaient fait état d'un montant de 45 millions d'euros au titre des intérêts moratoires pour l'année 2010, alors qu'ils n'atteignaient que 18 millions d'euros l'année précédente, c'est-à-dire avant la mise en oeuvre de Chorus ; quelle somme l'État a-t-il dû verser au titre de ces intérêts depuis le lancement du dispositif ?
Le précédent Livre blanc surestimait l'effort financier qui pouvait être consenti pour les équipements, puisqu'il l'établissait à neuf milliards d'euros pour les seuls équipements classiques – hors nucléaire et AOA. La DGA a défini neuf agrégats industriels pour lesquels nous avons cherché à préserver un niveau minimal pour les bureaux d'études et la chaîne logistique. Cette nomenclature des neuf agrégats s'est imposée dans les discussions préparant le projet de loi de programmation militaire.
Il nous faut consentir un effort colossal en matière d'exportations. C'est notamment le rôle des industriels, car l'État ne peut pas tout. Nous avions anticipé les décisions de la LPM et avions informé les grands maîtres d'oeuvre industriels longtemps à l'avance, mais tous n'ont pas souhaité anticiper le nouveau contexte financier. Certains secteurs industriels – renseignement et spatial – connaissent la croissance. Nous devons disposer d'équipements exportables ; ainsi, nous voulons engager, d'ici à 2016, une réflexion sur les frégates – rénovation des FLF, poursuite du programme des FREMM, introduction d'un navire de taille intermédiaire plus moderne. Les FREMM sont de très beaux produits, mais ils sont malheureusement lourds – 5 500 tonnes – et nécessitent la présence d'un équipage hautement qualifié puisqu'il dépasse à peine 100 personnes ; ils ne correspondent donc pas vraiment aux demandes de pays potentiellement clients comme ceux du Moyen-Orient, qui souhaitent disposer d'équipages de 150 individus. Nous devons adapter notre offre à la demande.
Les renégociations ne permettent pas de dégager d'importantes économies de coûts, car, si nous essayons de respecter l'enveloppe à la fin du programme, les réaménagements des plans de production nous contraignent à raisonner en flux. Comme les programmes d'armement sont longs, ce type de variation a généralement un impact sur les coûts.
Dans les transmissions, nous avons beaucoup exporté le PR4G – plus de 100 000 exemplaires vendus – dont disposent l'armée de terre, les commandos de l'armée de l'air et la marine. Nous souhaitons renouveler ce succès grâce au programme CONTACT et passer à une gamme de matériels attendus par les pays étrangers et par notre armée de terre, qui s'appelleront « Software Defined Radio » – ou radio logicielle – et qui pourront s'adapter à différentes formes d'ondes et donc maîtriser les conditions d'interopérabilité, tant au sein de l'OTAN qu'avec des pays comme les Émirats arabes unis avec lesquels nous avons signé des accords de défense.
EPURE vise à la mise en place de moyens expérimentaux et de simulation numériques pour acquérir et valider les données physiques permettant de réaliser des têtes nucléaires. Nous avons engagé cet effort dès maintenant, car nous voulons disposer d'une tête nucléaire moderne en 2025 pour poursuivre l'amélioration de notre armement, notamment dans sa composante de sûreté. Le CEA conçoit et produit la tête nucléaire, si bien qu'il doit conserver la maîtrise de compétences rares. La première expérience d'EPURE sera exclusivement française alors que la seconde reposera sur une coopération franco-britannique. Enfin, la mise en service du laser mégajoule (LMJ) est prévue à la fin de l'année 2014.
Madame Chabanne, je vous confirme que si, vu de la DGA, Chorus ne répond pas à l'intégralité de nos besoins de restitution, le fonctionnement comptable du système ne nous pose plus de difficultés, grâce à la formation intense de nos personnels appelés à manier l'outil. Il nous permet de bénéficier d'une grande fluidité dans le traitement des opérations et d'une reprise rapide de la gestion en début d'année. C'est notamment grâce à cela que nous avons pu plafonner les intérêts moratoires à environ six millions d'euros à la fin de l'année 2012. L'exécution budgétaire de la fin de l'année déterminera le montant des intérêts moratoires, qui pourraient s'accroître en fonction du report de charges ; nous devrions faire face à des difficultés si l'on constatait, le 15 janvier prochain, que nous avons consommé l'intégralité des crédits de paiement ouverts en début d'année pour payer les reports de charges, ce qui créerait de nouveaux intérêts moratoires.
Vous nous parlez d'économie de flux, mais les investissements ne pourront que diminuer si nous continuons sur cette pente délétère. Faute d'opérer des choix, nous devons conserver une panoplie complète, puisque le rêve européen de mutualisation semble s'éloigner et que la dimension nationale reprend toute sa place dans la politique de défense.
Les reports accroissent le coût des équipements et empêchent la modernisation des forces, notamment pour les flottes de surface et de haute mer. Vous avez évoqué le lancement d'une réflexion à partir de 2016 pour les deux frégates anti-aériennes. Quand la marine nationale pourra-t-elle compter sur ces deux frégates ? Pendant combien de temps les coques qui doivent être rénovées pourront-elles tenir sur la mer ?
Dans la LPM, il n'est pas prévu de nouvelle commande du canon CAESAR – compétence industrielle de gros calibre que, avec les Allemands, nous sommes seuls à détenir en Europe – contrairement à ce qui avait été initialement envisagé dans la précédente LPM, puisqu'une deuxième tranche d'une soixantaine de canons devait être commandée, et ce n'est pas la rénovation des tubes des chars Leclerc qui permettra de faire vivre la canonnerie de Bourges. Comment pourrions-nous dès lors conserver cette compétence ? L'arrêt de cette activité ne préfigurerait-il pas le rapprochement entre Nexter et Krauss-Maffei, l'entreprise allemande restant seule capable de produire du gros calibre ?
Pourrions-nous obtenir un tableau prévisionnel des obsolescences des matériels ? Cela nous permettrait de connaître la quantité d'équipements disponibles en fin de loi de programmation militaire, en 2019.
Nous avons décidé depuis quelques années de développer les équipements multifonctions – Rafale ou FREMM ; si ces instruments sont bien adaptés pour réaliser les tâches les plus complexes, on peut s'interroger sur le coût d'utilisation de ces équipements pour des opérations ordinaires. L'orientation consistant à privilégier ces outils s'avère-t-elle pertinente ? Cette question se pose notamment pour notre stratégie en termes d'exportation, car nous rencontrons de grandes difficultés à vendre des Rafale – le meilleur avion du monde – et des FREMM. Devons-nous poursuivre dans cette voie ou convient-il de produire des équipements plus spécialisés ?
Monsieur Dhuicq, la cible finale du programme FREMM s'établit à onze unités ; elle est cohérente avec le modèle d'armée pour 2025 qui comptera quinze frégates de premier rang. Cinq FREMM identiques seront livrées d'ici à 2019 ; elles disposent d'une autoprotection antiaérienne reposant sur l'Aster 15, mais pas sur l'Aster 30. Les deux FREMM suivantes seront réservées à la lutte antiaérienne : ces frégates de défense aérienne (FREDA) seront lancées au cours de la LPM et seront disponibles après 2019 ; elles compléteront les deux frégates Horizon, dont le poids atteint 7 500 tonnes. Nous devrons déterminer en 2016 la nature des frégates que nous construirons après ces échéances ; nous devrons notamment décider de l'opportunité de développer un nouveau bâtiment de surface, technologiquement plus évolué, avec une mâture intégrée – ce que demandent les clients à l'exportation pour cet équipement – et doté d'un gabarit plus modeste de 3 500 tonnes.
Monsieur Fromion, ce qui intéresserait Krauss-Maffei dans un partenariat avec Nexter est justement de bénéficier de la compétence en gros calibres que cette société allemande ne produit pas beaucoup. Nous cherchons à pérenniser les moyens de production de munitions, d'artillerie et de char ; nous nous renseignerons sur notre activité en matière de tubes, mais elle ne doit pas être très développée. En tout état de cause, si l'on ne raisonne pas que dans le cadre de la LPM et si l'on prend en compte l'exportation, nous n'abandonnons aucune compétence. Ainsi, Nexter est engagé, en Inde, dans une compétition qui représente 2 000 tubes de 155 millimètres ; quoi qu'il en soit, les munitions du Caesar sont très spécifiques et nous en conserverons la maîtrise sous une forme ou sous une autre.
Il vous sera transmis par ailleurs un tableau prévisionnel des retraits de service des matériels.
Monsieur Folliot, notre flotte aérienne rassemble des appareils multifonctions comme le Rafale et d'autres avions de combat plus spécialisés, comme le Mirage 2000D, même si nous prévoyons de le doter de capacités d'interception alors qu'il n'est principalement qu'un avion d'attaque au sol. Le choix des équipements multifonctions s'impose, car il s'avère le plus pertinent, surtout au moment où les flottes diminuent de taille. Si les FLF rénovées sont davantage dédiées à une fonction particulière, les frégates multimissions s'inscrivent dans le même mouvement, que suivent également nos partenaires – les Britanniques souhaitent ainsi désormais conférer aux Eurofighter des capacités air-sol, ce qui risque de leur coûter fort cher.
Monsieur le délégué général, la LPM aura-t-elle un impact sérieux sur les moyens humains dont dispose la DGA et sur l'activité dans nos provinces ?
Les études amont sont essentielles pour préparer l'avenir et le ministre de la Défense les considère comme une priorité. Pourriez-vous nous préciser la part des PME dans les engagements des études amont et dresser un premier bilan du pacte liant les PME et le ministère de la Défense, lancé à la fin de l'année 2012 ?
Les 64 CAESAR qui devaient être livrés avant 2019 ont disparu de la LPM, si bien que nous continuerons pendant plusieurs années à utiliser les AUF1 et les TRF1 qui sont totalement à bout de souffle, ce qui, outre l'obsolescence, pose la question de la sécurité des personnels.
Vous avez considéré que des pertes de compétences pouvaient résulter de la LPM, mais étaient susceptibles d'être compensées grâce aux exportations ; or notre artillerie perdra en outre d'importants moyens humains. La priver d'armes qui ont contribué à son succès pose la question : est-ce la fin programmée de l'artillerie ?
Dans le cadre des marchés à l'exportation, nombreux sont les États qui exigent des compensations ou des transferts de production. Suivant cette logique, le Gouvernement vous a-t-il saisi pour que vous contribuiez à la réindustrialisation de notre pays, par exemple pour le remplacement des armes de nos fantassins ?
Quand pensez-vous que les premières unités Scorpion remplaceront le VAB ?
Madame Dubois, la DGA contribuera à la réduction des effectifs du ministère de la Défense, fixée à 24 000 agents supplémentaires par rapport à la précédente vague de 10 000 suppressions ; j'essaie de les limiter au strict minimum pour la DGA, car nous n'abandonnons aucun domaine technique, technologique ou industriel, et que baisser forfaitairement les effectifs de la DGA de 15 % ne contribuerait que très faiblement à l'effort demandé au ministère, alors que cela amputerait dangereusement notre capacité d'action. Je suis attentif aux investissements dans les centres de la DGA afin que ceux-ci conservent un niveau d'équipement et de compétences suffisant par rapport à celui de l'industrie ; nous devons maintenir des personnels suffisamment qualifiés pour travailler avec les industriels, et nous surveillons la situation grâce à une grille de ressources humaines organisée en termes de métiers.
Madame Pichot, le dispositif RAPID, réservé aux PME, monte en puissance et permettra rapidement d'attribuer environ 50 millions d'euros pour l'innovation de ces entreprises, et ASTRID se met en place avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche. Le pacte entre la Défense et les PME jouit d'un réel dynamisme : nous nous demandons s'il est opportun d'installer un observatoire permettant de vérifier que les engagements de bonne pratique pris par les grands maîtres d'oeuvre sont bien respectés ; cet examen ne semble pas inutile lorsque l'on songe au programme A400M où les crédits de développement affectés à Airbus Military n'ont jamais profité aux équipementiers.
Monsieur Audibert Troin, pour conserver nos compétences en artillerie, nous devons remporter des contrats d'exportation ; au cours de l'élaboration du projet de loi de programmation militaire, il a été question de ne consacrer aucun moyen à l'armement terrestre et nous revenons donc de loin. Grâce au LRU, nous continuerons de disposer d'une artillerie de bon niveau. La Colombie, le Pérou et le Danemark constituent des perspectives de vente pour le CAESAR. Le Danemark souhaitait acheter le CAESAR sans mise en compétition si le contrat était signé par les deux États ; or nous avons été incapables de mettre en oeuvre une telle procédure, car elle nécessitait de nombreux accords ministériels, si bien que le CAESAR se trouve maintenant mis en concurrence pour cet achat danois. Nous réfléchissons donc à l'adaptation de nos procédures. Le contrat avec le Pérou pour des satellites liera bien nos deux États, mais il sera accompagné de trois accords intergouvernementaux, dont l'un devra être examiné par l'Assemblée nationale. Notre objectif est de construire un cadre qui s'approche du Foreign Military Sales de l'armée américaine, car la majorité des clients exige dorénavant une intervention – c'est-à-dire une garantie – étatique forte.
Certainement. C'est pourquoi nous avons engagé une réflexion sur ce sujet. Ce changement se révèle indispensable.
La livraison des premiers VBMR est prévue en 2018, et 608 seront disponibles avant la fin de la période de la LPM. Ils ne seront véritablement opérationnels qu'à partir de 2020, car deux années sont nécessaires pour obtenir la validation des établissements de la DGA et de la section technique de l'armée de terre (STAT), et pour constituer une unité de préfiguration.
S'agissant des armes de petit calibre, nous ne disposons plus de compétences industrielles en matière d'armes et de munitions. Et nous ne pratiquons pas l'offset – ces arrangements dans lesquels l'État achetant du matériel à un industriel étranger lui demande d'investir une somme complémentaire dans son pays – en Europe, car l'Union européenne l'interdit. Par le passé, nous avons négocié quelques accords d'offset avec les États-Unis et je me demande si cette pratique ne serait pas envisageable avec la Suisse.
Monsieur le délégué général, nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à toutes nos questions.
La séance est levée à onze heures quarante-cinq