Commission des affaires européennes

Réunion du 4 décembre 2013 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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I. Communication de la Présidente Danielle Auroi sur les autorisations de culture d'OGM 3

II. Examen du rapport d'information de MM. Jérôme Lambert et Philippe Armand Martin sur les investissements extracommunautaires et le contrôle des intérêts stratégiques européens 8

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 4 décembre 2013

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission des affaires européennes

La séance est ouverte à 17 heures

I. Communication de la Présidente Danielle Auroi sur les autorisations de culture d'OGM

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La Commission européenne a annoncé son intention d'autoriser la mise en culture du maïs TC 1507 . Sur ce dossier , on voit l'incapacité des Européens à gérer le dossier sensible de l'autorisation des OGM, incapacité qui amène la Commission à se substituer aux États.

Sont actuellement autorisées à l'importation et à la commercialisation, 34 variétés d'OGM dont 25 variétés de maïs, trois de coton, deux de colza et une de betterave. La mise en culture est plus problématique car elle pose la question de la dissémination avec les conséquences sur les insectes pollinisateurs, n'est autorisée que pour deux OGM – le maïs Monsanto 810 et la pomme de terre Amflora. Cette décision de la Commission est surprenante autant par la méthode que par le calendrier choisi. Rappelons que les négociations de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Europe sont entrées dans une phase active et l'on ne peut s'empêcher de faire le lien entre les deux dossiers. On peut légitimement se poser la question sur ce sujet , comme pour d'autres :«  la Commission européenne défend-elle vraiment les intérêts des citoyens européens ? ».

Quelques précisions sur le contexte juridique de l'affaire. Voilà douze ans, depuis 2001, que la société Pioneer tente d'obtenir de l'Union européenne le droit de faire cultiver cette semence. A la suite du dépôt de la demande par cette société, la Commission avait présenté en 2005 une proposition d'autorisation qu'elle a soumise au collège d'experts des États. Ceux-ci n'ayant pas réussi à se mettre d'accord, la Commission devait soumettre la proposition au Conseil des ministres, ce qu'elle n'a pas fait en raison des blocages politiques venant de nombreux pays opposés à la culture des OGM. En 2010, Pioneer a fait devant la Cour de justice de l'Union européenne, un recours en carence. En septembre 2013, est intervenu le jugement de la Cour européenne selon lequel la Commission a été trop lente dans la gestion de la demande d'autorisation ; il lui est donc enjoint de poursuivre la procédure sans toutefois lui préciser sous quelle forme .

Cet arrêt de la Cour de justice fournit à la Commission européenne l'occasion d'aller de l'avant dans les autorisations d'OGM, donnant l'impression qu'elle veut solder certains dossiers avant les élections européennes.

Rappelons un point de procédure. Faute d'avoir obtenu un vote à majorité qualifiée au Comité d'experts, le comité permanent de la chaîne alimentaire et la santé animale, la Commission doit faire appel au Conseil des ministres. Si au sein de ce Conseil, une majorité qualifiée se dégage, soit en faveur, soit contre l'autorisation, la décision du Conseil des ministres s'impose. En revanche, en l'absence d'avis, la Commission peut, mais sans obligation, adopter l'autorisation. Le Conseil des ministres de l'environnement se réunira à cet effet le 13 décembre prochain. Il faudra une majorité qualifiée, c'est-à-dire au moins 15 États représentant 62% de la population pour empêcher l'autorisation, ce qui ne sera vraisemblablement pas le cas. La balle sera donc dans le camp de la Commission qui a d'ores et déjà annoncé qu'elle donnerait l'autorisation. Elle indique qu'elle est liée par le jugement de la Cour de justice. Mais ce jugement n'est qu'un prétexte ; en effet il ne fixe ni délai, ni pénalités de retard mais surtout, il n'empêche pas la Commission de reconsidérer sa position sur la demande d'autorisation. Si la Cour de justice impose à la Commission d'agir, il ne lui impose pas de donner automatiquement l'autorisation.

Rappelons que le maïs TC1507 secrète un insecticide qui cible un papillon, la pyrale du maïs et est tolérant à certains herbicides. Il s'agit d'un OGM très controversé, notamment pour ses effets néfastes sur les insectes lépidoptères. En 2012, sur la base d'un avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments du 19 octobre 2011, la Commission européenne avait demandé à la société Pioneer de modifier sa demande d'autorisation, notamment pour proposer des mesures d'atténuation des risques pour les insectes non cibles, ce à quoi elle s'est toujours refusée. Un avis du Haut Conseil des biotechnologies français du 6 mai 2010 soulève de nombreuses questions relatives aux phénomènes de résistance et de coexistence des filières et recommande en conséquence la mise en oeuvre d'un plan de surveillance post commercialisation.

En autorisant à la culture le maïs TC 1507 et en cédant devant l'opiniâtreté de la société Pionner, la Commission ouvre une brèche qu'il sera très difficile de colmater. La France a annoncé qu'elle maintiendra les conditions d'un moratoire sur les OGM destinés à la culture qu'ils soient d'ores et déjà autorisés comme le MON 810 ou dans le circuit d'autorisation. Les pays qui ont adopté un moratoire sur le maïs Mon 810- Autriche, Allemagne, Bulgarie, Grèce, Hongrie, Luxembourg et Pologne – devraient en faire de même.

L'annonce de la Commission est d'autant plus surprenante qu'en janvier 2013, elle avait déclaré ne pas prévoir de nouvelles autorisations d'OGM tant qu'un accord ne serait pas intervenu sur le processus de décision. La décision de la Commission s'inscrit bien au contraire dans une dynamique d'autorisations d'OGM. La Commission a récemment innové sur le plan de la procédure en délivrant, selon un calendrier de vote serré, une autorisation pour plusieurs OGM dont cinq maïs et ses sous-combinaisons. Elle s'est appuyée sur le règlement européen n°18292003 qui prévoit qu'une autorisation peut être accordée sur la base d'un dossier concernant une plante OGM, contenant un ou plusieurs événements de transformation. La France s'était opposée à cette demande en considérant qu'un empilement d'événements de transformation génétique au sein d'une même plante ne pouvait être considéré comme l'addition simple des propriétés des deux OGM initiaux. La Commission a donné le 6 novembre son feu vert à l'importation du fameux maïs Smartstax qui contient des éléments de transformation de plusieurs OGM. Ce maïs qui exprime six protéines et deux tolérances à des herbicides est largement critiqué : des cas d'insectes développant des cas de résistance aux protéines insecticides ont été rapportés et la Commission a choisi d'ignorer ces nouvelles données. L'entreprise qui produit ce maïs a elle-même mis en avant ces résistances pour vendre son propre insecticide.

On peut d'autant plus regretter cette précipitation qu'un nouveau règlement adopté en juin dernier comporte un certain nombre d'améliorations pour l'évaluation des risques : obligation de fournir des analyses de toxicologie, d'alimentarité, de conduire des analyses disposant d'une puissance statistique suffisante. Il ne s'appliquera toutefois qu'aux demandes déposées après le 8 décembre 2013 ; toutes les demandes d'autorisation déjà déposées à cette date échapperont donc à ce règlement et les dossiers déjà en cours continuent donc d'être évalués, voire autorisées selon des lignes directrices considérées aujourd'hui comme correspondant à une mauvaise évaluation. Dans ce mouvement de « normalisation » des OGM que semble suivre la Commission européenne, on peut mentionner sa proposition de la visant à modifier la législation européenne relative au miel pour définir le pollen comme un ingrédient du miel, ce qui permettrait de détourner l'obligation d'étiquetage sur les OGM. Ainsi, la présence de pollen OGM échapperait à toute obligation d'étiquetage d'OGM s'il est présent à moins de 0,9 % ! La Commission de l'environnement du Parlement européen a d'ailleurs rejeté cette proposition.

Au-delà de l'autorisation du maïs TC1507, ce qui est en jeu est la révision de la procédure de validation des OGM dans l'Union européenne. Depuis décembre 2008, le Conseil des ministres de l'environnement s'est prononcé pour la révision de la procédure de validation des OGM en tenant compte des retombées négatives pour l'environnement et les impacts socio-économiques. En cinq ans, rien n'a été décidé. Le projet de révision présenté en 2010 par la Commission donnait aux États membres la liberté d'autoriser ou d'interdire unilatéralement la culture d'OGM sur leur territoire. Or ce projet ouvrait en grand la porte à la culture des plantes transgéniques et a été largement remanié par le Parlement européen et adopté à une large majorité. Le Parlement européen demandait notamment comme préalable un renforcement de l'évaluation des risques. Mais la Commission n'a rien mis sur la table et l'on ne sait pas sur quelles bases les discussions pourraient s'engager. Rappelons que l'opinion publique européenne est clairement en défaveur des OGM

Une des inquiétudes de ce dossier est la toile de fond que constituent les discussions de l'accord de libre-échange avec les États-Unis. L'agriculture sera clairement un des points d'achoppement de ces négociations et le point des OGM sera l'un des plus graves, car il pose la question du respect des préférences collectives européennes. Les USA ont saisi plusieurs fois l'OMC sur le sujet, notamment sur le moratoire des pays européens, dont la France, contre la culture du maïs Monsanto 810. L'un des objectifs clairement affiché par les USA- rappelons que 88 % du maïs et 94 % du soja cultivés aux États-Unis sont OGM – est faire tomber les barrières dressées en Europe contre les OGM. Il faut compter avec le lobbying intensif des multinationales des OGM qui a notamment fait adopter discrètement un amendement dans la loi budgétaire pour l'agriculture aux USA début avril qui permet la mise en culture de semences même quand leur homologation contestée en justice.

À l'issue de la communication que j'avais fait en décembre dernier, notre commission avait adopté une proposition de résolution demandant une remise à plat du dispositif communautaire d'évaluation, d'autorisation et de contrôle des OGM et des pesticides compte tenu des risques sanitaires et environnementaux qu'ils représentent. Compte tenu de l'évolution des rapports de force en présence, une simple remise à plat ne sera en tout état de cause pas suffisante et un durcissement est nécessaire. C'est pourquoi, je vous propose d'adopter les conclusions suivantes.

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Dans ce dossier, les enjeux économiques sont énormes et les lobbys ne désarment pas. Les préférences collectives n'ont-elles pas été retirées du champ de négociations de l'accord de libre-échange ? Par ailleurs, quelle est la valeur juridique et la portée du moratoire qu'appliquent les États membres ?

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Il est inquiétant que ce projet d'autorisation de mise en culture arrive au moment des négociations de l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Les préférences collectives avaient été exclues de la négociation, ma is je crains que cette autorisation soit une façon de les réintégrer dans la négociation. Il s'agit d'un risque plus général qui touche à la viande aux hormones, au clonage, tout ce qui est inclus dans la notion de préférences collectives. On tire ainsi un fil visant à détruire les pratiques européennes. Ceux qui acceptent de se livrer aux intérêts américains et ceux qui veulent défendre les préférences collectives sont dans un rapport de forces. S'agissant du moratoire, il est en effet fragilisé et un arrêt du Conseil d'État d'août 2013 a annulé l'arrêté fondant ce moratoire. C'est pourquoi une remise à plat du dispositif d'autorisation des OGM est indispensable.

La Commission a ensuite, sur proposition de la Présidente Danielle Auroi, adopté les conclusions suivantes.

« La Commission des affaires européennes,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 114, 169, 191, 192 et 193 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu la directive 200118CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement,

Vu le règlement (CE) n°18292003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés,

Vu les conclusions du Conseil européen « Environnement » du 4 décembre 2008,

1. Considère, compte tenu des risques potentiels que présentent les organismes génétiquement modifiés, que l'Union européenne et ses États membres doivent assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, de l'environnement et des intérêts des consommateurs, dans le respect du principe de précaution,

2. Souligne que si l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 26 septembre 2013 impose à la Commission européenne d'agir sur le dossier de la mise en culture du maïs TC 1507, il ne lui impose en aucune façon de donner l'autorisation de mise en culture,

3. Rappelle que, suite à l'avis de l'Agence européenne de sécurité alimentaire du 19 octobre 2011, la société Pioneer devait modifier son dossier de demande d'autorisation de mise en culture du maïs TC 1507 et notamment proposer des mesures d'atténuation des risques pour les insectes lépidoptères non cibles, ce qu'elle n'a pas fait,

4. Demande à la Commission européenne de revoir le dossier de cette demande d'autorisation de mise en culture,

5. Regrette les récentes autorisations de commercialisation d'organismes génétiquement modifiés et de leurs sous-combinaisons auxquelles la France s'était opposée en considérant qu'un empilement d'événements de transformation au sein d'une même plante ne peut pas être considéré comme l'addition simple des propriétés des organismes génétiquement modifiés initiaux,

6. Apporte son plein soutien à un moratoire que déciderait le Gouvernement français sur les mises en culture d'organismes génétiquement modifiés,

7. Réaffirme, compte tenu des risques sanitaires et environnementaux, sa demande de renforcement du cadre juridique communautaire d'évaluation des risques directs et indirects, à court et long terme, d'autorisation et de contrôle des organismes génétiquement modifiés,

8. Demande instamment à la Commission européenne qu'elle défende fermement les préférences collectives des citoyens européens en matière d'organismes génétiquement modifiés lors des négociations de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis.

II. Examen du rapport d'information de MM. Jérôme Lambert et Philippe Armand Martin sur les investissements extracommunautaires et le contrôle des intérêts stratégiques européens

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À travers le rapport qui vous est soumis nous ne critiquons pas un projet de l'Union européenne mais l'absence d'initiative de la Commission européenne dans ce domaine, qui n'utilise pas son pouvoir d'initiative en ce qui concerne le contrôle des investissements stratégiques provenant des pays extérieurs à l'Union européenne.

Il convient d'ailleurs de relever que les Commissaires Tajani et Barnier ont adressé à ce propos une lettre au Président Barroso, en 2011, pour qu'une initiative de la Commission intervienne ; leur démarche n'a pas obtenu de résultats à ce jour.

Dans une Europe en voie de constante intégration, la maîtrise de ses intérêts stratégiques apparaît économiquement primordiale. Avec cette proposition de rapport d'étape, je présenterai donc un état des lieux de la législation sur les investissements en Europe.

Il faut garder en mémoire le fait que l'Union Européenne est la première destinataire des IDE (investissements directs étrangers) dans le monde. Cependant, face à l'affluence des investissements, le vide juridique reste béant. Les investissements extra-communautaires relèvent de la compétence exclusive de l'Union depuis le traité de Lisbonne. Pourtant, rien ne protège les secteurs stratégiques européens. Une montée du patriotisme économique découle de ce vide. Pourtant, cette réaction est profondément contraire aux principes fondateurs de l'Union européenne. Nous souhaitons avec ce rapport dégager des pistes de compromis entre ouverture aux investissements et contrôle systématique de ceux-ci.

Nous nous sommes ainsi posé la question de savoir si l'Union européenne doit se protéger des investissements étrangers. Si l'Europe doit évidemment rester ouverte aux IDE, il ne faut pas pour autant qu'elle reste ouverte à tout vent, en prenant le risque de voir son économie malmenée. Certains investissements visent en effet plus à acquérir de nouvelles technologies qu'à permettre un développement d'entreprise. Nous recommandons donc de définir avec précision des secteurs stratégiques pour lesquels l'Union doit exercer une vigilance accrue. Nous jugeons que la définition des secteurs gagnerait à s'inspirer des législations existantes – tout en les améliorant.

Si l'Union Européenne, en tant qu'institution, est dépourvue d'une législation précise sur les IDE, certains États membres ont néanmoins conservé une législation propre. La France est ainsi un exemple de pays doté d'une législation sur les investissements. Le ministère de l'Économie peut exiger des garanties des investisseurs étrangers dans des secteurs sensibles. Il dispose de deux mois pour répondre à la demande d'investissement, après quoi l'investissement est considéré comme ayant été accepté. Les secteurs concernés sont aussi bien les activités de recherche, la sécurité informatique ou les industries fournissant le ministère de la défense. Toutefois, dans le cadre de l'Union, l'attitude française ne peut pas être la même vis-à-vis des investissements des pays membres et des investissements extracommunautaires. L'attitude est logiquement plus restrictive pour les pays tiers. La France évite par cette législation de contrôle le pillage de sa technologie par le biais des IDE. La France n'est pas seule en Europe à avoir mis en place des dispositifs de contrôle : Allemagne, Espagne ou Royaume-Uni requièrent également des autorisations pour certains investissements stratégiques. Nous déplorons donc que malgré certaines législations à l'échelle de l'État, le vide demeure à l'échelle de l'Union.

L'Union Européenne peut également trouver une source d'inspiration dans les législations d'autres États, comme les États-Unis ou la Chine. Ces deux géants ont cherché à établir un système de contrôle, qui ne soit pas pour autant dissuasif.

Il est intéressant dans un premier temps de se pencher sur le cas d'un pays à la tradition libérale comme les États-Unis. Malgré un attachement historique au libéralisme, le principe de réalité a rattrapé ce pays. Bien sûr, les États-Unis autorisent a priori les investissements comme l'indique leur place de premier pays d'accueil d'IDE. Pourtant, avec des investissements toujours plus nombreux, une certaine inquiétude à l'égard des IDE est née dès les années 1970. Une législation, symbolisée par l'amendement Exon-Florio de 1988, se met alors en place, qui a en ligne de mire les investissements fragilisant la sécurité nationale. C'est avec l'événement tragique du 11 septembre que le souci de sécurité prend toute son ampleur sur le territoire américain. Le domaine de la sécurité nationale ne se limite alors plus au domaine militaire, depuis 2005, pour englober des dimensions économiques. Avec le Foreign Investment in National Security Act de 2007, une enquête est obligatoire lorsqu'une acquisition est réalisée par une entreprise contrôlée par un gouvernement étranger. La législation sur le contrôle des investissements s'est donc progressivement précisée aux États-Unis, à l'opposé de l'Union Européenne.

L'Union Européenne peut également s'intéresser au système chinois de contrôle des investissements. Ouverte aux IDE depuis le début des années 1990, la République populaire de Chine a fait face à un afflux rapide et massif d'investissements, la plaçant aujourd'hui au rang de deuxième pays destinataire d'IDE dans le monde. Mais si les IDE sont nombreux en Chine, ils n'en sont pas moins contrôlés par l'État. Les autorités peuvent interdire un investissement étranger touchant à la sécurité économique du pays ou impliquant un secteur industriel majeur. Par ailleurs, le ministère du commerce regroupe les projets d'investissements en catégories : activités encouragées, activités restreintes et activités interdites. Le contrôle est donc précis, même si ce système demeure imparfait. Les régulateurs ne sont, en effet, pas obligés de suivre le catalogue.

Nous voyons donc, à travers ces différentes législations à quel point l'Union Européenne se distingue – peu heureusement – par le vide juridique qui prévaut dans ce domaine. Alors que les grandes puissances économiques renforcent leurs mécanismes de contrôle, l'Union demeure inactive. Il faut garder en mémoire que le droit européen pose le principe général de la liberté de circulation des capitaux. Toute dérogation à ce principe est difficile à obtenir. Elle requiert en effet l'unanimité du Conseil, après consultation du Parlement.

Néanmoins, le fait que la sécurité nationale soit de compétence nationale est à l'origine des législations, comme en France, permettant un contrôle des IDE. Un socle commun de contrôle fait défaut, ce que nous ne pouvons que regretter. Toutefois, un mécanisme de contrôle européen est aujourd'hui un objectif peu réaliste, voire peu souhaitable, sachant la difficulté qu'auraient les États membres à s'accorder sur les secteurs stratégiques. Nous jugeons donc qu'il serait souhaitable qu'une liste des domaines jugés stratégiques par l'Union européenne soit élaborée sous forme de directive, que les États pourraient compléter sous la surveillance de la Commission européenne. Une telle mesure permettrait de sécuriser juridiquement un dispositif nécessaire pour garantir l'indépendance à la fois économique et politique de l'Union européenne.

Sans pour autant adopter un ton excessivement alarmiste, je voudrais conclure en rappelant le récent épisode des écoutes de la NSA. Cette affaire nous fait nous interroger sur le danger de l'absence de protection à l'échelle européenne. Elle démontre, si une démonstration était encore nécessaire, qu'un système de protection des intérêts européens est souhaitable, et même urgent. Pour pouvoir être un véritable acteur des relations européennes, il est primordial que l'Europe puisse défendre ses secteurs stratégiques.

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Existe-t-il un lien entre ce rapport et un texte en discussion ? J'aimerais également comprendre si vous visez les investissements extérieurs des pays de l'Union européenne, car je trouve ces questions très importantes et intéressantes.

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Ces jours-ci, la ministre Nicole Bricq est à Bali. Devrions-nous aborder à nouveau ces questions au regard des négociations en cours à l'OMC ?

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Nous sommes au coeur d'un sujet qui fait débat depuis des années. Il est difficilement tranché en France, encore moins en Europe. J'avais, il y a plus de dix ans, dans le cadre de notre commission, rédigé un rapport sur les investissements américains en France, qui visait des secteurs plutôt stratégiques. J'ai pu constater que nous avons un problème de réciprocité avec les Américains, d'autant que le débat sur les industries militaires n'a pas été tranché par l'Union européenne. Nous avons une vraie faiblesse à ce niveau, même si la France a fait quelques progrès dans les années récentes ; notre législation n'est pas l'alter ego de celle des États-Unis et s'agissant de la Chine bis repetita placent. Élaborer une législation européenne sera complexe.

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En réponse à Estelle Grelier, notre rapport vise les investissements réalisés au sein de l'Union européenne. Cette question est indépendante des accords négociés dans le cadre de l'OMC. Ce qui nous inquiète c'est le pillage de notre haute technologie. Il est important de combler le vide juridique existant. Pour cela, il faudra que nous fassions des propositions adressées à la prochaine Commission européenne.

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Ce rapport vise-t-il par exemple le cas des investissements chinois en Grèce ? J'ai pu constater à travers l'exemple du Pirée que la réalité va au-delà de l'acquisition des brevets ; elle touche également le secteur portuaire. Me confirmez-vous que le rapport visera également ce type d'investissements ?

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Oui, de même que, par exemple, le rachat de Volvo. Il est vrai également que les petits pays n'ont pas les mêmes intérêts stratégiques.

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Il est important de cerner les problèmes, c'est-à-dire d'identifier les investissements réellement stratégiques. Il existe des investissements industriels chinois très utiles. J'ai au moins une exemple dans ma circonscription, qui fonctionne parfaitement.

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Le rapport indiquera une liste de onze secteurs, soumis à autorisation par la législation française.

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Qu'en est-il des négociations de la question des intérêts stratégiques dans le cadre des traités de libre échange ? Il convient d'être vigilant sur ce point.

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L'Union européenne doit s'inspirer des législations américaines ou chinoises, qui ne s'embarrassent pas des principes de l'OMC. Les rapporteurs doivent être fermes dans leurs conclusions.

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C'est un rapport d'étape. Je pense que nos rapporteurs seront fermes car il n'y a pas que les États-Unis qui sont concernés par cette question.

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Nous le stipulons bien dans le rapport, en donnant des exemples. Par exemple, en 2012, le président Obama s'est opposé à l'acquisition d'une entreprise d'éoliennes par des intérêts chinois.

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J'insiste sur le risque que font courir les discussions en cours sur des accords commerciaux et l'utilité de renforcer notre législation.

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Ces deux logiques sont complémentaires et je crois que l'Union européenne devra se doter d'une législation.

La séance est levée à 17 heures 45