COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 30 avril 2014
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 30
I. Communication de MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin sur l'élargissement de l'espace Schengen et le paquet « frontières intelligentes »
Madame la Présidente, mes chers collègues, notre collègue Didier Quentin, co-rapporteur sur les questions relatives à l'espace Schengen, a souhaité que je puisse lire un message de sa part, car il n'a pu être présent aujourd'hui. Retenu dans sa circonscription par les cérémonies du 69ème anniversaire de la Libération de la Poche de Royan et de l'île d'Oléron, notre collègue nous prie de bien vouloir l'en excuser.
Didier Quentin rappelle en préambule de la communication la position du Groupe UMP, s'agissant de l'ouverture à l'espace Schengen à la Bulgarie et à la Roumanie, je vous lis son message « Le Groupe UMP demeure opposé à toute intégration de la Bulgarie et de la Roumanie, tant que de sérieux progrès et des résultats tangibles n'auront pas été enregistrés, en matière de contrôle extérieur des frontières de l'Union européenne. En outre, et ce point est souligné dans la communication, il s'interroge sur l'opportunité juridique de faire rentrer, en deux temps, la Bulgarie et la Roumanie dans l'espace Schengen, en leur confiant dans un premier temps le contrôle des frontières aéroportuaires et maritimes. En tout état de cause, il importera qu'un prochain Conseil européen se prononce clairement sur ce sujet sensible. »
J'en viens maintenant à la communication elle-même et à la discussion de ces différents points.
Ces derniers mois, les raccourcis et amalgames à propos de l'espace Schengen se sont multipliés et des crispations autour de la libre circulation des personnes se sont fait jour, notamment en Suisse ou au Royaume-Uni, mais également ailleurs. Ainsi, certains ont pu associer la question de la libre circulation, voire de la libre circulation des populations Roms, à l'espace Schengen, faisant craindre un élargissement de cet espace à la Bulgarie et à la Roumanie alors que les ressortissants roumains et bulgares bénéficient déjà de la libre circulation des personnes, étant ressortissants d'un État membre de l'Union depuis 2007.
La libre circulation des personnes dans l'espace européen est un principe fondamental de l'Union européenne, rappelé par l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Il est proposé d'examiner, dans un premier temps, la question de l'ouverture de l'espace Schengen à la Bulgarie et à la Roumanie puis, dans un second temps, les propositions de la Commission européenne s'agissant de la surveillance des frontières, le paquet « frontières intelligentes ».
S'agissant de l'ouverture de l'espace Schengen a la Roumanie et la Bulgarie, les vérifications menées au titre de l'évaluation Schengen sont terminées depuis 2011 et ont conclu que les critères techniques étaient remplis par les deux États.
Un vote à l'unanimité au Conseil doit désormais permettre une entrée des deux États dans l'espace Schengen. De très fortes réticences se sont exprimées sur un tel vote, initialement de la part de la France, de l'Allemagne et des Pays-Bas et de la Finlande notamment. La France et l'Allemagne ont proposé une entrée en deux temps, afin de permettre d'abord une ouverture des frontières aéroportuaires et maritimes puis celle des frontières terrestres.
Se pose en outre la question délicate du mécanisme de coopération et de vérification (dit MCV), qui avait pour vocation de vérifier les évolutions de la situation en matière de justice et d'affaires intérieures dans les deux États.
Les rapports annuels rendus depuis 2010 sont demeurés préoccupants.
Le dernier rapport du mécanisme de coopération et de vérification pour la Bulgarie, sorti le 22 janvier 2014, porte sur les derniers dix-huit mois. En matière de réforme judiciaire, la confiance de la population demeure faible. Des nominations de hauts fonctionnaires ont été peu transparentes, des nominations de membres de la Cour constitutionnelle et de l'agence d'Etat pour la sécurité nationale, les candidats ayant dû se retirer, ont suscité des inquiétudes. Les résultats de la stratégie de lutte contre la corruption ont été très limités. La Commission européenne juge les progrès trop faibles.
Le dernier rapport relatif à la Roumanie, en date du 22 janvier 2014, porte sur l'année 2013. Les attaques, provenant des médias notamment, contre des magistrats à la suite de décisions judiciaires semblent avoir reculé mais ne cessent pas. Le refus du Parlement de mettre fin à des mandats suite à des décisions judiciaires est souligné. Des difficultés sérieuses ont été relevées dans les nominations à des postes de haut niveau (direction nationale anticorruption). Les modifications apportées par le Parlement roumain au code pénal en décembre 2013 tendant à affaiblir les règles applicables en matière de conflits d'intérêt et de corruption suscitent beaucoup de réactions et laissent la Commission européenne perplexe. La Commission européenne s'interroge sur la viabilité des processus de réforme en Roumanie.
Quel est le lien entre le MCV et Schengen ? Juridiquement, il n'en existe pas. Un contrôle effectif des frontières pourrait être mené même s'il existe des difficultés dans certains domaines sensibles. Pour autant, on peut convenir qu'il existe bien un lien sur le plan politique. Les risques existent bien en matière de contrôle des frontières d'un État si la corruption existe et si la police et la justice ne sont pas transparentes, même s'il présente techniquement un bon niveau de protection des frontières. Ceci explique la position des États membres de l'Union.
Les débats au niveau européen n'ont pas vraiment avancé en 2013. Avec l'Allemagne, la France a proposé une ouverture en deux étapes : frontières maritimes et aériennes, puis décision ultérieure sur les frontières terrestres. Cette proposition a été acceptée par tous les États membres au Conseil JAI de septembre 2011, hormis les Pays-Bas et la Finlande, toujours très réservés à ce jour. Les frontières aéroportuaires ou maritimes sont plus aisées à contrôler que l'ensemble d'une frontière terrestre. J'ai pu vérifier en Bulgarie et en Roumanie, et d'autres autorités, telles que la Commission européenne, l'ont fait avant moi, que les frontières aéroportuaires sont parfaitement contrôlées et contrôlables dans ces deux États. Nous pourrons entrer dans le détail des mesures prises par les autorités de ces deux États, avec les contrôles inopinés, les affectations des agents à leur poste le matin de manière aléatoire, le strict contrôle de la détention d'argent liquide au-delà d'une dizaine d'euros par les agents ou encore la vidéosurveillance. Pour moi et pour les autorités européennes, tout est sous contrôle pour les frontières aéroportuaires.
S'agissant de la frontière terrestre entre la Bulgarie et la Turquie, sur laquelle je me suis rendu et qui a été ces derniers temps très utilisée par les migrants, les contrôles déployés sont très impressionnants, avec notamment des réseaux de barrières, de caméras, de capteurs thermiques et de puces le long de la frontière.
Les autorités bulgares ont rappelé la crise d'immigration sans précédent à laquelle la Bulgarie a dû faire face à l'automne 2013. Les flux ont été multipliés par 5,5 par rapport à l'année 2012, avec 11.618 migrants irréguliers interpellés en 2013 dans le cadre de passages illégaux. Les demandeurs d'asile qui déposent une demande en Bulgarie sont principalement des Syriens. La frontière est aujourd'hui, c'est mon sentiment, sous contrôle. Les autorités font face et retiennent les personnes le temps nécessaire à l'examen de leur situation. Se pose également la question de l'accueil des migrants et notamment des demandeurs d'asile dans un petit pays, pauvre qui plus est. Je ne sais si certains d'entre vous ont pu visiter de telles structures où sont accueillis les réfugiés de pays en guerre, et je dois avouer que j'en ai été marqué que cela restera pour moi un souvenir pesant.
Les membres français de nos missions diplomatiques qui s'occupent de la coopération m'ont assisté dans cette mission et ont pu m'indiquer que la situation était sous contrôle.
Pour ces deux pays, la question de Schengen, même si elle n'empêche pas la circulation au sein de l'Union, et même si elle ne bouleversera pas la vie des ressortissants roumains et bulgares, fait débat au plan national. Alors que les commissions techniques passent et repassent constater le bon niveau de la surveillance, le report de la décision d'entrée dans l'espace Schengen peut être vécu comme vexatoire et est parfois exploité par les oppositions politiques. Cela a été largement souligné.
J'en viens maintenant à la seconde partie de ma communication sur le paquet législatif relatif aux frontières intelligentes.
Le paquet législatif relatif aux frontières intelligentes comprend trois textes, déposés simultanément le 28 février 2013 :
- la proposition de règlement portant création d'un système d'entréesortie pour l'enregistrement des entrées et sorties des ressortissants de pays tiers franchissant les frontières extérieures ;
- la proposition de règlement modifiant le code frontières Schengen et
- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d'un programme d'enregistrement des voyageurs .
Le système entréesortie est assez classique pour ceux qui sont habitués à voyager à l'extérieur de l'espace Schengen. La Commission européenne propose de mieux organiser l'entrée dans l'espace Schengen. Elle estime que cet instrument permettra, et l'on peut en discuter, de mieux lutter contre l'immigration illégale. Selon la Commission européenne, le nombre d'étrangers en situation irrégulière séjournant dans l'Union serait, selon les estimations, de 1,9 million à 3,8 millions. Elle souligne qu'il est communément admis que la majorité des immigrés irréguliers sont entrés légalement sur le territoire de l'Union puis y sont restés après l'expiration de la durée de séjour autorisée.
Le système européen entréesortie calculera la durée de séjour autorisée, aidera à identifier une personne qui ne remplit pas les conditions de séjour et permettra aux autorités des États membres d'identifier les personnes ayant dépassé la durée de séjour autorisé et de recueillir des statistiques. Plusieurs questions se posent, notamment s'agissant des finalités de cet instrument, de son coût et des possibilités d'interconnexion avec d'autres fichiers tels que le SIS et le VIS.
Selon la Commission européenne, chaque année, 700 millions de franchissements de frontières sont recensés aux points de passage des frontières extérieures (aéroportuaires, maritimes et terrestres). La facilitation des flux relève selon elle de la viabilité des aéroports européens.
Très peu de voyageurs d'États tiers – chefs d'État, diplomates, travailleurs frontaliers – bénéficient d'exceptions au principe de la vérification approfondie par le garde-frontière à l'entrée dans l'espace Schengen. Ils représentent environ deux millions de personnes, soit 0,2% du flux total de voyageurs.
Il est proposé, grâce à un programme d'enregistrement des voyageurs, de pouvoir procéder à des vérifications simplifiées aux frontières pour les ressortissants de pays tiers ayant fait l'objet de contrôles de sûreté préalables, qui voyagent souvent et dont on estime qu'ils présentent peu de risques. Le voyageur enregistré recevrait un jeton d'authentification, sous la forme d'une carte lisible à la machine contenant un identifiant unique, qu'il passerait dans une barrière automatique à la frontière, à l'arrivée et au départ.
Je souhaite féliciter les rapporteurs. Je voudrais rappeler que nous sommes très opposés à l'élargissement de Schengen et je ne comprendrais pas que le gouvernement français ne soit pas de cet avis. Il existe bien sûr la libre circulation des personnes à laquelle tous les défenseurs de l'Europe sont attachés. Mais un tel élargissement constituerait un signe très négatif donné à notre opinion publique. L'euroscepticisme grandit, notamment du fait d'une impression de laxisme des États membres. Tant que les questions posées par les populations Roms ne sont pas réglées, tant que nos concitoyens ont l'impression qu'elles ne sont pas réglées, nous devons être très fermes. L'Europe donne déjà beaucoup d'aides pour intégrer ces populations. Je note par ailleurs que la majorité est peu présente aujourd'hui.
Je souhaiterais aborder des questions complémentaires sur ce paquet frontières intelligentes. Pourriez-vous nous indiquer le coût global de ce dispositif et si des aides sont prévues pour abonder les budgets nationaux ? Qui, de l'Union ou des États membres, sera chargé de la gestion des données traitées, combien de temps seront-telles conservées et tous les États membres y auront-ils accès ?
En matière de frontières, nous avons confondu la libre circulation des personnes avec l'absence de contrôles aux frontières. Le système retenu n'est pas à la hauteur des flux et des pressions migratoires. La Roumanie et le Bulgarie ne sont à mon avis pas capables, et pas plus que nous d'ailleurs, de surveiller les frontières terrestres et maritimes. Je note que le SIS, très lourd, ne fonctionne pas bien. Les États ont remis en place des échanges avec des officiers le liaison. Nous sommes au bout d'un système qu'il faut reprendre pour éviter le rejet auquel nous risquons de faire face. Dire non ne sera pas une réponse définitive mais permettra de remettre à plat les contrôles et de limiter les risques de rejets xénophobes.
Je souhaite revenir sur les propos de notre collègue Marc Laffineur. Il faut arrêter de prendre prétexte de la question des Roms pour s'opposer à l'élargissement de l'espace Schengen. Cela me pose problème car il s'agit d'une discrimination que nous faisons à l'encontre des Roms qui sont des citoyens européens. Les autres arguments peuvent être entendus mais celui-ci pose problème.
S'il existait en France un campement d'Allemands sans ressources au-delà de 90 jours, ils ne pourraient pas rester en France. On assiste à une sédentarisation des Roms au-delà de 90 jours, donc au-delà de la règle européenne, et dire cela ne relève pas de la discrimination. Il s'agit de reconnaître un problème de fonctionnement de l'Union.
C'est bien ce que j'ai dit : la libre circulation est normale et n'a rien à voir avec l'élargissement de l'espace Schengen. Mais l'ouverture de l'espace Schengen serait bien un signe négatif vis-à-vis de nos populations. Par ailleurs, ces deux États doivent intégrer leurs populations et ils reçoivent beaucoup d'argent pour cela.
Je souhaiterais que l'on parle aussi des réfugiés syriens, que certains États reçoivent plus que d'autres, ainsi que du problème de la porosité des frontières, qui est aussi sensible entre la Turquie et la Grèce. S'agissant des frontières intelligentes, je note que l'enregistrement des empreintes digitales semble inutile et coûteux à plusieurs collègues de la Commission LIBE du Parlement européen. Ils soulignent également que d'autres instruments existent, tels que le VIS, dont il faut démonter qu'ils ne suffiraient pas.
Dès que l'on aborde la question de la libre circulation des personnes, de Schengen et de la Bulgarie et de la Roumanie, les débats risquent de déraper. L'élargissement ou non de l'espace Schengen ne changera pas la libre circulation des personnes. Pour les frontières aéroportuaires, il permettrait seulement de faciliter concrètement les contrôles à l'arrivée en effectuant les contrôles à l'embarquement en Roumanie et en Bulgarie. Ces États disposent du même matériel que celui que nous avons en France. L'enjeu n'est tout de même pas si majeur d'accepter que les contrôles soient faits au départ des vols en provenance de Bulgarie et de Roumanie et non plus à l'arrivée des vols au sein de l'espace Schengen actuel. Il n'y a pas de raison de douter que les contrôles seront bien faits là-bas, avec les moyens dont nous disposons pour effectuer les vérifications appropriées.
S'agissant du paquet sur les frontières intelligentes, le budget prévu pour le système entréesortie fait bien débat avec une fourchette de coût très large comprise entre 500 millions d'euros et 1,1 milliard pour la période 2014-2020, à la charge des institutions européennes. Les États membres exposeront également certains coûts propres. Il est certain que cet outil offre un intérêt particulier par rapport aux autres dispositifs existants, on ne peut dire le contraire. Le délai de conservation des données sera de 6 mois ou de cinq ans en cas de dépassement de la durée de séjour autorisée.
En ce qui concerne la frontière gréco-turque, on a pu observer, suite au renforcement de la surveillance en Grèce, un report à la frontière bulgare. La Grèce fait partie de l'espace Schengen. En Bulgarie, le système de détection à la frontière est très impressionnant. Des caméras précises filment à plusieurs centaines de mètres. Les autorités bulgares interviennent après la détection des passages et elles ne sont pas seules sur place car elles sont accompagnées par les autorités européennes. Elles ont mis en place une politique de lutte contre la corruption. Franchement, que demander de plus ?
Les points de vue des deux rapporteurs sont différents sur certains points et seront ainsi publiés.
On observe bien ici la vraie difficulté de la surveillance d'une frontière terrestre ou maritime. C'est pourquoi, le jour où le débat se posera de nouveau, je prendrai sans doute une position favorable à l'élargissement pour les seules frontières aéroportuaires.
La commission a ensuite approuvé, sous les réserves mentionnées, les trois propositions de règlement.
II. Communication de M. Yves Fromion sur la 4e Conférence interparlementaire pour la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC)
Je tenais à vous rendre compte de ma participation – et de celle de notre collègue de la commission des affaires étrangères Guy-Michel Chauveau – aux travaux de la Conférence interparlementaire pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Ce titre est un peu long, mais c'est son titre officiel !
La 4ème session de cette Conférence s'est tenue à Athènes les 3 et 4 avril 2014. C'est notre collègue Joaquim Pueyo qui avait représenté notre Commission lors de la session précédente, organisée à Vilnius les 4 et 6 septembre 2013. Je m'étais moi-même déjà rendu à la seconde session, à Dublin les 24 et 25 mars 2013, et la 1ère session s'était tenue à Chypre les 9 et 10 septembre 2012.
Je ne peux que « survoler » ici les détails de ma communication écrite, à laquelle je vous renvoie pour plus de précisions. Je rappelle simplement que cette Conférence interparlementaire se réunit deux fois par an et dans l'État de l'Union européenne qui assume la présidence semestrielle. C'est en effet à la suite de la disparition de l'Assemblée parlementaire de l'UEO, au milieu de l'année 2011, qu'un accord s'était dégagé entre les Parlements nationaux et le Parlement européen sur la nécessité de créer une Conférence interparlementaire sur la PESC et la PSDC.
Au début le Parlement européen revendiquait 54 des 162 sièges prévus. Il a finalement accepté de se cantonner à 16, chaque Parlement national pouvant envoyer jusqu'à 6 membres.
La Conférence compte actuellement 184 membres car aux 162 initialement prévus s'ajoutent les 6 octroyés à la Croatie depuis son adhésion, et ceux des pays européens non membres de l'Union européenne mais membres de l'OTAN, qui peuvent être représentés par des délégations de 4 observateurs, de même que les États candidats à l'adhésion à l'Union.
Ainsi, à Athènes, la Norvège, membre de l'Otan, a envoyé à ce titre des observateurs. Des États candidats à l'UE comme la Turquie ou le Monténégro en ont envoyé également. Enfin, des représentants du Conseil et de la Commission de l'UE sont également invités. Il y avait ainsi une importante délégation du SEAE, le Service européen d'action extérieure.
Les langues de travail de la Conférence sont l'anglais et le français et la Conférence peut adopter par consensus des Conclusions non contraignantes sur des questions de la PESC et de la PSDC ayant trait à son ordre du jour. Celles-ci sont ensuite transmises aux Présidents des Parlements nationaux et du Parlement européen, aux Présidents du Conseil européen et de la Commission ainsi qu'à la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la PSDC.
En outre, durant les débats qui précèdent l'adoption des Conclusions, les parlementaires présents ont la possibilité de s'inscrire pour des interventions sur les sujets à l'ordre du jour.
Cette Conférence représente donc, à n'en pas douter, une plate-forme tout à fait unique d'échanges et de débats sur les problèmes de sécurité et de défense, et offre une occasion de sortir un peu de l'ombre ces questions souvent marginalisées, à tort, dans les préoccupations européennes. Encore que cette année cela était moins vrai, compte tenu de l'actualité internationale qui a porté au premier plan la crise ukrainienne.
Avec mon collègue Guy-Michel Chauveau nous sommes cependant intervenus plus particulièrement sur la question de la Centrafrique, qui aurait été complètement occultée sans cela, tant dans les débats que dans les conclusions !
Nous tenions en effet à souligner à quel point l'immobilisme de l'Union européenne en République Centrafricaine nous semblait préoccupant, alors que la situation des populations et des autorités de transition s'avérait de jour en jour plus précaire ! (j'avais pu moi-même le constater, revenant tout juste d'une mission de plusieurs jours dans cette région)
Nous avons donc fait insérer dans les conclusions, au nom de la France, deux amendements concernant la situation en Centrafrique et au Sahel. Nous les avons ensuite défendus lors des débats en réunion plénière. Ces amendements ont reçu à l'unanimité l'assentiment de nos collègues des autres pays. Je vous en donne lecture :
« La Conférence regrette les retards dans le déploiement de la mission de l'Union européenne dans la République centrafricaine, en dépit du fait qu'un mandat européen clair a été adopté il y a quelques semaines ; met l'accent sur le fait que la population locale court actuellement un grand danger et que la stabilité des autorités de transition est menacée ; demande d'accélérer le déploiement de cette mission, en tenant compte de son caractère urgent et selon les demandes des autorités de la République centrafricaine ;
- souligne que la crise au Sahel et en Afrique sub-saharienne menace les intérêts et la sécurité des citoyens européens et, vu la déclaration adoptée lors du 4ème sommet UE-Afrique à Bruxelles, les 3 et 4 avril 2014, souligne que la paix et la sécurité sont essentielles pour le développement et la prospérité et soutient pleinement les aspirations de l'Afrique et son engagement à assurer la paix, la sécurité et la stabilité . »
Même si je me félicite que la France ait réussi à intégrer cette question de la Centrafrique dans les débats comme dans les Conclusions à Athènes, je saisis cette occasion pour souligner que l'expérience de Dublin m'a laissé un peu sceptique sur la portée réelle des conclusions de la Conférence interparlementaire.
En effet j'ai – dans l'enthousiasme général – fait adopter par consensus une conclusion finale lors de ma participation à cette Conférence de Dublin en avril 2013, il y a donc un an. Elle disait ceci :
« D'ici la prochaine réunion de la Conférence, ses membres s'attacheront à identifier les obstacles à la mise en oeuvre de l'ensemble des dispositions du Traité de Lisbonne concernant la PSDC. Lors de la prochaine réunion de la Conférence, une partie des travaux sera consacrée à une discussion sur ces questions. Les conclusions qui en ressortiront pourront être transmises au Conseil européen en vue de sa réunion de décembre, consacrée aux questions de défense . »
Je demandais donc que, à défaut de mise en vigueur des dispositions du Traité de Lisbonne, on s'attèle au moins à répertorier les obstacles à cette mise en vigueur, ce qui pourrait permettre de mieux discerner la façon de les surmonter…
Or, les dispositions du Traité de Lisbonne en matière de défense ne sont toujours pas mises en oeuvre pour nombre d'entre elles. Dans mon rapport conjoint avec Joaquim PUEYO sur la relance de l'Europe de la défense, nous avions développé ce constat. Or, nous ne savons toujours pas pourquoi ces dispositifs prévus depuis 2007 ne sont pas en place : encore une fois, il ne s'agit pas d'inventer, mais de mettre en oeuvre des mécanismes qui devraient fonctionner en application du Traité de Lisbonne.
Je m'en suis d'ailleurs ouvert lors de deux de mes interventions à la Conférence d'Athènes.
En effet, alors que les conclusions adoptées par cette Conférence sont systématiquement envoyées – entre autres personnalités– au Président du Conseil européen, je n'ai pas trouvé de réflexion sérieuse sur ce problème dans les Conclusions de décembre 2013 sur l'Europe de la défense.
De même, soit dit en passant, chers Collègues, qu'aucune suite sérieuse n'a été donnée aux 23 préconisations figurant dans la résolution européenne sur la relance de l'Europe de la défense, adoptée par l'Assemblée nationale le 4 mai 2013 sur initiative de notre Commission, à l'issue des travaux que Joaquim Pueyo et moi-même avions conduits sur ce sujet pendant plusieurs mois. Or, nous avions pourtant inscrit ces propositions dans les axes de réflexion suggérés par le Conseil…Cela aussi, je l'ai souligné lors de la Conférence d'Athènes.
J'ai un petit espoir néanmoins : à ma demande, les organisateurs semblent déterminés à inscrire la problématique de la non-application du Traité de Lisbonne à l'ordre du jour de la prochaine Conférence interparlementaire, qui se tiendra à Rome les 6 et 7 novembre 2014.
En conclusion, je ne voudrais pas vous sembler trop sceptique.
D'une part, j'apporte un bémol à ce scepticisme apparent : pour la première fois dans son histoire, la Brigade franco-allemande a été déployée au Mali sous la bannière de l'Union européenne : c'est un symbole très fort et c'était une idée développée dans notre rapport d'information. C'est pourquoi j'ai demandé que ce progrès soit mentionné dans les conclusions adoptées à Athènes.
D'autre part, cette Conférence est une occasion unique pour les parlementaires des différents États européens d'échanger sur les questions de sécurité et de défense. D'ailleurs le piètre bilan du Conseil européen de décembre 2013 sur l'Europe de la défense ne peut que nous conforter dans l'idée qu'il faut préserver l'existence de cette Conférence – encore très jeune – pour faire pression et tenter d'éviter que les problèmes de sécurité et de défense ne soient définitivement considérés et traités comme le « parent pauvre » de l'Union... Guy-Michel Chauveau et moi-même avons noué des contacts préliminaires à Athènes avec nos homologues, et nous avons pu constater que l'état d'esprit est en train d'évoluer.
C'est pourquoi je suggère, Madame la Présidente, que l'on puisse poursuivre ces échanges avec nos collègues italiens, en vue de préparer la Conférence de Rome, soit en en faisant venir deux ou trois à Paris, soit en nous rendant nous-mêmes à Rome.
Cela fait partie de la diplomatie parlementaire que nous devons essayer de valoriser. Nos amis italiens sont très allants et nous allons voir comment nous organiser.
L'implication des Parlements nationaux dans des organisations communes comme cette Conférence permet la discussion. C'est un peu l'idée également de la COSAC. C'est un acte essentiel pour faire évoluer l'Europe.
Le Parlement européen joue un rôle essentiel mais ses préoccupations restent parfois un peu éloignées des nôtres. C'est pourquoi notre participation à de telles conférences est une bonne chose.
Sur les questions de défense, qui relèvent des exécutifs nationaux, il est particulièrement intéressant que les parlementaires se retrouvent, cela peut faire bouger les lignes ! Au fil des années, cette Conférence interparlementaire sur la PESCPSDC pourrait s'avérer peut-être aussi utile que l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.
III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution
Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Accords tacites de la Commission
En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), et 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d'ajustement à la mondialisation), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
- Décision du Conseil portant nomination d'un membre titulaire et de membres suppléants du comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail pour la Croatie (823014 – E 9295) ;
- Décision du Conseil portant nomination des membres titulaires et des membres suppléants du comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail pour la Grèce et la Roumanie (823114 – E 9296) ;
- Conseil de direction de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail Nomination de M. David G. CURMI. membre maltais, en remplacement de M. Martin BORG, démissionnaire (849714 – E 9297) ;
- Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de M. Francisco GONZALEZ MORENO, membre titulaire espagnol, en remplacement de Mme Concepción ROJO, démissionnaire (850514 – E 9298) ;
- Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de M. Juhani RUUTU, membre titulaire finlandais, en remplacement de Mme Katri NISKANEN, démissionnaire (851914 – E 9299) ;
- Comité consultatif pour la coordination des systèmes de sécurité sociale - Nomination de M. Jordi GARCÍA VIÑA, membre suppléant espagnol, en remplacement de M. José de la CAVADA HOYO, membre démissionnaire (852414 – E 9300).
l Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil
La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :
Ø Politique économique
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la participation de l'Union européenne à l'augmentation de capital du Fonds européen d'investissement (COM(2014) 66 final – E 9088).
Ø PESC et relations extérieures
- Décision du Conseil modifiant la décision 2010413PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran (836114 – E 9303) ;
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) no 2672012 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran (836214 – E 9304) ;
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) no 2692014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine (909314 – E 9305) ;
- Décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2014145PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine (909714 – E 9306).
Ø Sécurité alimentaire
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 64432CEE du Conseil en ce qui concerne les bases de données informatisées qui font partie des réseaux de surveillance dans les États membres (COM(2011) 0524 final – E 6547).
Ø Transports
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 7181999 du Conseil du 29 mars 1999 relatif à une politique de capacité des flottes communautaires dans la navigation intérieure en vue de promouvoir le transport par voie navigable (COM(2013) 621 final – E 8659) ;
- Directive (UE) de la Commission modifiant la directive 200759CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les connaissances professionnelles générales et les exigences médicales et en matière de licences (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (D03139502 – E 9131) ;
- Directive de la Commission modifiant la directive 2006126CE relative au permis de conduire (D03142403 – E 9167) ;
- Directive (UE) de la Commission modifiant la directive 200449CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les indicateurs de sécurité communs et les méthodes communes de calcul du coût des accidents (D03151802 – E 9168) ;
- Directive de la Commission modifiant la directive 9698CE du Conseil relative aux équipements marins (D03158804 – E 9219) ;
- Règlement (UE) de la Commission portant adaptation au progrès technique du règlement (CEE) no 382185 du Conseil concernant l'appareil de contrôle dans le domaine des transports par route (D03239001 – E 9243).
La séance est levée à 16 h 40