La séance est ouverte à neuf heures.
Je suis heureuse d'accueillir le général Patrick Destremau, délégué interarmées aux réserves. Votre homologue de la gendarmerie, que nous avons entendu hier dans le cadre de nos auditions consacrées à ce sujet, nous a fourni des explications et des chiffres fort instructifs. Censée se poursuivre jusqu'au mois de juillet, l'opération Sentinelle risque de durer – peut-être sous une autre forme ou une autre appellation ; votre témoignage nous est donc particulièrement précieux.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous. Délégué interarmées aux réserves auprès du général d'armée Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, je mesure l'honneur et l'opportunité de cet échange direct avec votre commission et la représentation nationale.
Vous le savez, les armées sont là pour défendre la France et les Français. À l'extérieur – la défense de l'avant –, plus de 20 000 militaires sont aujourd'hui déployés hors de la métropole, au profit de vingt-six opérations qui se déroulent sur quatre continents, dans les airs et sur tous les océans. En métropole, les armées assurent depuis de nombreuses années, de façon permanente, récurrente ou occasionnelle, de multiples missions. Après le 11 janvier dernier, elles ont encore répondu présentes lorsque le Président de la République a décidé de mettre en oeuvre le contrat de protection. Depuis le déclenchement de l'opération Sentinelle – qui mobilise 10 000 soldats –, pas moins de 250 réservistes y ont participé en continu. Ce chiffre apparaît à la fois important compte tenu des contraintes spécifiques des réservistes et limité au regard de l'effort massif demandé aux armées. Au cours de l'année dernière, quelque 240 réservistes ont été projetés en opérations extérieures (OPEX), totalisant plus de 21 000 jours d'activité. Plus largement, les armées comptent aujourd'hui 27 600 réservistes, dont 1 800 en moyenne sont en service quotidiennement.
Quelques jours seulement après les terribles attentats qui ont touché notre pays, lors de ses voeux aux armées, le Président de la République tenait les propos suivants : « Il y a les militaires d'active, il y a aussi les réservistes. (...) Je souhaite donc que les dispositifs sur l'emploi des réserves soient améliorés pour permettre à tous ceux qui ont une compétence d'apporter à nos forces tout ce qu'ils peuvent offrir à la Nation. Ces échanges profitent à tous ; aux entreprises, dont sont issus ces réservistes ; aux armées qui sont enrichies par cet apport ; et bien sûr aux intéressés eux-mêmes qui vivent dans les armées une expérience inoubliable. » Dans le contexte actuel qui conjugue des engagements soutenus et multiples sur les théâtres d'opérations extérieures et une menace terroriste visant directement notre territoire et nos concitoyens, ces mots soulignent les attentes du chef des armées vis-à-vis de la réserve.
Face à ces constats, quelle contribution fixer et attendre de la réserve dans la conduite de nos opérations et de nos missions permanentes sur les théâtres extérieurs et surtout sur le sol national ? Quelles ambitions et moyens faut-il lui donner pour répondre aux attentes du Président de la République et au besoin de défendre notre pays ? Pour répondre à ces questions, j'aborderai quatre points : la réserve s'inscrit dans l'héritage et la continuité des valeurs républicaines de l'an II et de la conscription ; les réservistes font aujourd'hui partie intégrante des armées, directions et services et sont indispensables au fonctionnement et à la tenue de leur contrat opérationnel ; s'il s'est révélé adapté, notre système peut encore être consolidé ; enfin, nous pouvons nous donner une ambition forte et réaliste pour la réserve à la condition d'allier volonté et moyens.
En France, la réserve militaire apparaît après la guerre franco-allemande de 1870. Alors que la France néglige la mise en place de véritables réserves, la Prusse organise, dès 1860, un système très efficace. C'est donc après la chute du Second Empire que sont institués, par la loi du 27 juillet 1872, les principes fondamentaux des réserves, qui restent d'actualité jusqu'en 1999. À l'origine, les obligations militaires des citoyens français comprennent un service national qui dure cinq ans dans l'armée d'active, quatre ans dans la réserve de l'armée d'active, cinq ans dans l'armée territoriale et six ans dans la réserve de l'armée territoriale. Différentes lois ont modifié le texte fondateur du 27 juillet 1872, mais ses principes n'ont jamais été remis en cause. Ainsi, si les modalités et la durée de service dans les réserves ont varié avec le temps, la conception des réserves entre la loi de 1872 et celle du 22 octobre 1999 est marquée par une continuité certaine.
Le réserviste est un soldat mobilisable pour compléter les effectifs de l'active ou pour constituer des unités de réserve. Afin que les réservistes restent opérationnels, ils sont astreints à de multiples – et longues – périodes d'exercices, pendant de nombreuses années. Ces citoyens français servent donc par obligation civique et peuvent être mobilisés pour partir à la guerre. Par la masse qu'elle représente, la mobilisation de la réserve permet de renforcer l'armée d'active et de faire face aux menaces les plus fortes. Elle s'inscrit dans l'esprit de la levée en masse de l'an II et de nos valeurs républicaines : l'appel à tous les citoyens réunis pour défendre la patrie.
Dans les années 1990, l'évolution du contexte stratégique, la suspension du service national, le resserrement du format et la professionnalisation de nos forces armées conduisent à repenser et à adapter la réserve. La loi du 22 octobre 1999, modifiée par celle du 18 avril 2006, en transforme profondément le concept : d'une réserve de masse mobilisable, corollaire de la conscription et destinée à la défense du territoire national, la France passe à une réserve d'emploi qui a pour objet de renforcer en permanence les capacités des forces armées, dont elle est une des composantes, et d'entretenir l'esprit de défense et le lien de l'armée avec la Nation. Dans un contexte de forte tension sur les effectifs, cette réserve d'emploi sélectionnée, reposant sur le volontariat, démontre rapidement sa nécessité, tant sur le territoire national que sur les théâtres extérieurs.
La réserve s'inscrit dans un parcours citoyen qui débute avec l'enseignement de défense et se poursuit avec la participation au recensement et aux journées défense et citoyenneté (JDC), la préparation militaire et le volontariat. Ce parcours continu permet à tout Français ou Française d'exercer son droit à contribuer à la défense de la Nation. La réserve est désormais organisée en deux volets : une réserve opérationnelle – comprenant des volontaires et, en fonction des besoins des armées, d'anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité pendant cinq ans à l'issue de leur lien au service – et une réserve citoyenne regroupant les autres réservistes. Les militaires en réserve de disponibilité, dont l'aptitude est supposée être vérifiée régulièrement, peuvent être appelés en renfort par voie de décret si le nombre des réservistes volontaires s'avère insuffisant et si les circonstances l'exigent. Cette disposition n'a, pour l'instant, jamais été appliquée. La réserve citoyenne, composée de collaborateurs bénévoles du service public, a plus particulièrement pour objet d'entretenir l'esprit de défense. En outre, la loi a instauré un véritable statut du réserviste et prévu des protections spécifiques vis-à-vis de l'employeur : ainsi, à condition d'avoir déposé un préavis d'un mois, le réserviste peut s'absenter de son poste cinq jours ouvrés par an pour ses activités dans la réserve, sans que son employeur puisse le refuser. Notons toutefois que la mise en oeuvre de l'opération Sentinelle a révélé des difficultés en cette matière.
Plus de vingt ans après le projet « Réserves 2000 » et quinze ans après le vote de la loi, que représentent aujourd'hui les réserves ? La réserve citoyenne, dont l'effectif croît régulièrement, a atteint 2 300 personnes ; la réserve opérationnelle de premier niveau est forte de plus de 27 600 volontaires, mais reste néanmoins éloignée de l'objectif de 40 000 fixé en 2009. Après avoir décru régulièrement depuis 2008 – année où il a culminé à 33 672 –, son effectif semble se stabiliser. La réserve de deuxième niveau – ou réserve de disponibilité – compte environ 89 000 anciens militaires.
Du fait de l'héritage de la conscription, la structure de la réserve opérationnelle de premier niveau est bien moins pyramidale que celle de l'armée d'active : les officiers y représentent 31 %, pour 35 % de sous-officiers et 34 % de militaires du rang. La réserve opérationnelle est employée sur tout le spectre des missions des armées, car depuis la suppression de la garde nationale en 1871, elle n'a pas de tâches assignées distinctes de celles de l'armée d'active. Pour 2014, le volume total des activités de la réserve opérationnelle s'élève à environ 670 000 journées réparties entre le renfort d'unités – 32 % – ou d'états-majors – 16 % –, les opérations extérieures – 4 % –, les opérations intérieures – 7 % –, les autres activités sur le territoire national – 23 % –, les actions de formation – 17 % – et les JDC – 1 %.
Un tiers des réservistes sont affectés en unités, essentiellement celles de réserve de l'armée de terre, les deux autres tiers servant en tant que compléments individuels au sein des armées et services, ainsi que dans l'ensemble des organismes interarmées qui emploient jusqu'à un quart des réservistes. En 2014, les réservistes opérationnels ont servi en moyenne vingt-quatre jours par an, cette moyenne comprenant aussi bien ceux qui n'ont eu aucune activité que ceux – une vingtaine de personnes – qui sont allés jusqu'au maximum légal de 210 jours.
La réserve des armées et services présente la particularité d'être très diverse, voire kaléidoscopique si on la compare à celle de la gendarmerie, d'un modèle unique. La réserve de l'armée de terre, forte de 15 500 réservistes, est répartie entre unités et compléments individuels. Les quatre-vingt-trois unités élémentaires de réserve – auxquelles il faut ajouter le vingt-quatrième régiment d'infanterie, bataillon de réserve d'Île-de-France – représentent un peu plus de la moitié des effectifs. Rattachées à des régiments et exclusivement tournées vers un emploi sur le territoire national, ces unités s'entraînent et agissent dans le cadre des missions communes de l'armée de terre (MICAT) ou d'un métier particulier : transport, circulation, maintenance, génie, renseignement. Quant aux compléments individuels – 45 % des effectifs –, ils ont vocation à servir au sein des états-majors, des grandes unités, des régiments et de l'ensemble des organismes interarmées. Les états-majors des zones de défense font particulièrement appel à des réservistes dans le cadre de l'opération Sentinelle.
La marine compte 4 700 réservistes affectés en compléments individuels qui lui permettent d'absorber les pics d'activité en optimisant les forces, lui apportent des compétences spécifiques – juridiques ou linguistiques –, et contribuent au gardiennage des unités opérationnelles et aux actions de rayonnement et de recrutement sur l'ensemble du territoire national. En cas de crise, ils participent au renforcement de la posture de sûreté – protection des implantations sensibles de la marine telles que les bases aéronavales et navales ou les stations de transmission – et de la sauvegarde maritime incluant la surveillance du littoral par la chaîne sémaphorique et le contrôle naval.
L'armée de l'air compte 4 320 réservistes, principalement employés en tant que compléments individuels dans leurs domaines de spécialité, comme le contrôle aérien ou la maintenance aéronautique. Elle compte également des unités, bien qu'en proportion moins importante que l'armée de terre. Douze unités aériennes composées chacune de dix-sept réservistes opérationnels, implantées sur des bases plates-formes disposant d'aéronefs civils légers – les Sections aéronautiques de réserve de l'armée de l'air (SARAA) –, participent à l'entraînement des unités d'active à la posture permanente de sûreté aérienne. Vingt-sept sections de réserve d'appui sont également employées à la protection des bases aériennes et des sites rattachés.
Comptant 3 050 personnes, la réserve du Service de santé des armées (SSA) est composée essentiellement d'un personnel de haute technicité dont sept dixièmes viennent du milieu civil. La moyenne d'âge de recrutement des praticiens est supérieure à quarante ans et la pyramide des grades y est inversée : deux tiers d'officiers, essentiellement des praticiens, et un tiers de sous-officiers, soignants paramédicaux et personnels administratifs. Cela explique un coût journalier supérieur à celui constaté dans les autres armées ; pourtant l'attractivité financière de cette réserve reste relative, rendant le recrutement difficile.
La loi du 22 octobre 1999 a clarifié l'objet et l'organisation de la réserve militaire et fourni un véritable statut aux réservistes. Dans ce cadre, la réserve est devenue un outil indispensable aux armées, directions et services dans lesquels elle est pleinement intégrée et qui ne sauraient plus fonctionner sans elle. J'en veux pour preuve les intenses discussions dont l'attribution des budgets des réserves fait l'objet. Pourtant, ces quelques années de recul permettent de mettre en évidence les lacunes dont la réserve souffre encore, en particulier sa faible attractivité et sa difficulté à recruter.
Trois principales difficultés peuvent être relevées, les rapports de l'Assemblée nationale rejoignant nos propres observations. Tout d'abord, la réserve souffre de limitations opérationnelles. En effet, la capacité d'emploi dans les opérations ou les crises reste mesurée au moment où la diversité, la durée, la dureté et la complexité des engagements accroissent l'exigence de professionnalisme. Par ailleurs, les délais et les durées de service fixés par la loi apparaissent trop restrictifs, notamment dans le cas des opérations extérieures ou d'une crise majeure sur le territoire national, comme celle à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui.
La réserve connaît également des limitations budgétaires. En effet, les différentes lois de programmation militaire (LPM) depuis la suspension de la conscription ont toutes ajusté leurs ambitions aux ressources. Ainsi, s'inscrivant dans la lignée du plan « Réserves 2000 », la LPM de 1994 proposait d'atteindre 500 000 hommes à l'échéance de l'an 2000 ; celle de 1996 ramènera cet objectif à 100 000 hommes à l'échéance de 2002, celle de 2009, à 40 000 hors gendarmerie, et celle de 2013 stabilisera les effectifs autour de 27 000 hors gendarmerie.
Enfin, la réserve pâtit d'un manque relatif d'attractivité. Le dispositif actuel n'est pas encore assez efficace pour satisfaire nos besoins en engagement ; le recrutement des réservistes reste déséquilibré avec un déficit parmi les sous-officiers et surtout parmi les militaires du rang. Il reste difficile de conserver les anciens sous-officiers subalternes et les militaires du rang contractuels, confrontés au défi de la reconversion dans la vie civile. A contrario, les employeurs civils, au premier rang desquels les administrations publiques, apparaissent insuffisamment impliquées dans une question qui concerne pourtant la défense de tous les citoyens et des entreprises. Bien que l'image de la réserve reste excellente, la diversité des opportunités de volontariat offertes par la société – les pompiers, la police, la gendarmerie –, la fin du service obligatoire et la multiplication des déserts militaires contribuent à la baisse du nombre de candidats. Les activités dans la réserve peuvent se traduire par une perte financière que ne vient compenser aucune indemnité ; il est à cet égard intéressant de comparer notre système au modèle des réserves britanniques. Ces difficultés ou lacunes ne remettent pas en cause les fondements du dispositif actuel, mais exigent des solutions.
Si nous voulons aller plus loin et répondre aux attentes du Président de la République, que faut-il envisager ? Quelles ambitions et quels moyens nous permettraient de répondre aux missions et aux besoins actuels des armées ? Nous avons la conviction qu'une ambition forte mais réaliste pour la réserve est non seulement possible, mais nécessaire. Par sa souplesse et sa capacité à mobiliser des militaires professionnels à temps partiel, le dispositif actuel est globalement bien adapté à nos besoins. Il s'agit de le consolider pour disposer d'une réserve opérationnelle d'emploi intégrée aux forces armées, plus efficace et conforme aux effectifs du modèle. Pour dynamiser la réserve et mieux répondre aux défis d'aujourd'hui, trois axes d'évolution nous semblent devoir être explorés : la clarification, l'élargissement, la valorisation et l'emploi de la réserve ; la bonne prise en compte de certaines spécificités ; l'amélioration de l'employabilité des réservistes par le biais des leviers législatifs et budgétaires.
Le premier axe vise à développer l'emploi de la réserve en s'appuyant sur trois piliers complémentaires ; cette structuration ternaire, inscrite dans la loi, a démontré son efficacité. Il faut renforcer l'efficacité des unités de la réserve opérationnelle par un meilleur emploi de la disponibilité de chacun et un engagement privilégié dans les missions intérieures récurrentes, continuer à s'appuyer sur des compléments individuels et utiliser la réserve de disponibilité comme un levier supplémentaire pour faire face aux crises majeures. Il convient de clarifier dans les textes le continuum entre paix, crise majeure et mobilisation générale pour disposer d'une réelle capacité de montée en puissance de la réserve opérationnelle de premier comme de deuxième niveau. Il s'agit d'élargir le spectre d'emploi de la réserve pour qu'au-delà de sa participation à nos missions quotidiennes, elle puisse intervenir dans la crise – moins prévisible et exigeant davantage d'effectifs et de réactivité. Pour conforter la réserve dans ses missions, nous devons valoriser et accroître sa capacité d'engagement dans des missions relevant de la fonction stratégique de protection, exploiter au mieux sa connaissance des milieux et des territoires comme son niveau de formation, étudier de nouvelles pistes d'emploi – notamment dans les déserts militaires – et conserver ou acquérir des savoir-faire spécifiques ou duaux tels que la cyberdéfense, le renseignement, la médecine ou le droit. Enfin, il ne faut pas négliger le rôle que les réservistes peuvent jouer dans le renforcement de la cohésion nationale et du lien avec la Nation. Dans cette perspective, il faut notamment renforcer la participation de la réserve à certaines étapes du parcours citoyen rénové, continuer à s'appuyer sur la réserve citoyenne pour diffuser l'esprit de défense et poursuivre la participation des réserves aux préparations militaires. Je ne peux m'empêcher de citer à ce propos l'appel des maréchaux de France de 1926, signé par Joffre, Foch et Lyautey : « Instruire les officiers de réserve, c'est faire oeuvre bonne pour la France et pour les Français. »
Les exemples étrangers nous invitent à faire preuve de volontarisme, mais également de prudence. À ce stade, il reste difficile de prévoir les résultats d'une politique de dynamisation de la réserve ; en tout état de cause, intensifier le recours à cette ressource et en rajeunir les effectifs exigera plusieurs années. Nous restons et resterons dépendants du nombre et de la qualité des volontaires et, bien sûr, de l'efficacité des leviers que nous nous serons donnés. Il faut aussi éviter de mettre en concurrence le recrutement d'anciens militaires et celui de réservistes issus du civil. Ces deux ressources doivent être vues comme complémentaires, les premiers apportant leur niveau de formation et les seconds, leur expertise, leur ouverture et, pour certains, leur jeunesse. Ce sont nos besoins qui doivent in fine déterminer à qui faire appel. Un de nos défis est de faire connaître la réserve, d'y attirer nos concitoyens, de faciliter leur engagement et de les fidéliser. Ces candidats au volontariat font l'objet de nombreuses sollicitations et doivent conjuguer leur souhait de servir avec des obligations privées, familiales et professionnelles. Ces éléments plaident pour un dialogue multilatéral entre la défense, les employés et les employeurs. En effet, il nous faudra aussi convaincre le monde de l'entreprise que l'on peut proposer de nouvelles mesures dans l'intérêt de toutes les parties. Les premiers contacts montrent que la tâche ne sera pas aisée ; nous devons notamment mettre l'accent sur la responsabilité sociale des entreprises et la question de la formation.
Dès lors, quels moyens réunir pour faciliter le recrutement et accroître l'efficacité de la réserve ? Son niveau d'emploi se définit principalement par le budget alloué, le nombre de réservistes, leur réactivité et leur disponibilité, le volume de leur activité, leur niveau de formation et leur degré de fidélisation. Notre ambition est d'augmenter les jours de mission en valeur relative, moyenne et absolue. En effet, le déploiement en continu d'un seul réserviste pendant un an peut nécessiter plus de vingt-cinq réservistes sous contrat, le ratio entre militaires déployés et déployables n'ayant aucune commune mesure avec celui de l'active. Améliorer l'efficacité de la réserve opérationnelle pourrait passer par de nouvelles mesures, notamment législatives ou budgétaires. Ainsi, il est possible de raccourcir le préavis de rappel mais surtout d'allonger la durée de disponibilité, de rénover le dispositif de suivi et d'appel aux réserves de disponibilité, et d'augmenter l'activité et les effectifs de la réserve – et donc les financements dédiés. Il faudrait également renforcer la fidélisation des réservistes et l'attractivité de la réserve, notamment auprès des plus jeunes. Parmi les pistes, on peut songer à un intéressement – sous forme de bourses, d'une meilleure rémunération, la garantie du maintien du principe de la défiscalisation –, mais également à une rénovation des parcours, et bien sûr à la reconnaissance qui reste fondamentale. Enfin, nous devrions améliorer nos systèmes d'information en ligne en les rendant plus interactifs – l'exemple de la gendarmerie est à cet égard très positif – et équiper la réserve de disponibilité pour en faire un vrai réservoir supplémentaire. En effet, si 89 000 personnes sont potentiellement mobilisables à travers le dispositif de réserve de sécurité nationale, nous ne disposons pas aujourd'hui de l'équipement ni de l'infrastructure qui nous permettraient de les accueillir. La pertinence, l'acceptabilité, la cohérence d'ensemble et la rentabilité de ces propositions nécessiteront des études approfondies, il s'agit bien là de pistes à explorer.
Notre niveau d'engagement, le contexte actuel d'insécurité sur le territoire national confronté à la menace terroriste et la volonté politique exprimée par le Président de la République appellent à une nouvelle ambition pour la réserve. Si la loi de 1999 s'inscrit dans la continuité de ce qu'est la réserve depuis sa création, elle fournit une base solide pour en dynamiser le fonctionnement. Au-delà de la réaffirmation du « pourquoi » et du « quoi », il s'agit d'améliorer le « comment » en identifiant les leviers législatifs, budgétaires, doctrinaires ou pratiques les plus adaptés. Désormais indispensable au fonctionnement des armées, la réserve peut devenir un véritable vivier de professionnels à temps partiel, à condition d'améliorer son attractivité et son efficacité, de faciliter l'emploi des réservistes et de les fidéliser. Cependant, augmenter le nombre de volontaires demandera du temps ; la même remarque vaut pour la formation et la préparation des unités, ainsi que pour l'amélioration de la disponibilité et de la réactivité de nos structures.
Être militaire, à temps partiel ou non, exige en toutes circonstances esprit de sacrifice – pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême –, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Devenir réserviste, c'est faire siennes les valeurs du soldat et acquérir le savoir-être indispensable à l'exercice du métier. Pour continuer à nouer notre lien avec la Nation au travers de la réserve, nous pouvons et nous devons nous donner une ambition à la fois forte et réaliste, faisant appel et répondant à l'appel des Français qui veulent aller plus loin dans leur engagement citoyen. C'est le voeu du Président de la République, en accord avec le ministre de la Défense ; c'est la volonté du chef d'état-major des armées. Nous voulons y répondre pour servir la défense de notre patrie et de nos valeurs. Les armées savent compter sur votre soutien ; vous pouvez compter sur la détermination, la volonté et la loyauté des armées.
Selon votre homologue de la gendarmerie, celle-ci dispose d'environ 24 000 réservistes, et elle a pu rapidement monter en puissance fin 2014 dès que la décision budgétaire a été prise. Capable de mobiliser de nombreux gendarmes en un temps très court, et d'aller au-delà de ce qui est initialement prévu si le budget le permet, la gendarmerie peut donc compter sur beaucoup de volontaires, notamment jeunes – qui ont l'air de vous faire défaut. En effet, les jeunes semblent prêts à s'engager à condition de le faire à proximité de leur lieu de vie, donc sur le territoire national. Compte tenu des enjeux de sécurité intérieure, est-il utile aujourd'hui de garder deux types de réserve – gendarmerie et défense ? N'est-il pas nécessaire de passer à une seule forme de réserve opérationnelle sur le territoire national, basée sur le volontariat ? Cette question fera l'objet d'un débat et d'un rapport parlementaire et pourra être examinée lors de l'actualisation de la LPM.
La gendarmerie recrute plus facilement des jeunes parce qu'elle couvre l'ensemble de notre territoire, établissant une relation de proximité avec nos concitoyens. L'effet de bouche-à-oreille local favorise sans doute aussi le volontariat et la fidélisation : les jeunes réservistes peuvent ensuite rejoindre la gendarmerie d'active, quelque 15 % choisissant cette option.
Quel serait l'avantage d'un vivier unique de réservistes opérationnels partagé entre la gendarmerie et la défense ? Certes, un tel dispositif permettrait de mutualiser les réservoirs actuels des armées et de la gendarmerie. Pour autant, nos missions restent très différentes et un système commun de commandement, de soutien, d'infrastructure, d'équipements serait à concevoir et à réaliser. Si l'on créait une réserve commune, il faudrait inventer la nature des missions partagées que nous pourrions lui confier dans notre dispositif de sécurité et de protection comme d'être assuré que ces volontaires bénéficient d'un niveau de formation et de préparation opérationnelle suffisant et adapté. L'efficacité de nos unités de réserve vient aussi de la cohésion et de leur intégration dans des unités d'active. Les unités ainsi constituées risquent donc de manquer de polyvalence, de solidité et de professionnalisme. Ce nouveau modèle ne devrait pas non plus remettre en cause l'apport des compléments individuels indispensables à notre fonctionnement.
Mon général, votre difficulté à répondre à la question de madame la présidente m'apparaît révélatrice des différences entre l'armée et la gendarmerie. Pour améliorer le sort de la réserve militaire, il faut mieux l'adapter à la situation actuelle. Que pensez-vous du logiciel Moyen d'information opérationnelle et de traitement automatisé de la réserve (Minot@ur) ? Pourrait-il être adapté à l'armée ? Ne pensez-vous pas que votre système de réserve est trop contraignant ? La réserve coûtant cher – surtout dans l'armée –, quelles économies peut-on envisager ?
Minot@ur est un excellent logiciel qui apporte une réponse adaptée et pragmatique au problème de recrutement, optimisant le recours aux réservistes de la gendarmerie. Sa force est de permettre, de manière très simple, à l'employeur – la gendarmerie – de connaître la disponibilité des réservistes, même si la procédure administrative reste manuelle. Si le principe apparaît excellent, des raisons techniques empêchent cependant d'étendre Minot@ur aux armées, notamment des raisons de sécurité informatique. Ce logiciel est installé sur Internet ; le système d'information des ressources humaines de la gendarmerie recueille et traite ensuite sur sont Intranet les données d'emploi fournies par Minot@ur. Or, à ce stade, les systèmes d'information ressources humaines des armées n'incorporent pas de données d'emploi. De notre côté, nous disposons aujourd'hui de deux systèmes d'information : le système interarmées de la réserve militaire (Sirem), qui permet de mieux identifier l'offre de réservistes et la demande des armées, directions et services – son déploiement est imminent – et Sirocco, logiciel en développement qui s'apparente à Minot@ur.
En effet, améliorer l'employabilité et la réactivité de la réserve, c'est faciliter au maximum la connaissance par les réservistes des missions à venir et par les forces armées des réservistes disponibles. Nous exploiterons mieux la disponibilité des réservistes si nous les employons dans des missions prévisibles et planifiées. À titre d'exemple, chaque année, nous contribuons au dispositif de prévention des feux de forêt dans le Sud de la France, Héphaïstos ; cette mission a lieu en été – moment où l'on essaie de donner des permissions à nos soldats –, ce qui rend la contribution de la réserve très utile. Dans ce contexte, un logiciel tel que Minot@ur ou, demain, Sirocco, apparaît particulièrement utile pour une meilleure rencontre de l'offre et de la demande.
Ceci ne réglera que partiellement notre problématique de la réactivité. Notre cadre législatif qui prévoit un délai de préavis de trente jours – on l'a vu avec Sentinelle – est incompatible de l'urgence opérationnelle. Il limite aussi la durée d'activité. Pour consacrer davantage de temps à l'engagement opérationnel, sans sacrifier le temps nécessaire à la formation et à la préparation individuelle et collective, il faut augmenter le nombre de jours d'activité par réserviste et par an et, si possible, le garantir au travers d'une disposition législative. En effet, la moyenne actuelle, d'une vingtaine de jours, est insuffisante pour optimiser la préparation opérationnelle et l'engagement de nos réservistes.
En revanche, quelles contraintes voyez-vous dans notre système de réserve ?
Les périodes de réserve posent problème aux employeurs ; moins souple que dans la gendarmerie, le système gagnerait à être amélioré.
Au-delà des procédés administratifs, rien ne distingue notre système de celui de la gendarmerie ; le statut et la loi sont communs. Je suis en revanche convaincu qu'il faut mener un travail avec les employeurs si nous voulons faire évoluer la loi. Au déclenchement de l'opération Sentinelle, des réservistes se sont spontanément présentés pour partir en mission et certains de leurs employeurs leur ont reproché de ne pas avoir respecté le délai de trente jours de préavis. L'intérêt collectif va parfois à l'encontre des besoins d'un responsable de service confronté à l'absence d'un de ses fonctionnaires ou d'un de ses employés. Nos échanges avec les représentants des employeurs laissent à penser qu'il faut construire un dialogue pour promouvoir l'idée d'un dispositif gagnant-gagnant. Alors que le contexte économique est difficile, les entreprises se sentent très contraintes ; renforcer la loi impliquera de l'expliquer afin qu'elle soit bien comprise par tous.
Notre pyramide des grades de la réserve des armées est aussi le reflet de notre ressource et non forcément celle de nos besoins. Le fait qu'un tiers des volontaires soient officiers ne signifie pas que nous donnons un tiers de l'activité aux réservistes de ce grade. Ce sont les employeurs qui décident d'attribuer des jours d'activité au vu de leurs besoins. De plus la gendarmerie utilise prioritairement la réserve pour renforcer ses brigades avec des jeunes gendarmes. Les armées ont un besoin premier de militaires du rang pour leurs unités de réserve – dont le rôle est crucial dans les missions comme Sentinelle – mais aussi de renforcer leurs états-majors et de disposer de compétences rares au travers de compléments individuels. Le service de santé des armées ne peut pas fonctionner aujourd'hui sans faire appel aux réservistes. Or le coût moyen d'un praticien – qui bénéficie d'une rémunération comme réserviste bien inférieure à celle qu'il peut espérer dans un hôpital ou une clinique – n'a rien à voir avec celui d'un gendarme ou d'un militaire du rang. Cette situation explique la différence de nos structures budgétaires. Je veux encore le souligner d'un exemple : dans le cadre de l'opération Sentinelle, les états-majors interarmées des zones de défense n'auraient pas pu maintenir une capacité de commandement et de suivi des opérations sans faire appel aux réservistes.
Le rapport à l'employeur représente un sujet majeur. Votre homologue de la gendarmerie nous disait hier que les réservistes évitaient d'évoquer leur engagement avec leur employeur, prenant des jours sur leur temps de congé.
Cinq jours d'emploi par an dans la réserve excluent toute participation aux opérations extérieures. Sera-t-il un jour possible d'y envoyer nos réservistes ?
Quelles tâches confiez-vous à la réserve citoyenne ?
Comment se porte le recrutement des spécialistes porteurs de compétences critiques – juristes, linguistes, atomiciens, médecins ?
Lorsque j'ai fait partie de la réserve opérationnelle, j'ai noté l'absence de suivi du réserviste, l'armée ignorant son parcours, les changements de sa situation sociale et professionnelle ou de son domicile. Les moyens modernes comme les réseaux sociaux et le courriel ont-ils permis d'améliorer l'interactivité entre le réserviste opérationnel et l'armée ?
À regret, nous parlons aujourd'hui de réservistes clandestins. À l'évidence, le contexte économique actuel ne facilite pas l'affirmation de son appartenance à la réserve ; chacun peut craindre que l'employeur y voie une contrainte supplémentaire. L'absence de l'employé peut fortement perturber le fonctionnement d'une PME et a fortiori d'une TPE ; les grosses sociétés ou les grandes administrations ont davantage la capacité d'y faire face. Nous avons signé plus de trois cents conventions et partenariats avec les entreprises et les administrations ; mais les entreprises sont bien plus nombreuses que cela ! Sortir la réserve de cette clandestinité demandera un vrai travail, à effectuer en priorité auprès des grandes entreprises et des administrations, la fonction publique devant montrer l'exemple.
La loi impose aux employeurs cinq jours d'emploi par réserviste et par an : cinq jours sont clairement insuffisants ; dix jours permettraient de bien prendre en compte la mission et de durer. S'il faut relever toutes les semaines chaque réserviste qui tient un poste, il faut recruter et former cinquante-deux personnes par an – une entreprise coûteuse !
Au-delà de son engagement citoyen et de sa volonté de participer à la défense de son pays, un réserviste nous apporte aussi sa connaissance des territoires. Ainsi, nous réfléchissons à l'idée de constituer des unités de réserve – en particulier dans l'armée de terre – rattachées aux déserts militaires où le recrutement s'avère difficile. Une quinzaine de départements, marqués par une conjonction de risques, pourraient bénéficier de ce dispositif. Le rajeunissement de la réserve et son ancrage dans nos territoires représentent des axes d'évolution importants.
Les membres de la réserve citoyenne viennent à nous, de manière simple et spontanée ; il n'y a pas d'enjeux particuliers derrière cette institution. Plus largement, la loi de 1999, modifiée en 2006, s'est révélée un cadre adapté, même si certaines de ses dispositions – comme celle qui concerne le délai du préavis et la durée de la disponibilité – gagneraient à être aménagées. Le dispositif me semble surtout pertinent par la variété des options proposées.
Un sujet reste pourtant délicat : la réserve de disponibilité, qui concerne 89 000 anciens militaires. Ce chiffre est considérable et laisse imaginer une véritable capacité de montée en puissance ; pourtant nous ne disposons aujourd'hui ni de l'infrastructure, ni des équipements, ni de l'organisation nécessaires pour les accueillir ; cela supposerait un investissement important. Jamais le Premier ministre n'a fait appel par décret à la réserve de sécurité nationale, comme la loi l'y autorise. De plus, il serait sans doute difficile de rappeler les gens contre leur gré sans dispositions réglementaires claires. Or quand nos soldats ou officiers nous quittent à l'issue d'un contrat court – jeunes, parfois mariés et sans beaucoup de ressources – et qu'ils essaient de retrouver un métier, il ne leur est pas facile de prévenir leur futur employeur qu'un décret du Premier ministre peut les obliger à quitter leur poste pendant un mois. Aussi, soumettre nos anciens militaires du rang à une obligation de réserve de disponibilité effective et régulière soulèvera sans doute des oppositions des employés et des employeurs ; cela pourrait aussi affecter l'attractivité de notre recrutement initial.
Comme je l'ai rappelé dans mes propos liminaires, il faut situer la réserve dans son contexte : la mobilisation permettait jadis, lorsque la France était en danger, d'appeler tout le monde sous les drapeaux. Aujourd'hui, à quel moment nos responsables politiques – et en particulier le Premier ministre – peuvent-ils considérer que la Nation est suffisamment en danger pour exiger cet effort de ses anciens militaires ? Plutôt que d'en rappeler la totalité, il pourrait être étudié le principe d'un rappel partiel et préalablement agréé de la réserve de disponibilité, faisant principalement appel à ceux qui ont quitté le service depuis moins de deux ans.
En tout état de cause, il convient de considérer ce sujet avec attention afin d'éviter des décisions qui affecteraient durablement l'attractivité de notre métier. Les décrets attachés à la loi sur la réserve de sécurité nationale prévoyaient initialement une disposition contraignante, mais celle-ci n'a finalement pas été retenue. Comment construire demain une réserve de disponibilité à la fois acceptable et efficace, qui nous donne une capacité réelle de montée en puissance si notre pays est menacé ? Il nous faut étudier à nouveau cette disposition – qui n'a jamais été appliquée – car elle paraît aujourd'hui difficile à mettre en oeuvre sans un minimum de mesures d'accompagnement.
Monsieur Le Bris, les réservistes porteurs de spécialités rares représentent pour nous une opportunité. L'exemple de la cyberdéfense est à ce titre particulièrement intéressant et exemplaire. En effet, ces compétences font l'objet d'une forte demande des entreprises. Pour autant, nous rencontrons un vrai succès en ce domaine car la communauté de la cyberdéfense militaire a réussi à tisser des liens étroits avec celle du monde civil. Le même type de dynamique est à l'oeuvre pour d'autres métiers. Nous avons besoin de compétences duales, et nous les recherchons. A titre d'exemple, nous souhaitons pouvoir faire appel plus largement aux médecins réservistes.
Le niveau de rémunération offert aux réservistes peut parfois représenter un frein. La rémunération est un levier important mais non déterminant. De ce point de vue, l'expérience du Royaume-Uni est instructive. Leur modèle a été construit et s'appuie sur une composante importante de réservistes. Pour faciliter le recrutement et la fidélisation, le système de rémunérations britannique garantit aux réservistes contre toute régression de salaire ; le niveau de revenu garanti est très élevé et peut aller jusqu'à 200 000 voire 300 000 livres par an. Pourtant les Britanniques sont très loin d'avoir atteint leurs objectifs ; l'incitation financière ne résout donc pas entièrement le problème de l'attractivité et de la disponibilité. Être militaire et défendre son pays ne peut se résumer à une simple question d'argent ; les valeurs et les missions sont également des facteurs très importants de motivation.
Jusqu'où veut-on aller dans le recours à une réserve de militaires à temps partiel ? Bien des employeurs font aujourd'hui appel à la ressource d'employés temporaires, mais les armées veulent-elles complètement adopter ce modèle ? Si nous optons pour un dispositif très souple, de réservistes militaires professionnels à durée limitée, les questions du niveau de savoir-être et de savoir-faire de nos réservistes, plus largement la question de leur niveau de professionnalisme me semble extrêmement importante. Je salue à cet égard les jeunes soldats qui viennent d'être agressés au couteau à Nice : s'ils avaient utilisé sans discernement ni retenue leurs armes de guerre en ville, les conséquences auraient été dramatiques pour nos concitoyens et pour la confiance que vous placez dans vos armées. Ces exigences professionnelles et éthiques me paraissent fondamentales.
Le suivi n'existait pas ou se limitait à une lettre tous les cinq ans. Il serait bon aujourd'hui de garder un contact plus étroit avec les réservistes.
De véritables progrès ont été accomplis et tous les réservistes opérationnels sont désormais suivis par nos systèmes d'information. Pour la réserve de disponibilité, la difficulté tient à ce qu'un jeune militaire du rang qui nous quitte est avant tout focalisé sur sa reconversion. Tout au défi de retrouver un emploi, il ne pense pas forcément à nous communiquer ses nouvelles coordonnées.
Quel est aujourd'hui le pourcentage d'anciens militaires et celui de « néo-convertis » parmi les réservistes ? Élu du Pas-de-Calais – un territoire qui s'apparente à un désert militaire –, je mesure la difficulté à convaincre les jeunes qui n'ont jamais connu l'armée d'intégrer la réserve. Quels dispositifs utilisez-vous pour recruter ce type de public ? Menez-vous des campagnes de sensibilisation dans les lycées et les universités ?
Les dispositions prévues pour les employeurs vous paraissent-elles suffisantes ? Fin 2014, j'ai fait le stage Ready Soldier aux Pays-Bas et constaté que de nombreux réservistes le faisaient sur leur temps de congés. En effet, être réserviste peut s'avérer handicapant sur un curriculum vitae ; comment l'éviter ? Dans la plupart des entreprises – à part quelques-unes, liées à la défense ou aux pouvoirs publics –, embaucher un réserviste opérationnel fait peur. Quelles mesures pourraient encourager les entreprises à accueillir des réservistes dans leurs rangs ?
Membre de la réserve citoyenne, médecin en chef du SSA, je me sens déçu : en trois ans, je n'ai été contacté qu'une seule fois, alors que le chirurgien et député que je suis a énormément à donner dans ce domaine. Il faudrait revoir l'organisation de la réserve car on ne tire pas assez profit des compétences de ceux qui souhaitent s'engager.
La réserve citoyenne a aujourd'hui un rôle majeur à jouer dans le domaine de la cybersécurité, en particulier dans la sensibilisation et l'éducation à la cyber-hygiène. En effet, la majorité de la population ignore tout du monde numérique, mis à part l'écran et le clavier d'ordinateur. La réserve citoyenne « cyber » représente un outil merveilleux qui là encore mérite d'être davantage utilisé. En somme, il reste beaucoup de travail à faire, et les bonnes volontés sont légion ; il ne faut pas les décevoir.
Ayant visité, il y a deux ans, la mission Héphaïstos, j'ai constaté qu'elle mobilisait en effet beaucoup de réservistes, notamment d'étudiants.
Qui sont les réservistes qui ne sont pas d'anciens militaires ? Pouvez-vous en dresser le profil ? Tous les territoires devraient être concernés par l'esprit de défense, y compris le monde rural et les quartiers difficiles. Y a-t-il des progrès à faire dans ce domaine ?
La position des entreprises représente souvent un frein à l'engagement ; le général Coroir, auditionné hier, affirme ainsi que les réservistes gendarmes n'évoquent pas le sujet avec leur employeur, prenant des jours sur leur temps de congés. Il en va peut-être de même pour l'armée de terre.
Les réservistes qui ne sont pas d'anciens militaires représentent environ la moitié du total. Le parcours citoyen – y compris en amont de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) – nous offre une occasion de rencontre et de présentation de la réserve aux jeunes. C'est pourquoi nous invitons les réservistes à participer à la JDC pour y témoigner de leur expérience, mais la tâche reste difficile et capter l'attention des jeunes relève d'un défi.
En même temps, le fait que certains établissements – en particulier les écoles de commerce – viennent chercher dans les écoles militaires une expérience de commandement montre que la société civile peut puiser dans les armées des savoir-faire et des savoir-être importants. Peut-on changer le regard sur le réserviste opérationnel pour que les entreprises ne voient pas ce choix comme un handicap, mais comme la marque d'un engagement dans le volontariat ? un acte de générosité au service de la France ?
Vous soulignez, monsieur Bays, que les entreprises auxquelles nous lie un partenariat sont souvent proches du secteur de la défense ; en effet, ce label n'est pas suffisamment valorisant aujourd'hui. Il nous faut instaurer un dialogue avec les représentants du monde de l'entreprise pour imaginer un dispositif qui les intéresse et modifier leur regard sur les réservistes.
Monsieur Vitel, votre témoignage me désole ; un député praticien devrait évidemment être sollicité ! En matière de cybersécurité, je l'ai dit, l'intérêt de la réserve est indéniable et notre coopération bénéficie d'une bonne dynamique. Je vous rejoins sur la nécessité d'enseigner la cyberdéfense et d'éveiller notre jeunesse – parfois naïve et inconséquente – à cet enjeu.
Commençons par expliquer que mettre un ordinateur en veille ne le protège pas d'une attaque virale ; il faut l'arrêter. Tout employé dans une administration devrait le faire tous les soirs.
Je partage votre préoccupation, mais ce défi s'adresse aussi à notre système éducatif.
Monsieur Pueyo, je ne dispose pas d'éléments statistiques sur la sociologie de nos réservistes, mais lorsque j'ai commandé un régiment à Poitiers qui comptait dans ses rangs deux escadrons de réserve, j'ai été frappé par la diversité des profils et par la disjonction entre la hiérarchie des grades et celle des diplômes. Le bouche-à-oreille compte beaucoup dans le recrutement car s'il s'agit d'une démarche personnelle.
En matière de communication, nous n'avons pas encore mené de campagnes de recrutement larges et nationales, comparables à celles de l'active. L'opération Sentinelle a révélé les limites de notre format en effectifs. À cet égard, la réserve représente peut-être une opportunité, mais serons-nous capables d'attirer des volontaires pour la réserve en nombre et qualité suffisants et de construire des partenariats fructueux avec les employeurs qui facilitent leur disponibilité ? Surtout, serons-nous capables de les former suffisamment pour pouvoir les intégrer sans hésitation dans une mission aussi difficile que la protection de nos concitoyens face à des terroristes dont les récentes attaques ont montré la violence ? Le métier de soldat ne se résume pas au fait de porter un uniforme et une arme, et notre niveau de professionnalisme doit être à la mesure des menaces et des missions auxquelles nous sommes confrontés.
La séance est levée à dix heures trente.