La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifié, en application de l’article 103 du règlement, de deux projets de loi autorisant l’approbation de conventions et d’accords internationaux (nos 2346, 2776 ; 783, 2775).
Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre aux voix l’article unique de chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi modifiant la loi no 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer (no 2865).
La parole est à M. René Dosière, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, madame la ministre des outre-mer, mes chers collègues, permettez-moi d’abord d’adresser mes pensées amicales à notre collègue Dominique Baert, qui était rapporteur de notre commission sur ce projet de loi, et qui été sérieusement blessé il y a peu, lors d’un accident de la circulation. Je lui souhaite – et c’est aussi le cas, je le suppose, de toute l’Assemblée – un prompt rétablissement.
Les collectivités de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion et de Mayotte ont en commun une taxe originale, l’octroi de mer, dont l’origine remonte au XVIIe siècle et qui, depuis 1992, frappe tant les livraisons de biens que leur importation. Cette taxe leur permet à la fois de se procurer des ressources fiscales importantes – près de 1,15 milliard d’euros en 2014 – et de protéger les productions locales, en taxant moins lourdement ces livraisons de biens que les importations. Il s’agit donc d’un outil important pour le développement économique de ces collectivités, soumises à des contraintes géographiques, économiques et sociales particulières, que nous devons toujours nous efforcer de bien prendre en compte lorsque nous légiférons sur ces territoires.
Ce projet de loi vise à préserver l’octroi de mer, que nos obligations européennes nous obligent à avoir réformé avant la fin du mois. En effet, la décision rendue par le Conseil de l’Union européenne le 17 décembre 2014 n’a prorogé le régime actuel de l’octroi de mer que jusqu’au 30 juin 2015. Il fallait donc légiférer sans attendre pour éviter tout vide juridique.
C’est dans cet esprit d’efficacité et de consensus qu’ont travaillé les deux assemblées sur ce texte, puisque, après l’adoption du texte par le Sénat le 7 mai, et moyennant quelques aménagements, l’Assemblée a adopté, le 1er juin, un texte presque entièrement conforme. Je reviendrai tout à l’heure sur les précisions ponctuelles que nous avons apportées.
Le point le plus important de ce projet de loi est qu’il permet, dans la foulée de la décision européenne du 17 décembre, de proroger l’octroi de mer jusqu’en 2020. S’agissant d’une taxe qui représente entre 30 % et 50 % des ressources fiscales des régions et communes dans les territoires où elle est perçue, il s’agit d’une très bonne nouvelle pour ces collectivités.
Sans revenir sur l’histoire et les principales caractéristiques de la taxe, déjà décrites par Dominique Baert dans son rapport en première lecture, je rappellerai quelques points importants.
Depuis sa première reconnaissance par le Conseil des Communautés européennes en 1989, le régime d’octroi de mer a dû être régulièrement adapté pour être prorogé, car il doit rester compatible avec les règles applicables aux échanges intracommunautaires. Cela n’est jamais acquis d’avance, car un système qui permet de soumettre à des taux de taxation plus élevés certains biens lorsqu’ils sont importés que lorsqu’ils sont fabriqués localement déroge quelque peu au traditionnel principe de « non-discrimination » prévu par l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La dernière fois que nous avons procédé à une telle adaptation, c’était avec la loi du 2 juillet 2004, pour tenir compte d’une décision rendue par le Conseil de l’Union européenne le 10 février 2004. Nous faisons de même aujourd’hui, à la suite de la décision du 17 décembre 2014.
Les principaux changements prévus par le projet de loi sont les suivants. En premier lieu, les entreprises locales dont le chiffre d’affaires est inférieur à 300 000 euros par an – environ 3 500 entreprises – ne seront plus assujetties à l’octroi de mer et seront ainsi dispensées de leurs actuelles obligations déclaratives et comptables. En revanche, celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 300 000 et 550 000 euros par an – environ 650 entreprises – seront désormais redevables de l’octroi de mer, alors qu’elles étaient jusqu’à présent exonérées de plein droit. Mais le bilan ne sera pas forcément négatif pour elles, puisque les entreprises redevables pourront plus largement déduire du montant d’octroi de mer qu’elles doivent payer le montant de la taxe qu’elles ont supportée sur leurs propres achats, en amont de la production.
Par ailleurs, les assemblées territoriales pourront exonérer d’octroi de mer l’importation et la livraison des biens à consommer sur place dans les avions et les bateaux, ainsi que de carburants à usage professionnel. Cette possibilité est aussi étendue à l’importation de biens destinés aux entreprises, à des établissements sanitaires, scientifiques, de recherche ou d’enseignement, ainsi qu’à des organismes exerçant, sans but lucratif, certaines activités d’intérêt général.
Enfin, les taux d’octroi de mer seront désormais soumis à un plafond législatif, conformément à l’article 72-2 de la Constitution. Ce plafond est fixé à 60 % de la valeur en douane ou du prix hors taxe des produits, et à 90 % de cette valeur s’il s’agit d’alcool ou de tabac. Ces taux, qui sont majorés de moitié à Mayotte pour tenir compte de la situation insulaire, étaient de dix points moins élevés dans le texte du Gouvernement que dans la version sénatoriale. Celle-ci laissera donc un peu plus de liberté aux assemblées territoriales.
Les autres changements décidés lors de l’examen au Sénat, en dehors des modifications « d’esthétique textuelle » – pour reprendre une formule de notre collègue Baert –, ont consisté à permettre aux assemblées territoriales d’exonérer les importations de biens destinés aux centres de santé et aux établissements ou services sociaux et médico-sociaux et d’exonérer les établissements de recherche et d’enseignement, ainsi que les autres personnes morales intervenant dans ce domaine, comme les associations.
Le régime de territorialité particulier auquel sont soumis les échanges de biens entre les Antilles et la Guyane a été aménagé. Certains biens seront taxés dans la collectivité de destination : il s’agit essentiellement d’alcools, de peintures et vernis, du papier hygiénique et de certaines barres de fer ou d’acier. Ces aménagements ont été discutés avec les élus locaux et sont destinés à remédier aux déséquilibres commerciaux que l’on peut constater actuellement dans les échanges entre ces collectivités.
Une commission, composée de représentants des collectivités de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane, a été créée pour analyser l’évolution des échanges de biens entre ces collectivités et, le cas échéant, proposer d’adapter les modalités locales de taxation de certains produits.
Enfin, dernier changement notable, les sénateurs ont prévu que Parlement sera destinataire du rapport transmis par le Gouvernement à la Commission européenne avant la fin de l’année 2017, pour évaluer les effets économiques du nouveau régime d’octroi de mer.
On peut se féliciter que le Sénat n’ait pas remis en cause l’équilibre du projet de loi, qui fait globalement l’objet d’un consensus. Dans le même esprit, l’Assemblée nationale n’a apporté que des changements ponctuels lorsqu’elle a examiné le texte transmis par le Sénat le 1er juin, à l’exception de deux modifications plus substantielles.
En premier lieu, à l’initiative de notre collègue Serge Letchimy, l’Assemblée nationale a décidé d’élargir l’objet de la commission d’élus antillais et guyanais. Le texte permettra d’avoir une approche économique globale de ces questions, en faisant de cette commission le lieu d’une concertation sur la mise en oeuvre de l’octroi de mer dans ces trois collectivités, ainsi que d’une évaluation de l’ensemble des échanges de biens sur leurs marchés respectifs. Tout en souscrivant à cette approche plus large, la commission mixte paritaire du 11 juin a souhaité, sur initiative conjointe des rapporteurs des deux assemblées, améliorer la rédaction du texte en définissant l’objet général de cette commission, dont les missions demeurent inchangées.
En second lieu, à l’initiative du Gouvernement, notre assemblée a complété la liste des biens de type papier de toilette, mouchoirs et serviettes, dont l’importation en Guyane depuis les Antilles, ou aux Antilles depuis la Guyane, sera taxée dans la collectivité d’arrivée, et non plus dans celle de départ. Il s’agissait ainsi de répondre aux préoccupations exprimées par certains de nos collègues élus dans ces collectivités. Chantal Berthelot avait ainsi présenté un amendement pour inclure dans la liste tous les mouchoirs, serviettes à démaquiller et essuie-mains. Il a ainsi été décidé d’ajouter au papier hygiénique, déjà mentionné dans le texte du Sénat, le papier essuie-main, qu’il se présente ou rouleau ou non, ainsi que les articles en papier ou en tissu destinés à un usage chirurgical, médical ou hygiénique, sans être conditionnés pour la vente au détail. Cette adaptation très pertinente satisfait nos collègues élus dans les trois collectivités concernées.
Enfin, à l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a souhaité préciser que les assemblées territoriales, lorsqu’elles décideront d’exonérer d’octroi de mer l’importation de biens destinés à des personnes exerçant des activités économiques indépendantes – producteurs, commerçants, prestataires de services et professions libérales –, devront délibérer non seulement par secteur économique, mais aussi par position tarifaire, afin que les biens soient correctement identifiés.
Pour conclure, mes chers collègues, tous les changements proposés par ce texte sont globalement consensuels et vont dans le bon sens. Ils tiennent compte de nos engagements européens, qui nous imposent d’avoir adapté le régime législatif de l’octroi de mer d’ici le 30 juin prochain.
Le système de l’octroi de mer n’est sans doute pas parfait, mais c’est un outil fiscal souple. Or, depuis l’analyse par Charles Péguy de la philosophie de André Bergson, on sait que « ce sont les méthodes souples, les logiques souples qui exercent les astreintes impeccables ». J’espère que cet objectif, que nous pouvons tous partager, nous permettra de maintenir l’approche consensuelle qui a prévalu jusqu’ici et d’adopter sans réserve le texte établi le 11 juin par la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur – cher René Dosière –, mesdames et messieurs les députés, avant de commencer cette discussion générale, je souhaiterais avoir une pensée particulière pour le rapporteur Dominique Baert, absent aujourd’hui, à qui je souhaite un prompt rétablissement.
Nous voici aujourd’hui au bout du processus législatif de ce projet de loi relatif à la modification de la loi sur l’octroi de mer. C’est un texte attendu et important pour les territoires ultramarins. Attendu, car il entérine la prolongation jusqu’en 2020 de ce dispositif essentiel pour le développement économique des productions locales et pour l’emploi outre-mer. Important, ensuite, car l’octroi de mer constitue une ressource indispensable pour le financement des collectivités territoriales : en 2014, elle s’est élevée à 1,146 milliard d’euros, soit environ 40 % des ressources fiscales des collectivités locales ultramarines. Ce texte assure donc une visibilité et une lisibilité tant aux entreprises qu’aux collectivités locales.
La commission mixte paritaire qui s’est réunie la semaine dernière a adopté, sans réserve, le texte soumis aujourd’hui à votre approbation. Je tiens à saluer le travail accompli par le Parlement, et notamment celui effectué à l’Assemblée nationale, pour enrichir le texte dans le bon sens malgré les importantes contraintes de temps qui pesaient sur son examen.
Je ne peux que me féliciter que ce projet de loi puisse être voté avant la date butoir du 30 juin 2015, qui marque la fin de la prorogation de l’ancien dispositif car, comme le Gouvernement l’a toujours soutenu et comme je m’y suis totalement investie, il fallait qu’il n’y ait pas de rupture juridique dans la transition entre les deux dispositifs. C’était l’une des principales préoccupations des acteurs socio-économiques et des élus locaux ; c’est un engagement qui a été tenu.
Héritier d’un impôt existant sous l’Ancien Régime, l’octroi de mer a su évoluer à travers le temps, notamment dans le cadre du droit communautaire. Outil indispensable de protection pour les productions locales face à un environnement régional très concurrentiel, l’octroi de mer a trouvé toute sa place dans les économies ultramarines. Son efficacité pour faire face aux handicaps structurels, à l’insularité, à l’éloignement des économies ultramarines de la France hexagonale, à l’étroitesse des marchés ou encore à la difficulté de faire émerger des productions locales nouvelles n’est plus à démontrer.
En effet, le montant de l’aide annuelle directe aux entreprises de production procurée par l’octroi de mer peut être évalué dans une fourchette allant de 170 à 250 millions d’euros et son impact sur les effectifs salariés de l’industrie peut être estimé à 15 % pour les années 2000 à 2008.
La prolongation du dispositif permettra de consolider davantage les filières productives locales, dont les parts de marché sont en constante progression depuis 2005, et cela, même si, dans le même temps, les importations de produits équivalents n’ont pas diminué.
S’il ne faut donc en aucun cas relâcher nos efforts dans le domaine du développement, de l’innovation et du soutien à la croissance, cette réalité démontre, s’il en était encore besoin, que le bénéfice du différentiel de taxation permet de soutenir activement la création d’emplois. Sur ce point, je note avec attention que les bénéfices du différentiel de taxation se répartissent de manière équilibrée entre les salaires, les profits et les investissements, ce qui est assez rare pour être souligné.
Le texte qui est soumis à votre approbation met également fin à de nombreux mois de discussions avec la Commission européenne.
Débutées il y a plus de deux ans, je ne peux que constater que celles-ci ont été fructueuses puisque les demandes de la France ont été entendues et les spécificités propres aux territoires ultramarins comprises, préservant ainsi les grands équilibres dans le cadre de cette réforme co-construite entre les autorités françaises et les autorités européennes. Le projet de loi clarifie et modernise la mise en oeuvre de cette taxe.
Ainsi, partant de l’évaluation de l’ancien dispositif, nous avons fait le choix de procéder à l’abaissement du seuil d’assujettissement afin de répondre aux demandes de simplification que de nombreuses entreprises, de taille moyenne notamment, appelaient de leurs voeux. Cet abaissement du seuil d’assujettissement de 550 000 euros à 300 000 euros, largement concerté avec les élus à l’hiver 2013, permet, en fonction des géographies, de mettre hors du champ de l’octroi de mer 75 % à 87 % des entreprises productrices. Pour les autres opérateurs, ceux compris dans la fourchette de 300 000 euros à 550 000 euros et qui étaient auparavant assujettis mais exonérés, les mêmes obligations déclaratives perdurent, mais ils ne seront plus automatiquement exonérés. Néanmoins, ils auront deux ans pour déduire la taxe ayant en amont grevé leurs investissements. Je tiens à rappeler que le nombre d’entreprises concernées par cet abaissement du seuil d’assujettissement ne représente que quelques dizaines par territoire : il n’y a donc pas de bouleversement majeur sur ce point comme pourraient le laisser entendre certains.
Au-delà de l’abaissement du seuil d’assujettissement, plusieurs autres dispositions sont à souligner. Je veux bien sûr parler de l’encadrement, à la demande expresse du Conseil d’État, des taux que les conseils régionaux et, à Mayotte, le conseil départemental sont autorisés à fixer. Le champ des exonérations que les collectivités territoriales peuvent accorder est également étendu, notamment aux établissements de santé, de recherche, d’enseignement et aux organismes caritatifs ou philanthropiques. Lors de l’examen du texte, le Sénat avait fait le choix d’élargir le champ des bénéficiaires de ces exonérations aux personnes morales exerçant des activités scientifiques de recherche et d’enseignement, ainsi qu’aux établissements et services sociaux et médico-sociaux. Cette volonté n’a pas été contrariée, ni au cours de l’examen par votre assemblée, ni lors des travaux de la commission mixte paritaire. En effet, ces avancées consolident largement les marges données aux collectivités régionales pour construire de réelles stratégies de développement économique et de soutien aux filières productives sur leurs territoires.
À l’occasion des débats à l’Assemblée nationale, les modalités d’exonération offertes aux conseils régionaux ont fait l’objet de précisions. En effet, s’il est important que les collectivités territoriales puissent décider de la mise en oeuvre d’exonérations par secteur d’activité, il est également souhaitable qu’elles disposent dans l’exercice de ce pouvoir d’un maximum de souplesse, ce qui implique qu’elles puissent aussi délibérer par nomenclature douanière. Cette précision permettra d’affiner au maximum, lorsque ce sera rendu nécessaire, le champ des exonérations décidées par les conseils régionaux.
S’agissant des échanges et des flux commerciaux entre le Marché unique antillais et la Guyane, je constate que le dialogue constructif que nous avons mis en oeuvre a permis d’aboutir à une situation que l’ensemble des acteurs reconnaît comme équilibrée. Cela n’a pas été chose simple, mais tout au long de l’examen du texte au Parlement, je me suis attachée à poursuivre le dialogue. C’est ainsi que nous avons introduit une liste, rappelée par M. le rapporteur, de dix produit que l’on peut qualifier de « produits préservés » et qui feront l’objet, dans le cadre des relations commerciales entre le Marché unique antillais et la Guyane, d’une application du droit commun. Je ne peux que me féliciter des échanges que nous avons eus, parfois nourris, je dois le reconnaître, quelquefois même très spécialisés, et souligner le sens du compromis et des responsabilités qui a présidé à ces discussions.
Une commission de concertation sur la mise en oeuvre de l’octroi de mer et d’évaluation de l’ensemble des échanges de biens sur les marchés de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique va voir le jour. Elle sera chargée d’analyser les flux d’échanges entre la Guyane et le Marché unique antillais, de proposer des évolutions des règles d’échanges et de taxation, et, si nécessaire, la modification de la liste de produits préservés définis dans ce projet de loi, notamment sur la base d’un état statistique des flux d’échanges entre la Guyane et le Marché unique antillais. Le décret d’application précisant les missions et la composition de cette commission est en cours d’élaboration, la finalisation de ces écritures se faisant en lien étroit avec l’ensemble des parties concernées.
Reste la question de la conformité de notre régime d’octroi de mer à l’encadrement communautaire des aides d’État. Vous savez, mesdames, messieurs les députés, qu’une décision a été rendu par les autorités européennes en décembre, mais que celle-ci doit encore être validée. J’ai donc notifié ce régime à la Commission en mars dernier. La commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, que j’ai rencontrée hier, m’a indiqué que cette notification pourrait difficilement aboutir dans les délais impartis. Je le regrette puisque cette procédure a tout de même commencé il y a deux ans et demi. Néanmoins, elle a tenu à nous rassurer : le nouveau dispositif d’octroi de mer sera pleinement opérationnel au 1er juillet prochain. En effet, la commissaire s’est engagée envers la France à ce que l’ensemble des éléments permettant d’attester la pleine conformité du régime d’octroi de mer au droit communautaire nous soit communiqué par écrit dans les délais impartis, c’est-à-dire avant le 1er juillet prochain. Notre dispositif d’octroi de mer restera donc placé sous le règlement général d’exemption par catégorie – RGEC –, règlement de droit commun pour les régimes d’aides d’État. La commissaire s’est également engagée à prendre en compte les spécificités de nos régimes d’aides en rehaussant de quinze points les seuils applicables aux cumuls d’aide afin de sécuriser pleinement les opérateurs économiques.
Ces avancées pragmatiques nous permettent de consolider l’ancrage de nos régimes d’aides d’État au sein du RGEC, avec une prise en compte appropriée de nos spécificités concernant tant les secteurs exclus que les seuils d’aide pour l’ensemble de nos régimes d’aide au fonctionnement. Une telle approche nous permet d’assurer la continuité des régimes d’aides, évitant une rupture juridique qui aurait fragilisé notre tissu économique. Il fallait que je le précise parce que je sais que les opérateurs économiques sont préoccupés par la teneur de nos échanges avec la Commission.
Mesdames, messieurs les députés, je tiens à vous remercier pour votre investissement dans ces travaux et pour le soutien que vous m’avez apporté tout au long de l’élaboration du texte, et que vous m’apporterez encore aujourd’hui en l’adoptant.
Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains approuvera ce projet de loi à l’issue de travaux parlementaires qui ont permis de constater, le rapporteur l’évoquait, un large consensus à la fois sur la nécessité de l’octroi de mer et sur un certain nombre d’évolutions inscrites dans ce texte.
Vous l’avez rappelé, madame la ministre : l’octroi de mer a évidemment sa place dans l’équilibre, ou plus exactement dans les déséquilibres des économies d’outre-mer. C’est aujourd’hui une nécessité dans un contexte économique que chacun d’entre nous sait difficile dans l’ensemble de la France mais plus particulièrement outre-mer. On sait les chiffres très défavorables en termes d’emploi dans ces collectivités. On comprend donc combien l’octroi de mer reste indispensable. Cela n’efface pas les réflexions que l’on doit avoir sur les perspectives nécessaires de ces économies, à la fois au regard du contexte national, du contexte mondial mais aussi des environnements régionaux. Vous avez évoqué la relation des Antilles avec la Guyane, mais on peut aussi le faire plus largement avec l’ensemble des économies régionales, que ce soit dans le Pacifique, dans l’Océan indien ou dans la Caraïbe.
La poursuite de l’octroi de mer étant indispensable dans la situation actuelle, il est bien que nous nous y attelions aujourd’hui. C’est un enjeu important de par ses recettes – plus de 1 milliard d’euros – et pour les entreprises concernées.
Nous sommes toutefois nombreux, vous le savez, madame la ministre, à regretter que la prorogation ne soit prévue que pour cinq années. Les économies doivent tout à la fois se diversifier et se déployer, mais la stabilité et la visibilité dans la durée sont nécessaires. Il faut aussi tenir compte de la longueur des délais. Vous rappeliez vous-même que l’on était en butée extrême de calendrier dans le cheminement de ce projet de loi. Il eût été évidemment préférable, dans l’absolu, que la prorogation soit plus importante, comme cela a déjà été le cas.
Si l’on peut constater les bienfaits de l’exonération pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 300 000 euros, l’impact peut être moins favorable pour celles dont le chiffre d’affaires se situe entre 300 000 euros et 550 000 euros car elles perdent la réalité de l’exonération. Vous avez indiqué que cette disposition ne concernait pas tant d’entreprises, mais cela reste un vrai sujet.
On peut se féliciter de l’extension des champs d’exonération à un certain nombre d’activités que vous avez citées, qu’il s’agisse du domaine de la recherche, de l’enseignement, de la santé, des organisations caritatives ou des marchandises destinées au ravitaillement des aéronefs et des navires, sans parler des carburants utilisés pour les activités agricoles et de pêche. Il est important que les délibérations qui seront prises en application de cette loi soient les plus finement adaptées aux évolutions des enjeux économiques de chacune des collectivités concernées.
C’est le constat du déficit de compétitivité des collectivités d’outre-mer, ainsi que les besoins budgétaires, qui conduisent à reconnaître que la poursuite de l’octroi de mer est indispensable. Chacun a ici à coeur de considérer que cette aide au financement des collectivités et à la compétitivité – ou plus exactement aide à affronter la concurrence car l’octroi de mer n’améliore pas la compétitivité en tant que telle – ne doit pas occulter ce que doivent être dans l’avenir les actions nécessaires pour l’amélioration de la compétitivité des entreprises outre-mer. C’est un vaste enjeu qui dépasse très largement celui de l’octroi de mer. Je pense que chacun d’entre nous sait que si ce dispositif est indispensable et qu’il est bon de le proroger, il est également indispensable de mesurer combien les défis de l’emploi et de l’économie outre-mer restent considérables, très au-delà de l’octroi de mer. Le projet de loi qui nous est soumis permettra d’en prolonger l’effet et il est bien qu’il en soit ainsi. Le groupe les Républicains votera donc ce projet de loi.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’heure où la situation financière des collectivités territoriales est de plus en plus fragile du fait de la baisse des dotations de l’État, nous mesurons à quel point l’octroi de mer est un enjeu crucial, en particulier pour le financement de l’action publique locale outre-mer. Cet impôt représente en effet la première recette fiscale des collectivités ultramarines : son taux de base est de 17,5 % en Guyane, de 9,5 % en Guadeloupe et en Martinique, et de 6,5 % sur l’île de La Réunion ; à ces taux, il faut ajouter la taxe additionnelle à discrétion des exécutifs locaux, qui oscille entre 1 % et 2,5 %. Au total, la recette s’élève ainsi à près de 1,146 milliard d’euros par an, soit un montant non négligeable et difficilement substituable.
L’octroi de mer représente ainsi jusqu’à 40 % des recettes fiscales de certaines collectivités territoriales ultramarines.
Nous sommes tous conscients que l’insularité, l’éloignement et différentes contraintes géographiques imposent au service public ultramarin des sujétions particulières. L’octroi de mer est une des solutions financières permettant d’y répondre.
Cependant, comme cela a été rappelé, il s’agit aussi d’un dispositif complexe et, au-delà, d’un impôt inéquitable. En effet, cette taxe frappe aveuglément toutes les personnes résidant dans les régions, départements et territoires d’outre-mer. L’octroi de mer pénalise le consommateur sans aucune forme de distinction ; ce sont donc les personnes et les familles les plus fragiles qui en souffrent le plus.
Les territoires ultramarins doivent en outre faire face à une situation aberrante : alors que dans l’ensemble des outre-mer, les taux de pauvreté et le taux de chômage sont supérieurs à ceux enregistrés en France métropolitaine, c’est dans ces territoires que la fiscalité indirecte, c’est-à-dire celle payée par l’ensemble des consommateurs, est la plus importante. Il importe donc d’engager rapidement le chantier de la réforme de la fiscalité en outre-mer, et cela, bien entendu, dans la concertation la plus large possible, afin de travailler aux moyens d’augmenter la part de la fiscalité directe. Il est regrettable que, même si les solutions ne sont pas simples à concevoir, le projet de loi ne prenne pas cette question à bras-le-corps.
Je l’ai déjà dit, les députés du groupe UDI sont conscients qu’il s’agit d’un enjeu financier important pour les collectivités territoriales concernées. Mais nous sommes également conscients des limites importantes de ce mode de fiscalité.
Il faudra continuer à réfléchir à la définition de ressources pérennes pour nos territoires ultramarins, qui prennent le relais de l’octroi de mer. Le maintien d’un niveau équivalent de ressources pour les collectivités bénéficiant des recettes de la taxe ne devra pas, en tout état de cause, peser davantage sur les ménages et les entreprises de ces territoires. La remise à plat de la fiscalité ultramarine devra être respectueuse des populations les plus fragiles, du développement économique et de l’autorité de l’État. Il est notamment essentiel que, tout en étant compatible avec le cadre communautaire, elle continue de compenser les difficultés géographiques des territoires d’outre-mer.
Dans l’immédiat, le groupe UDI votera le présent projet de loi ; bien que celui-ci ne réponde pas aux véritables questions, il a au moins le mérite de mettre notre droit en conformité avec les exigences européennes et permettra, dans l’immédiat, de répondre aux besoins de financement des collectivités ultramarines. Nous demandons toutefois au Gouvernement de se pencher sur les véritables enjeux de l’octroi de mer, afin que les échanges se poursuivent en vue de trouver d’autres solutions.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L’ensemble du projet de loi est adopté.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions aux Gouvernement.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-deux heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly