La réunion

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Audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international.

La séance est ouverte à huit heures trente.

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Je suis heureuse d'accueillir M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, pour une audition qui commencera par un propos liminaire sur la préparation de la COP21, sachant que nous entendrons également Mme Tubiana le 17 novembre prochain. Beaucoup de contributions ont été déposées, mais non celles des grands producteurs de pétrole. On a l'impression cependant qu'il y a plus d'optimisme, au vu de votre déclaration, de celle du Président de la République ou du Secrétaire général de l'ONU. Où en est-on des perspectives d'accord sur ce sujet ?

Après votre propos liminaire, nous vous interrogerons également sur d'autres sujets de l'actualité internationale.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Dans le cadre de la conférence de Paris, il y a, depuis le début de cette semaine, une réunion du groupe dit ADP à Bonn. Comme vous le savez, ce ne sont pas les ministres qui élaborent les textes, mais les négociateurs.

Les textes précédents étaient très longs, confus. Les deux coprésidents, l'un américain, l'autre algérien, avaient remis début octobre un texte court, bien structuré, mais il a été récusé lundi par le groupe des 77, qui comporte 134 pays, en développement pour l'essentiel – qui l'ont jugé trop favorable aux pays riches. Ils ont donc déposé une soixantaine d'amendements, avec pour porte-parole du groupe la représentante de l'Afrique du Sud. Après discussions entre ce groupe et les deux coprésidents, ces derniers ont proposé un nouveau texte. Celui-ci, qui comporte la même structure que le précédent, est actuellement examiné par les délégués. Tout cela s'est passé de façon vive, mais assez rapide.

J'ai rendu visite hier après-midi aux délégués, en tant que futur président de la COP, pour m'adresser à eux et entendre ce qu'ils avaient à dire. Je suis arrivé dans une atmosphère assez sereine. Ils se sont répartis en groupes de travail et le texte, qui comporte un prologue, est beaucoup plus précis sur la différenciation, l'adaptation et les finances. Ces groupes doivent aboutir à une version finale et à la levée d'un certain nombre d'options d'ici la fin de la semaine, à la suite de quoi s'ouvrira la conférence elle-même. Celle-ci commencera par une réunion des négociateurs, pendant deux ou trois jours, et sera suivie par celle des ministres.

L'ensemble des délégués s'est approprié le texte actuel. S'il peut poser quelques problèmes à certains pays, comme les États-Unis, il est beaucoup plus en ligne avec ce qu'on peut espérer d'une conférence sur le climat.

Hier, 154 contributions avaient été publiées, représentant 86 % des émissions de gaz à effet de serre, contre 15 % lors de la conférence de Kyoto. Deux grands pays pétroliers n'ont pas encore publié la leur, mais ils vont le faire – j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en discuter avec l'Arabie saoudite, qui est un peu leur chef de file. L'Iran devrait aussi remettre sa contribution. Quant au Venezuela, ayant ses élections le 6 décembre, je ne suis pas sûr qu'il soit concentré essentiellement sur la COP.

S'agissant des évaluations sur le réchauffement, il faudra s'en tenir à celle élaborée par l'instance chargée de cette mission. Il devrait probablement être évalué à trois degrés à l'horizon 2100 – ce qui est mieux que les quatre, cinq ou six degrés prévus par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), mais moins bien que l'objectif de deux degrés. Il est donc important que soit incluse dans l'accord de Paris une clause de révision, probablement tous les cinq ans, qui permettra de passer d'une tendance de trois degrés à une tendance de deux.

Concernant les finances, nous avons eu à Lima il y a quelques jours une réunion en présence des représentants des ministres des finances, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, que nous avions demandée, mon collègue péruvien et moi-même. Un point important pour le succès de la COP de Paris est que les pays riches honorent leur engagement, pris à Copenhague en 2009, de fournir 100 milliards de dollars par an en 2020 pour le climat aux pays pauvres. Lorsque je me suis saisi du dossier, j'ai constaté qu'on ne savait pas où on en était aujourd'hui. Nous avons donc demandé à l'OCDE de réaliser une étude détaillée pour voir ce que les gouvernements, les banques multilatérales et le secteur privé font dans ce domaine. Cette étude montre qu'en 2014, 62 milliards de dollars ont été consacrés par les pays du nord aux pays du sud pour le climat. Par ailleurs, l'essentiel de ce montant est dévolu à diminuer la hausse des températures – l'atténuation –, mais peu, contrairement à la demande des pays pauvres, à adapter les pays lorsque le taux de trois degrés est atteint – l'adaptation.

Un certain nombre de pays ont saisi cette occasion pour annoncer des contributions supplémentaires et les banques multilatérales ont déclaré qu'elles feraient un effort complémentaire de 15 milliards de dollars. Il est donc probable que nous pourrons tendre vers les 100 milliards de dollars, ce qui lève une hypothèque importante pour le succès de la conférence, même si la méthodologie de l'étude est contestée par certains.

Par ailleurs, le changement de majorité qui vient de se produire au Canada, qui est membre du G7 comme du G20, n'est pas sans importance : le nouveau premier ministre, M. Trudeau, est beaucoup plus ouvert sur la lutte contre le changement climatique que son prédécesseur.

Pour le moment, nous avons réussi à éviter qu'on mélange les crises qui traversent le monde et le sujet de cette conférence – et nous veillons qu'il continue à en être ainsi. Mais nous ne sommes pas totalement maîtres du jeu, puisqu'il faut décider par consensus.

Si le texte est incontestablement meilleur, des arbitrages devront être faits, qui seront compliqués. Si l'organisation de la COP se présente bien et le climat à Bonn est positif, c'est en fin de parcours qu'on pourra juger des résultats.

Nous avons choisi de multiplier les réunions. J'ai ainsi invité 80 ministres à une pré-COP de quelques jours, où nous allons remettre sur le métier le même ouvrage – pour éviter qu'une délégation puisse dire qu'elle n'a pas été consultée. Nous avons aussi invité les chefs d'État et de gouvernement le premier jour de la conférence, d'une part, parce que beaucoup l'ont souhaité et, d'autre part, car ils ne voulaient pas venir à la fin du processus, pour éviter l'échec de la conférence de Copenhague. Parallèlement à la discussion des ministres, il y aura l'agenda pour l'action, qui comportera des réunions thématiques sur l'énergie ou les transports par exemple, qui seront évidemment plus spectaculaires. Il y aura ainsi une partie publique et une partie moins publique.

Il faudra enfin faire très attention aux questions de sécurité, non seulement vis-à-vis du terrorisme, mais aussi de la sécurité publique en général.

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Pouvez-vous nous faire le point sur la Libye, après le projet d'accord soumis par Bernardino Leon aux deux parties ? Quelles sont les perspectives de signature de cet accord ? Envisage-t-on des sanctions à cet égard ? Comment sécuriser l'application de l'accord, sachant que les Libyens ne veulent pas qu'on intervienne chez eux ?

Sur Israël, nous partageons votre inquiétude. Vous avez d'ailleurs formulé des propositions pour mettre en place un groupe international de soutien. Comment analysez-vous la situation ? On a vu dans la presse qu'il y a eu une consultation de notre représentant permanent aux Nations unies à New York sur l'initiative que le Conseil pourrait prendre sur l'esplanade des Mosquées : que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

En Syrie, l'intervention de la Russie change la donne, d'autant qu'elle ne semble pas s'en prendre qu'à Daech. Comment analysez-vous les motivations et les objectifs de la Russie ? Celle-ci nous avait donné l'impression qu'elle pouvait participer à une transition politique : est-ce encore possible ?

Enfin, quelles sont les relations du régime avec l'Iran et la Russie ? Lors de mon séjour à Téhéran ce week-end, j'ai eu le sentiment que bien que celles-ci soient rivales en termes d'influence dans la zone, elles faisaient bloc.

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On parle beaucoup pour la COP21 des pays à fort développement économique, comme les États-Unis ou la Chine, mais certains pays du sud présentent des enjeux majeurs, comme la République démocratique du Congo, où j'étais il y a une quinzaine de jours. Dans le bassin du Congo, des centaines de milliers d'hectares ont été déforestés, ce qui est catastrophique pour la libération du CO2. Y a-t-il dans la préparation de la COP21 un chapitre dévolu à cette question ?

Je rappelle que la République démocratique du Congo, qui comporte plus de 70 millions d'habitants, est le premier pays francophone du monde. Si on a pris beaucoup de distance avec ce pays, le moment me semble venu de resserrer les relations avec lui, sur le plan diplomatique comme économique.

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Certains scientifiques prétendent que s'il y a un réchauffement au nord, il n'y en a pas au sud – où on constate même un refroidissement des mers – et que la calotte glaciaire est équivalente au total. Qu'en est-il ?

S'agissant du conflit israélo-palestinien, vous avez pris l'initiative de demander aux Nations unies d'intervenir : est-ce un changement d'attitude, sachant qu'Israël ne veut pas entendre parler de cette organisation dans cette affaire ?

Enfin, quel jugement portez-vous sur l'accord signé avec l'Iran, ainsi que sur sa mise en oeuvre, qui doit commencer dans les jours qui viennent ?

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On ne sait toujours pas trop comment sont utilisés les 62 milliards de dollars des pays riches en faveur des pays pauvres pour le climat.

Vous avez parlé de COP « offensive » : qu'en est-il de l'intensification de l'exploitation des ressources charbonnières dans des pays comme l'Australie, la Mongolie et la Chine – qui ne va pas dans le sens souhaité ?

Je rappelle à cet égard qu'EDF vient d'obtenir deux marchés chez nos voisins anglais pour la construction de deux centrales nucléaires, ce dont nous nous félicitons.

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Désapprouvez-vous les attaques russes sur Al-Qaïda, c'est-à-dire sur le Front al-Nosra en Syrie ?

Ne croyez-vous pas avec le recul que, dans le cadre d'une solution politique dans ce pays, la présence de Bachar el-Assad soit indispensable et fasse partie de la solution, ne serait-ce qu'à titre transitoire ?

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Sur la COP21, quelle est l'étape juridique suivante ? Faut-il aller jusqu'à une convention internationale ? Quels seront les mécanismes de contrôle et de redevabilité mis en place pour les États ?

S'agissant de la crise libyenne, il y a un tropisme syrien aujourd'hui. Nous sommes inquiets : il nous faut un accord, pour nous-mêmes comme pour les pays riverains. Quelles initiatives pouvons-nous prendre pour recréer une pression internationale suffisante ?

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Le Parlement a voté deux amendements au budget sur l'aide publique française au développement, qui vont permettre de renforcer notre politique de dons. Quelle est la durabilité de cet effort ? Le Gouvernement reviendra-t-il sur cette intention ?

Par ailleurs, le Cameroun semble avoir fait appel à une aide militaire des États-Unis, ce qui a surpris des observateurs, ce pays s'étant plutôt adressé à nous jusque-là. Cela cache-t-il un problème ou ce soutien a-t-il fait l'objet d'une concertation avec nous ?

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Nous avons appris qu'il y aurait des dissensions graves au sein de la famille royale d'Arabie saoudite, un des petits-fils présumés ayant demandé la destitution du roi et des deux ministres les plus importants. Qu'en est-il exactement ? Cela ne ferait-il pas suite à la défaite programmée de l'Arabie saoudite au Yémen ?

On apprend en outre ce matin que Bachar el-Assad serait dans le bureau de M. Poutine : peut-on considérer cela comme une bonne nouvelle ?

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Un drame est en train de se passer au Yémen. Quelle peut être l'action de la France à cet égard ?

On voit par ailleurs la dictature des États-Unis concernant les banques européennes, en particulier à l'égard des pays en reconstruction, comme l'Iran. Quelles démarches souhaitez-vous engager pour régler ce problème ?

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Nous avons largement entendu parler de ce problème lors de notre séjour à Téhéran.

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Les amendes infligées à la BNP, à la Société générale puis au Crédit Agricole – qui écope d'une sanction de presque 800 millions de dollars – constituent une atteinte manifeste à notre souveraineté. La France doit réagir face à cette extraterritorialité que s'octroient les États-Unis.

Nous sommes à quatre jours du référendum constitutionnel prévu au Congo-Brazzaville : RFI n'émet plus et les SMS sont bloqués. Avez-vous des informations précises sur la situation sur place et quelles sont les consignes données par notre ambassade au sujet de ce référendum ?

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Je vous suis tout à fait lorsque vous dites que Bachar el-Assad est un boucher et il est à l'honneur de la France d'avoir une position morale sur une question aussi délicate. Mais quand on sait qu'il y a des milliers de soldats iraniens combattant avec lui – lequel est une marionnette tenue d'un côté par Poutine et de l'autre par l'Iran, avec lequel nous sommes en train de flirter –, cela me pose un problème moral.

Concernant les attaques de civils israéliens, notamment à Tel-Aviv, je rappelle que dans l'indifférence quasi absolue, un franco-israélien de vingt-et-un ans a été poignardé à mort alors qu'il se rendait au mur des Lamentations et que des Palestiniens ont craché sur sa femme et ses deux bébés. Nous sommes dans une guerre au couteau terroriste, qui s'inscrit dans le djihad mondial. On a incendié le tombeau de Joseph et les Palestiniens – Mahmoud Abbas en tête – appellent ouvertement au djihad et à ce que le mur occidental change de mains. Nous renvoyons dos à dos des civils massacrés et des terroristes. C'est comme si nous faisions de même avec les gens du GIGN et les assassins des attentats de janvier dernier ! La guerre au couteau peut aussi arriver chez nous : on a tranché la tête d'Hervé Gourdel et les chrétiens disparaissent dans un silence absolu à travers le monde.

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Avez-vous abordé, dans le cadre de la préparation de la COP21, la question des migrations climatiques, qui pourrait se traduire par un déferlement beaucoup plus important que ce que nous connaissons aujourd'hui ?

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On nous a beaucoup parlé d'un risque de submersion du Bangladesh – qui comporte 160 millions d'habitants –, lié à la montée des eaux. Les Indiens seraient d'ailleurs en train d'édifier un grand mur pour empêcher des migrations vers le nord. Qu'en est-il ?

En Syrie, a-t-on une idée exacte de l'état des forces contre Bachar el-Assad en dehors de Daech, notamment au plan militaire ?

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Concernant la COP21, où en est la négociation sur la possibilité de réviser le texte à des échéances plus brèves que celles prévues ?

Qu'en est-il de l'idée de travailler, y compris dans le texte de l'accord, sur la décarbonation et des scénarios d'énergie 100 % renouvelables, avancés par certaines ONG internationales ?

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

S'agissant de la COP, je préfère parler de dérèglement climatique plutôt que de réchauffement. Car celui-ci va se traduire dans quelques cas par un refroidissement. Mais il ne faut pas perdre de vue l'essentiel, avéré par les travaux du GIEC, qui sont très prudents : un réchauffement irréversible. Une fois que les gaz à effet de serre sont émis, ils ne disparaissent pas, certains pouvant rester quelques décennies ou quelques siècles. Il faut donc agir vite.

Monsieur Destot, un des apports du texte d'hier par rapport au précédent est d'aborder la question des forêts.

Monsieur Dupré, le rapport de l'OCDE que j'évoquais explique pour la première fois à quoi sont consacrés ces 62 milliards de dollars. Il s'agit d'un travail très précis : les investissements liés à l'utilisation du charbon n'ont par exemple pas été pris en compte.

S'agissant du charbon, il y a plusieurs écoles. En termes de gaz à effet de serre, quand le charbon émet 2, le pétrole émet 1,5 et le gaz 1. Le problème est que c'est la ressource la plus répandue et qu'en Inde, elle représente l'essentiel de la consommation énergétique. Pour certains, le charbon constitue un mal nécessaire, mais ils sont de moins en moins nombreux : certains grands fonds se désengagent d'ailleurs des portefeuilles touchant à cette ressource. Une deuxième école propose qu'on essaie d'avoir un charbon propre – des recherches scientifiques sont en cours sur ce point. Et une troisième préconise de ne pas du tout utiliser le charbon. Aujourd'hui le curseur se situe entre les deux dernières écoles. En Australie, le nouveau premier ministre est beaucoup plus sensible à ces questions que son prédécesseur, de même que la ministre des affaires étrangères.

Il est prévu d'arriver à un texte prenant la forme d'un protocole ou d'un accord international. Se pose ensuite le problème du contrôle de son application, ce qui soulève une difficulté vis-à-vis des États-Unis, le Congrès étant hostile sur ce point. Un accord qui n'aurait pas l'aval de ce pays, qui est un des deux premiers pollueurs, perdrait de son efficacité. En fait, tout dépend de chaque clause. En résumé, chaque fois qu'il y a une obligation de résultat, cela est assimilé à un traité international, et chaque fois qu'il y a une obligation de moyens, cela relève d'un autre sujet.

Certains pays, comme la Bolivie, sont pour un tribunal international, ce qui n'est pas le dispositif prévu actuellement. La pression des pairs, au vu de la comparaison entre les engagements pris et les résultats, sera un moyen de contrôle, d'autant qu'avec les satellites, on pourra déterminer l'émission de gaz à effet de serre de chaque pays. Il faut d'ailleurs faire attention à certains effets pervers, certains États estimant qu'ils ne doivent pas prendre des engagements trop ambitieux dans la mesure où ils seront contrôlés.

Au Bangladesh, où je me suis rendu il y a quelques semaines, un tiers du territoire est soumis à la submersion. Une femme m'a même dit avoir déménagé dix-huit fois pour ce motif. Cela a beaucoup de conséquences sur les logements et l'agriculture, qui est salinisée.

Quant à la question importante des migrations climatiques, elle est traitée dans d'autres enceintes – en particulier l'Initiative Nansen.

S'agissant de la Libye, Bernardino León a produit un nouveau document, qui n'a pas été accepté par les deux parties. Nous avons pris position avec d'autres pays pour qu'il le soit. Des sanctions individuelles pourraient être retenues, car il faut convaincre les récalcitrants.

Si on arrive à avoir un gouvernement commun, se posera la question de la sécurité. La France ne peut être présente partout en première ligne. Nos amis italiens souhaiteraient accroître leur présence et nous sommes ouverts à leur demande.

Concernant Israël, je reçois ce soir le ministre de l'intérieur de ce pays et j'aurai un contact avec les Palestiniens. La situation est en effet très préoccupante. Nous essayons d'aller vers une déclaration présidentielle aux Nations unies, qui a l'accord des membres du Conseil de sécurité et ne peut être acceptée qu'à l'unanimité – il n'est donc pas question que la France se substitue à qui que ce soit. Sur le fond, nous sommes les amis des uns et des autres, nous voulons la paix et la sécurité et que les Palestiniens aient un territoire, que leurs droits soient reconnus. Nous avons obtenu qu'il y ait un groupe international de soutien : il y a eu aux Nations unies une réunion du quartet et, à notre demande, une réunion regroupant le quartet, les pays arabes, les pays européens et quelques autres pays, comme le Japon, qui s'intéressent au sujet. Nous voulons, non pas nous substituer aux parties, ce qui n'aurait aucun sens, mais aider à ce que la négociation reprenne et qu'on trouve une solution.

S'agissant de la Syrie, 80 % des frappes ne touchent pas Daech, mais d'autres groupes, y compris des modérés. Le but de M. Poutine est aujourd'hui de conforter M. Bachar al-Assad. À certains moments, les Russes ont dit qu'ils n'étaient pas mariés avec Bachar al-Assad, à d'autres, qu'il fallait qu'il soit là pour la transition, à d'autres encore, que le peuple syrien décidera et qu'il faut organiser des élections. Nous entendons avoir une position indépendante, consistant à dire que la Syrie devrait retrouver son intégrité et que ses différentes composantes devraient pouvoir vivre en paix. Pour cela, on a besoin d'une solution politique. Or, dire que l'avenir du pays passe par Bachar al-Assad est s'interdire d'avoir une unité en Syrie, la moitié de sa population ayant été pourchassée par lui.

Deuxièmement, nous voulons que les Russes frappent Daech et les autres groupes terroristes, non l'opposition modérée – ce qui empêcherait une solution politique. Troisièmement, nous voulons – je vais prendre des dispositions pour qu'on dépose une résolution en ce sens – qu'on arrête les « barrel bombings » – barils de TNT remplis de morceaux de métal –, qui font beaucoup de dégâts dans la population civile.

On a raison de ne pas oublier les Iraniens, qui sont fortement engagés.

Quant à l'accord signé avec l'Iran, il revient à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de nous dire au mois de décembre s'il est respecté. Elle fait des vérifications, notamment dans le site de Parchin.

S'agissant de l'extraterritorialité, vous avez raison. L'enjeu pour nous est européen : il est indispensable, pour protéger nos entreprises des effets extraterritoriaux des lois américaines, de développer une alternative au dollar. Avant notre signature du traité avec l'Iran, il y a eu une discussion serrée, avec, d'un côté, la France, appuyée par la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Iran, et, de l'autre, les États-Unis. Nous avons plaidé que s'il y a un accord, il y aura levée des sanctions, et s'il y a levée des sanctions, il faut que l'ensemble des entreprises puisse commercer avec l'Iran. J'ai obtenu de mon collègue John Kerry une lettre en ce sens. Mais les Américains sont beaucoup moins allants aujourd'hui. Nous avons envoyé, avec nos collègues anglais et allemands, une mission du Trésor auprès de l'administration américaine pour qu'elle respecte ses engagements, mais elle traîne à répondre. Madame Duflot, il est essentiel d'obtenir une clause de révision à la conférence de Paris. La question ensuite est de savoir quand elle intervient : attend-on 2020, 2025 ou 2030, ou le prévoit-on avant ? S'agissant de la périodicité, je pense qu'on obtiendra une durée de cinq ans. Troisièmement, qui révisera et y aura-t-il un juge de paix ? Les États, notamment les pays en développement, disent que le dispositif ne doit pas être intrusif ; certains font une différenciation entre les pays riches – pour lesquels il doit être obligatoire – et les pays pauvres – pour lesquels il doit être optionnel. L'Europe est très allante sur ce sujet, en réclamant une clause de révision rapide, fréquente, obligatoire et positive.

Le Président de la République va d'ailleurs en Chine début novembre : celle-ci a fait des déclarations communes avec une série de pays, dont les États-Unis, le Brésil ou l'Inde, et la dernière d'entre elles sera avec la France, sur la COP. La Chine a en effet une influence déterminante sur ce sujet, étant à la fois du côté du groupe des 77 et en discussion avec les États-Unis.

Monsieur Baumel, au sujet de l'aide publique au développement, le « bleu » budgétaire présentait des annulations de crédits alors que nous avions décidé de les rétablir. Comme vous le savez, ils l'ont finalement été. Sur la question de savoir s'il faut aller plus loin, je serai solidaire de la position du Premier ministre.

Au Yémen, il n'y aura pas de victoire militaire : il suffit de regarder son histoire ; les Égyptiens y ont d'ailleurs perdu 20 000 personnes. Mes interlocuteurs semblent partager ce point de vue. Notre position est de favoriser une discussion avec l'ensemble des parties prenantes. Nous avons de très bonnes relations avec le roi et le vice-prince héritier, et le prince héritier vient dans quelques jours à Paris.

S'agissant du Congo-Brazzaville, je reçois ce soir son ministre des affaires étrangères. Il y a eu des violences hier à Brazzaville et à Pointe-Noire, qui ont fait cinq morts et plusieurs blessés. Nous avons lancé un appel au calme et donné des consignes en ce sens à la communauté française.

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S'agissant des crédits d'aide au développement, il ne faudrait pas que le budget du ministère en pâtisse.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

En effet.

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Nous avons dit que nous souhaitions, en dehors du rétablissement des crédits, donner le signal qu'on reprend une trajectoire plus positive.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Nous sommes d'accord sur l'objectif.

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Le Premier ministre a été très positif hier à ce sujet.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Tant mieux ! Je suis d'accord dès lors que cela ne se traduit pas par un trou dans mon budget !

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S'agissant de l'extraterritorialité américaine, un accord avec John Kerry ne vaut rien selon moi, car le Congrès a dit clairement qu'il fallait un accord international. Il n'y a qu'une solution pour ramener les Américains à la responsabilité et à la sagesse : l'arbitrage international.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Si on veut vraiment contrer le dollar, il faut que l'euro existe et soit solide !

La séance est levée à neuf heures quarante-cinq.