La réunion

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La mission d'information commune entend Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Après M. Emmanuel Macron, à deux reprises, Mme Christiane Taubira et M. Alain Vidalies, vous êtes, madame la ministre, le quatrième membre du Gouvernement à venir devant notre mission d'information commune. Cette dernière poursuit deux objectifs. Elle veille d'abord à ce que les textes d'application de la loi du 6 août 2015 soient publiés dans les délais annoncés par le Gouvernement lors de la discussion parlementaire, afin de permettre une mise en application rapide de la loi. Nous avons ensuite souhaité veiller à ce que le contenu de ces textes d'application soit bien conforme à l'intention du législateur.

Votre ministère est particulièrement concerné par l'ensemble du titre III de la loi, c'est-à-dire par ses articles 241 à 296 compris. Il s'agit des dispositions relatives au travail dominical et en soirée, à la réforme de la justice prud'homale, à l'inspection du travail, au dialogue social dans l'entreprise, au développement de l'emploi des personnes handicapées et aux contrats d'insertion, à la lutte contre la prestation de services internationale illégale, et à l'amélioration du dispositif de sécurisation de l'emploi.

Cette cinquantaine d'articles de la loi nécessite de prendre vingt-cinq mesures réglementaires d'application. Deux de ces articles autorisent, en outre, le Gouvernement à légiférer par ordonnance. À ce jour, le titre III de la loi présente un taux de publication des mesures réglementaires que l'on peut sans conteste qualifier de satisfaisant puisqu'il atteint 48 % – même si nous sommes tous bien placés pour savoir que 48 % ne suffisent pas pour atteindre la majorité et qu'il reste en conséquence un peu de chemin à parcourir. L'ensemble des mesures réglementaires se rapportant au travail dominical et en soirée a été publié, et huit des vingt et une mesures réglementaires appelées à préciser les autres dispositions l'ont également été, ainsi qu'une ordonnance.

Après votre intervention liminaire, mes collègues, parmi lesquels siègent deux des anciens rapporteurs thématiques du projet de loi, Stéphane Travert et Denys Robiliard, vous interrogeront. Je me permets, pour ma part, de vous poser dès maintenant quelques questions.

Votre ministère a-t-il été associé à la préparation du décret relatif à la réforme de la procédure prud'homale ?

Dans quel délai le référentiel indicatif en matière d'indemnités de licenciement sera-t-il mis en place ?

Pouvez-vous d'ores et déjà nous indiquer comment le futur projet de loi que vous défendrez devant le Parlement tirera les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel en matière de plafonnement des indemnités de licenciement ?

Comment financer la formation des conseillers prud'homaux en 2017 ? Ce financement sera-t-il pris en charge intégralement par votre ministère ?

Quel est le calendrier envisagé pour la publication des différents décrets concernant les défenseurs syndicaux – je pense aux textes relatifs à l'établissement des listes de leurs noms, ou aux modalités d'indemnisation ?

Quel calendrier prévoyez-vous pour la publication du décret relatif au délai à la suite duquel tout conseiller prud'homal qui n'aura pas satisfait à l'obligation de formation initiale sera réputé démissionnaire. Sur le fond, quels sont les délais et la procédure envisagés ?

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Je vous remercie de m'avoir invitée devant votre mission d'information commune dont je salue le travail de suivi de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Ce format est relativement inédit. Il montre combien le Gouvernement a eu à coeur de tenir l'engagement pris devant vous : assurer une mise en oeuvre rapide de la loi que vous avez adoptée l'été dernier, et vous rendre compte régulièrement de l'état d'avancement de ce travail. Cette démarche me semble éminemment souhaitable car nous partageons le constat selon lequel notre pays pèche trop souvent en matière d'application des normes qu'il édicte.

Les équipes de mon ministère ont été pleinement mobilisées pour mener à bien ce travail rapidement, et prendre, dans des délais très brefs, les textes d'application de la loi du 6 août dernier. J'avoue que cela s'est parfois fait au détriment de la sortie des textes d'application d'une autre loi publiée quelques jours après le 6 août : celle du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, qu'avait portée mon prédécesseur, François Rebsamen. Nous accélérons actuellement la parution des décrets relatifs à ce texte.

Mais, l'essentiel, c'est que nous avancions.

Je souhaite dresser un rapide bilan de la situation, vue depuis mon ministère, s'agissant de trois sujets : le travail du dimanche, la réforme des prud'hommes, et le détachement.

La réforme du travail du dimanche a fait et continue de faire couler beaucoup d'encre. Nous l'avons rendue possible, tout en prévoyant des garanties importantes pour les salariés et de vrais progrès sociaux. Un savant équilibre a été trouvé par le Gouvernement et le Parlement. Nous partageons tous une conviction : une société dans laquelle le travail du dimanche serait banalisé n'est pas notre horizon. Pour autant, des évolutions ont été souhaitées. Elles ont été votées, et elles ont été assorties de garanties importantes en matière de respect du dialogue social – il n'y a pas d'ouverture possible le dimanche sans accord collectif –, de volontariat des salariés, et de contreparties. Ces dernières sont obligatoires partout où l'ouverture le dimanche est rendue possible. Il s'agit d'un progrès social qui n'a pas été assez souligné : des salariés qui, avant la loi, travaillaient le dimanche sans aucune contrepartie en bénéficient désormais.

Concernant la mise en oeuvre du dispositif, je crois que nous pouvons nous réjouir de la délimitation très rapide des zones touristiques internationales (ZTI) – un décret date du 24 septembre, et dix-neuf arrêtés ont été pris en deux salves, en septembre dernier puis au début de ce mois –, et des gares où les magasins pourront ouvrir le dimanche. Au total, douze zones touristiques internationales ont été créées, dont dix à Paris.

Dans ce processus, j'ai été attentive à ce que l'ensemble des parties prenantes soient consultées : les partenaires sociaux, les élus et les représentants des commerçants. Ce dialogue est indispensable à mes yeux. Il doit se poursuivre pour accompagner la réforme. C'est pourquoi j'ai plaidé pour la mise en place d'un observatoire du travail dominical à Paris. Il évaluera notamment les effets de la réforme en termes de création d'emplois, et sur le commerce de proximité.

Il est vrai que certains arrêtés font l'objet de contentieux et que certaines négociations peinent à aboutir – nous avons tous des exemples récents en tête, à commencer par ceux de grands magasins. Je souhaite cependant répondre à certains doutes.

Je rappelle que de nombreux accords ont été conclus. Je pense aux cas de grandes enseignes comme Nature et Découvertes, Etam, Muji. Ces exemples montrent que la philosophie de la loi était la bonne et que des accords favorables aux salariés peuvent être trouvés.

Dans d'autres cas, les négociations sont plus difficiles, c'est indéniable. Mais, d'une part, accepter le dialogue social, c'est aussi accepter qu'il ne se termine pas toujours par un accord. D'autre part, les négociations en question sont encore en cours, et je reste confiante dans leurs chances d'aboutir.

Par ailleurs, la loi que je présenterai devant vous dans quelques semaines aura aussi un impact positif sur la dynamique de négociations dans ce domaine comme dans d'autres. Elle comportera en effet tout un volet de dynamisation de la négociation. Elle prévoira, si un accord n'a pas été signé par les organisations syndicales majoritaires, la possibilité pour les organisations syndicales signataires d'un accord, représentant 30 % des salariés, de recourir à une consultation des salariés pour approuver ou non l'accord. C'est quelque chose de très novateur, et beaucoup de voix ont réagi positivement à cette proposition, y compris du côté syndical, car elle pourrait permettre de surmonter des blocages sans contourner ni déposséder les organisations syndicales, puisque ce sont elles et elles seules qui décideront de la consultation des salariés.

La réforme des prud'hommes constitue un élément important dans la réforme de fond du marché du travail. Le ministère du travail a mené la réforme qui a fait passer de l'élection à la désignation des juges prud'homaux à partir de 2017. L'ordonnance précisant les modalités de cette désignation est prête ; elle sera publiée très prochainement.

Cet été, vous avez réformé en profondeur la procédure devant les conseils de prud'hommes, notamment en matière de délais. Le fonctionnement actuel des conseils des prud'hommes n'était tout simplement plus acceptable. Le décret sur la procédure, qui relève du ministère de la justice, est en cours d'examen au Conseil d'État. Il sera publié prochainement. Celui qui réforme le statut du défenseur syndical sera pris au printemps.

La loi a aussi renforcé la formation des juges, en instaurant un tronc commun de formation initiale obligatoire pour les conseillers salariés comme employeurs. C'est une profonde évolution culturelle qui entrera en vigueur lors du prochain renouvellement des conseils de prud'hommes. Nous y travaillons activement avec le ministre de la justice, sachant que la formation des acteurs est, à mes yeux, un enjeu essentiel. Je souhaite d'ailleurs qu'elle soit renforcée dans le projet de loi que je porterai au printemps prochain. Car, pour que le dialogue social soit efficace et performant, la formation est tout simplement cruciale, que ce soit du côté des salariés ou des dirigeants. Il s'agit de l'une des préconisations fortes du rapport sur la négociation collective, le travail et l'emploi, que M. Jean-Denis Combrexelle a remis au Premier ministre, l'automne dernier.

Vous le savez, le plafonnement des indemnités prud'homales sera réintroduit dans le texte que je vous présenterai, sans distinction entre petites et grandes entreprises. Je n'ignore pas les débats très vifs qu'avait suscités cette mesure parmi vous. Je la soutiens pourtant fortement, car il nous faut lever les freins à l'embauche. Le manque de prévisibilité et de sécurité juridique constitue bien un frein pour l'employeur, même s'il est autant ressenti que réel. Le décret sur les barèmes indicatifs, prévu par la loi du 6 août dernier, sera pris dans la foulée, car les deux barèmes doivent être cohérents.

S'agissant du détachement, nous avons accompli des progrès considérables grâce à cette loi. Presque tous les décrets prévus sont pris, et j'ai signé ce matin celui qui généralise l'obligation pour les salariés du BTP, y compris les salariés détachés, de disposer d'une carte d'identification professionnelle.

La loi du 6 août dernier a considérablement renforcé notre arsenal législatif pour lutter contre les fraudes au détachement, dans le prolongement de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, dite « loi Savary ». Sur le terrain, ce renforcement produit ses effets : nous sommes passés d'environ 600 interventions par mois avant l'été 2015, à 1 400 contrôles mensuels en moyenne depuis septembre 2015. Des fermetures préfectorales ont été décidées sur proposition des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

La mesure de suspension de la prestation de service internationale commence aussi à être mise en oeuvre depuis la publication du décret d'application de cette disposition en décembre. Ainsi, au début du mois de février 2016, elle a été appliquée en Corse à l'égard de deux entreprises détachant des salariés sur un chantier, car elles ne justifiaient pas du respect des règles relatives à l'application du SMIC ni de celles relatives à la durée du travail et à l'octroi de repos. Il s'agit d'une mesure extrêmement dissuasive qui devrait produire son plein effet dans les mois à venir. Je travaille aussi, notamment avec la commissaire européenne Marianne Thyssen, pour qu'une révision ciblée de la directive européenne de 1996 intervienne au premier semestre.

Cet arsenal sera complété par le projet de loi que je présenterai au Parlement dans les prochaines semaines. Il faudra ainsi encore prévoir une suspension de prestation en cas de défaut de déclaration de détachement, et autoriser les agents compétents à effectuer leurs contrôles avec l'appui d'un interprète, ce que la loi ne prévoit pas aujourd'hui.

Comme vous le constatez, la mise en oeuvre des mesures prises est donc pleinement engagée. Elle s'accompagnera de l'ordonnance qui reprend les dispositions de la proposition de loi relative aux pouvoirs de l'inspection du travail, déposée par M. Denys Robiliard. Cette ordonnance renforce les pouvoirs de l'inspection du travail, notamment pour lui donner les moyens de lutter plus efficacement encore contre le détachement illégal. Je souhaite qu'elle soit ratifiée par une disposition législative que j'inscrirai dans mon projet de loi.

Je tenais à vous faire un état des lieux fidèle des cinq mois de travail que nous avons effectués pour mettre en application la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

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Madame la ministre, je me réjouis de constater que les choses avancent rapidement pour ce qui concerne la cinquantaine d'articles de la loi, dont la mise en oeuvre dépend de votre ministère.

Lors de nos débats en commission sur le plafonnement des indemnités de licenciement, disposition censurée par le Conseil constitutionnel, je me souviens que nous avions appelé l'attention du Gouvernement sur deux points. Tout d'abord, nous ne comprenions pas pourquoi la réparation d'un préjudice subi en raison d'un licenciement illégal devait varier suivant la nature de son auteur – en l'espèce la taille de l'entreprise. Ensuite, convaincus que ce dernier critère ne pouvait pas déterminer la juste réparation d'un préjudice, nous craignions qu'une « régression pour tous » soit organisée a posteriori, car, en cas d'homogénéisation ultérieure, le niveau d'indemnisation le plus faible risquait d'être généralisé.

La démarche intellectuelle nous avait, de plus, un peu heurtés. Il nous semblait en effet paradoxal de préjuger de la juste réparation d'un licenciement irrégulier et illégal. Il s'agissait, en quelque sorte, d'une gestion prévisionnelle de l'illégalité. Nous en avions cependant accepté le principe général en mettant le Gouvernement en garde sur les deux points que je viens d'évoquer.

Si les faits – ou plutôt la décision du Conseil constitutionnel – nous ont donné raison s'agissant de notre première objection, nous serons très attentifs à ce que notre prédiction d'une généralisation par le bas ne se réalise pas. Cela ne serait en tout état de cause pas vraiment conforme à la position prise par le Gouvernement lors de nos débats. Nous ne souhaitons pas avoir raison une seconde fois, mais nous faisons évidemment confiance au Gouvernement.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

À juste titre !

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Madame la ministre, je souhaite aborder avec vous diverses questions relatives travail du dimanche.

Les textes nécessaires à la mise en oeuvre du volet « travail dominical et de nuit » de la loi sont tous parus à ce jour. Pensez-vous que l'information à la disposition des employeurs et des salariés sur le droit applicable, tel qu'il résulte de la loi, a été suffisante ? Que peut mettre en oeuvre le Gouvernement pour la renforcer, notamment à destination des petites entreprises – je pense aux commerces de moins de onze salariés qui peuvent rencontrer des difficultés pour conclure des accords – et des maires ?

S'agissant des contrôles, les auditions et les remontées du terrain ont montré que dans les faits, les cas d'ouvertures dominicales « illégales » n'ont pas cessé avec l'entrée en vigueur de la loi. Dans ce cas, les salariés concernés sont la plupart du temps privés des compensations devant être négociées et des garanties prévues. Que peut faire le Gouvernement pour que les contrôles de l'inspection du travail soient plus effectifs et qu'ils soient ciblés sur la question de l'ouverture dominicale ? Les sanctions prévues par la loi et celles prononcées par les juges vous paraissent-elles dissuasives et efficaces ?

La définition de nouvelles zones autorisant l'ouverture dominicale des commerces fait-elle courir des risques en matière de concurrence et de relocalisation de certains magasins non directement concernés, notamment dans le secteur de la grande distribution ? Doit-on craindre les « effets de bord » qui se traduiraient par le transfert de commerces ?

De manière plus ponctuelle, il a été signalé que certains commerces implantés dans des centres commerciaux, en particulier en ZTI, avaient été menacés de pénalités financières s'ils n'ouvraient pas le dimanche. Les baux commerciaux signés avec les gestionnaires les obligeraient en effet à respecter les horaires d'ouverture des centres. Pouvez-vous confirmer que ces clauses contractuelles ne sauraient être applicables pour obliger un commerce à ouvrir le dimanche sans qu'il dispose de l'accord collectif prévu par la loi, sauf à être considérées comme des clauses abusives ?

J'en viens à l'extension de l'obligation de conclure un accord collectif prévoyant les compensations au travail dominical pour les salariés des commerces situés dans les nouvelles zones d'autorisation. Que pensez-vous des accords signés ou des projets d'accords, au niveau de certaines branches, comme le bricolage ou la bijouterie-joaillerie orfèvrerie ; dans certaines enseignes, comme Darty ou Zara, et s'agissant spécifiquement du travail du dimanche et du travail du soir, par exemple pour les parfumeries ?

D'une manière générale, le niveau des compensations négociées ou proposées à la négociation semble très hétérogène, les majorations salariales allant de 10 % à 200 %. Cependant, il reflète souvent les pratiques précédentes, la situation des salariés dans les commerces ayant l'habitude d'ouvrir le dimanche n'étant pas comparable à celle que connaissent ceux qui expérimentent une nouvelle organisation du temps de travail.

Que pensez-vous des accords signés pour lesquels les syndicats majoritaires ont fait valoir leur droit d'opposition ? La réforme annoncée, visant à permettre un référendum auprès des salariés concernés, cherche-t-elle spécifiquement à éviter ce genre de situation ?

Au sein des grands magasins parisiens, la présence de démonstrateurs, qui sont mis à disposition par les marques et ne sont pas employés par les établissements, pose une difficulté supplémentaire dans l'organisation de la négociation collective. Estimez-vous que ces démonstrateurs devraient se voir appliquer un accord géographique, ou leurs employeurs devraient-ils négocier des accords séparés avec des compensations différentes ?

Quels contrôles ont-ils pu être organisés pour vérifier la bonne application des dispositions organisant l'ouverture dominicale des commerces alimentaires de détail ?

La mise en oeuvre de l'extension des dispositions relatives aux « dimanches du maire », notamment s'agissant des dates décidées par les maires et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour 2016, vous semble-t-elle satisfaisante ? Avez-vous connaissance de divergences entre les maires et les organes délibérants des EPCI ? L'obligation de fixer avant le 31 décembre les dimanches de l'année suivante risque-t-elle de provoquer des difficultés ? La déduction des jours fériés ouvrés a-t-elle bien été comprise et anticipée par les élus ? Avez-vous renforcé l'information des élus sur l'application de ce régime ou prévoyez-vous de le faire, et dans quelles conditions ?

Les commerces de détail ne sont pas tenus de recourir à un accord collectif ou à une « décision unilatérale » ; ils doivent seulement octroyer au salarié privé de repos dominical une rémunération spécifique et un repos compensateur dont les modalités sont fixées dans l'arrêté municipal désignant les dimanches travaillés. Que pensez-vous des arrêtés municipaux qui ne prévoient pas l'organisation du repos compensateur des salariés ? Cette carence fait-elle courir des risques en termes de contentieux ?

Certains arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations semblent cristalliser les affrontements entre les représentants du petit commerce et les représentants des grands groupes de distribution, notamment à Paris et dans le sud de la France. Il y a eu des recours administratifs, et l'on constate des ouvertures que l'on sait illégales, notamment pour des commerces alimentaires qui ouvrent le dimanche matin sans fermer un autre jour de la semaine, par exemple à Paris, ou qui ne ferment pas le dimanche après-midi. Des instructions ont-elles été envoyées aux préfets et aux DIRECCTE afin de préciser l'application de ces dispositions ?

Madame la ministre, que pensez-vous de la récente décision du tribunal administratif de Pau, annulant un arrêté préfectoral qui obligeait les boulangeries des Landes à fermer un jour par semaine ?

De quelles autres difficultés avez-vous connaissance s'agissant de la mise en oeuvre de la loi et des accords qui en découlent ? J'entends souvent nos collègues de l'opposition parler de blocages, et même dire que la loi ne fonctionne pas. Cette dernière est, au contraire, parfaitement claire : il n'y a pas d'ouverture le dimanche sans accord. Devons-nous parler de « blocage » si un accord n'aboutit pas ? Il s'agit peut-être seulement des conséquences du fait que la négociation collective reste le moyen de se mettre d'accord. Quelle est votre position sur ce point ?

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Madame la ministre, comme mon collègue, je souhaite que vous vous exprimiez sur les arrêtés préfectoraux qui font l'objet de contentieux.

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Après la mise en oeuvre compliquée des douze premières zones touristiques internationales parisiennes, l'arrêté créant six nouvelles ZTI en province est sorti il y a quelques jours – quatre d'entre elles se situant dans les Alpes-Maritimes. D'autres projets de créations de ZTI sont-ils à l'étude en ce moment ? L'installation d'observatoires, à l'instar de ce qui existe à Paris, est-il prévu, s'agissant des ZTI de province, afin d'évaluer les effets de l'ouverture du dimanche sur les petits commerces et sur la qualité de vie de nos concitoyens ?

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Avant que la loi ne modifie les choses, un équilibre avait été trouvé dans les zones touristiques, notamment à la montagne, s'agissant, en particulier, des rémunérations ou des conditions d'ouverture dominicale. Quel bilan pouvez-vous dresser de l'application du texte ? Quels bénéfices ces secteurs en ont-ils tiré ? Ne crée-t-il pas des contraintes supplémentaires qui le rendent difficilement applicable, surtout pour les petits commerces ?

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le président, avant d'en venir au travail du dimanche, permettez-moi de vous répondre s'agissant des questions que vous m'avez posées sur les prud'hommes.

Jusqu'à la fin de leur mandat actuel, en décembre 2017, la formation continue des conseils des prud'hommes continuera d'être financée par le ministère du travail, grâce aux conventions passées avec des organismes agréés. J'ai souhaité soutenir cette formation en maintenant son financement à hauteur de 7,75 millions d'euros, ce qui correspond à 31 000 journées de formation. En 2018, les nouveaux conseillers prud'homaux bénéficieront toujours de cette formation, à laquelle s'ajoutera une formation initiale de cinq jours – il s'agit d'une innovation apportée par la loi du 6 août 2015 –, intégralement prise en charge sur le budget de l'État. Son objectif n'est pas d'apporter une formation syndicale, mais de dispenser aux futurs conseillers les compétences et les connaissances de base relatives à la fonction de juge, à la procédure, à la déontologie ou au cadre juridique général. Ces formations seront communes pour les salariés et les employeurs. Elles seront dispensées par l'École nationale de la magistrature (ENM).

Le décret relatif à la formation initiale des conseillers prud'homaux relève de la compétence du ministère de la justice. Il doit fixer les modalités de contrôle et de sanction des conseillers qui ne respectent pas leur obligation de formation. Ce texte sera pris au premier semestre 2016, mais il ne s'appliquera qu'aux nouveaux conseillers, en 2018.

Monsieur Travert, nous avons publié, le 18 septembre dernier, sur le site internet du ministère du travail, une fiche explicative intitulée : « Le travail du dimanche ». Elle présente et elle explicite les nouvelles dispositions relatives aux dérogations au repos dominical. Ce document a pour vocation d'informer les employeurs et les salariés sur le droit applicable. Nous avons toutefois constaté que des disparités existaient en termes d'information – de nombreux députés ont appelé notre attention sur ce point. Après avoir évoqué le sujet avec les préfets de région et les DIRECCTE que je rencontre sur le terrain et avec lesquels je discute tous les mois par visioconférence, j'envisage de mettre en place des actions d'information ciblant en particulier les petites entreprises et les maires. Mes services conduisent actuellement une enquête auprès de ces derniers afin de savoir comment ils se sont approprié la nouvelle législation, s'agissant notamment des « dimanches du maire ». Dans l'ensemble, l'obligation de déduire du nombre des dimanches désignés par le maire les jours fériés travaillés, dans la limite de trois, a été bien comprise. Selon les résultats de l'enquête, nous apporterons les précisions nécessaires, et je suis prête à rédiger une instruction sur le sujet. Il est vrai que certains rencontrent parfois des difficultés à s'emparer de la totalité des informations.

À ce stade, mes services n'ont pas connaissance de problèmes particuliers liés aux compensations prévues pour le travail du dimanche dans le commerce de détail et pour les franchisés. Nous sommes très vigilants en la matière, car je tiens à ce que tous les salariés concernés par le travail du dimanche bénéficient des contreparties prévues, notamment salariales.

J'estime que le contrôle et les sanctions sont efficaces et adaptés. Les services de l'inspection du travail n'hésitent pas à dresser des procès-verbaux et à introduire des référés lorsqu'ils constatent des ouvertures dominicales illégales. En 2014, cent quarante-six procès-verbaux ont été dressés pour non-respect des dispositions relatives à l'emploi de salariés après 13h00 le dimanche, et soixante-treize procédures de référé ont été lancées pour non-respect du repos dominical.

Des commerces pourraient, comme vous l'indiquez, réfléchir à des stratégies de relocalisation leur permettant de bénéficier de la possibilité d'ouvrir le dimanche, et des effets d'aubaine pourraient en résulter. Il me semble toutefois qu'il est trop tôt pour faire des constats en la matière. Je rappelle que la relocalisation d'une grande surface demande des délais qui peuvent atteindre plusieurs années, et qu'elle implique des coûts importants. Nous sommes évidemment très vigilants sur ce sujet.

Les services du ministère et toutes les DIRECCTE sont sensibilisés sur chacun des points sur lesquels je vous ai dit notre vigilance. Ils doivent faire remonter toutes les informations sur ces sujets afin que nous puissions réagir. Ces questions sont traitées dans l'enquête que j'ai évoquée.

À mon sens, la décision du tribunal administratif de Pau ne remet pas en cause la pertinence des arrêtés de fermeture qui constituent des outils utiles pour réguler la concurrence à l'échelle locale. Cette décision ne fait que confirmer une jurisprudence plutôt constante du Conseil d'État : avant de prendre un arrêté de fermeture, le préfet doit consulter l'ensemble des entreprises concernées, quels que soient leur taille, leur activité principale, leur statut ou leur organisation.

Mes services ne m'ont pas informée de l'existence de contentieux ni même de contestation visant des arrêtés municipaux qui ne prévoiraient pas les modalités d'attribution du repos compensateur dans le cadre des « dimanches du maire ». La loi n'avait d'ailleurs pas été modifiée sur ce point. Ce sujet suscite, quoi qu'il en soit, notre vigilance et fait l'objet des contrôles mis en oeuvre.

Madame Carrey-Conte, deux projets de délimitation de ZTI sont en cours d'instruction concernant les villes de Dijon et de La Baule. La ville de Marseille a manifesté son intention de demander un classement en ZTI, mais elle n'a pas encore présenté de dossier. En tout état de cause, je suis extrêmement attentive à ce que l'ensemble des textes soient pris en concertation avec les élus et les partenaires sociaux. Cette méthode a été scrupuleusement respectée jusqu'ici ; elle le sera pour tous les nouveaux projets de ZTI.

Nous avons suggéré la création d'un observatoire du travail dominical à Paris, en lien avec l'État, pour mesurer les effets de l'ouverture du dimanche sur l'emploi et sur le commerce de proximité, mais également parce qu'elle produit des coûts induits. Certaines charges inhérentes à l'augmentation de la fréquentation des quartiers concernés devront être supportées par la ville, par exemple en termes de sécurité ou de propreté. Il est sain que ces coûts soient analysés de façon transparente.

Monsieur Travert, vous m'avez interrogée sur les démonstrateurs. Tous les salariés qui travaillent le dimanche doivent bénéficier de contreparties. Elles doivent être négociées par les syndicats qui les représentent. Les choses sont claires. C'est d'ailleurs parce que ces contreparties n'étaient pas prévues pour les démonstrateurs que les salariés du BHV Marais se sont prononcés, en novembre dernier, contre la signature dans leur établissement d'un accord sur le travail dominical – les démonstrateurs votaient dans la même urne que les salariés. La loi prévoit que tous les salariés couverts par un accord collectif pour travailler le dimanche doivent bénéficier de contreparties : il ne faut pas évincer les démonstrateurs. Il faudra tirer un bilan de cette expérience. Il est cependant vrai que l'accord obtenu dans l'entreprise où travaillent physiquement les démonstrateurs ne peut pas concerner ces derniers puisqu'ils relèvent d'autres employeurs. L'accord inter-entreprises, prévu dans le projet de loi que je vous présenterai d'ici à quelques semaines, pourra apporter une réponse spécifique à ce problème.

Vous m'avez interrogée sur la négociation collective. Dans le cadre du texte que je défendrai devant vous, afin d'ouvrir le champ des négociations, je souhaite renforcer la légitimité des accords, ce qui ne peut se faire que dans le respect du principe majoritaire. J'ai évoqué dans mon exposé liminaire une proposition nouvelle à ce sujet qui ouvre une deuxième voie : en cas d'accord des organisations syndicales représentant 30 % des salariés, ces dernières pourront demander une consultation des salariés. L'accord sera alors valide si 50 % des salariés se prononcent en sa faveur. Dans le cadre de mon projet de loi, qui vise à revivifier la négociation collective, une restructuration des branches est également essentielle : leur nombre passerait de sept cents à quatre cents d'ici à la fin de l'année, voire à deux cents dans les trois prochaines années. Je note que certaines organisations syndicales trouvent cette deuxième voie intéressante. J'insiste sur le fait que je ne propose pas ce dispositif afin de traiter des accords relatifs au travail du dimanche, mais bien, de façon globale, pour préciser la définition de l'accord majoritaire.

Monsieur Cherpion, la loi a aménagé un régime transitoire pour que les zones touristiques qui préexistaient puissent s'adapter. Elle garantit des contreparties aux salariés qui n'en disposaient pas, ce qui permettra aussi d'améliorer les conditions de la concurrence. Des négociations sont en cours. Je reste vigilante, mais j'estime qu'il est trop tôt pour dresser un bilan.

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Je note avec satisfaction que le projet de loi que vous allez déposer comportera une disposition portant ratification de l'ordonnance relative aux pouvoirs de l'inspection du travail. J'en déduis que l'ordonnance pourrait être publiée avant le 9 mars, date à laquelle votre texte doit être adopté par le Conseil des ministres. Cette ordonnance est importante.

La réforme de l'inspection du travail voulue par Michel Sapin marchait sur deux jambes : la restructuration de l'inspection, avec la création des unités de contrôle, et la définition de nouveaux pouvoirs. La première est d'essence réglementaire, la seconde de nature législative. Pour la discussion parlementaire, Michel Sapin avait choisi de réunir ces deux volets dans un seul article, l'article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. Cet article a été abandonné au cours de la navette parlementaire. Les pérégrinations qui s'en sont suivies resteront un élément un peu atypique de l'histoire parlementaire.

Je me réjouis que la ratification de l'ordonnance figure dans votre projet de loi. La seule question qui demeure est de savoir si le projet d'ordonnance dans son état actuel diffère, et sur quels points, du produit de la discussion parlementaire – c'est-à-dire de la proposition de loi que j'avais déposée reprenant l'article 20 tel que l'Assemblée l'avait amendé.

On pourrait presque tenir le même discours sur le conseil de prud'hommes que sur l'inspection du travail. La réforme comporte des aspects législatifs que nous avons commencé à discuter à travers la loi relative à la croissance et à l'activité, et des aspects réglementaires, en particulier la réforme de la procédure prud'homale. Dans la loi, le nom et les attributions du bureau de conciliation et d'orientation ont été modifiés pour insister sur son rôle d'orientation mais aussi de juge de la mise en état, en concurrence avec le bureau de jugement. Une part importante de la réforme relève toutefois du domaine réglementaire qui fixe les règles concernant la procédure civile, donc la procédure prud'homale.

J'en viens à une question qui préoccupe notre mission mais qui ne vous concerne pas directement, en espérant que vous pourrez en faire part à votre homologue de la Chancellerie. En déplacement à Nanterre, j'ai rencontré le président et le vice-président du conseil de prud'hommes, le président du tribunal de grande instance (TGI) – puisque les juges départiteurs sont désormais rattachés au président du TGI – ainsi que la première présidente de la cour d'appel de Versailles qui a engagé un travail très intéressant sur la mise en oeuvre de la réforme prud'homale. Elle insiste sur le fait que pour être efficace, la saisine formalisée doit pouvoir être sanctionnée. Ce point de vue que je partage n'est pas tout à fait celui de la Chancellerie.

Je sais que le projet de décret est actuellement examiné par le Conseil d'État mais j'insiste sur le caractère très sensible de cette question. Si on veut effectivement gagner du temps et donner toutes ses chances à la conciliation, il me paraît important de mettre l'accent sur la qualité de la saisine.

Lors des débats, je l'avoue, un point, qui vous concerne directement, nous avait un peu échappé. Actuellement, les bureaux de conciliation pratiquent la conciliation à dossiers fermés : on écoute les parties, sans regarder les documents, ce qui permet d'avancer rapidement. En renforçant la saisine, notre objectif était de donner davantage de chance à la conciliation. Chacun sait à quoi s'en tenir puisque la saisine est formalisée et que les conseillers ont accès aux premiers documents donnés par chacune des parties. Les membres du conseil supérieur de la prud'homie et les greffiers ont cependant attiré notre attention sur un point : l'absence de vacations pour les conseillers leur permettant de prendre connaissance des dossiers en amont de la tenue du bureau de conciliation. Si nous voulons améliorer la qualité de la conciliation, il faudrait que les conseillers puissent être indemnisés pour le temps consacré à examiner les dossiers. Les conséquences financières ne sont pas énormes. Les réformes, ce sont aussi des moyens. Dans l'hypothèse où la conciliation n'aboutit pas, la formalisation de la saisine et l'existence d'un premier échange de pièces constituent tout de même un progrès par rapport à la situation actuelle ; l'échange de pièces permet d'accélérer le calendrier de la procédure.

Ma deuxième question porte sur le plafonnement des indemnités, plus exactement les dommages-intérêts, à distinguer des indemnités de licenciement. Si votre intention est bien de reprendre la mesure de plafonnement, il me semble logique de la faire figurer dans votre projet de loi. Cependant, j'attire votre attention sur le fait que, lors de l'examen de la loi, nous avions été très circonspects, Richard Ferrand s'en est fait l'écho, sur le plafonnement lui-même, qui avait en outre été introduit, du point de vue de la procédure parlementaire, dans des circonstances un peu particulières.

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En outre, le dispositif prévoyait des différences assez fortes entre les indemnités selon que les salariés appartenaient à des très petites entreprises (TPE), à des entreprises de moins de 250 salariés ou de plus de 250 salariés. Le plafonnement des indemnités, vous le savez, est critiqué parce qu'il légitime ce que M. Pascal Lokiec, professeur de droit à Nanterre, appelle la violation efficace du droit. Ce n'est toutefois pas le lieu pour discuter d'un projet que nous ne connaissons pas encore dans le détail.

Je termine en me félicitant de vos propos sur la désignation future des conseillers prud'homaux. Le texte est sur le point d'être publié. Nous devons cependant rester très attentifs, car il paraît inconcevable de proroger une troisième fois le mandat des conseillers.

Cette question est indissociable de la formation, sujet sur lequel vous avez répondu à l'essentiel des questions avant que je ne les pose. On peut penser que, pour les conseillers qui auront exercé un mandat d'une durée deux fois plus longue que celle pour laquelle ils s'étaient engagés, le taux de renouvellement sera extrêmement fort. La formation sera donc très importante. Dans cette matière, on apprend à juger en jugeant. La formation initiale sera extrêmement précieuse. C'est l'un des apports essentiels, me semble-t-il, de la loi relative à la croissance et l'activité en matière de justice prud'homale.

J'ai apprécié vos réponses sur la formation, notamment le fait que sa responsabilité en est confiée à l'École nationale de la magistrature et qu'elle est prise en charge par l'État. Vous n'avez toutefois pas précisé quel ministère serait le payeur, peut-être parce que ce n'est pas arbitré à ce stade.

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Je confirme que nous souhaitons ardemment avoir l'assurance que les pérégrinations qu'a évoquées Denys Robillard n'auront pas trop dénaturé la volonté initiale de la proposition de loi sur l'inspection du travail.

D'une manière générale, il y avait un consensus pour considérer que les procédures prud'homales devaient être plus rapides, pour les salariés comme pour les employeurs. Denys Robiliard a fait toute une série de propositions. Nous craignons que, de fil en aiguille, au gré des différentes mesures, on n'aboutisse pas au raccourcissement significatif des délais que nous souhaitions. Pourtant, la sanction, la mise en état et l'organisation même de la procédure sont autant de mesures de nature à réduire les délais. La Chancellerie nous oppose un certain nombre d'arguments, mettant notamment en avant la difficulté à transformer une procédure orale en procédure écrite. Mais il faut savoir si on veut accélérer les choses ou pas.

Je conclus par une contribution plus personnelle, qui fera l'objet d'autres discussions. Je ne cesse de m'étonner que l'on préfère chercher à plafonner les dommages-intérêts versés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse plutôt que de travailler en amont sur la définition de ce qu'est une cause réelle et sérieuse. Mieux vaut tarir les sources que d'avoir à contenir les débordements.

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Je ne m'attarde pas sur l'inspection du travail puisque mon collègue Denys Robillard l'a longuement évoquée.

Quels sont les projets du Gouvernement concernant les voies d'accès à l'inspection et sa réorganisation dans le cadre de la réforme des services déconcentrés de l'État pour lui permettre de remplir sa mission de service public de manière plus efficace ?

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Le projet d'ordonnance reprend substantiellement les dispositions de la proposition de loi relative aux pouvoirs de l'inspection que vous aviez déposée en 2014, monsieur Robiliard. Je tiens néanmoins à vous préciser les modifications qui ont été apportées.

En matière d'accès aux documents, afin de prendre en considération les consultations et la jurisprudence récente de la Cour de cassation, le projet prévoit une extension des cas de transmission, ce qui permettra de faire face à la plupart des situations rencontrées par les agents de contrôle.

Pour tenir compte de l'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la voie de la sanction administrative est fermée en cas de poursuite pénale par le ministère public ou la victime.

Le projet est enrichi par l'introduction d'un arrêt de travaux concernant, en cas de danger grave et imminent, les jeunes occupés à des travaux réglementés ou interdits. Ce nouveau pouvoir de l'inspection du travail permet d'achever la réforme qui avait simplifié les démarches administratives lors de l'accueil d'un jeune mineur – le passage du régime de l'autorisation par l'inspecteur du travail à un régime de déclaration.

Enfin, comme le Gouvernement s'y était engagé en 2014, le projet révise le montant de la pénalité infligée pour les principales infractions en matière de sécurité au travail, resté inchangé depuis 1976.

Ces pouvoirs, conjugués à l'intervention d'une inspection du travail plus collective, sont essentiels à la préservation de notre modèle social. J'ai eu l'occasion de le rappeler à l'intention des syndicats du ministère du travail qui pointaient les difficultés à effectuer un reporting de leurs actions. Je suis attachée à l'indépendance de l'inspection du travail mais l'indépendance, ce n'est pas l'autonomie. Ce reporting est important. Il faut prendre le temps de ces évolutions ; je veille à ce que mon ministère soit aussi un ministère du dialogue social avec les différents corps qui le composent. Cela demande beaucoup d'échanges et de travail, notamment de la part de la direction générale du travail qui participe à ces négociations. Cette réforme n'est pas facile à conduire, je ne vais pas vous dire le contraire. Malgré les difficultés, il me paraît essentiel de rester ferme sur sa mise en oeuvre. Il faut parallèlement doter les agents des outils adéquats pour les aider à mener à bien toutes leurs missions.

Le projet d'ordonnance sur l'inspection du travail est aujourd'hui adressé au secrétariat général du Gouvernement avant d'être soumis, après l'avis de la Chancellerie, au comité national d'évaluation des normes puis au Conseil d'État. La ratification de cette ordonnance sera bien inscrite dans le projet de loi à venir.

Quant à vos propositions en matière de conciliation, en particulier celle concernant l'indemnisation des conseillers pour les vacations nécessaires à la connaissance des dossiers en amont, je suis particulièrement ouverte pour y travailler, avec mon collègue Jean-Jacques Urvoas. Cette mesure a un coût mais elle est aussi efficace.

La réforme de l'inspection du travail sera pleinement poursuivie au travers de l'ordonnance. Elle sera renforcée par le projet de loi que je m'apprête à déposer, et qui prolongera également le plan de transformation des emplois de contrôleurs en emplois d'inspecteurs du travail.

Les délais, trop longs, sont insatisfaisants à la fois pour les salariés et les employeurs. Ce n'est pas acceptable pour nos concitoyens qui sont parfois confrontés à une forme de déni de justice à l'heure où le besoin de sécurité est très fort. Réduire les délais est une priorité absolue. La réforme introduit plusieurs évolutions en ce sens : la réorganisation de la procédure, vous l'avez dit, avec la création du bureau de conciliation et d'orientation pour aiguiller au mieux les dossiers ; la création d'une procédure simplifiée pour certains dossiers, et la professionnalisation des conseillers. Nous le savons, cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Il s'agit d'une réforme en profondeur dont le premier acte, qui relève de ma responsabilité, consiste à prendre les décrets. Nous accélérons actuellement la rédaction des textes nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme. J'entends vos observations et je partage votre insatisfaction sur ce point.

Enfin, vous avez fait des remarques sur la loi que je suis en train de finaliser. Il me semble prématuré d'y répondre. Nos échanges seront plus sereins s'ils s'appuient sur un texte plutôt que sur des spéculations.

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Je vous remercie pour votre disponibilité ainsi que pour la qualité des réponses que vous nous avez apportées. Elles nous ont éclairés sur les évolutions à venir permettant de parfaire la mise en oeuvre du titre III de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Membres présents ou excusés

Mission d'information commune sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Réunion du mardi 16 février 2016 à 16 heures 15

Présents. - M. Gérard Cherpion, M. Richard Ferrand, M. Gilles Lurton, M. Denys Robiliard, M. Stéphane Travert

Excusée. - Mme Véronique Louwagie

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Aylagas, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Michel Issindou, Mme Annie Le Houerou, M. Robert Olive