La commission a examiné le rapport d'information de MM. Yves Blein et Daniel Fasquelle sur l'application de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.
Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner le rapport sur l'application de la loi n° 2014-856 relative à l'économie sociale et solidaire, dont les rapporteurs sont MM. Yves Blein et Daniel Fasquelle. Je rappelle que cette loi a été définitivement adoptée le 21 juillet 2014 et que le travail parlementaire a impliqué de nombreuses commissions, puisqu'outre la commission des affaires économiques saisie au fond, cinq commissions étaient saisies pour avis.
Ce fort intérêt du Parlement pour ce texte s'explique en grande partie par son caractère fondateur : pour la première fois, en effet, étaient affirmés et défendus dans un texte législatif les principes et les spécificités de ce mode innovant d'entreprendre. Les valeurs qui animent les acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) étaient ainsi reconnues : gouvernance démocratique et participative, lucrativité limitée et objectif d'utilité sociale. Ce texte était d'ailleurs très attendu sur nos territoires.
Dans le prolongement de ce travail, la commission des affaires économiques a confié le 14 octobre 2015 à M. Yves Blein, en sa qualité de rapporteur de la loi, et à M. Daniel Fasquelle, en tant que membre d'un groupe d'opposition, une mission de contrôle de l'application de la loi en application de l'article 145-7 du Règlement de notre assemblée.
L'objectif de cette mission n'était pas de dresser un bilan de la loi ESS : un tel exercice eût été prématuré dix-huit mois à peine après la promulgation de la loi, d'autant que de nombreuses dispositions ne sont rentrées en vigueur que le 1er janvier dernier. Il fallait néanmoins s'assurer que les dispositions réglementaires avaient été prises et qu'elles l'avaient été en respectant l'intention du législateur. Pour ce travail, les rapporteurs ont conduit de nombreuses auditions afin d'entendre l'ensemble des acteurs de l'ESS.
Je salue la présence de M. Benoît Hamon, qui avait porté ce texte en tant que ministre, et des autres collègues qui se sont impliqués sur ce texte sans pour autant être membres de la commission.
Comme cela a été dit, la loi relative à l'économie sociale et solidaire constitue à bien des égards une loi de fondation. En effet, il n'existait pas antérieurement de loi qui définisse précisément le concept que constitue l'ESS ainsi que son périmètre.
De l'ensemble des auditions que nous avons conduites, il ressort que cette loi de fondation a incontestablement permis de mieux faire connaître ce mode d'activité économique auprès des Français. L'idée même d'ESS est mieux connue des Français, même si le concept reste encore un peu brouillé si l'on en juge par les débats qui entourent l'essor de l'économie collaborative, parfois confondue avec l'ESS.
Cette loi suscite également un réel intérêt à l'étranger, de nombreux pays considérant ce texte comme précurseur et comme un modèle à suivre.
De nombreuses mesures réglementaires étaient nécessaires à la suite de l'adoption de la loi, la quasi-totalité a été publiée, parfois avec un peu de retard. Cela peut s'expliquer par la volonté de mener la concertation la plus large possible avec le secteur. La loi avait fait l'objet d'une intense concertation avec les acteurs concernés. Aux dires des personnes auditionnées par vos rapporteurs, cette concertation s'est poursuivie pour l'élaboration des mesures réglementaires, ce dont on ne peut que se féliciter. Par ailleurs, le portefeuille ministériel de l'ESS a régulièrement changé de titulaire ce qui a pu ralentir le processus d'élaboration des textes.
Aujourd'hui, la quasi-totalité des mesures réglementaires a été prise. Seules restent en suspens des dispositions qui ont été modifiées par des lois postérieures. C'est en particulier le cas des dispositions concernant la transmission d'entreprise et le droit d'information préalable des salariés dont le dispositif a été retouché par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Nous n'avons donc pas traité cette question.
Deux habilitations à légiférer par ordonnances étaient par ailleurs prévues par la loi. La première, concernant la simplification des démarches administratives des associations et fondations et l'ordonnance a été publiée le 23 juillet 2015. La seconde devait permettre d'appliquer les dispositions de la loi outre-mer. Mais l'ordonnance n'a pas été publiée, celle-ci ayant été jugé finalement superflue.
Il était enfin prévu que le Gouvernement remette cinq rapports au Parlement. À ce jour, même si les travaux ont avancé sur la plupart d'entre eux, en particulier celui portant sur les coopératives maritimes, aucun n'a encore été transmis au Parlement ce qui est à la fois peu surprenant et néanmoins regrettable.
Après cette introduction, je souhaiterais développer trois points, qui constituent la première partie du rapport, à savoir la nouvelle gouvernance de l'ESS, la mise en place de nouveaux outils et le financement de l'ESS.
Loi de fondation donc, comme indiqué précédemment, la loi ESS portait une innovation importante s'agissant du périmètre de l'ESS : elle reconnaissait en effet, au-delà des acteurs historiques de l'économie sociale que nous connaissons tous, à savoir les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, le rôle de certaines entreprises commerciales faisant le choix de s'appliquer à elles-mêmes les principes de l'ESS. Il s'agit d'une innovation fondamentale pour laquelle un fort travail de pédagogie et de conviction a été nécessaire mais qui constituera très certainement dans le futur un des moteurs du développement du secteur.
Outre cette redéfinition du périmètre, la loi a adopté un certain nombre de dispositions afin d'accompagner le développement de l'ESS. Tout d'abord, l'administration de l'ESS ne dépend plus à présent que du seul ministère de l'économie et des finances ; une déléguée à l'économie sociale et solidaire auprès du directeur général du Trésor a d'ailleurs été récemment nommée.
Outre cette réorganisation des structures de l'État, la loi a considérablement réorganisé la gouvernance du secteur.
Le nouveau Conseil supérieur de l'ESS, consacré par la loi et désormais installé, s'est ainsi vu confier un certain nombre de missions nouvelles. Le Conseil sera notamment consulté sur chaque projet de disposition législative et réglementaire traitant directement de l'ESS. Mais pour une optimisation de son action, le Conseil devra également rester vigilant quant aux mesures susceptibles d'impacter indirectement le secteur. On peut ici penser par exemple à l'impact du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
Une chambre française de l'économie sociale et solidaire, rebaptisée ESS France, a également été instaurée afin de fédérer les organisations statutaires nationales du secteur ainsi que les entrepreneurs sociaux. Nous pensons néanmoins que les pouvoirs de cette instance doivent être renforcés. ESS France devrait, par exemple, pouvoir désigner les représentants de l'ESS au sein du Conseil économique, social et environnemental ou encore être chargé de la représentation du secteur à l'international.
La loi ESS a par ailleurs fait le choix d'accorder la priorité à l'échelon régional. Elle s'appuie pour cela sur les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS). Ce choix de privilégier un niveau local se manifeste également par l'organisation de conférences régionales de l'ESS autour du préfet et du président de région. Néanmoins, l'évolution des stratégies régionales définies dans des ensembles élargis par la récente réforme territoriale devra être surveillée.
Concernant les nouveaux outils prévus par la loi, l'étude de leur mise en application fait ressortir des améliorations significatives. Ce mouvement ainsi entamé devra néanmoins être amplifié afin de permettre d'impulser durablement le développement de l'ESS.
Des schémas de promotion des achats publics socialement, mais également depuis l'adoption de la loi sur la transition énergétique, écologiquement responsables doivent être adoptés par certaines collectivités publiques. Le Gouvernement a décidé de fixer par décret le seuil annuel au-delà duquel l'adoption de tels schémas est obligatoire à 100 millions d'euros hors taxes, ce qui fait rentrer à peu près 160 collectivités dans le dispositif. Certains acteurs demandent un abaissement de ce seuil afin d'imposer un élargissement de cette obligation. Nous considérons qu'il s'agit là d'une première étape qui doit permettre aux collectivités territoriales de se familiariser avec ce nouvel outil ; le seuil pourra être abaissé dans le futur quand les collectivités y seront prêtes.
Issus de la pratique, les pôles territoriaux de coopération économique constituent des regroupements spontanés de plusieurs structures se situant sur un même territoire. Le législateur a souhaité qu'au terme d'appels à projets soient sélectionnés les pôles qui bénéficieront du soutien de l'État. Les modalités de ces appels à projets pourront éventuellement évoluer en fonction des observations des acteurs de terrain, le dispositif n'étant aujourd'hui pas à la hauteur des ambitions initiales.
Autre outil existant antérieurement à la loi ESS, le dispositif local d'accompagnement a été étendu à l'ensemble des acteurs du secteur. Afin de ne pas pénaliser les associations qui en sont les bénéficiaires historiques, les moyens alloués au financement du dispositif local d'accompagnement devront être maintenus, voir augmentés afin de maintenir un niveau stable d'accompagnement des structures de l'ESS.
L'information des professionnels comme des particuliers reste une question primordiale pour le développement de l'ESS. Ainsi, une liste des opérateurs devra être publiée et mise à jour par chaque CRESS. Le contenu de ces listes a été récemment précisé et permettra de faciliter la mise en relation entre les acteurs du secteur mais également de faire connaître les entreprises satisfaisant aux exigences de l'ESS auprès du grand public.
Il ne fait point de doute qu'une meilleure compréhension de l'activité et de l'environnement économique des entreprises de l'ESS permettrait d'ajuster le cadre normatif aux besoins de ces dernières et de renforcer l'efficacité de l'action publique. Pour parvenir à cet objectif, la loi prévoit la mise en place d'un suivi statistique réalisé notamment par l'INSEE, les services statistiques ministériels, la Banque de France ainsi que la Banque publique d'investissement. Néanmoins il semble qu'aujourd'hui ce suivi statistique ne soit pas efficient. Nous insistons donc sur le fait que des efforts doivent être menés en ce domaine.
L'un des enjeux essentiels pour les acteurs de l'ESS est d'avoir accès à des financements particuliers qui reconnaissent et s'adaptent à leurs spécificités. De nombreux fonds dédiés ont ainsi été mis en place pour soutenir le développement du secteur. Parallèlement, la finance solidaire a connu ces dernières années un développement considérable puisque l'épargne ainsi rassemblée atteint aujourd'hui près de 7 milliards d'euros. Les modalités d'accès à cette épargne solidaire sont donc essentielles et c'est la raison pour laquelle le législateur a souhaité moderniser l'agrément « entreprise solidaire ».
Ce nouvel agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » (ESUS), qui se veut plus précis que l'ancien agrément « entreprise solidaire », doit donc permettre d'identifier les entreprises à forte utilité sociale afin de de flécher vers ces structures certains dispositifs de soutien et de financement. Les conditions d'octroi de l'agrément ont également été simplifiées. Cependant, certaines difficultés apparaissent d'ores et déjà : absence d'instructions à divers institutionnels sur l'octroi de l'agrément et exclusion de fait de certaines structures, notamment certaines formes de coopératives. Cet outil, utile pour le développement de l'ESS, doit être renforcé. Dans cette optique, il pourrait être envisagé de permettre aux entreprises bénéficiant de l'agrément d'avoir recours aux volontaires du service civique.
Les financements dont peuvent bénéficier les titulaires de l'agrément ESUS ont été multipliés par la loi ESS. De nombreux fonds ont ainsi été débloqués. Néanmoins cette augmentation des possibilités de financement devrait se coupler avec un accompagnement suffisant des petites structures. Ces dernières ont, en effet, un besoin impérieux d'accéder à ces financements mais ne disposent pas des compétences financières et juridiques requises pour monter les dossiers. Simplifier les procédures, rassembler les guichets et accompagner les acteurs du secteur, telles doivent désormais être les priorités des pouvoirs publics.
Outre cette réforme globale du secteur de l'ESS, la loi ESS du 31 juillet 2014 a également procédé à la modernisation du droit des différentes familles historiques de l'ESS qui ont toutes vu leur encadrement législatif évoluer, certaines de façon substantielle, comme les coopératives, d'autres de façon plus limitée, comme les mutuelles.
La loi ESS a d'abord procédé à une modernisation générale du régime juridique des coopératives, en particulier concernant sa gouvernance. Un Conseil supérieur de la coopération a ainsi été mis en place à la suite de la publication du décret précisant sa composition et son fonctionnement.
En outre, le principe d'exclusivisme, qui impose aux coopératives de ne faire bénéficier de leurs activités que les sociétaires, a été assoupli. Ce principe faisait déjà l'objet de nombreuses dérogations. Désormais, les coopératives peuvent prévoir dans leurs statuts l'admission de tiers non sociétaires pouvant bénéficier de leurs activités dans la limite de 20 % de leur chiffre d'affaires.
Autre mesure touchant l'ensemble des familles coopératives prévu par la loi ESS, l'instauration d'un fonds de développement coopératif financé par celles-ci. Pour l'instant, aucun fonds de ce type n'a cependant été créé mais l'outil existe désormais et le secteur doit s'en saisir.
La loi ESS a par ailleurs procédé à une modernisation de la révision coopérative. Celle-ci a en effet été étendue à l'ensemble des familles coopératives au-delà de certains seuils. Un cahier des charges doit également être élaboré pour chaque secteur coopératif par le Conseil supérieur de la coopération afin d'encadrer le processus de révision. Néanmoins, en raison notamment de l'installation tardive du Conseil, les cahiers des charges ne sont toujours pas adoptés. Il semble cependant que le retard soit en train d'être rattrapé et que les révisions nécessaires puissent être menées dans les temps.
Outre ces mesures générales afférentes à l'ensemble du monde coopératif, la loi ESS s'est plus particulièrement concentrée sur la modernisation des sociétés coopératives et participatives (SCOP) d'amorçage et des coopératives d'activité et d'emploi.
Le dispositif des SCOP d'amorçage permet de faciliter les transmissions de PME rentables aux salariés de ces dernières. Le dispositif prévoyant un délai de sept ans pour devenir majoritaire en capital tout en étant, dès la transmission de l'entreprise, majoritaire en droits de vote a été précisé par voie réglementaire. Une première SCOP d'amorçage, DELTA MECA a d'ailleurs été créée au deuxième trimestre 2015.
Les coopératives d'activité et d'emploi proposent, quant à elles, à des porteurs de projet d'activités économiques de mettre en oeuvre leur projet avec l'aide et l'assistance de la coopérative qui assure, en outre, les responsabilités juridiques et les relations aux tiers. Le renforcement de leur régime prévu par la loi a été précisé par les divers décrets publiés.
De toutes les familles de l'ESS, le secteur mutualiste a probablement été le secteur le moins touché par la loi du 31 juillet 2014. Des mesures ponctuelles y figurent néanmoins, comme les certificats mutualistes et paritaires qui étaient attendues par les mutuelles pour renforcer leurs fonds propres et ainsi faire face aux exigences de directive « Solvabilité 2 ».
Le secteur associatif a été substantiellement réformé par la loi ESS. La définition juridique de la subvention a ainsi été sécurisée afin d'endiguer le réflexe des collectivités locales de recourir systématiquement à la commande publique. Et cette consécration de la subvention a été complétée par la circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2015 relative aux nouvelles relations entre les pouvoirs publics et les associations.
La loi prévoyait également la capacité pour le gouvernement de légiférer par ordonnance pour engager un travail de simplification des démarches administratives des associations. Un certain nombre de simplifications ont d'ores et déjà été opérées, comme par exemple le dossier unique de demande de subvention, le rapprochement des greffes des préfectures avec les services destinés à l'accompagnement des associations ou la simplification des agréments, en particulier pour les associations sportives.
Le décret relatif au Haut-Conseil à la vie associative a bien été pris, il reste à assurer le renouvellement de ses membres.
Une modernisation du droit des fondations a enfin été entreprise par la loi ESS. Prenant acte du rapide développement du secteur philanthropique, la loi ESS a permis la reconnaissance des fondations comme une famille à part entière de ce secteur d'activité. Des modifications du fonctionnement de ces structures ont ainsi été adoptées, en particulier s'agissant des opérations de restructuration entre associations et fondations.
J'ai un témoignage et une réaction du terrain. Lors de l'élaboration de cette loi, le constat avait été fait d'un manque d'éducation des jeunes, sur le terrain, à l'ESS alors qu'ils adhèrent à ce principe. Les porteurs de projets ont l'idée de créer une association mais moins de créer une coopérative où chaque travailleur est co-entrepreneur responsable de l'entreprise.
Il faut saluer l'initiative, importée du Québec je crois, des coopératives jeunesse de services, qui ont donné lieu à 21 initiatives en 2015 dans 6 régions en rassemblant 300 jeunes. J'ai eu pour ma part l'occasion d'assister à un bilan de l'un de ces groupes qui était extrêmement intéressant. Je reprends à la volée deux ou trois idées des jeunes : « cette expérience nous fait passer par toutes les émotions. Trois mois pour créer une entreprise je ne pensais pas que ce serait possible. Au début je me disais " jamais moi " mais au final je n'avais plus de blocage pour faire les choses et me porter volontaire ». On voit que ces initiatives collectives sont à mettre en oeuvre et à développer.
Du côté des responsables de l'ESS, trois ans après cette loi, on considère que le verre est à moitié vide ou à moitié plein. Un certain nombre de rapports sont encore attendus, des choses ont légèrement reculé par rapport à ce qui était prévu et demeure le regret relatif au CICE qui est limité pour ces entreprises.
D'une façon logique votre rapport ne traite pas des articles sur la cession d'entreprise puisqu'ils ont été réécrits l'été dernier dans la loi dite « Macron » et le seront peut-être à nouveau. Comme j'ai déjà pu le dire, cela montre l'impréparation et la mauvaise qualité de ces dispositions initiales.
Sur d'autres sujets votre rapport montre bien que les inquiétudes et les doutes que l'opposition avait émis se sont révélés exacts. Sur l'agrément ESUS, vous confirmez les difficultés puisque la définition de l'utilité sociale exclut de fait certaines structures de cet agrément, comme les SCOP.
Nous avions également été surpris par le nombre d'instances que cette loi mettait en place. Sont ainsi prévues des conférences régionales de l'économie sociale et solidaire, sous l'égide du préfet, mais aussi une stratégie régionale de l'économie sociale et solidaire, sous l'égide du conseil régional ; or la loi NOTRe a prévu un schéma régional de développement économique (SRDE) avec un volet spécifique sur l'ESS. À l'époque, mes amendements de suppression du premier schéma, devenu inutile, avaient été rejetés. Un flou subsiste donc sur cette situation redondante. Vous levez ce flou en expliquant que la stratégie régionale de l'économie sociale et solidaire et le volet économie sociale et solidaire du schéma régional sont un seul et même exercice. J'espère que le Gouvernement saura partager et faire passer ce message pour faciliter l'application de ces dispositions dans les collectivités territoriales.
Merci à nos deux rapporteurs pour ce travail de suivi qui montre que les députés ne se contentent pas de voter la loi mais contrôlent aussi son application. Je voulais aussi profiter de cette audition pour rappeler tout notre attachement à l'ESS et notamment à ces organisations et entreprises qui constituent une formidable opportunité d'innovation, de création d'emplois et de renforcement du lien social sur nos territoires.
Ma première question porte sur le décret n° 2015-1732 du 22 décembre 2015 relatif à l'obligation de mise à jour et de publication par les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire de la liste des entreprises régies par l'article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.
Lors l'examen en première lecture du projet de loi, j'avais fait adopter un amendement qui était similaire à un amendement présenté par Mme Audrey Linkenheld et qui visait à ce que la liste des chambres régionales de l'économie sociale et solidaire distingue bien les deux catégories d'entreprises et d'organismes de l'ESS citées aux premier et deuxième alinéas du II de l'article 1er de cette même loi.
En séance publique, monsieur le rapporteur, vous aviez fait adopter un amendement rédactionnel qui remplaçait les mots « conformément aux premier et deuxième alinéas du II de l'article 1er » par les mots : « au sens des premier et deuxième alinéas du II de l'article 1er », ce qui semblait ne pas avoir, à l'époque, d'incidence sur le fond. Pourtant, j'ai été sollicitée par des organisations qui ne comprennent pas pourquoi le décret du 22 décembre 2015 précité ne reprend pas le sens de notre amendement en n'imposant aux chambres régionales de l'économie sociale et solidaire que la publication d'une liste unique. On aurait en effet pu imaginer que cette liste soit subdivisée en deux parties ou rubriques distinctes, comme nous l'avions souhaité. Il semble que cette précision était importante pour la lisibilité de cette liste et pour une meilleure compréhension des différents acteurs de l'ESS. Pouvez-vous nous en dire plus sur les raisons pour lesquelles ce décret ne reprend pas l'esprit de notre amendement ?
Je souhaiterais vous remercier pour ce rapport d'information qui fait le constat de ce qui s'est mis en place et ce qui reste à améliorer. Plusieurs éléments m'ont interpellée. Tout d'abord, les pôles territoriaux de coopération économique restent des dispositifs qui pourraient ne jamais se mettre en oeuvre sur le terrain, faute de budget et, peut-être aussi, de volonté politique. Ensuite, la finance solidaire a connu un développement important mais est insuffisamment connue des entreprises sociales et solidaires qui utilisent trop peu ce financement. Les entreprises bénéficiant de l'agrément ESUS ont du mal à être reconnues ; il serait normal, comme vous le dites dans le rapport, que le service civique leur soit ouvert. Il serait intéressant de voir quels sont les profils d'activité des entreprises qui s'y engagent. Enfin, je regrette qu'il n'y ait rien dans le rapport sur les monnaies locales. J'aurais aimé un point sur les dynamiques qu'elles ont créées et la situation actuelle.
J'ai deux observations sur la mise en oeuvre concrète concernant les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire. L'article 6 de la loi leur confie un nouveau rôle et reconnaît leur utilité publique, ce qui est à même d'engendrer des économies d'échelle et de faciliter leur financement. Toutefois, nous sommes toujours en attente d'une circulaire de la direction générale des finances publiques (DGFIP) leur permettant de recevoir des reçus fiscaux. Un deuxième obstacle consiste en la difficulté d'accéder au fichier SIRENE de l'INSEE, qui reste payant, sans droit de diffusion. Ce problème pourrait – semble-t-il – pouvoir se régler dans le cadre du projet de loi pour une République numérique.
J'ai également une question portant sur la fusion des régions : avez-vous constaté des difficultés liées à cette fusion, notamment en termes de financement et de réticences de la part de certains conseils régionaux d'apporter les mêmes aides que les conseils régionaux précédents qui avaient des exécutifs de sensibilité politique différente ?
J'ai une question sur la notion d'inclusion dans l'ESS. Peut-on faire un premier bilan pour savoir si les entreprises de statut classique s'inscrivent aujourd'hui dans cette démarche d'inclusion ? Est-ce qu'il y a des actions de promotion pour sensibiliser les entreprises qui pourraient être intéressées par cette démarche ? Quelles sont les mesures de vulgarisation et de promotion des différentes actions novatrices de l'ESS – telles que les pôles de coopération territoriaux qui sont en capacité de porter des projets communs de développement, les SCOP d'amorçage qui peuvent répondre aux problématiques de transmission et de reprise d'entreprises, les coopératives d'activité et d'emploi pour l'accompagnement des promoteurs d'entreprises – qui pourraient être mises en place selon vous ? Les conférences régionales de l'économie sociale et solidaire suffisent-elles ? Je souhaiterais également l'accélération de la révision coopérative, instrument fondamental, notamment pour les coopératives agricoles pour donner les moyens aux sociétaires et aux associés de mieux contrôler les éléments à leur disposition.
L'ESS s'implante différemment selon les régions. Je souhaiterais insister sur le côté économique de l'ESS, et notamment sur les entreprises. Comment sortir de l'idéologie et démontrer que l'ESS peut porter des entreprises concurrentielles et faisant du profit ? Le marché est par ailleurs de plus en plus global et européen : qu'en sera-t-il demain de la coopérative européenne ?
Il existe de nombreux fonds consacrés à l'ESS qu'il faudrait mieux faire connaître, au-delà de l'agrément ESUS. Ces sources de financement sont diffuses et complexes à appréhender pour les petites structures. Quel type d'accompagnement serait-envisageable pour les petites entreprises ? Où en est-on du dossier unique pour les associations ? Cela répond à une très grande attente sur le terrain où les acteurs pointent la complexité des démarches administratives.
Ce rapport sur l'application intervient 18 mois après l'entrée en vigueur de la loi. Une évaluation qualitative étant prévue, par le Règlement de l'Assemblée nationale, 3 ans après l'entrée en vigueur de la loi, les rapporteurs seront amenés à retravailler sur ce sujet ! L'étude d'impact prévoyait la création de nombreux emplois, entre 100 000 et 200 000 emplois dans les trois premières années : est-ce qu'aujourd'hui on a des outils pour mesurer ce que pourrait être l'apport en termes de création d'emplois de l'ESS ?
Le volet associatif a été considérablement renforcé par le travail parlementaire. Concernant la question de la simplification, sur laquelle a été publié un rapport de M. Yves Blein, le recours à une ordonnance avait été choisi pour une mise en place rapide des décisions. Le dossier unique de subvention pour les associations, très attendu par les associations et les bénévoles, pourra-t-il enfin aboutir en 2016 ? Sur la sécurisation juridique des associations, et notamment la définition juridique de la subvention, il y a des changements très importants dans la loi qu'il faut faire comprendre aux collectivités territoriales qui ont des habitudes difficiles à changer. Est-ce qu'il y a aujourd'hui une information ou une action des pouvoirs publics pour faire connaître cette sécurisation juridique ?
Quant à l'engagement associatif, nous avions été précurseurs sur le volontariat associatif bien avant les événements de l'année 2015 ; c'est une mesure qu'il faut aujourd'hui populariser et développer. Vous avez d'ailleurs oublié dans votre présentation l'engagement du Gouvernement de rendre un rapport sur le congé d'engagement bénévole, rapport qui existe pourtant et n'a pas été communiqué. J'aimerais vraiment que les rapporteurs puissent se rapprocher du ministère concerné pour que l'on dispose enfin de ce rapport.
J'ai trois remarques complémentaires. Tout d'abord, le point soulevé par Mme Marie-Hélène Fabre sur l'accès au financement pour les petites structures et associations est important. Ensuite, concernant les soutiens aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), la question du suivi des appels à projets est mentionnée dans le rapport mais je voudrais insister dessus. Même s'il est écrit l'inverse dans la loi, on se rend compte que le soutien des pouvoirs publics est aujourd'hui essentiellement concentré sur les PTCE lauréats des appels à projets. Or, il est important que le soutien puisse également se faire en dehors du cadre des appels à projets.
Enfin, la transversalité des politiques publiques est un enjeu essentiel. En ce moment même, est présenté un rapport d'information en commission des affaires sociales sur l'application de la réforme de la formation professionnelle. Il serait intéressant de croiser les travaux sur l'application des deux lois car, pour un certain nombre de structures relevant de l'ESS, il y a des difficultés sur le terrain en matière de soutien à la formation des personnes les plus éloignées de l'emploi.
Interrogée en 2014, Mme Carole Delga, alors secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, prédisait 600 000 recrutements dans le secteur de l'ESS d'ici 2020. Partagez-vous cet optimisme ? Aucun fonds territorial de développement associatif n'a aujourd'hui été créé. Vous recommandez de mieux communiquer autour de cet outil, mais ne faudrait-il pas également préciser la nature que peuvent prendre ces fonds et d'y prévoir une implication des pouvoirs publics afin de permettre aux associations de s'approprier ce dispositif ?
Le rapport souligne l'intérêt à l'étranger pour cette loi perçue comme un « modèle à suivre ». Savez-vous si d'autres États ont engagé une procédure pour l'adoption d'une telle loi ? La nomination d'une déléguée à l'économie sociale et solidaire auprès du directeur général du Trésor préfigurait la mise en place d'une administration : où en est-on ?
Ma seconde question porte sur l'agrément ESUS : le rapport souligne que ce dispositif n'est pas suffisamment connu des acteurs de l'ESS. Même si les décrets ont été publiés tardivement, les acteurs ont-ils vu leurs démarches facilitées pour l'accès au financement ? Comment mieux faire connaître cet agrément ?
Je vais me contenter de deux points de vigilance sur l'application de la loi. Sur la question du financement, je m'inscris dans la continuité des propos de mes collègues Marie-Hélène Fabre et Fanélie Carrey-Conte. Si, incontestablement, les acteurs publics comme la Caisse des dépôts et consignations ou BPIfrance ont, en lien avec les acteurs de l'ESS, créé des outils de financement qui ont vocation à aider les entreprises de l'ESS à changer d'échelle, je pense qu'il est aujourd'hui important de se concentrer sur les instruments qui permettent la création de ces entreprises. Cela passe par des petits tickets de financement : or, un des principaux points d'inquiétude des acteurs de l'ESS est que l'écosystème qui s'est construit – financement solidaire, banque publique, outils de la Caisse des dépôts et consignations – ne parvient pas toujours à répondre de manière satisfaisante au financement des petits projets de l'ESS.
En second lieu, je suis assez inquiet sur la mise en oeuvre des schémas régionaux de développement économique, qui doivent, d'après la loi NOTRe, intégrer une stratégie de l'économie sociale et solidaire. Dans la région Île-de-France, l'adoption de ce schéma a été reportée en 2017 et la conférence régionale de l'ESS a été annulée, au détriment du développement de l'ESS et de son nécessaire changement d'échelle. Le législateur doit prêter attention à ce que ces nouvelles compétences soient effectivement mises en oeuvre dans les régions.
La question du financement est un sujet essentiel pour l'ESS. L'inventaire des financements, que l'on a mené avec M. Daniel Fasquelle, intègre notamment le programme d'investissements d'avenir (100 millions d'euros), le fonds d'investissement dans l'innovation sociale (40 millions d'euros), le nouveau fonds de la Caisse des dépôts pour abonder en fonds propres les entreprises de l'ESS (100 millions d'euros), etc. Au total, 6,8 milliards d'euros sont destinés à financer l'ESS. Mais on rencontre encore sur le terrain des acteurs qui ont du mal à trouver des financements : comment les accompagner ? On a consacré dans la loi les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), mais leur efficacité est limitée par l'importance des demandes de soutien, notamment en provenance des entreprises de l'ESS de nouvelle génération – issues de l'élargissement du champ de l'ESS prévu par la loi. Cela se fait au détriment des opérateurs traditionnels de l'ESS, pourtant en nombre plus important.
Il faut donc s'interroger sur l'adéquation des moyens et sur l'ampleur des dispositifs, que nous avons mis en place ou qui sont à mettre en place. Rappelons que les entreprises classiques bénéficient du soutien des chambres de métier et des chambres de commerce et d'industrie, et ont donc tout l'accompagnement nécessaire au développement de leurs projets. Les seules entreprises de l'ESS qui parviennent à un tel degré d'accompagnement sont celles qui bénéficient des DLA, mais ces derniers ne sont pas calibrés pour suivre des centaines de projets par an.
Sur l'aspect économique, M. Hervé Pellois posait la question du CICE. Le Président de la République a annoncé que le CICE basculerait en allégements de charges en 2017 : cette mesure est très attendue par les acteurs de l'ESS qui ne bénéficient pas du CICE, c'est-à-dire les organismes qui ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. Ils attendent avec beaucoup d'impatience cette évolution.
Sur la question de l'emploi, il faut rappeler que le chiffre mentionné par Mme Carole Delga, soit 600 000 emplois, porte sur l'ensemble des emplois qui seront pourvus dans l'ESS au regard de la pyramide des âges, notamment du fait du départ à la retraite de la première génération des emplois de l'ESS entrée dans la vie active dans les années 1960 et 1970. Il ne s'agit pas d'une création d'emplois nets. Comment l'ESS, d'ailleurs, pourra-t-elle anticiper convenablement ce renouvellement ? C'est une vraie question d'adaptation aux nouveaux besoins en matière de compétences.
S'agissant de l'agrément ESUS, il est délicat de savoir combien d'entreprises l'ont sollicité à ce stade. On peut toutefois constater une difficulté : la formation des greffes des tribunaux de commerce. Pour des entreprises de nouvelle génération, sous forme de SASU ou de SARL par exemple, je vous rappelle que si elles souhaitent revendiquer l'agrément ESUS, elles doivent d'abord être reconnues d'utilité sociale, par l'intermédiaire des greffes. Ensuite seulement, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) sont en mesure de recevoir leur candidature à l'agrément. Cette double étape est délicate pour ces nouvelles entreprises, en raison du manque de formation des greffiers et des employés des DIRECCTE.
Sur la question soulevée par Mme Jeanine Dubié concernant la liste des entreprises de l'ESS tenue par les CRESS, on peut souligner qu'il existe déjà deux sources de recensement des entreprises de l'ESS : l'une rassemble les entreprises qui ont besoin d'être enregistrées par les tribunaux du commerce et l'autre recense les familles statutaires de l'ESS, qui n'ont pas besoin de procéder à un tel enregistrement. En comparant ces deux sources, il est possible de répondre à votre préoccupation, à savoir quelles entreprises relèvent de l'entreprenariat social et lesquelles relèvent des familles statutaires.
Sur les PTCE, mon sentiment est que ce dispositif a été mal intégré par les acteurs de terrain à ce jour. Ces acteurs n'ont pas la cohérence suffisante pour agréger l'ensemble des initiatives (privées, publiques, relevant de l'ESS ou non) et monter des projets communs d'innovation sociale. Les appels d'offre ont exigé que ces « mariages » rassemblent bien toutes les catégories d'acteurs ; ce n'est pas vraiment dans une telle logique d'obligation que les acteurs voulant porter un projet commun souhaitent s'inscrire.
Dans la loi, et malgré les évolutions de la loi NOTRe, ont été maintenues les conférences territoriales de l'ESS. C'est une garantie que l'ESS soit bien intégrée comme un des facteurs de développement économique des régions. Mais il est difficile, si peu de temps après le renouvellement de ces régions, de vérifier que cet objectif est rempli.
De la même façon, s'agissant de la question de M. André Chassaigne concernant le financement de la fusion des chambres régionales de l'ESS, je n'ai, à ce stade, pas d'informations précises.
Sur le plan de l'organisation sociale, la nouvelle déléguée à l'ESS, précédemment en poste au Conseil national de l'industrie, a été nommée très récemment, il y a moins de deux mois. Elle sera entourée d'une équipe de six personnes, actuellement en cours de recrutement.
Concernant l'impact de la définition du nouveau périmètre de l'ESS, il devra encore être mesuré à l'aune d'un futur inventaire des entreprises de l'ESS. Cependant, j'ai eu le plaisir d'intervenir à l'Agora des SCIC (sociétés coopératives d'intérêt collectif), réunion qui s'est tenue pour la première fois, à l'Assemblée nationale. Il est apparu que la nouvelle structure et les capacités capitalistiques augmentées des SCIC offraient de réelles potentialités pour ces organismes. Les SCIC sont des modèles très prometteurs de ce qui peut se mettre en oeuvre, notamment en matière de transition énergétique.
Il est à noter qu'un nouveau dispositif de financement devrait voir le jour : les impact social bonds. Un appel à projets est en cours, pour offrir des capitaux propres à des initiatives sociales innovantes.
Enfin, pour répondre à M. Régis Juanico sur la question de la simplification de la vie des associations, je vais vous faire part d'une anecdote. Je suis en charge d'une association locale, pour laquelle je suis amené à demander des subventions. Je vous confirme que le dossier de demande unique de subvention est bien en place, que ce soit dans les services de l'État ou dans ceux des collectivités territoriales. Mais il faut dépasser certains réflexes bien ancrés : je pense notamment au nombre des pièces justificatives à fournir en complément de la demande. Ce nombre n'a pas diminué ! Je profite donc de cette tribune pour demander une vraie simplification de la vie des associations… (sourires)
Sur la question de l'engagement civique, il faut qu'on progresse. Une proposition visant à permettre que les entreprises labellisées ESUS puissent accueillir des jeunes en service civique figure dans le rapport ; j'aurais peut-être l'occasion de porter cette mesure dans un autre cadre,. Ce serait bien une démarche d'utilité sociale. Si l'on veut atteindre rapidement l'objectif de 300 000 jeunes en services civique, une telle initiative pourrait permettre de combler le reste du chemin à faire.
M. Yves Blein a dit l'essentiel et répondu à la plupart des interrogations et questions. En complément, au sujet notamment de ce qui a été dit par M. Lionel Tardy, il est vrai que la question du périmètre de l'agrément ESUS doit encore être travaillée : certains secteurs d'activité ou certaines formes d'activité comme les SCOP, en raison des secteurs d'activité dans lesquels elles sont présentes, sont écartés ou ont des difficultés à obtenir cet agrément. C'est un point de vigilance, que j'ajoute à ceux présentés par M. Benoît Hamon, et une difficulté qu'il faudra parvenir à surmonter à l'avenir.
Comme il l'a déjà été dit dans le cadre de nos débats, la multiplication des instances est une source de complexité. Nous sommes partis d'initiatives locales, de structures préexistantes, qu'il était important de ne pas bousculer trop profondément. La loi ajoute de nouvelles structures, et tout cela s'empile. Il faudra sans doute, dans une étape et dans un texte ultérieurs, simplifier ce millefeuille qui paraît, de l'extérieur, souvent indigeste, bien que les spécialistes s'y retrouvent, parfois avec délectation.
S'agissant des schémas régionaux, la mise en place des nouvelles régions par la loi NOTRe suscite une petite difficulté. Il faut être extrêmement vigilant, et ne pas prendre prétexte de cette difficulté législative pour ne pas mettre en place ces schémas régionaux et pour ne pas développer concrètement l'ESS à l'échelle des régions.
S'agissant des financements, la situation se tend nécessairement dès lors que nous nous les ouvrons à de nouveaux acteurs sans prévoir de financements supplémentaires. C'est le cas actuellement, et cela constitue un réel enjeu. Il faut, avec des financements nouveaux, accompagner l'ouverture du secteur. Par ailleurs, comme cela figure dans le rapport et comme cela a été rappelé par M. Benoît Hamon, il convient de faire attention aux petites structures qui pourraient passer à côté de ces financements parce qu'elles ne sont pas armées pour aller les chercher. Ceci constitue un autre point de vigilance, au-delà des PTCE, dont notre collègue a parlé.
Un autre point important, soulevé par M. Jean Grellier, concerne les statistiques relatives aux entreprises entrant désormais dans le cadre de l'ESS. Le décret n'est entré en vigueur que le 1er janvier 2016 et il est trop tôt pour vous donner des éléments statistiques. En revanche, il sera très intéressant, lors d'un rapport ultérieur, d'avoir connaissance de ces statistiques et de voir quels acteurs nouveaux ont pu être accueillis dans le cadre de l'ESS, grâce à la redéfinition du périmètre.
M. Jean-Claude Bouchet a évoqué les coopératives européennes. Elles existent depuis 2003. Une coopérative européenne peut être créée ex nihilo dans les pays où il n'y a pas de loi ou de statut sur les coopératives. En cas contraire, une coopérative européenne peut être créée par la fusion ou l'extension de coopératives existantes. Il est évident qu'une coopérative européenne, dès lors qu'elle déploie son activité en France, bénéficie de la loi sur l'économie sociale et solidaire.
Pour répondre à M. Philippe Armand Martin, d'autres États s'intéressent à la loi, mais celle-ci est encore très récente : aucun autre État n'a pour l'instant adopté de loi équivalente à la loi ESS. En revanche, des pays comme l'Italie ont observé de très près ce que nous avons pu mettre en place.
S'agissant de la nouvelle administration, elle est pour l'instant à périmètre constant. Six équivalents temps plein, c'est peu, ont basculé vers Bercy sous la houlette de la déléguée interministérielle. Il faudra évidemment mettre à niveau les moyens par rapport aux ambitions de la loi.
Je ne peux qu'être d'accord avec ce qu'évoquait Mme Fanélie Carrey-Conte au sujet de la formation professionnelle. C'est aussi un point auquel il faut être extrêmement attentif. Notre collègue Yves Daniel a rappelé l'annonce de Mme Carole Delga évoquant 600 000 recrutements d'ici 2020. Nous ne pouvons qu'espérer que ce chiffre soit atteint. Il me semble très ambitieux, mais il est bon d'avoir des ambitions.
Viennent ensuite plusieurs sujets pour lesquels nous n'avons pas nécessairement de réponse. Le dispositif portant sur les monnaies locales, d'application directe, ne nécessitait pas de mesure réglementaire, il n'a donc pas été évoqué lors des auditions. Ces monnaies font toutefois bien partie de la loi et il faudra s'y intéresser pour savoir dans quelle mesure elles se développent. M. André Chassaigne nous a parlé des reçus fiscaux et d'une circulaire de la direction générale des finances publiques. Nous en avons pris note et ne manquerons pas d'interpeller le Gouvernement sur ce point. Il en va de même pour les fichiers SIRENE de l'INSEE, sujet qui pourrait aussi être réglé dans le cadre de la loi pour une République numérique. C'est aussi l'intérêt de l'échange que nous avons ce matin : je vous remercie pour vos remarques et vos questions, qui enrichissent notre rapport en ouvrant de nouveaux sujets, au-delà de ceux que nous avions déjà évoqués en audition.
Je m'aperçois que je n'ai pas répondu à la première question, posée par M. Hervé Pellois, relative à l'éducation et à la sensibilisation au modèle de l'ESS. Je crois me souvenir, et je pense qu'il ne me démentira pas, que M. Benoît Hamon a signé, lorsqu'il était ministre de l'économie sociale et solidaire, une convention avec le ministère de l'éducation nationale, pour développer l'apprentissage du modèle de l'économie sociale. Nous pouvons par ailleurs nous féliciter que de plus en plus d'universités mettent en place des diplômes d'études supérieures spécialisées (DESS) en économie sociale ou des formations spécifiques au management d'entreprise de l'économie sociale. C'est une réalité que nous voyons émerger de plus en plus. En outre, le fait que l'association L'Économie sociale partenaire de l'école de la République (ESPERE), créée par les familles de l'économie sociale pour promouvoir le modèle de l'économie sociale et développer son apprentissage, siège désormais es qualité au sein d'ESS France montre bien que les acteurs de l'économie sociale sont eux-mêmes convaincus de la nécessité de répandre le modèle et de former à sa connaissance.
La Commission autorise la publication du rapport d'information.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 9 mars 2016 à 9 h 30
Présents. - Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, M. Jean-Claude Bouchet, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Yves Jégo, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tétart, M. Fabrice Verdier
Excusés. - M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Denis Baupin, M. Thierry Benoit, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Franck Gilard, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, Mme Marie-Lou Marcel, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, M. Frédéric Roig, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, Mme Catherine Vautrin
Assistaient également à la réunion. - Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Benoît Hamon, M. Régis Juanico, M. Paul Molac, M. Paul Salen