Commission des affaires européennes

Réunion du 7 décembre 2016 à 8h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 7 décembre 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 8 h 30 (audition non ouverte à la presse)

Audition de M. Philippe Léglise-Costa, Secrétaire général aux Affaires européennes, sur l'actualité de l'Union européenne, en perspective du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2016.

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Chers collègues, nous sommes ravis d'accueillir, juste avant le Conseil européen des 15 et 16 décembre prochains, M. Philippe Léglise-Costa, Secrétaire général aux Affaires européennes.

Nous allons aborder ensemble les principaux points de l'ordre du jour du Conseil européen, en particulier de la mise en oeuvre de la « feuille de route » du Sommet de Bratislava, lors duquel les Vingt-Sept ont réaffirmé la nécessité de l'Europe, partageant des choix et des orientations.

Ce sera bientôt à Malte de prendre la présidence tournante de l'Union européenne, les questions migratoires nous occuperont forcément beaucoup. Mon impression – ce n'est pas seulement la mienne – est que la relocalisation des réfugiés occupe moins les conversations, mais ce n'est pas parce qu'on parle moins de certaines choses qu'elles en ont moins de réalité. Qu'attendre du Conseil européen de ce point de vue ? Et qu'en est-il de la mise en place de ce corps européen de gardes-frontières et de garde-côtes ? La réforme du système de Dublin progresse-t-elle ou non ?

Au-delà de la question des réfugiés, la situation des droits humains en Turquie suscite de vives inquiétudes. Or, nonobstant l'accord conclu entre l'Union européenne et la Turquie, le président Erdoğan a menacé à plusieurs reprises de laisser passer de nombreux réfugiés si on ne lui laissait pas les mains libres.

S'agissant des relations avec les pays tiers, la COP22 n'est pas si loin, mais il y a aussi un plan Juncker pour l'Afrique. Il me paraît essentiel pour contribuer au développement des pays africains – on ne voit pas comment les flux migratoires pourraient se tarir si leur situation économique reste dégradée. Ces questions occuperont-elles le Conseil ou bien seront-elles abordées plus tard ?

Les questions de sécurité, elles, occuperont grandement le Conseil. Des efforts ont été fournis, à l'initiative de la France, en matière de lutte contre le terrorisme ou d'échanges d'information, mais faut-il créer une Agence européenne du renseignement ?

L'Europe de la défense avance-t-elle un peu, à la suite des propositions franco-allemandes en vue d'un pacte européen de sécurité ? Notre commission, que ces questions préoccupent vivement, a adopté à ce propos une proposition de résolution européenne, sur le rapport de Marietta Karamanli et Joaquim Pueyo.

J'en viens à la reconstruction d'une Europe plus proche des citoyens. Pas plus tard qu'hier, nous examinions le rapport d'information de nos collègues Philip Cordery, Sophie Rohfritsch et Jean-Patrick Gille sur le projet de « socle européen » des droits sociaux. Pouvons-nous donc avancer sur le salaire minimum, l'assurance chômage et ce « socle européen » ? Et où en est la directive sur les travailleurs détachés, sur laquelle notre collègue Gilles Savary a beaucoup travaillé ?

N'oublions pas non plus la question du renouvellement des sanctions contre la Russie. Le Conseil européen doit normalement prendre position, à l'heure où la question de la Syrie se pose avec une acuité particulière. J'ai moi-même rencontré hier le maire d'Alep, où la situation est dramatique et où l'évacuation des civils pose problème. Par ailleurs, nous sommes allés en Ukraine avec Rémi Pauvros, et nous avons bien vu que les choses n'étaient pas réglées du côté du Donbass.

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Philippe Léglise-Costa, secrétaire général aux affaires européennes

Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, pour votre invitation. L'actualité européenne est effectivement très chargée et couvre toute une palette de questions.

Le Conseil européen qui se tient la semaine prochaine s'inscrit assez largement dans le contexte de la mise en oeuvre des décisions prises au Sommet de Bratislava, au mois de septembre, Sommet à vingt-sept voulu par la France, l'Allemagne et l'Italie, après le référendum au Royaume-Uni, pour préparer l'avenir de l'Europe Il s'agissait d'apporter des réponses au niveau européen aux crises qui ont successivement frappé l'Europe, chacune étant perçue comme une crise européenne alors que la cause en est souvent externe. Il s'agissait également d'apporter des réponses à la défiance et à la contestation des institutions, phénomène qui dépasse largement l'Europe mais dont elle est la première victime. Il était important que l'Europe réagisse et apparaisse davantage comme une protection et un progrès, comme une perspective. C'était le souhait de la France. C'est pourquoi nous avions proposé que l'Europe définisse des priorités essentielles : tout d'abord, la sécurité ; la sécurité interne, avec les frontières et la gestion ordonnée des migrations, et la sécurité externe, en particulier la défense ; ensuite, l'investissement, notamment dans la transition énergétique et climatique, dans la modernisation numérique, dans la recherche et les nouvelles technologies ; enfin, la jeunesse, la mobilité. Ces priorités ont été retenues, elles définissent des objectifs politiques, mais elles reflètent aussi une méthode : l'objectif est que l'Europe se concentre de plus en plus sur ses priorités essentielles et soit moins présente là où les États sont mieux placés pour agir, là où elle est moins attendue.

À Bratislava, en même temps que ces priorités étaient définies, il a été convenu de mettre en place une feuille de route avec des mesures précises, sur six mois. Nous y sommes donc, puisque cette période courait du Sommet de Bratislava à la commémoration du soixantième anniversaire du traité de Rome, prévue au mois de mars prochain, avec un nouveau Sommet sur le même format que celui de Bratislava, à Malte, le 3 février prochain.

Ce Conseil européen est donc à la fois un Conseil européen ordinaire à l'ordre du jour duquel figurent une série de sujets d'actualité et un moment important dans la mise en oeuvre de cette feuille de route de Bratislava. Il est aussi l'occasion de préparer à vingt-sept les orientations de la négociation qui s'ouvrira avec le Royaume-Uni, une fois qu'il aura notifié sa décision de quitter l'Union européenne. Il faudra alors que le Conseil européen à vingt-sept se réunisse pour fixer assez rapidement le cadre de cette négociation, car un compte à rebours de deux ans sera engagé. Le président du Conseil européen a donc souhaité un premier échange dès ce Conseil européen, même si la notification n'est attendue que pour le premier trimestre de l'année prochaine.

La méthode change. Plutôt que de se tenir sur deux jours, le Conseil européen commencera dans la matinée, il y aura un déjeuner, des travaux l'après-midi et en soirée.

Au déjeuner, il est prévu que les chefs d'État et de gouvernement discutent des migrations, des frontières. Quelle est la situation ? Nous ne sommes évidemment pas dans le contexte de crise d'il y a un an, avec un risque de déstabilisation de toute l'Union européenne. Des mesures ont été prises et les flux se sont drastiquement réduits en Méditerranée orientale à la suite de la mise en oeuvre de l'accord conclu avec la Turquie au mois de mars dernier. La situation reste néanmoins fragile :un grand nombre de personnes sont encore bloquées en Grèce, dans les îles ou sur le continent, ce qui peut créer des tensions, l'organisation des retours vers la Turquie lorsque c'est légalement possible est très lente, du fait notamment du système d'instruction des demandes d'asile en Grèce. La mise en oeuvre de cet accord s'inscrit par ailleurs dans un contexte où nos relations avec la Turquie sont sensibles, ce dont discuteront aussi les chefs d'État et de gouvernement.

En Méditerranée centrale, malheureusement, les traversées périlleuses, qui se soldent trop souvent par des naufrages, restent très nombreuses. L'Europe a déployé des moyens pour tenter de les prévenir et de sauver des personnes, et elle lutte aussi contre les passeurs, avec l'opération militaire « Sophia », dans les eaux où elle peut intervenir – cela exclut pour l'instant les eaux libyennes, mais nous avons mis en place une mission de formation des garde-côtes libyens, dont l'objectif est en même temps de maîtriser les départs.

L'Europe vient de s'accorder sur la mise en place d'un corps de gardes-frontières et de garde-côtes européen, dont le déploiement commence. La France s'est elle-même engagée à mettre à disposition 170 personnes, sur un effectif total de 1 500.

Dans cette période, il s'agit ainsi, aux frontières externes d'être vigilants pour assurer le contrôle de situations spécifiques dans un contexte qui reste fragile, tout en donnant l'Europe les moyens de s'organiser pour l'avenir.

En même temps, l'Europe s'efforce de prendre en compte les causes des phénomènes à la source des départs. Elle noue en particulier des partenariats migratoires avec les pays d'origine et de transit en Afrique– pour l'instant avec cinq pays pilotes –, partenariats destinés à concentrer des moyens et à établir une forme de contrat avec les pays concernés. Ils prévoient des aides à la sécurité, à la lutte contre les trafics, au développement économique, permettant à ces pays d'assurer une plus grande maîtrise des transits ou des départs. Mme Mogherini, Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, fera le point sur le développement de ces partenariats migratoires pilotes, en particulier celui avec le Niger, dont le président sera présent avant que ne s'ouvre le Conseil lui-même – il rencontrera, outre les dirigeants des institutions européennes, le Président de la République française et la Chancelière allemande, avec sans doute les chefs de gouvernement italien et espagnol.

Nous avons également trouvé un accord sur un plan d'investissement externe, une forme de plan Juncker pour l'Afrique, qui s'ajoute évidemment aux moyens du Fonds européen de développement ou du fonds qui avait été créé à La Valette l'année dernière.Son objectif est de favoriser l'investissement, en tenant compte des spécificités des économies des pays africains, mais sur le même principe que le plan Juncker. Selon la Commission européenne, 44 milliards d'euros pourraient être levés et alloués à des projets, voire 88 milliards d'euros si les États membres eux-mêmes complètent les garanties européennes.La Banque européenne d'investissement (BEI) développe pour sa part ses activités. Il y a donc un vrai effort de démultiplication et de concentration des moyens mobilisés en direction des pays les plus concernés en Afrique.

Voilà donc comment la situation se présente en ce qui concerne les migrations.

Dans l'après-midi seront évoquées les autres priorités définies à Bratislava : la sécurité interne et la protection des frontières externes. Des progrès très importants ont été réalisés. Nous mettons en place des contrôles systématiques aux frontières extérieures de l'Europe. Un accord a été trouvé entre le Conseil et le Parlement européen sur ce principe de contrôle systématique. Cela répond à une forte demande formulée par la France après les attentatsLe « code frontières Schengen » ne prévoyait en effet ces contrôles systématiques que pour les ressortissants des pays tiers, pas pour les ressortissants européens – « systématiques » signifie une vérification des bases de données européennes pour toutes les personnes qui entrent et qui sortent. L'expérience a en effet montré que la menace ne provient effectivement pas seulement de ressortissants de pays tiers.

Deux autres propositions complèteront ces contrôles systématiques aux frontières externes. Une première initiative est l'instauration d'une base de données des entrées et des sorties (système entrées sorties) – dans un premier temps pour les ressortissants des pays tiers –, comme en ont établi, par exemple, les États-Unis et le Canada. Les données personnelles seront conservées un temps suffisant, dans des conditions qui garantissent évidemment leur protection. Une deuxième initiative a été prise, également à notre demande, avec la mise en place d'un système européen d'autorisation et d'information concernant les voyages (ETIAS), à l'image du système américain ESTA : toute personne en provenance d'un pays exempté de visa doit s'inscrire préalablement et donc solliciter une autorisation de voyage avant de pouvoir traverser l'une des frontières externes de l'Union européenne. Au-delà des gardes-frontières, système de mobilisation d'urgence, c'est donc un dispositif de contrôle systématique et de protection des frontières extérieures de l'Europe qui est mis en place.

En matière de sécurité interne aussi, les moyens se développent progressivement. Une très forte impulsion a été donnée après les attentats, en France en particulier mais pas seulement, pour répondre à toutes les menaces, et lutter contre les terroristes au sein de l'espace européen. En ce qui concerne la circulation des personnes et les frontières, nous mettons en oeuvre un Passenger Name Record (PNR) européen. Nous essayons par ailleurs de finaliser, pour bientôt, un texte sur le contrôle des armes à feu. Il existe aussi une proposition de la Commission européenne qui vise à tracer les financements et à prévenir l'usage de certains circuits par les terroristes. Enfin, sur le plan judiciaire et pénal, une législation européenne sur le terrorisme est en cours de finalisation. Les moyens sont donc méthodiquement mis en oeuvre, quoiqu'un peu trop lentement à notre avis, mais il sera robuste.

Quant à la question de la coopération entre les services de renseignements, que vous avez posée, madame la présidente, elle n'entre pas dans le champ des compétences de l'Union au sens strictmais la France a quand même pris là-aussi l'initiative. Le ministre de l'intérieur, alors M. Bernard Cazeneuve, et son homologue allemand ont proposé que la mise en place d'une plateforme entre services de renseignement soit étudiée afin de leur fournir des outils multilatéraux pour échanger entre eux avec rapidité et efficacité, selon leurs méthodes. Il a été demandé aux responsables français et allemands d'examiner comment cette plateforme pourrait fonctionner.

Nous avons aussi pris des initiatives en matière de sécurité extérieure, c'est-à-dire de défense. Mme Mogherini a soumis au Conseil une stratégie globale, comportant des avancées pour l'Europe de la défense, tandis que la Commission européenne, pour sa part, a présenté, dans le cadre d'un plan d'action, des propositions, innovantes, en matière de recherche, financement de capacités et de développement industriel.

En vue de ce Conseil européen, nous nous sommes mis d'accord avec l'Allemagne pour proposer, même s'il est toujours difficile de parvenir à des accords ambitieux à vingt-huit sur de tels sujets, la mise en place d'une capacité permanente de décision et de conduite d'opérations et de missions européennes, civiles ou militaires, avec des chaînes de commandement coordonnées mais distinctes. Nous demandons également l'extension du champ d'action du dispositif « Athena » qui finance une série de dépenses communes pour ces opérations et missions, afin que la solidarité soit plus forte.

Nous demandons également que l'effort de défense des Européens soit renforcé par un engagement des Etats à reprendre l'objectif de 2 % du produit intérieur brut (PIB), dont 20% pour les investissements dans l'appareil de défense, accompagné par la mise en place d'une revue annuelle qui permette de suivre les efforts des États membres – l'Allemagne y a consenti – et de coordonner la programmation des équipements, afin de bénéficier d'effets d'échelle, réduire les coûts et favoriser l'industrie européenne.

En ce qui concerne les moyens de financement européens, nous soutenons les orientations proposées par la Commission européenne – c'est d'ailleurs le Président de la République qui avait lancé l'idée d'un fonds européen pour la défense. La Commission a proposé qu'il comporte deux branches= : un volet « recherche », avec des ressources provenant du budget européen ;une action préparatoire a déjà été approuvée dans le cadre du budget européen 2017, avec l'implication des États et des industriels pour mettre en place ce qui deviendra à partir de 2020-2021 un programme de recherche en tant que tel et qui serait doté de 3 à 4 milliards d'euros ;d'autre part, un volet « capacités » permettrait d'emprunter pour financer des projets communs. Nous demandons dans ce contexte que la BEI étende son mandat à certaines opérations en matière de sécurité et de défense. Ce volet « capacités » permettrait ainsi, après la phase de recherche, de passer au développement proprement dit de capacités.

Un accord au Conseil européen sur ces bases serait une étape très importante pour l'Europe, qui signerait à la fois une volonté de développer les appareils de défense mais aussi un engagement à une solidarité dans ce domaine, sous la forme de moyens communs.

Enfin, toujours en matière de défense, il faut évoquer l'aide aux partenaires et notamment l'initiative Capacity building in support of security and development (CBSD) qui vise à permettre aux pays africains qui en ont besoin d'assurer leur propre sécurité.

Nous avons donc là, en matière de sécurité et de contrôle des frontières, un corpus très important. Il faut maintenant le porter dans l'Europe à vingt-huit. les Britanniques se sont par le passé opposés à certains de ces développements, certains pays sont neutres et d'autres réticents, mais la volonté de la France et de l'Allemagne est forte. L'Allemagne a grandement évolué de ce point de vue au cours des dernières années, et nous pouvons espérer rallier la plupart des États membres aux orientations que je viens de présenter.

Le Conseil européen fera également le point sur le reste de ce qui avait été convenu à Bratislava. Nous avions demandé l'extension et l doublement du plan Juncker, ce qui a été approuvé, avec l'évolution de certaines modalités pour tenir compte de la première phase de mise en oeuvre du plan,, notamment en termes d'additionnalité et de prise de risques, pour éviter de financer ce qui l'aurait de toute manière et assurer que la garantie apportée par le budget européen est utile, et enfin en termes de répartition, pour faire en sorte que tous les États membres puissent en être bénéficiaires sans toutefois mettre en place un critère géographique. La France a beaucoup bénéficié de cette première phase du plan Juncker, qui a tenu sa promesse en termes de montant. Des doutes s'étaient exprimés, à l'époque : pourrions-nous vraiment utiliser ces 315 milliards d'euros en trois ans ? À mi-parcours, nous en sommes à la moitié, il n'y a donc pas de raison de ne pas y parvenir et l'on peut penser que le montage était dans l'ensemble bien conçu.

En ce qui concerne la jeunesse, nous avons décidé, avec le Parlement européen, de consacrer de nouveaux moyens à l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ) portée par la France et l'Allemagne en 2013, qui a plutôt bien fonctionné. Y seront donc à nouveau consacrés 500 millions d'euros dans le cadre du budget 2017, et nous travaillons à ce qu'elle soit étendue jusqu'à la fin des perspectives financières.

Les chefs d'État et de gouvernement discuteront de nouvelles initiatives en matière de mobilité, au-delà d'Erasmus et de ce qui est développé pour les jeunes professionnels et les apprentis. La Commission a proposé un corps européen de solidarité, forme de service civique dont nous allons discuter. Je crois que les chefs d'État et de gouvernement voudront que ces travaux avancent à un rythme soutenu pour donner plus de visibilité aux actions entreprises en cette matière.

Au dîner, les chefs d'État et de gouvernement discuteront, à vingt-sept, après le départ de Mme May, de la future négociation avec le Royaume-Uni. Il ne s'agit pas de négocier par avance – nous attendons la notification par le gouvernement britannique de sa décision de retrait –, mais d'un échange d'informations sur les travaux entrepris au cours des dernieres mois, dans chaque État, et au niveau européen autour de Michel Barnier, qui représentera la Commission européenne dans la négociation. Il faut distinguer trois volets. Tout d'abord, il y a le dispositif de la négociation lui-même, autour de la Commission européenne, avec son suivi par les vingt-sept, en premier lieu par les Chefs d'Etat et de gouvernement, ainsi que les modalités d'association du Parlement européen : nous pouvons avancer sur ces questions avant que le Royaume-Uni n'ait pris sa décision et le Conseil européen à 27 devrait ainsi arrêter ce dispositif la semaine prochaine. Il y a ensuite ce qui relève de la séparation, qui relève de l'article 50 du traité, c'est-à-dire les dispositions administratives, institutionnelles, budgétaires et juridiques qui permettent, au sens strict, une sortie ordonnée du Royaume-Uni. Enfin, il y a le volet des relations futures, encore incertaines, mais le Conseil européen voudra probablement, après la notification, arrêter des principes qui correspondent à l'intérêt des vingt-sept et à la cohésion de l'Union européenne à 27 ; il n'est en effet pas envisageable de conférer au Royaume-Uni sorti de l'Union européenne des avantages dont il dispose actuellement en tant que membre tout en le dispensant d'assumer les obligations correspondantes, ni de mettre en place des conditions d'échange et de concurrence avec l'économie britannique qui ne soient pas équitables

S'agissant de la Russie, sauf si un État membre s'y oppose, la question de la prolongation des sanctions devrait être réglée sans débat au Conseil européen . En l'absence de progrès significatif dans le cadre du processus de Minsk, la logique veut en effet que les États membres souhaitent simplement prolonger les sanctions pour six mois.

En revanche, la France et d'autres États membres voudront vraisemblablement que le Conseil européen évoque la situation tragique en Syrie, particulièrement à Alep.

Enfin, une discussion délicate s'annonce pour régler le problème que pose le résultat du référendum néerlandais du printemps dernier, qui a porté sur l'Accord d'association avec l'Ukraine. Après le « non » du peuple néerlandais, le gouvernement des Pays-Bas cherche une solution qui permette la ratifier de l'Accord d'association en tenant compte des inquiétudes exprimées par ce vote. Il est le dernier Etat membre à devoir le faire, avant que puisse être actée l'entrée en vigueur définitive de l'Accord – l'essentiel des stipulations économiques et commerciales ayant fait l'objet d'une entrée en vigueur provisoire. S'il n'y parvenait pas, l'Accord d'association avec l'Ukraine serait remis en cause, avec les conséquences politiques que cela entraînerait. Le gouvernement néerlandais travaille donc à une décision des vingt-huit qui interprète l'accord, dont le texte préciserait notamment qu'il n'a pas d'implications en matière de défense collective, en matière financière, ou en ce qui concerne la circulation des personnes. La difficulté principale, qui nous a empêchés d'aboutir jusqu'à présent et pourrait être évoquéeau Conseil, tient à la demande du gouvernement néerlandais qu'il soit précisé que cet Accord d'association n'est pas une étape sur la voie d'une future adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. C'est naturellement aussi la position de la France, mais certains Etats membres, comme la Pologne ou la Lituanie, ou les Ukrainiens eux-mêmes, estiment qu'il s'agit d'un message négatif. Il s'agit d'un point très sensible, des discussions sont en cours, mais la raison devrait l'emporter car l'objectif est bien de soutenir l'effort du Premier ministre des Pays-Bas.

Le Conseil européen se tient donc dans une situation d'ensemble difficile, mais la volonté de mettre en oeuvre les décisions prises à Bratislava est claire, non seulement pour des raisons de fond, mais aussi pour montrer que l'Europe peut agir avec plus d'efficacité et de lisibilité, de manière plus réactive. Par ailleurs, l'actualité impose de régler des questions très importantes, en même temps qu'il faut préparer de manière ordonnée une négociation avec le Royaume-Uni qui s'annonce extrêmement complexe.

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Merci pour ce vaste exposé, monsieur le secrétaire général.

Nous avons employé les deux termes de migrants et de réfugiés, mais n'oublions pas qu'ils sont distincts. J'aurais, pour ma part, voulu en savoir un petit peu plus sur les partenariats avec les pays d'origine. Des accords bilatéraux, par exemple l'accord entre le Maroc et l'Espagne, ont déjà donné des résultats. Vous-même, monsieur le secrétaire général, avez évoqué le Niger. Qu'en est-il donc de la politique européenne sur ce point, en tant que politique européenne ? Quels moyens sont vraiment mis en oeuvre par rapport ? En fait de politique d'investissement et de développement, notre action s'inscrit pour l'heure dans des coopérations encore très disparates.

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Merci, monsieur le secrétaire général, pour cet exposé très complet. J'évoquerai trois points.

En tant qu'Assemblée nationale, nous avons donné notre avis sur le « socle européen » de droits sociaux, et la France répondra à la consultation d'ici à la fin de l'année. Ce socle suscite l'espoir, mais quelles sont les perspectives réelles ? S'agit-il seulement pour M. Juncker de se débarrasser d'une demande française ou peut-on vraiment espérer un résultat concret au cours des prochains mois ?

À propos d'Alep, pensez-vous qu'une initiative franco-allemande forte puisse être prise d'ici au Conseil européen, pour que celui-ci envoie un message extrêmement clair et fort ?

Avec l'Italie, nous étions dans un ménage à trois plutôt qu'à deux, et c'était, à mon avis, une bonne chose pour l'Union européenne. Cependant, à la suite du référendum et de la démission de M. Renzi, avec la perspective d'un gouvernement de techniciens qui ne renforcerait guère le rôle de l'Italie, la direction de l'Union européenne ne risque-t-elle pas, à l'heure où la France et l'Allemagne entrent en campagne, de connaître un certain flottement ?

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Merci, monsieur le secrétaire général, de cet exposé effectivement complet.

Décidément, nous sommes bien mauvais pour communiquer sur l'Europe ! Il se fait énormément de choses, très concrètes et très précises, qui seraient de nature à rassurer nos concitoyens sur ce qui se passe à Bruxelles. Je suis tout à fait satisfait des progrès que vous évoquez, et du rythme auquel les outils se mettent en place, mais, hélas, nos opinions publiques sont désinformées, ce qui se traduira par les pires démagogies au cours des prochaines semaines. Puisque nous n'avons pas été capables de créer un espace public européen – c'est bien le problème de l'Europe : politiques communes, mais opinions nationales ! –, je me permets d'en appeler à ce que nous nous exprimions bien plus devant la presse française pour expliquer ce qui se fait au jour le jour. Le contexte est extrêmement anxiogène, entre une mondialisation dont l'Europe passe pour le vecteur et les migrants, et ce sont là les deux faits sur lesquels s'appuie la montée des populismes, dans les têtes françaises comme dans toutes les têtes européennes. Si nous agissons assez rapidement, il n'y a pas d'information dans l'espace public national. C'est pourtant au plan national qu'il faut s'exprimer : il est inutile de faire à Bruxelles des conférences de presse qui n'intéresseront pas les gens, puisque ceux-ci ne regardent pas Euronews ni ne consultent EurActiv.

Je me félicite d'apprendre la mise en place physique, aux frontières, de dispositifs qui commencent à fonctionner, mais j'en appelle à une communication beaucoup plus exhaustive sur ces sujets. Je sais bien l'ambiguïté française : nous sommes un pays de grands principes, ce n'est pas bien de dire qu'on tient les migrants à l'extérieur ou qu'on instaure des contrôles douaniers, nous sommes au-dessus de tout cela… Nos concitoyens attendent pourtant des informations précises sur ces sujets. Arrêtons de faire de la politique morale, les citoyens feront eux-mêmes la synthèse des informations !

Je suis quand même assez stupéfait. Le processus de Bratislava n'est pas cette sorte de ventre mou que je craignais. Des choses très précises se mettent en place.

Dans le domaine de la défense, un chemin paraît s'ouvrir. Mais comment cela s'organise-t-il ? Il semble que l'Allemagne ait accepté de remplacer le Royaume-Uni comme notre interlocuteur dans le cadre des discussions sur ce sujet. Avec l'accord de Saint-Malo, la perspective d'un porte-avions commun avec le Royaume-Uni se dessinait. Mais les questions d'indépendance nationale, invoquées de part et d'autre de la Manche, n'ont pas permis d'aboutir.

Quelle serait cependant la forme institutionnelle des nouvelles initiatives européennes en matière de défense ? L'Allemagne serait-elle prête à lancer une coopération renforcée en ce domaine ou envisage-t-elle une démarche plus empirique et coopérative, pour laquelle une organisation institutionnelle serait prématurée ?

J'ai cru comprendre qu'un état-major embryonnaire existe déjà au niveau européen. Qu'en est-il de ses rapports avec l'OTAN ? Quelle est votre réflexion sur les moindres garanties américaines en matière de défense ? La solution passe-t-elle par un renforcement du pilier européen de l'OTAN ou par une action européenne, y compris hors le champ des traités ?

Quelle est, surtout, la position française ? Traditionnellement, l'Europe de la défense est invoquée en même temps que l'indépendance nationale dans sa vision gaulliste… Cela ne peut qu'achopper au niveau européen. Serons-nous prêts un jour à partager des décisions opérationnelles ?

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Je me réjouis de la volonté d'agir dont vous vous faites l'écho. Avec mon collègue Joaquim Pueyo, nous avons présenté une proposition de résolution relative à la proposition franco-allemande d'un « pacte de sécurité européen ». Elle sera examinée la semaine prochaine en commission des lois.

Je m'inquiète cependant de la lenteur du processus décisionnel européen. La volonté ne manque pas, mais nous sommes comme en face d'un paquebot qui ne bouge que très lentement. Nos concitoyens attendent une plus grande rapidité dans la mise en oeuvre des décisions.

Certaines choses bougent. Mais il reste, comme l'a dit mon collègue Gilles Savary, à partager ce message avec la population. Ce n'est pourtant pas la matière qui fait défaut. Encore faut-il, cependant, que nous décidions plus vite, même si je ne sais comment le problème pourrait se résoudre.

Le Conseil européen qui s'annonce sera très important. Dans le domaine du renseignement et sur la question des fichiers, des rapports successifs ont fait le constat de leur insuffisante interopérabilité. Nous sommes encore loin des conditions requises pour agir efficacement.

Quant à la question des relocalisations, un volet législatif suivra sur l'asile. Il en définira les nouveaux critères. L'objectif de 2 % n'a pas été atteint, car la volonté des États membres n'est pas là. La France a pris la part la plus importante dans le dispositif des relocalisations, mais elle ne saurait tout faire toute seule. Ne doit-on pas ajouter un volet de sanctions aux mesures prévues ? Après tout, il y a un financement européen à la clé.

S'agissant du Brexit, que faut-il attendre de la décision de la High Court relativement à la consultation obligatoire du Parlement britannique ? Quelle réponse celui-ci y donnera-t-il ? Cela nourrit chez moi quelques espoirs.

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En Turquie, des choses inquiétantes se passent dans le domaine des droits de l'homme.

J'ai rencontré hier le maire d'Alep. Il m'a fait part de son souhait qu'une délégation parlementaire puisse se rendre aux abords de la ville, afin de témoigner notre solidarité.

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Philippe Léglise-Costa, secrétaire général aux affaires européennes

La question des migrations a fait l'objet d'un long travail franco-allemand et européen, dans le contexte d'une situation complexe, caractérisée par un afflux massif de réfugiés. Nous sommes ainsi parvenus à un équilibre politique européen, sur une base franco-allemande.

Ainsi, une distinction nette doit être établie entre les demandeurs d'asile et les migrants arrivés de manière irrégulière, même si bien sûr chacun doit être traité dignement.Pour les demandeurs d'asile, l'enjeu auquel l'Europe fait face est d'assurer les moyens de traiter les demandes, d'abord en mettant en place les hot spots, puis, maintenant, en révisant le système de l'asile. Le Bureau européen d'appui en matière d'asile ou European asylum support office (EASO) sera notamment transformé en agence pour apporter un soutien plus efficace aux pays qui en ont besoin. Quant aux migrants arrivés de manière irrégulière, ils ne peuvent être acceptés et il s'agit donc, après leur contrôle, de procéder à leur raccompagnement . Pour ce faire, Frontex disposera de moyens renforcés en matière de retour. L'enjeu fondamental reste naturellement de prévenir le plus possible les départs et c'est l'objet des coopérations renforcées avec les pays d'origine et de transit.

Quant à l'accord avec la Turquie, il vise à ce que, dans la légalité, un contrôle soit opéré aux frontières, avec une réadmission possible et des conditions assurées aux migrants et réfugiés, que la Turquie a accepté de garantir de manière spécifique en conséquence des réserves posées lors de la ratification de la convention de Genève. Un financement européen est également prévu pour améliorer les conditions de vie des Syriens aujourd'hui présents en Turquie, qui sont plus de 2,5 millions, tandis que des réinstallations directes sont effectuées vers l'Europe pour les plus vulnérables. L'équilibre trouvé est un raisonnable, mais son maintien dépend aussi de la volonté de la Turquie.

Avec l'Afrique et la Méditerranée centrale, la situation n'est pas du tout la même, car il n'est actuellement pas possible d'établir une coopération comparable avec un gouvernement libyen, même si les Européens s'efforcent de favoriser uneévolution positive en Libye. L'objectif dans l'immédiat est donc de renforcer les coopérations avec les pays d'origine et de transit, par des « partenariats migratoires », qui sont expérimentés, dans une phase pilote, avec le Niger, le Sénégal, le Nigéria, le Mali et l'Éthiopie.

De manière générale, nous travaillons ainsi avec tous les pays concernés, grâce au Fonds européen de développement ou aux moyens de la politique de voisinage, dans les pays d'Afrique du Nord. Outre ces canaux classiques, des moyens supplémentaires sont alloués. Un fonds a été créé en novembre 2015 à La Valette. Un nouveau plan pour l'investissement en Afrique, favorisant le développement et l'activité économique, est par ailleurs en cours de discussion et il pourra en particulier être actif dans les régions d'Afrique d'où les départs sont les plus nombreux.

À cela s'ajoutent les activités de Frontex par l'opération « Triton » et de l'opération « Sophia » en Méditerranée, qui luttent contre les trafics et les passeurs, tout en participant au sauvetage de naufragés qui ont tenté la traversée.

En ce qui concerne le socle européen de droits sociaux, le président Jean-Claude Juncker nous semble dans une démarche tout à fait sincère. Il pense que cela sera utile à l'Union européenne et recherchera un accord. Nous voulons présenter les propositions les plus ambitieuses possibles. Mais il n'est pas sûr que toutes aboutissent à vingt-huit ; peut-être faudra-t-il se contenter d'une application à l'échelle de la seule zone euro, voire d'une mise en oeuvre initiale entre certains États membres seulement. Sur le fond, il s'agit de l'accès à l'emploi, en particulier par la mobilité, des conditions de travail, des moyens de formation, de la protection contre les aleas de la vie, de l'égalité entre les hommes et les femmes… Sur certains sujets, la Commission pourra formuler des propositions législatives, mais non sur d'autres, là où ce serait hors du champ de compétences européen.

Au sujet de la situation à Alep, le Président de la République s'entretiendra avec la Chancelière Mme Merkel à Berlin mardi prochain. Ils auront certainement une expression commune sur la question.

En ce qui concerne la situation enItalie, il faut éviter d'y voir nécessairement la même logique que lors du referendum au Royaume-Uni ou, dans un contexte différent, lors de l'élection présidentielle américaine.Elle serait d'ailleurs d'une certaine manière contredite par le résultat de l'élection présidentielle en Autriche. L'Italie est un pays solide et un Etat membre engagé en Europe.

Après le référendum au Royaume-Uni, le Président de la République et la Chancelière allemande avait associé M. Renzi à la réponse apportée.. Mais toute démarche au-delà du couple franco-allemand est critiquée, par exemple par l'Espagne dès lors qu'elle a dépassé la phase politique dans laquelle elle se trouvait depuis près d'un an.

À propos de la défense, le dialogue a débuté entre le Président de la République et la Chancelière allemande en 2013, dans le contexte de l'intervention française au Mali à laquelle l'Allemagne a apporté son soutien.L'importance de la menace comme les évolutions géopolitiques et, d'une certaine manière, l'impact de l'afflux de réfugiés en Allemagne, a amené à une prise de conscience.

Quant à la sortie annoncée du Royaume-Uni, ils'agit d'éviter que l'Union européenne s'en trouve affaiblie. Notre objectif demeure de poursuivre avec le Royaume-Uni une coopération étroite dans le domaine de la défense, dans notreintérêt mutuel, ce qui n'exclut pas, au contraire, des progrès dans le domaine de la défense européenne.

Quelle forme pourrait prendre une initiative dans ce dernier domaine ? Dans l'Union européenne, la question institutionnelle est toujours compliquée, comme on le voit chaque fois qu'il s'agit de structures telles un un état-major, même si l'on s'en rapproche. Sur ce terrain, nous devons en effet éviter de retomber dans les ornières du passé. Le renforcement de la capacité de l'Union européenne à s'organiser n'est en rien contradictoire avec l'engagement des Etats concernés au sein de l'OTAN.

L'évolution de la position américaine appelle les Européens à faire cette démarche. Chez une majorité d'États membres, la volonté d'avancer est désormais là.. Plusieurs sont conscients qu'ils doivent relever leur effort de défense. Notre intérêt est que ces investissements aient lieu de manière coordonnée, afin d'en garantir l'efficacité.

J'en viens au sujet de la communication sur les sujets européens, qui est ancien. Rarement cependant l'écart a été aussi grand entre, d'une part, l'action d'une Union européenne qui en fin de compte parvient à surmonter des crises majeures et brutales, qui ne sont pas en général de son propre fait, mais auxquelles elle se montre capable de faire face en apportant des réponses, même laborieusement et, d'autre part, le sentiment qu'elle est pourtant tétanisée et incapable de changer. Au cours des dernières années, elle a plutôt apporté de la protection alors qu'elle est présentée comme un facteur ou un accélérateur de crises.

En matière de communication, les responsabilités sont partagées. Elles concernent également la presse.

En ce qui concerne la lenteur à décider au niveau européen, le problème existe et des initiatives ont été prises pour y remédier. C'est en même temps aussi un problème de communication. L'Union européenne n'est pas aussi lente qu'on le dit. Sur la question des gardes-frontières européens, la décision est par exemple allée très vite. Il y a un effet loupe sur le processus décisionnel européen. Ce processus n'est pas forcément plus rapide dans d'autres grands pays démocratiques. Mais il est vrai que l'Union européenne est astreinte à un devoir d'exemplarité et doit se montrer plus efficace et plus rapide. C'est aussi l'objectif de l''agenda défini à Bratislava.

Ceci doit être conçu en admettant une part de complexité, qui fait partie des équilibres européens. L'Union européenne n'est pas un État centralisé avec un processus de décision direct. C'est son essence même que d'être démocratique et coopérative, ce qui ne doit bien sûr pas empêcher d' accélérer tout ce qui est possible,.

S'agissant de l'interopérabilité des diverses bases de données, il faut bien observer que le Système d'information sur les visas (VIS), le Système d'information Schengen (SIS) ou encore Eurodac se sont développés de manière séparée. Nous travaillons à trouver le juste équilibre entre l'efficacité nécessaire dans l'utilisation des données, qui peut être indispensable à la sécurité des Européens, et le respect de la vie privée et des libertés, cause à laquelle le Parlement européen est, à juste titre, très sensible.

Quant à la question de la relocalisation, la mise en oeuvre de la proposition de la Commission s'est heurtée à des difficultés. Il fallait en même temps assurer la mise en place des hotspots et des moyens de contrôle, et donner des garanties à la Grèce et à l'Italie qu'une fois ces procédures effectives, les relocalisations s'engageraient. Nous avons finalement pris l'initiative, notamment vis-à-vis de la Grèce qui se trouvait dans une situation particulièrement difficile, de sorte que nous sommes en avance par rapport aux autres États membres.

La proposition concernant les relocalisations a cependant créé une fracture en Europe, qui ne sera pas facile à surmonter.

La Commission a proposé l'établissement d'un système permanent de répartition des réfugiés une fois un certain seuil dépassé. Ce dernier point s'est heurté à un refus de la part des pays de l'Est. La présidence slovaque a été chargée d'examiner quel compromis serait possible, sur la base des principes de responsabilité et de solidarité. Il s'agit d'assurer que chaque Etat membre est tenue à cette solidarité envers les pays les plus exposés, qui pourrait porter sur une obligation d'accueil minimale et différentes formes. de solidarité telle qu'une contribution financière, une aide à la surveillance de la frontière ou un soutien aux pays-tiers d'origine ou de transit.

L'objectif de travail engagé par la présidence slovaque, et qui sera poursuivi par la présidence maltaise, est de dépasser la fracture qui s'est créée, sans renoncer à ces principes, avant qu'elle n'amène à d'autres divisions en retour.

S'agissant du Brexit, la High Court s'est prononcée début novembre, en estimant que le gouvernement britannique devait saisir le Parlement. L'appel en cours se déroule devant la Supreme Court, qui devrait rendre son jugement début 2017. Il n'est pas exclu qu'elle puisse renverser la position de la High Court, mais cela apparaît peu probable aux observateurs.

Il faut donc a priori s'attendre à ce que la Supreme Court confirme la demande au gouvernement de saisir le parlement. Cela laisse ouverte la question des modalités de cette saisine, qui peut prendre la forme d'une simple demande de vote ou de l'adoption d'une loi, comme le demande la High Court.

À Londres, il est estimé que les parlementaires ne voudront pas remettre en cause la volonté du peuple britannique, telle qu'elle s'est exprimée par le référendum de juin dernier, même si des délais sont toujours possibles.

Il est cependant dans l'intérêt de tous, Britanniques et Européens, que la notification de la décision de sortie, au toitre de l'artucle 50, ait lieu dans les temps, car l'incertitude est dommageable. Dans la logique interne à l'Union européenne, cela permettrait aussi de régler la question d'ici le printemps 2019, soit avant les prochaines élections européennes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le secrétaire général, nous vous remercions.

La séance est levée à 9 h 50