La séance est ouverte à dix-huit heures trente.
Monsieur le ministre, nous n'avons pas pu vous recevoir la semaine dernière en raison de la suspension des travaux de l'Assemblée nationale, et il s'est produit des événements importants depuis votre dernière audition. Nous avons toutefois suivi votre déplacement au Mali dans la presse.
Il s'est en effet produit de nombreux événements durant ces quinze derniers jours, en particulier la mort de deux de nos soldats : le caporal-chef Charenton, à qui j'ai rendu hommage lundi dernier, et le brigadier-chef Pingaud, à qui je rendrai hommage demain, à La Valbonne.
On recense désormais deux zones d'opérations principales : l'une, dans l'Adrar des Ifoghas ; l'autre, autour de Gao. De violents combats s'y sont déroulés, au cours desquels nos deux soldats ont trouvé la mort.
Dans l'Adrar des Ifoghas, nous avons mené des opérations particulièrement délicates dans la vallée d'Amettetaï ; j'ai rencontré les unités qui y étaient engagées et qui sont normalement basées à Tessalit. Les combats, qui ont entraîné la neutralisation d'un nombre significatif de djihadistes, se sont déroulés dans des conditions particulièrement éprouvantes, par une température de 45 °C, et sans ombre. On est là-bas dans le sanctuaire historique d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), où les djihadistes ont commencé à se réfugier juste après la « décennie sanglante » en Algérie ; ils sont bien organisés, fortement armés et n'ont peur de rien. Après la vallée d'Amettetaï, où les opérations sont terminées, elles ont entrepris de libérer les vallées parallèles, au nord et au sud. Elles poursuivent ainsi leur avancée, avec le soutien de l'armée tchadienne, partie d'Aguelhok, au sud de la vallée d'Amettetaï, avec pour objectif de rejoindre la frontière algérienne. Nos soldats progressent sans répit, à pied, sur un terrain difficile et dans des conditions extrêmes.
Au cours des combats, les forces françaises ont récupéré des dizaines de tonnes d'armes. – ce qui prouve qu'il ne s'agissait pas uniquement de prendre Mopti ! Lors de cette offensive, nous avons fait nos premiers prisonniers, qui ont été transférés aux autorités maliennes en application d'un accord signé à l'occasion de ma visite, qui prévoit le respect des conventions internationales par la justice malienne.
La deuxième zone d'opérations se situe autour de Gao ; il s'agit de la sphère d'influence du Mujao, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest. Les combats y sont plus asymétriques que dans l'Adrar des Ifoghas. Le Mujao est un mouvement moins international qu'AQMI, mais il est mieux implanté dans le territoire, où il bénéficie de relais. Il existe dans les villages et les bourgs proches de Gao plusieurs repaires de terroristes ; de violents combats s'y sont déroulés. L'un de nos régiments a notamment été la cible d'une attaque alors qu'il allait pénétrer dans un oued avec l'armée malienne et l'armée nigérienne ; en une nuit, il a réussi à neutraliser de très nombreux djihadistes.
Dans ces deux zones, les opérations se poursuivent et je pense que d'autres combats violents auront lieu. Dans un cas, il s'agit d'une libération territoriale, dans l'autre, de la sécurisation d'oueds et de villages aux alentours d'une ville déjà libérée.
Tout se déroule conformément à l'agenda fixé par l'état-major des armées, bien qu'à Gao l'on doit faire face à une résurgence du Mujao. Sous une patine de fondamentalisme djihadiste, le Mujao est un réseau de type mafieux, qui opère dans une zone traditionnelle de trafics ; il paie ses combattants, qui sont parfois très jeunes. Les opérations actuelles devraient permettre de sécuriser la région.
Je ne peux toutefois pas vous dire quand les opérations militaires prendront fin. Si tout se déroule comme prévu, les deux secteurs devraient être sécurisés d'ici à quelques semaines. Au nord, on prend beaucoup de précautions, et l'on progresse à pied.
Sur le plan international, la mission internationale de soutien au Mali (MISMA) poursuit son déploiement. Elle compte désormais 6 300 militaires africains, si l'on inclut les forces tchadiennes qui viennent de l'intégrer. Le niveau d'équipement des troupes varie suivant les pays d'origine – je rappelle que, durant leurs trois premiers mois de présence, le financement et l'équipement de ces unités sont pris directement en charge par ceux-ci ; ce n'est qu'ensuite qu'interviendra le financement réuni par les donateurs lors de la conférence d'Addis-Abeba du 29 janvier dernier. J'ai rencontré le chef d'état-major de la MISMA, le général nigérian Abdulkadir, ainsi que les chefs d'état-major des armées des pays membres ; l'enjeu, pour moi, était de leur préciser que la France n'avait pas vocation à rester éternellement au Mali et que la MISMA devait se préparer à prendre le relais ; dans cette perspective, il convient qu'elle se positionne plus au nord, dans des villes à peu près sécurisées comme Tombouctou. On m'a assuré que ce serait fait avant la fin du mois de mars.
La MISMA est appelée à se transformer en MINUMA, Mission des Nations unies au Mali, à la suite d'une modification de sa mission et d'une nouvelle résolution des Nations unies. Ce processus, piloté par le ministre français des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, est plutôt en bonne voie. En ce moment même, une équipe du secrétariat général des Nations unies est à Paris pour préparer le rapport que le secrétaire général doit soumettre le 20 mars au Conseil de sécurité. La décision devrait être prise en avril, et la transformation être effective deux mois plus tard. Nous sommes en train d'étudier le type de soutien que la France apportera à la MINUMA, soit au Mali même, soit à l'extérieur.
J'ai rencontré longuement le général Lecointre, qui assume la responsabilité de la mission européenne EUTM-Mali – European Union training mission. Les 80 à 90 militaires déjà présents vont être rejoints par d'autres éléments fournis par divers pays européens, et les formations débuteront dans les premiers jours d'avril. Si nous n'avons rencontré aucune difficulté pour obtenir des instructeurs, nous avons plus de mal en revanche à constituer la force de protection chargée d'assurer leur sécurité. Le ministre des affaires étrangères a lancé un appel hier à Bruxelles. Il sera nécessaire qu'à terme, d'autres pays prennent le relais ; avec 6 000 soldats africains et 4 000 soldats français sur place, la protection et l'accompagnement de 400 formateurs ne devraient pas comporter trop de risques !
Sur le plan politique, j'ai été reçu par le président par intérim Traoré. Je souhaite que l'élection présidentielle ait bien lieu en juillet prochain ; le président Traoré et le Premier ministre Sissoko me l'ont d'ailleurs confirmé. Comme elle se déroulera dans le cadre d'une circonscription unique, ce sera plus facile à organiser que des législatives. Cela permettra d'avoir une autorité politique qui couvre les missions de la MINUMA et de l'EUTM-Mali, et d'établir une relation directe avec nous.
La création de la Commission de dialogue et de réconciliation, qui avait été annoncée solennellement par le président Traoré lors de la visite du Président de la République il y a un peu plus d'un mois, n'a été officialisée que la veille de mon arrivée. Il a été décidé qu'elle comprendrait un président, deux vice-présidents et trente membres, mais on ne connaît pas encore l'identité des titulaires ; le président Traoré m'a assuré qu'ils seraient désignés dans les dix jours. Une telle lenteur est préoccupante, car des tensions intercommunautaires commencent à apparaître dans certains endroits, en particulier à Kidal et à Ménaka où coexistent des populations arabes, touarègues et noires. Il est urgent de mettre en place une structure de dialogue afin que les élections aient lieu dans les meilleures conditions possibles.
Autre problème, qui m'a conduit à faire des observations très fermes : l'État malien ne s'installe pas dans les villes libérées. J'ai ainsi appris avec stupeur que le gouverneur de Gao, qui s'était rendu sur place pour la libération de la ville, était rentré à Bamako dès le lendemain ! Le président Traoré m'a certifié qu'il y retournerait la semaine prochaine, mais c'est quand même ennuyeux…
La résolution de ces difficultés passe par l'élection. Des candidats se sont d'ailleurs déjà manifestés et le parti principal, l'Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA), va même organiser des primaires.
J'ai également rencontré les organisations humanitaires, qui accomplissent un travail important. À Gao, en particulier, les services de base sont assurés par la Croix-Rouge et par les organisations non gouvernementales, et non par les autorités publiques.
Au sein de la communauté française, l'atmosphère commence à se détendre. Le lycée de Bamako a ainsi été rouvert avant-hier et j'ai trouvé nos compatriotes plus sereins qu'il y a un mois.
Dernier point, je veux répéter devant vous ce que j'ai déjà dit dans les médias : nous n'avons pas la preuve de la mort d'Abou Zeid – et il ne s'agit pas d'un refus de communiquer. Tous les éléments laissent à penser qu'il s'agit bien de lui, mais il faut attendre d'en avoir la preuve pour faire une annonce officielle.
Nous avons neutralisé plusieurs « sous-chefs », et les opérations dans l'Adrar des Ifoghas ont abouti à la neutralisation de très nombreux djihadistes et à la capture de 8 prisonniers.
Je pense que d'autres combats de ce type auront encore lieu, mais tout se déroule normalement. Nos soldats sont exemplaires ; en dépit de conditions de vie éprouvantes, ils conservent un moral d'acier. Il y a eu quatre morts, mais le fait que les opérations progressent leur donne du dynamisme.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour la clarté de vos explications et la franchise de vos commentaires.
Depuis le 18 janvier, l'escadron de drones militaires « Belfort » est déployé sur le terrain. Les drones Harfang sont probablement d'une grande utilité pour les opérations, en raison de leur endurance remarquable. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet et nous dire quelles leçons on peut en tirer pour l'avenir ?
La sortie naturelle de l'Adrar des Ifoghas étant vers l'Algérie, confirmez-vous la coopération franche et entière des autorités algériennes pour boucler la frontière ?
Les drones Harfang, qui sont des drones d'observation, sont basés à Niamey. Il s'agit d'un outil parfaitement adapté aux opérations que nous menons. Il est certain que s'il y en avait plus, et avec une meilleure qualité d'image, ce serait mieux ! Nous bénéficions cependant de notre collaboration efficace avec les Américains, eux aussi basés à Niamey. Je me rendrai d'ailleurs prochainement à Niamey – j'ai également fait une brève escale à Ouagadougou afin de rencontrer nos forces et le président Compaoré.
Les autorités algériennes appliquent très correctement leurs décisions. Notre coopération est bonne. Le pays venant de vivre une période particulièrement douloureuse, leur intérêt est d'écarter tout nouveau risque terroriste. La frontière est fermée – ce qui peut provoquer des inconvénients, notamment humanitaires – mais, vu le relief, il est difficile de la rendre hermétique. D'autre part, l'Algérie nous livre du carburant. Cela étant, je rappelle que la Constitution de ce pays n'autorise pas son armée à intervenir à l'extérieur de ses frontières.
Monsieur le ministre, n'oublions pas le 61e régiment d'artillerie et les drones de l'armée de terre !
La carte parle d'elle-même : il existe deux ou trois Mali. Vous avez dit que les opérations sur Kidal avaient été menées grâce à des alliances et à des partenariats avec les autorités locales touarègues. Quelle place envisagez-vous pour les populations touarègues après le conflit ? S'oriente-t-on vers une régionalisation, une autonomisation, une sécession ?
Pourriez-vous nous confirmer que nos forces ont pour mission de poursuivre leur progression vers le nord, en longeant la frontière algérienne sur toute sa longueur, jusqu'à Taoudenit ?
Je confirme que la totalité du territoire sera libérée, y compris dans la zone allant jusqu'à la frontière mauritanienne.
La question touarègue est du ressort de la Commission de dialogue et de réconciliation. Ni à Kidal ni ailleurs nous n'avons mené d'action militaire commune avec le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). Il se trouve que, lorsque nous sommes arrivés à Kidal, les Touaregs du MNLA étaient sur place. Nos militaires ont agi avec intelligence et afin d'éviter toute conflagration. Là-bas, l'autorité de l'État est absente. À Kidal comme à Ménaka, il existe de réels risques de conflits interethniques entre les Arabes, qui y étaient installés, les Touaregs, qui y sont venus, et les populations noires. Il faut que les autorités maliennes assument leurs responsabilités : ce n'est pas à nous de faire le gendarme.
D'autre part, s'il faut faire comprendre aux Maliens que nous n'avons pas vocation à rester durablement, je n'ai jamais dit que le retrait de nos troupes débuterait par le nord, il dépendra du comportement des forces africaines : l'idéal serait que celles-ci remontent sur Tombouctou, pour que nous puissions retirer de la logistique. Il s'agit d'une question, non pas financière, mais politique.
Existe-t-il dans l'armée malienne des unités à dominante ethnique ? Pendant combien de temps pourra-t-on « empêcher » qu'elles se déploient dans le nord ?
L'armée malienne a à sa tête un excellent chef d'état-major, le général Dembélé, avec lequel j'ai longuement discuté. Il est navré de l'état actuel des unités et compagnies. L'armée est en outre très mal équipée en logistique.
Pour y remédier, le général Dembélé et le ministre provisoire de la défense ont lancé un processus de recrutement ; ils ont engagé 3 500 nouveaux soldats, dont la formation sera pour l'essentiel assurée par la mission Lecointre. Il importe de contrôler la qualité de ce recrutement – la mission Lecointre s'en occupera également car il ne faudrait pas qu'il s'effectue sur des critères de cousinage ou de copinage, et que l'on observe de nouveau des phénomènes d'allégeance à des responsables politiques.
Il conviendrait en outre d'élargir les actions de l'U.E à la formation à d'autres fonctions régaliennes.
Ou sur celui de la mission Politique de Sécurité et de Défense Commune « EUCAP Sahel Niger ». Il faut impérativement former des gendarmes, pour ne pas avoir à nous occuper nous-mêmes du maintien de l'ordre.
François de Rugy. Merci, monsieur le ministre, pour ces échanges réguliers, ainsi que pour votre franchise et votre lucidité politique.
À moyen terme, le retrait de nos troupes sera-t-il nécessairement partiel ? Un calendrier a-t-il été arrêté ? L'intégration des troupes tchadiennes à la MISMA est-elle de nature à favoriser ce retrait ?
Je sais bien que les médias voudraient avoir des dates précises, mais c'est impossible : nous n'allons pas avertir Mokhtar Belmokhtar du jour de notre départ ! Le Président de la République a dit que si tout se déroulait normalement, le retrait débuterait en avril. Il faut se laisser une marge, tout en faisant comprendre aux Maliens que nous n'avons pas vocation à rester et qu'ils doivent donc assumer leurs responsabilités. Nous allons par conséquent réduire le nombre de nos soldats sur place. Le départ de la première unité sera un message clair.
La MINUMA est une mission de maintien de la paix, et non de séparation de forces. Il est donc impératif que les objectifs militaires aient été atteints avant son déploiement, et que nous libérions le territoire parallèlement à la transformation de la MISMA en MINUMA. Si, dans la zone nord, les opérations se déroulent plutôt bien, il faut être vigilant dans le secteur de Gao – mais je n'ai aucune raison de penser que nous ne réussirons pas.
Les armes saisies proviennent-elles de Libye ? Il semblerait que la situation ne s'améliore pas là-bas, et l'on craint même une transformation du pays sous l'influence de jeunes combattants fortement armés. La précédente intervention semble avoir laissé des traces durables…
Mme Najat Vallaut-Belkacem et moi revenons de New York, où avait lieu la session annuelle de la Commission de la condition de la femme des Nations unies. Nous avons rencontré à cette occasion Mme Michelle Bachelet, secrétaire générale adjointe et directrice exécutive d'ONU Femmes. Celle-ci souhaite obtenir l'appui de la France pour que l'ONU envoie au Mali des observateurs pour constater les exactions dont les femmes y ont été victimes et pour les protéger. Mme Michelle Bachelet se trouvait à Bamako la veille de l'intervention française ; elle nous a dit que si nous n'étions pas intervenus, Bamako aurait été submergée dans l'après-midi. La France appuiera-t-elle sa demande à l'ONU ? La mission Lecointre a-t-elle prévu une formation au respect des populations, en particulier des femmes ?
Comme je l'ai dit, nous avons mis la main sur plusieurs tonnes d'armes. Toutes ne sont pas directement identifiables mais nous allons les faire expertiser ; elles proviennent soit de Libye, soit du Mali, soit du marché noir – on se trouve sur une véritable « autoroute » du trafic d'armes, de drogue et d'otages.
S'agissant des exactions, nous avons demandé des observateurs à l'ONU. Plusieurs sont arrivés, mais ils n'ont pas encore été déployés. Nous sommes intervenus avec force auprès des autorités maliennes pour qu'elles garantissent le respect du droit international et l'absence de représailles. Le message semble avoir été bien reçu, car c'est très important pour l'image du Mali ; certaines exactions ont d'ailleurs été punies par les autorités militaires. Quant au programme de formation du général Lecointre, il prévoit des cours sur le respect du droit.
Monsieur le ministre, nous vous remercions pour votre disponibilité. Il semblerait qu'outre des armes, on ait également récupéré du matériel électronique, notamment des téléphones portables, qui auraient été envoyés à Paris. Cela signifie-t-il que l'on commence à travailler à un démantèlement des réseaux ?
Nous sommes unanimes à saluer la qualité de la formation de nos militaires et leur action sur le terrain. Il me semble qu'au moment où l'on évoque les suites du Livre blanc sur la défense, nous pourrions être tout aussi unanimes à reconnaître qu'il s'agit d'un bel héritage !
Vous nous assurez que les Algériens jouent le jeu, mais qu'en est-il de la frontière avec le Niger ? Serait-il possible que des djihadistes profitent de son éventuelle porosité pour échapper à la pression militaire et revenir ensuite ?
Vu la description que vous nous faites de la situation politique, il y a de quoi être inquiet sur la tenue des futures élections et sur la crédibilité de leurs résultats. Il serait fâcheux de passer auprès de l'opinion internationale et de l'ONU pour ceux qui auraient toléré une mascarade électorale. Avez-vous une solution de repli au cas où les opérations électorales ne se dérouleraient pas comme prévu ?
Monsieur le ministre, peut-être bénéficiez-vous d'un bel héritage, mais je tiens à saluer la qualité de la gouvernance que vous avez mise en place depuis le début du conflit, que ce soit sur le plan militaire ou sur le plan diplomatique.
Les conditions climatiques jouent un rôle très important dans le conflit. Or elles vont être de plus en plus dures, avec des répercussions sur l'hygiène et sur la santé des soldats. Comment appréhendez-vous les choses ?
Est-on capable d'identifier les circuits d'approvisionnement des djihadistes en armes ? Celles-ci sont-elles d'un bon niveau technologique ?
A-t-on une idée du nombre de rebelles encore en état de combattre ? Existe-t-il pour eux des possibilités de repli et si oui, vers où ?
Comment, au plus haut niveau de l'État, concilie-t-on les impératifs de notre mission, qui est de libérer le Mali et de neutraliser AQMI et les terroristes, avec la présence d'otages dans le nord du pays, sachant que ceux-ci représentent une monnaie d'échange et que leur sécurité est clairement menacée ?
Ayant d'autres engagements, je suis contraint de vous répondre brièvement ; je vous prie de m'en excuser.
Beaucoup de matériel, y compris des dispositifs de commande à distance ont en effet été saisis – surtout depuis quinze jours. Ils sont actuellement analysés par nos services.
Oui, c'est du matériel de professionnels. Les armes sont à l'avenant, avec par exemple la présence de lance-roquettes multiples. Il ne s'agit pas d'articles « soldés » : c'est la guerre !
Monsieur Fromion, je ne ferai pas de polémique : notre armée est notre héritage collectif, elle fait partie de la nation.
S'agissant de la frontière avec le Niger, on peut en effet s'interroger sur sa porosité. Des bataillons nigériens ont cependant été déployés là, ainsi qu'entre Gao et Ansongo. Ils sont assez bien équipés et disposent de moyens logistiques. En outre, nous surveillons la frontière à l'aide des drones basés à Niamey. Il reste que « l'autoroute » des trafics passe par là et que l'on a identifié des Libyens parmi les combattants que nous avons neutralisés au nord.
Quant aux élections, nous souhaitons que le Mali ait le plus rapidement possible des responsables politiques légitimes. Le calendrier idéal serait le suivant : finir la libération du territoire avant l'installation de la MINUMA, au mois de juin ; procéder aux élections en juillet ; en parallèle, former l'armée malienne de manière à ce qu'elle puisse, prendre le relais de la MINUMA – et je précise que cette dernière pouvant faire appel à d'autres forces que la MISMA, des pays européens pourront, s'ils le souhaitent, la rejoindre.
En cette période de l'année, le climat est sec et très chaud, ce qui impose une logistique très lourde. Dans la vallée d'Amettetaï, chaque soldat devrait boire dix litres d'eau par jour. La chaleur a un autre inconvénient : les hélicoptères et les avions peuvent transporter moins de personnes et de matériel. Ensuite, ce sera la saison des pluies, qui comporte d'autres inconvénients. Nous avons donc intérêt à terminer les opérations de libération avant le mois de juillet.
Sur les deux zones d'opérations, il resterait quelques centaines de djihadistes ; les djihadistes du Mujao sont plus nombreux que ceux d'AQMI et mieux intégrés dans la population.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.