Audition de Mme Elisabeth Laurin, Directrice d'Asie et d'Océanie au ministère des Affaires étrangères.
La séance est ouverte à seize heures trente.
Nous recevons cet après-midi Mme Elisabeth Laurin, Directrice d'Asie et d'Océanie du ministère des Affaires étrangères. La zone sur laquelle vous exercez votre compétence est vaste et il y aurait de très nombreux sujets à évoquer, mais vous me permettrez de vous inviter, au moins dans un premier temps, à concentrer votre propos sur la Chine et les relations franco-chinoises.
Le Président de la République vient en effet d'y effectuer une visite d'Etat, les 25 et 26 avril et notre commission a créé sur la Chine une mission d'information, présidée par M. Patrice Martin Lalande et dont le rapporteur est M. Michel Destot qui a d'ailleurs accompagné le Président de la République.
Ce déplacement présidentiel était d'une haute importance pour réaffirmer, après le renouvellement de l'équipe dirigeante chinoise, la force du partenariat stratégique franco-chinois et le nourrir de nouvelles initiatives. Je crois que l'on peut parler à cet égard de succès, concernant l'agenda de cette visite – la première d'un chef d'Etat étranger en Chine auprès du nouveau président Li Xiping –, le programme, très complet et de très haut niveau, mais aussi les avancées obtenues.
Il faut d'abord souligner la portée du communiqué conjoint publié à l'issue des entretiens des deux chefs d'Etat. Il pose le cadre politique du développement de la relation bilatérale, notamment en matière de paix et de sécurité et de promotion du multilatéralisme, et trace des perspectives concrètes pour la diversification et le renforcement de notre partenariat, particulièrement sur le plan économique et commercial. Je note aussi avec satisfaction la présence d'un paragraphe sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales.
Ensuite, 47 accords et contrats ont été signés lors de cette visite, dans les secteurs traditionnels de notre coopération, tels que l'aéronautique et le nucléaire, mais aussi dans des secteurs à approfondir et valoriser, comme l'agro-alimentaire, le développement durable, la santé, la standardisation et les échanges universitaires, sans compter les accords conclus par les entreprises sur des projets particuliers. Enfin il faut souligner l'institutionnalisation, en complément du dialogue stratégique, d'un dialogue économique et financier de haut niveau, permettant de réunir à échéance régulière le ministre de l'économie et des finances français et un Vice premier ministre chinois.
Cette visite traduit donc la densification de notre diplomatie notamment économique et semble constituer un pas important vers une coopération renouvelée, inscrite dans la durée et peut-être plus équilibrée. Nous ne doutons pas que des questions sensibles comme le juste échange, l'évaluation du Yuan, la propriété intellectuelle, les transferts de technologies, ou encore les normes commerciales, sociales et environnementales ont été abordées. Il serait intéressant que vous puissiez nous faire part de vos analyses sur l'état de la relation franco-chinoise à l'issue de cette visite et sur la portée concrète des échanges qui se sont tenus et des accords qui ont été conclus, étant rappelé que nous fêterons l'an prochain les 50 ans de la relation bilatérale et que ce sera une nouvelle opportunité de consolider plus avant ce qui aura été engagé.
Je vous passe la parole pour une vingtaine de minutes, à la suite desquelles mes Collègues vous poseront sans doute de nombreuses questions.
Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation à présenter les résultats de cette visite d'Etat du Président de la République en Chine, effectuée en Chine les 25 et 26 avril 2013 qui a donné à la relation bilatérale une nouvelle dynamique.
Comme vous l'avez souligné, le Président de la République est le premier chef d'Etat étranger à avoir été reçu à Pékin en visite d'Etat par la nouvelle équipe. C'est un signe important du souhait des autorités chinoises de donner un nouvel élan au partenariat avec la France et, par son intermédiaire, au partenariat euro-chinois. Le Président de la République a eu plusieurs heures d'entretien avec son homologue. Les chefs d'Etat ont affirmé leur volonté d'une relation bilatérale stable, équilibrée et tournée vers le long terme. Les deux chefs d'Etat ont clôturé ensemble le forum d'affaire qui s'est tenu à Pékin en marge de la visite d'Etat, fait inédit pour un chef d'Etat chinois.
Cette visite était l'occasion de fixer à la fois le cadre et le rythme de la relation bilatérale pour les années à venir. Elle a aussi été l'occasion de l'inscrire dans la durée. Les chefs d'Etat sont convenus de faire de l'année 2014 un temps fort pour le partenariat global stratégique franco-chinois, avec les célébrations du cinquantième anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques.
Cette visite d'Etat a permis à la relation bilatérale de progresser dans trois directions principales.
En premier lieu, il s'agissait d'acter le renforcement du partenariat global stratégique, cadre de la relation bilatérale. La Chine et la France, membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et du G20 notamment, souhaitent renforcer leur concertation sur les grandes questions internationales (crises régionales, notamment la situation au Mali sur laquelle la Chine a réaffirmé son soutien, crises de prolifération) et globales (G20, développement, climat en perspective de la conférence de 2015). Nous avons des désaccords de fond sur certains dossiers (Syrie), mais qui n'ont pas d'impact sur la qualité de la relation et c'est une réalité que la Chine souhaite aujourd'hui endosser une plus grande responsabilité et que nous devons l'y encourager.
Sur le plan de l'architecture du dialogue politique, le principe d'une rencontre annuelle entre les deux chefs d'Etat a été décidé. La visite d'Etat a réaffirmé le rôle du dialogue stratégique, ainsi que des échanges plus réguliers entre ministres des affaires étrangères pour le suivi et la coordination de la relation bilatérale. Les chefs d'Etat ont décidé la création d'un dialogue économique et financier de haut niveau, qui sera conduit par le ministre de l'Economie et des Finances et le vice-Premier ministre chinois en charge de ces questions. Notre dialogue politique avec la Chine a une vocation globale. Il inclut tous les sujets, y compris les plus sensibles. Les droits de l'Homme font partie de ce dialogue.
La visite d'Etat a permis de franchir d'importantes étapes sur nos principaux partenariats dits « structurants ». Concernant le nucléaire civil, l'année 2013 marque le 30ème anniversaire de notre coopération. La construction de deux EPR à Taishan se poursuit de manière satisfaisante et devrait être achevée en 2015. Nous souhaitons un partenariat global couvrant l'amont (entrée de la Chine au capital de la mine d'Imouraren au Niger en cours de discussion), l'aval (construction d'une usine de retraitement-recyclage du combustible usé) et les réacteurs (deux EPR supplémentaires à Taishan et développement d'un nouveau réacteur franco-chinois de 3ème génération). Les chefs d'Etat ont par ailleurs décidé de faire de la sûreté nucléaire le quatrième volet du partenariat global dans ce domaine. Concernant l'aéronautique, la visite d'Etat a permis la validation d'une commande de 60 appareils Airbus, dont 18 long-courriers A330. Airbus dispose aujourd'hui de 49% du marché des monocouloirs. Les négociations pour la prolongation de la chaîne d'assemblage d'A320 de Tianjin au-delà de 2015 sont en cours. Nous souhaitons une approche globale et équilibrée du développement de ce partenariat industriel.
En deuxième lieu, la visite d'Etat s'inscrivait dans notre souhait d'évoluer vers un rééquilibrage de notre relation économique. Notre relation économique est dynamique (plus de 10 000 entreprises françaises exportent vers la Chine, 2 200 y sont implantées et emploient 500 000 personnes, notre stock d'investissements y est de 13 milliards d'euros. Mais elle est aussi fortement déséquilibrée : 26,1 milliards d'euros, soit près de 40% de notre déficit extérieur total. Notre part de marché en Chine est de 1,23% alors que celle de l'Allemagne est de 5,33%. Il convient donc de travailler au rééquilibrage de ces relations en renforçant nos partenariats industriels.
Lors de la visite, les Chefs d'Etat ont ouvert de nouveaux champs de coopération : l'agro-alimentaire, la santé, le développement urbain durable et le numérique. Dans chacun de ces domaines, des accords et contrats ont été signés. Le forum d'affaires que le Président de la République a clôturé avec le Président Xi a permis de souligner l'importance de ces secteurs. Le Président de la République a indiqué que les investissements chinois créateurs d'emplois et de croissance étaient les bienvenus en France.
Le Président de la République a insisté sur la nécessité de la réciprocité et notre volonté de rééquilibrer par le haut notre relation économique et commerciale. Les Chinois sont ouverts à ce rééquilibrage. Des efforts doivent encore être fournis s'agissant des questions d'ouverture des marchés publics, d'ouverture aux investissements étrangers et de protection de la propriété intellectuelle. Les Chinois souhaitent aussi que nous adaptions notre offre avec des produits à plus fort contenu technologique.
Enfin, la visite a permis d'avancer sur la voie du renforcement des échanges humains entre nos deux sociétés. Ce renforcement s'effectue notamment au travers de celui de la coopération universitaire (35 000 étudiants chinois en France, près de 7000 étudiants français en Chine), des échanges touristiques (1,3 million de touristes chinois en France chaque année), culturels et scientifiques. C'est notamment dans cette perspective que plusieurs mesures ont été prises dans le domaine des visas : renforcement des effectifs des services des visas dans notre réseau consulaire en Chine, instructions relatives à la délivrance de visas de circulation, amélioration de l'accueil et de la sécurité des touristes chinois.
Le cinquantième anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques en 2014 sera l'occasion de décliner l'ensemble de ces priorités, au travers des échéances politiques et des événements, notamment culturels, organisés dans ce cadre. Nous souhaitons en particulier mettre l'accent sur l'attractivité de la France, notamment vis-à-vis des étudiants, touristes, chercheurs et investisseurs potentiels.
Après son voyage en Chine, le Président de la République se rendra du 6 au 8 juin prochain au Japon. Quelle est la position de la France sur le litige territorial des îles Senkaku ?
C'est un sujet sur lequel les autorités des deux pays concernés nous parlent. Sans prendre parti sur le fond de ce différend, la France appelle au dialogue et au règlement pacifique de cette question en conformité avec le droit international.
J'étais hier à Bruxelles dans le cadre d'un déplacement de la mission d'information sur la Chine : nous avons eu plusieurs entretiens avec les directions du commerce et les services extérieurs pour étudier les questions de coordination entre diplomaties française et européenne. Nous revenons perplexes, avec des interrogations sur l'articulation entre le dialogue franco-chinois et les quelque 60 dialogues que, avons-nous appris, les services de Mme Ashton entretiennent avec la Chine sur les thèmes les plus larges, sur lesquels aucune synthèse ou document d'étape n'est à la disposition des parlements nationaux. Qu'en est-il du contrôle exercé par notre diplomatie sur les dialogues entre l'UE et la Chine ?
Ma deuxième question porte sur le tourisme. Les Chinois sont de plus en plus nombreux à se rendre à l'étranger et nous avons des retours selon lesquels les ambassades et consulats français sont parmi les plus tatillons ; la Chine nous dit que nous ne faisons pas assez pour la simplification et l'accélération des modalités de déplacement de ses ressortissants en France. Le Président de la République en a-t-il parlé à ses interlocuteurs lors de son déplacement ? Quelles sont les options qui contribueraient à l'amélioration du tourisme chinois dans notre pays ?
Enfin, notre politique asiatique semble surtout axée sur la Chine, l'Inde et le Japon, mais il y a aussi l'Indonésie, la Malaisie, la péninsule indochinoise, en développement. Qu'en est-il de notre diplomatie en direction de ces pays qui sont peut-être l'Asie du futur et qu'il ne faudrait pas oublier ?
La position de la Chine sur l'Iran et la Corée du nord a-t-elle été évoquée par le Président de la République ?
En matière de visas, une question revient souvent sur laquelle on a du mal à comprendre pourquoi les choses n'avancent pas plus vite, malgré toutefois certains progrès. Dans le cadre des procédures Schengen, lorsqu'un visa a été accordé une ou deux fois, son bénéficiaire peut obtenir un visa de circulation, valable plusieurs années, ce qui facilite grandement les choses, pour les hommes d'affaires notamment. Depuis plusieurs années, des instructions ont été données pour simplifier la procédure. Qu'en est-il exactement ? Les chefs d'entreprises français à Shanghai par exemple me disent que leurs partenaires ne réussissent pas à en bénéficier, alors même qu'ils sont déjà venus en France plusieurs fois et qu'il n'y a évidemment pas de risque migratoire ? Cela simplifierait le travail de tout le monde, services français et entrepreneurs.
En matière de charges sociales, la Chine a décidé de taxer les travailleurs étrangers de 300 ou 400 euros par salarié, ce qui est très important. Toutes choses égales, cela correspondrait à une taxe de 30 % à 40 % que la France imposerait aux entreprises employant des travailleurs étrangers. Il semblerait que l'Allemagne soit arrivée à un accord sur cette question avec la Chine. Quand il était chargé du dossier, Xavier Bertrand m'avait dit que les négociations entre la France et la Chine avaient également débuté. Où en est-on aujourd'hui ? C'est une question importante qui risque d'avoir des répercussions graves sur l'emploi des Français en Chine et d'autant plus que nombre de nos compatriotes expatriés sont désormais employés sur des contrats de droit local.
A partir du moment où il existe beaucoup d'initiatives au niveau européen, la question de la coordination avec notre action se pose en amont pour définir nos positions et les faire valoir dans les différentes enceintes. Le secrétariat général des affaires européennes est chargé de les coordonner et de transmettre des instructions à notre Représentation permanente à Bruxelles. Sur les positions politiques, il existe à Bruxelles un comité « Asie » qui permet d'aborder régulièrement les questions et de définir des orientations stratégiques globales, dans notre dialogue avec la Chine, notamment sur les questions de droits de l'homme et sur les principales crises régionales.
La prolifération des groupes mobilise de nombreux experts et nécessite une coordination renforcée. Il est important d'identifier nos intérêts et de les faire valoir le plus en amont possible afin qu'ils soient pris en compte par la Commission pour ce qui est de nos intérêts commerciaux ou encore par les services du SEAE en matière de politique étrangère.
D'une manière générale, il existe des lignes directrices au niveau européen sur l'attitude à adopter vis-à-vis de la Chine.
S'agissant des visas et du tourisme, ce sont des sujets évoqués avec les autorités chinoises et la communauté d'affaires notamment. Nous souhaitons faciliter la venue des touristes, des chercheurs et des chefs d'entreprise dans le cadre de notre politique d'attractivité. Il est vrai qu'il y a eu des facteurs de blocage que l'on pourrait qualifier de matériels : dans certains postes, à Shanghai par exemple, il n'y avait pas suffisamment de personnel pour traiter rapidement les demandes. Il y a donc eu un renforcement des effectifs pour améliorer la fluidité tout en respectant les règles en la matière. La collecte des demandes de visas a été externalisée dans des centres partagés avec les Allemands à Shanghai, Pékin, Canton et Chengdu.
Le ministre des affaires étrangères a visité le centre externalisé de Shanghai lorsqu'il s'est rendu en Chine quelques semaines avant le Président de la République et il s'est aussi entretenu avec les conseillers du commerce extérieur. Nous souhaitons simplifier les procédures pour les cas que vous avez évoqués : les personnes qui sont déjà allées en France à plusieurs reprises et éligibles à des visas de circulation, ou encore celles qui pourraient déposer leurs demandes dans le périmètre d'autres consulats. Des instructions ont été récemment transmises aux postes à cette fin. Par ailleurs, il est prévu d'ouvrir un service des visas dans notre consulat de Shenyang avant la fin de l'année. Des informations écrites complémentaires pourront vous être transmises à ce sujet.
Nous travaillons aussi avec le ministère de l'intérieur et l'ambassade de Chine à Paris sur les préoccupations de sécurité exprimées par les touristes et les agences de voyage. Il y a des contacts réguliers pour améliorer l'accueil et favoriser la venue des touristes.
Le ministre des affaires étrangères a visité ce centre lorsqu'il s'est rendu en Chine quelques semaines avant le Président de la République et il s'est aussi entretenu avec les conseillers du commerce extérieur. Nous souhaitons simplifier les procédures pour les cas que vous avez évoqués : les personnes qui sont déjà allées en France à plusieurs reprises et éligibles à des visas de circulation, ou encore celles qui pourraient déposer leurs demandes dans le périmètre d'autres consulats. Par ailleurs, notre consulat de Shenyang va pouvoir délivrer aussi des visas. Des informations écrites complémentaires pourront vous être transmises à ce sujet.
Nous travaillons aussi avec le ministère de l'intérieur et l'ambassade de Chine à Paris sur les préoccupations de sécurité exprimées par les touristes et les agences de voyage. Il y a des contacts réguliers pour améliorer l'accueil et favoriser la venue des touristes.
S'agissant de notre politique asiatique, nous veillons à entretenir des relations denses et régulières avec l'ensemble de la région, notamment les pays de l'ASEAN. Le Premier ministre s'est rendu au Cambodge à l'occasion des obsèques du roi Norodom Sihanouk, en Thaïlande, à Singapour et aux Philippines. L'ASEAN est notre second partenaire économique et commercial en Asie après la Chine. Nous entendons mettre l'accent sur cette zone d'autant plus qu'elle doit se transformer en « communauté » économique à l'horizon 2015, avec l'objectif de se constituer en zone de libre-échange à terme. Nous devons nous positionner dès maintenant afin de profiter des opportunités qui se dessinent.
Nous avons un partenariat stratégique et des relations étroites dans le domaine économique et en matière de défense avec Singapour, ou encore l'Indonésie, pays à l'islam modéré où nous étions très présents jusqu'à la crise de 1997 et avec lequel nous avons lancé un partenariat stratégique. Nous souhaitons aussi développer un partenariat renforcé avec le Vietnam. J'ajoute que nous avons aussi des relations étroites avec la Thaïlande et la Malaisie. Nous prenons donc pleinement en compte l'importance de l'ASEAN dans la région.
À propos de la taxation des travailleurs étrangers en Chine, nous faisons valoir aux autorités chinoises que cette question est aussi un enjeu d'attractivité de la Chine pour les investisseurs étrangers. C'est aussi une question importante pour la communauté française sur place et pour les Français qui envisagent de s'expatrier. Il y a bien des négociations sur un accord de sécurité sociale, dont la dernière session a eu lieu en janvier 2013, et nous poussons pour qu'il y ait d'autres sessions dans les prochains mois. Il y a une volonté de notre part de progresser rapidement et je crois que les Chinois l'ont entendu. Nous souhaitons que ces discussions progressent au niveau technique.
Nous avons un partenariat stratégique d'importance avec l'Inde. Pouvez-vous nous faire un point sur les relations bilatérales économiques franco-indiennes et sur le projet de contrat de Rafale.
Concernant le Pakistan, la Ligue musulmane a remporté les élections samedi dernier, et ce dans un contexte de forte participation, malgré les menaces des rebelles et la mort d'au moins 26 personnes. Que peut-on attendre de ce changement quant à la stabilité du pays, quel est le contrôle exercé par les autorités politiques ?
Le scrutin du 11 mai au Pakistan a été très mobilisateur puisque près de 60 % des électeurs inscrits sont allés voter malgré les attaques terroristes et les violences politiques, qui semblent avoir fait un bilan de 50 victimes le jour du vote. Les résultats partiels donnent une victoire du principal parti d'opposition, la Pakistan Muslim League de Monsieur Nawaz Sharif, qui a été premier ministre à deux reprises, de 1990 à 1993 et de 1997 à 1999. Il devrait obtenir entre 100 et 120 sièges à l'assemblée et constituer le prochain gouvernement national de coalition. Ce parti conserve le contrôle de la province du Pendjab, qui est la plus importante du pays. Ce scrutin devrait permettre au futur premier ministre d'avoir une bonne assise. Il faut souligner que c'est une transition inédite au Pakistan puisque le prochain gouvernement succèdera à un gouvernement civil qui est allé jusqu'au terme de son mandat, ce qui est assez exceptionnel. Ce que l'on attend et que les Pakistanais attendent, c'est de sortir le Pakistan de sa crise économique marquée par des difficultés énergétiques majeures et des difficultés budgétaires. Il y a une nécessité pressante de réforme, qui rejoint une aspiration de la population pakistanaise de pouvoir passer à une autre étape du développement du pays. Concernant l'environnement régional, le pays est très important pour la lutte contre le terrorisme et pour la stabilité en Afghanistan. Il est trop tôt pour évaluer la posture du futur gouvernement pakistanais en vue des échéances afghanes de 2014. Nous plaidons pour que le Pakistan oeuvre à la stabilité de la région car il en est un acteur majeur.
Avec l'Inde, nous avons un déficit de 1,9 milliard d'euros et les ventes aéronautiques représentent une part importante de notre commerce bilatéral. Il y a une volonté des deux pays de faire passer notre partenariat stratégique à un autre niveau, notamment dans le domaine commercial. Deux secteurs sont particulièrement importants pour consolider nos échanges. La coopération en matière de défense est un axe majeur, avec le projet de vente de 126 avions de chasse Rafale. L'Inde a affirmé lors de la visite du Président de la République qu'elle attendait vivement la conclusion des négociations commerciales, ce que nous interprétons comme un signe positif.
Depuis l'élection du nouveau président, les relations entre Taiwan et la Chine ont considérablement évolué. Il y a des échanges économiques nombreux, des lignes aériennes quotidiennes établies notamment entre Shanghai et Taipei, etc. On a l'impression que la France en est restée à une diplomatie – ou une absence de diplomatie – à l'égard de Taiwan un peu ancienne et n'a pas tenu compte de l'évolution de la relation entre les deux rives du détroit.
Je m'excuse, Madame la Directrice, de revenir sur un point, mais il est d'une extrême gravité pour un certain nombre de Français. Cela fait deux ans que l'on me dit que l'on négocie au sujet du projet chinois de taxation des étrangers. Dans le même temps on me dit que les Allemands ont réussi à trouver une solution. Le problème semble peu compliqué de l'extérieur : les Chinois mettent en place une taxe pour financer un système social dont les étrangers ne bénéficient pas. Qu'est-ce qui fait que cela n'avance pas depuis deux ans, alors que cette taxe devrait être appliquée à Shanghai à partir du 1er juillet 2013 pour tous ceux qui sont en contrat locaux – et ils sont de plus de plus nombreux, pour des raisons salariales –, ce qui va poser des problèmes, d'où mon insistance. Cela fait deux ans que les gouvernements et les administrations négocient ; pourquoi ne parvenons-nous pas à un accord là où les Allemands y sont parvenus ?
Si vous le permettez, je reviendrai vers vous avec plus de détails pour identifier les principaux points et évoquer l'accord allemand.
Sur Taiwan, les relations se sont grandement améliorées entre les deux rives, notamment avec la signature de l'accord-cadre de coopération en 2010. Les investissements taiwanais sont très présents sur le continent. Taiwan est un partenaire commercial important en Asie et nous souhaitons promouvoir les échanges (commerciaux, transports notamment), en vue de profiter de ce marché taiwanais où nous sommes déjà positionnés. Il y a une marge de progression dans notre relation avec Taiwan, que l'on peut développer nos échanges au niveau technique et commercial, ainsi que dans les domaines de l'éducation et de la culture.
Permettez-moi d'ajouter qu'il y a peut-être une marge de progression à obtenir dans la qualité de notre représentation à Taiwan qui contraste avec celle de Taiwan en France.
Je souhaiterais avoir quelques informations sur la Corée du Nord et l'Iran, et ajouter que j'ai découvert ce qu'était le groupe de recherche IRASEC basé à Bangkok, financé par le ministère des Affaires étrangères et le CNRS, et qui travaille sur toute l'Asie du Sud-Est. Je trouve leurs publications remarquables. J'ai cru comprendre qu'ils avaient des inquiétudes sur leur avenir et je souhaiterais donc savoir si leurs financements sont sécurisés.
Les chercheurs de l'IRASEC font en effet un travail de grande qualité, qui s'inscrit dans le cadre de notre volonté de travailler davantage avec l'ASEAN, qui est un ensemble extrêmement hétérogène et qui nécessite donc une connaissance de son histoire et de son fonctionnement. Je reviendrai vers vous si une difficulté se posait sur cette question.
Concernant la Corée du Nord, la question a été évoquée lors de la visite d'Etat que le Président de la République a effectuée en Chine en avril. Pour la Chine, c'est un problème très sérieux. Les Chinois sont très clairs : ils ont condamné les essais nucléaires de la Corée du Nord et rappellent qu'ils désirent une péninsule coréenne dénucléarisée. Il y a une volonté de la part de la Chine de contribuer à l'apaisement des tensions dans la péninsule et à résoudre cette question par le dialogue.
La séance est levée à dix-sept heures vingt.