Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 8 octobre 2013 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu Mme Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du CESE intitulé « Quels thèmes et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? ».

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Mes chers collègues, c'est la troisième fois que notre commission auditionne des rapporteurs du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Dans le cadre de nos réflexions sur la préparation du volet énergétique de la transition écologique, Mme Anne de Bethencourt et M. Jacky Chorin sont venus, en février dernier, présenter les conclusions de leur avis sur l'efficacité énergétique. En mars, M. Jean Jouzel et Mme Catherine Tissot-Colle ont évoqué la transition énergétique 2020-2050.

Aujourd'hui, nous avons le plaisir de recevoir Mme Catherine Chabaud, navigatrice, membre de la section de l'environnement du CESE depuis 2010 en qualité de personnalité qualifiée, et rapporteure en juillet dernier d'un avis intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? », qu'elle va nous présenter.

En plus de son engagement au sein du CESE, Mme Catherine Chabaud pilote le projet Voilier du futur retenu, dans le cadre des investissements d'avenir et du programme Navire du futur, par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et le Commissariat général à l'investissement.

Elle est accompagnée de Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section environnement du CESE, de M. Serge Peron, administrateur de cette même section, et de M. Jacques Beall, conseiller au CESE, auteur d'un avis sur la sécurité des plateformes pétrolières en mer.

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Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental, CESE

Nous avons eu le plaisir de vous soumettre un avis sur la transition énergétique. Notre souhait est de pouvoir vous présenter nos travaux chaque fois que cela est possible. Vous avez le rôle de décideur, nous avons celui de conseil ; nos échanges doivent pouvoir nourrir vos réflexions.

Issue de la réforme du CES devenu CESE, la section que je préside est compétente sur plusieurs thèmes : le climat, la biodiversité, les mers et les océans, la transition énergétique, les risques environnementaux, la protection de l'environnement et la qualité de l'habitat. Nous avons à coeur de travailler ces questions environnementales sous l'angle de leurs interactions économiques et sociales.

Dans la perspective du projet de loi sur la biodiversité, nous venons de publier un avis sur ce thème. Nous avons aussi été saisis par le Gouvernement sur la question de l'éducation à l'environnement et au développement durable, qui fut un des thèmes de la Conférence environnementale.

Dans les jours prochains, nous nous attellerons à deux autres thèmes : les inégalités environnementales et sociales ainsi que l'adaptation climatique, sujet sur lequel nous espérons formuler un avis au printemps 2015, au moment de la parution du cinquième rapport des groupes 2 et 3 du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC).

En ce qui concerne l'avis sur la gouvernance des océans qui va vous être présenté, il s'agit d'une auto-saisine. Nous avions déjà été amenés à réfléchir à cette question à travers les risques environnementaux des plateformes pétrolières en mer. Nous avons également organisé un colloque international sur la haute mer, qui a débouché sur « l'Appel pour la haute mer ».

A la faveur de la position exprimée lors du sommet de Rio + 20, nous souhaitons mener une réflexion sur l'élaboration d'un instrument international concernant la biodiversité dans les zones situées au-delà des limites des juridictions nationales au sens de la convention sur le droit de la mer. Ce travail, commencé aux Nations unies en septembre 2013, devrait arriver à échéance en septembre 2014. Je précise que le Président de la République a soutenu l'idée de cet instrument.

Enfin, la Conférence environnementale a consacré une table ronde sur la biodiversité marine et, plus largement, sur les enjeux liés aux océans.

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Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, CESE intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? »

Je me présenterai en quelques mots. Je suis une ancienne navigatrice et une journaliste de formation. Les courses au large que j'ai effectuées pendant quinze ans m'ont donné envie de m'engager car, à chaque traversée de l'Atlantique, j'ai constaté – chaque jour, voire plusieurs fois par jour – la présence de macro-déchets.

Depuis une dizaine d'années, je me mobilise pour la préservation de la mer et du littoral, et plus généralement pour le développement durable. J'ai piloté des missions que m'avait confiées Jean-Louis Borloo sur le thème du nautisme et du développement durable. J'ai présidé le groupe de travail du Grenelle de la mer sur la sensibilisation, l'éducation et la communication. J'ai mené une mission sur le nautisme pour le pôle Mer Bretagne. J'ai été membre du conseil d'administration du Musée national de la marine, de l'Agence des aires marines protégées, de la Fédération française de voile, de la Société nationale de sauvetage en mer. Je fais partie du comité de pilotage du Conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation pour la construction et les activités navales (CORICAN). Membre du CESE depuis la nouvelle mandature dans le groupe des personnalités qualifiées, je fais partie de la section environnement. Enfin, je suis pilote du projet Voilier du futur, lauréat des investissements d'avenir.

Notre rapport Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? est l'occasion de fournir une photographie des océans, que malheureusement peu de Français connaissent. Il est le fruit du travail de la section environnement et de l'expertise de nos administrateurs. De l'avis d'un certain nombre de personnes qui l'ont lu, il fera date. Il est divisé en quatre chapitres : « les ressources des océans : un monde peu connu et pourtant si riche » ; « les enjeux des activités humaines en mer » ; « les impacts subis par les océans : des richesses fragilisées » ; « la gouvernance des océans : un cadre complexe, des règles inachevées ».

Les océans recouvrent 71 % de la surface de la terre, mais seuls 5 % ont été explorés de manière systématique. La biodiversité marine représente 90 % de la biomasse de la Terre – le phytoplancton équivaut à lui seul à 50 % de cette biomasse planétaire. Les océans jouent un rôle essentiel dans l'équilibre du climat ; ils recyclent le gaz carbonique de l'atmosphère et produisent plus de la moitié de l'oxygène que nous respirons. En outre, 98 % des ressources hydriques proviennent des océans. Et plus de 2,6 milliards d'êtres humains dépendent principalement de la mer pour leurs besoins en protéines.

À l'échelon international, les activités maritimes atteignent un chiffre d'affaires de 1 500 milliards d'euros, dont 190 milliards proviennent de secteurs qui n'existaient pas il y a dix ans, ce qui traduit une émergence d'activités – offshore profond, énergies marines, etc. Pour la France, l'économie maritime génère 450 000 emplois pour un chiffre d'affaires de 70 milliards d'euros.

Le milieu marin subit quatre grandes pressions : la destruction et la pollution des écosystèmes, la surexploitation des ressources, la dissémination des espèces et les impacts du changement climatiques. Environ 41 % des écosystèmes sont fortement menacés. Près de 30 % des stocks de poissons sont surexploités, et 60 % sont exploités au maximum. Enfin, 80 % des macro-déchets sont d'origine terrestre.

La convention de Montego Bay de 1982 a créé la zone économique exclusive (ZEE) qui repousse à 200 milles nautiques la souveraineté des États côtiers. L'espace maritime français est ainsi porté à 11 millions de kilomètres carrés, ce qui donne à notre pays une légitimité sur ces sujets, mais aussi des perspectives économiques. Au-delà de cette ZEE, la haute mer est un espace de liberté ; elle représente les deux tiers des océans. Compte tenu des ressources minérales et biologiques qu'elle recèle, l'enjeu est de savoir si l'on continue librement à l'exploiter ou si l'on essaie de définir un cadre juridique. À cet égard, nous assistons aujourd'hui à l'émergence du concept de patrimoine commun de l'humanité autour de la haute mer.

Les outils de la gouvernance internationale sont la convention de Montego Bay, la convention sur la diversité biologique et des instruments thématiques ou régionaux. L'Europe dispose d'un commissaire compétent pour les affaires maritimes et la pêche. La France hésite depuis toujours entre un ministère, dénommé aujourd'hui « des transports, de la mer et de la pêche » et placé sous la tutelle du ministère de l'écologie, et un secrétariat général de la mer.

Notre rapport est exhaustif, mais notre avis pointe des sujets prioritaires. Nos préconisations portent sur quatre thèmes : la recherche, la connaissance et la formation ; la gestion durable des activités humaines en mer ; la prévention des dommages environnementaux majeurs ; l'amélioration de la gouvernance.

Sur le premier thème, nous préconisons le maintien des capacités de la flotte océanographique française et une mutualisation des différents supports d'observation à la mer. Nous souhaitons également le maintien des moyens satellitaires. Pour nous, il est urgent de développer la recherche fondamentale sur les écosystèmes des grandes profondeurs ainsi que sur les environnements insulaire et polaire. Nous suggérons le développement de partenariats entre la recherche scientifique et l'industrie ainsi qu'un renforcement des sciences participatives sur ce sujet.

Nous préconisons que la France et l'Europe affichent une stratégie maritime ambitieuse. Le CESE estime prioritaire de finaliser l'évaluation mondiale de l'état du milieu marin. Il demande une articulation entre les travaux du GIEC et de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Une sensibilisation à la mer, de tous les acteurs et pour tous les cursus, nous semble également indispensable.

Sur la gestion durable des activités humaines en mer, nous promouvons une approche écosystémique et concertée du développement. L'enjeu est d'arriver à gérer durablement et collectivement le milieu – pêche, énergies marines, transport maritime, plaisance, etc. Pour ce faire, nous recommandons une écoconception des navires et des infrastructures maritimes, une concertation de tous les acteurs, un développement des énergies marines renouvelables (EMR) avec des objectifs ambitieux au niveau européen, et la création d'une filière nationale et continentale de démantèlement des navires.

Nous préconisons un pacte national pour une pêche et une aquaculture durables, la question de la ressource halieutique engageant l'ensemble des acteurs. Nous recommandons la traçabilité du poisson, une réflexion sur la pêche profonde au sein du Conseil national de la mer et des littoraux, et une réforme du modèle de production de l'aquaculture.

Enfin, il nous paraît essentiel d'évaluer les besoins en nouveaux métiers.

Sur la prévention des dommages environnementaux majeurs, nous avons pointé deux sujets : les conséquences du réchauffement climatique sur les océans et les impacts des macro-déchets. Le CESE demande à la France de promouvoir l'intégration du rôle des océans dans les négociations internationales relatives au climat. Nous avons bon espoir qu'elle le fasse en 2015 dans le cadre de la Conférence des parties, sachant que les océans n'ont jamais été abordés jusqu'à présent dans ces réunions.

Au niveau international, nous souhaitons l'adoption d'une convention-cadre de lutte contre les pollutions marines d'origine tellurique. Nous appelons à un renforcement de la prise en compte du lien terremer : un effort doit être entrepris pour équiper notamment les collectivités d'outre-mer de réseaux d'assainissement et de station d'épuration.

Le succès de ces préconisations a un préalable : la définition d'une politique maritime ambitieuse au travers d'une gouvernance claire. Nous soulignons l'importance de la pérennité de l'institution en charge de cette gouvernance, d'une part, et de la dimension politique du rôle confié à son dirigeant, d'autre part. Nous proposons, non pas d'instaurer un grand ministère de la mer, mais de réformer le rôle du secrétariat général de la mer qui serait compétent sur l'ensemble des questions maritimes – biodiversité, action de l'État, activités maritimes, etc. Nous préconisons de confier ce pilotage à un haut-commissaire, avec rang de ministre, sous l'autorité directe du Premier ministre.

Au niveau international, le CESE souhaite que la biodiversité en haute mer bénéficie enfin d'un cadre juridique protecteur et que la place de la société civile dans les instances internationales soit renforcée. La conférence que nous avons organisée sur la gouvernance de la haute de mer au mois d'avril a mobilisé les services de l'État et des démarches sont entreprises. Au niveau européen, nous proposons la création d'un registre d'immatriculation des navires, prenant comme référence le plus exigeant de l'Union.

Nous appelons de nos voeux l'instauration d'un cadre international de gestion durable des ressources de l'Arctique. Il y a urgence car la fonte de la banquise ouvre la voie à l'exploration et à l'exploitation des ressources pétrolières.

Enfin, le CESE souhaite que le préjudice écologique soit intégré dans le droit européen.

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Votre rapport comporte un certain nombre de propositions que nous pouvons soutenir. Il y a en effet urgence à nous pencher sur des sujets aussi divers que la détérioration des récifs coralliens, la pêche en haute mer, l'émergence de nouvelles activités qui vont peut-être porter atteinte aux océans…

Comment envisagez-vous l'articulation entre votre travail et la future loi relative à la biodiversité, qui comportera un chapitre sur les océans ?

Ne pensez-vous pas indispensable de doter l'assemblée générale des Nations unies d'un mandat clair afin que soient définies les conditions d'accès et de partage des bénéfices de l'exploitation des ressources marines ?

Lors de la conférence d'Hyderabad sur la diversité biologique, peu de représentants du monde marin étaient présents ; les chercheurs qui l'étaient se sont plaints de ne pas être suffisamment reconnus. Comment promouvoir la recherche sur le milieu marin ?

J'ai eu l'occasion de recevoir, dans ma ville de Niort, François Gabart et Bernard Stamm qui ont participé au dernier Vendée Globe – François Gabart l'a même gagné. En les interrogeant, j'ai eu le sentiment que les marins ne semblaient pas avoir conscience de la nécessité de conserver les océans en bon état. Comment mobiliser toutes celles et tous ceux qui utilisent la mer à des fins professionnelles ou de loisir ? Et comment sensibiliser les populations elles-mêmes ?

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Le journal Ouest France écrit ce matin que « la France, avec 11 millions de kilomètres carrés d'océan, joue les gros bras maritimes. Mais c'est de la gonflette. Peu de moyens sont mobilisés pour développer ces zones souvent lointaines de la métropole. » Il ajoute que Gérard Grignon va remettre un rapport sur le sujet.

L'application du Grenelle de la mer pose problème, notamment entre l'État et les collectivités. On peut parler de la gestion intégrée des zones côtières, de la trame bleue, de la préservation du littoral, de la prescription de protections après la tempête Xynthia. Il conviendrait également d'accorder davantage de moyens au Conservatoire du littoral dont le rôle est essentiel dans la préservation des rivages, sachant que 80 % de notre population vivra soit dans les pôles urbains, soit en bord de mer.

Un rapport sénatorial intitulé Maritimisation : la France face à la nouvelle géopolitique des océans souligne la nécessité de mieux suivre et mieux évaluer notre politique maritime en regroupant des actions au sein d'une loi de programmation quinquennale. Votre proposition de nommer un haut-commissaire va dans ce sens. On sait à quel point l'éclatement des administrations a été problématique lors naufrages de l'Erika et du Prestige.

Les « navires du futur » s'inscrivent dans une diversification industrielle que nous appelons de nos voeux.

Le volet social de la pêche doit être souligné, car ces métiers attirent peu aujourd'hui.

L'État va mettre en place des parcs éoliens en Manche et dans l'Atlantique. Mais un accent particulier doit être porté sur les micro-algues, sur lesquelles sont mobilisés des pôles à Brest et à Nantes : ce sont de gigantesques ressources en termes alimentaires et pharmaceutiques.

S'agissant de la responsabilité environnementale, nous avons gagné une grande bataille l'année dernière au sujet de l'Erika. Avec Alain Leboeuf, nous avons déposé une proposition de loi visant à inscrire le préjudice écologique dans le droit. Il est vrai que les divers naufrages ont fait évoluer la législation européenne et française.

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Je remercie vivement Catherine Chabaud pour la qualité de sa présentation et pour son engagement. Le rapport du GIEC souligne le réchauffement des couches océaniques superficielles et le rôle considérable des océans dans l'atténuation du changement climatique en absorbant 90 % de l'augmentation de la quantité d'énergie. Il indique également que, de 1901 à 2010, le niveau moyen des océans a augmenté de 19 centimètres, que le niveau des mers devrait monter de 17 à 38 centimètres d'ici à 2050, et de 28 centimètres à près de 1 mètre d'ici à 2100. Les parlementaires ultramarins, notamment de la Polynésie, nous font part de leur grande inquiétude à cet égard.

L'océan va continuer à se réchauffer et la chaleur emmagasinée va pénétrer plus profondément encore dans les couches océaniques, ce qui affectera la circulation des eaux. Il y a donc urgence à réduire les émissions de CO2, à lutter contre la surexploitation des mers, la pollution tellurique, la disparition progressive des récifs coralliens.

Votre rapport est passionnant. Vous formulez des préconisations sur la gouvernance, mais ne peut-on aller plus loin, notamment en affichant des objectifs en matière de politique commune sur le plan européen ? Nous n'avons pas, en France, les moyens de nos ambitions, mais nous pouvons les avoir à l'échelon européen grâce à des transferts de compétences. Qu'en pensez-vous ?

Vous préconisez une meilleure articulation des travaux du GIEC et de l'IPBES. Pourriez-vous nous apporter des précisions en la matière ?

Un continent de déchets en plastique pollue l'Atlantique Nord et tue de nombreux animaux. Des travaux sont menés sur ce sujet par le commissaire européen à l'environnement. Comment vous reconnaissez-vous dans sa réflexion ?

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Merci pour ce travail passionnant. J'axerai mon propos sur la pêche et la préservation de la biodiversité marine. La plupart des études indiquent un effondrement des ressources halieutiques, notamment la disparition totale des poissons marins d'ici à 2048 si rien n'est entrepris. La surpêche d'une espèce a des conséquences en chaîne, provoquant un bouleversement de l'écosystème marin dont on a du mal à mesurer les conséquences. Par exemple, la baisse drastique du nombre de grands poissons, comme le thon, a favorisé la prolifération des méduses : c'est le cas notamment au Japon qui se retrouve face à un vrai problème écologique – encore un…

Si l'équilibre écologique des océans n'est pas maintenu ou rétabli, il semble illusoire de parler de pêche durable. On sait que la politique des quotas de pêche fonctionne mal et qu'elle a pour conséquence le rejet massif de prises accessoires et accidentelles. Les techniques sont, en effet, assez rudimentaires : c'est comme tuer tous les animaux d'une forêt pour prélever une seule espèce… La pêche en eaux profondes, que vous évoquez dans votre rapport, fait partie de ces pratiques catastrophiques sur le plan écologique. C'est pourquoi elle devrait être interdite, comme le propose la Commission européenne.

La solution pourrait-elle être l'aquaculture ? Cela s'avère très compliqué. Contrairement aux animaux d'élevage qui se nourrissent le plus souvent de végétaux, les poissons consomment principalement des poissons ! Et si pour produire un kilo de poisson d'élevage, il faut en pêcher deux kilos, c'est un non-sens. Les rapports sont même bien souvent pires : il faut de 3 à 4 kilos de poissons pour obtenir 1 kilo de saumon d'élevage, et ce rapport est de 22 pour 1 dans l'élevage du thon. Certes, ce ratio est similaire dans la nature, mais il respecte un cycle systémique qui n'a rien à voir avec le rythme industriel de l'aquaculture. Pour nourrir ces poissons d'élevage, on utilise des poissons sauvages, souvent surexploités, comme la sardine, le merlan, l'anchois. La solution ne peut évidemment pas être d'alimenter les poissons avec de la farine de porc, comme certains le voudraient.

La question du lieu où pratiquer cette aquaculture pose également problème, dès lors que certains facteurs sont pris en compte, comme la concurrence avec les espèces locales et la pollution avec le rejet d'antibiotiques. Une aquaculture non raisonnée, sans équilibre entre productivité et respect de l'environnement, ne règle pas le problème des stocks halieutiques : elle le déplace des poissons carnivores aux autres espèces tout en entraînant une pollution des milieux. Il est nécessaire de s'interroger sur le modèle de production aquacole, et c'est ce que vous préconisez à juste titre dans votre rapport. Mais les solutions semblent, en fait, très peu nombreuses.

Le débat sur la pêche est le même que sur la viande. Nous savons que l'élevage d'animaux terrestres est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre, soit plus que l'ensemble des transports, et accapare une grande partie des terres arables. Il est impossible de nourrir 9 milliards d'humains avec la même consommation de viande que dans les pays développés. Le problème est donc le même pour le poisson : il est presque impossible de répondre à la hausse de la demande sans aboutir à une catastrophe écologique.

Je note avec satisfaction dans votre avis que vous souhaitez organiser une campagne nationale de sensibilisation destinée à inciter le grand public à une consommation responsable des produits de la mer. Une consommation responsable passe forcément par une baisse globale de la consommation – et donc des prélèvements. C'est, il me semble, la seule solution viable écologiquement. L'idée d'un label européen certifiant des produits issus d'une pêche durable, comme vous le proposez, semble pourtant à double tranchant si l'on a, d'un côté, des poissons labellisés et chers et, de l'autre, des poissons non labellisés issus de la surpêche.

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Merci pour la qualité de votre présentation. Nous sommes heureux d'accueillir la première femme à avoir terminé un tour du monde à la voile, en solitaire, en course et sans escale.

Trente ans après la signature de la convention des Nations unies sur le droit de la mer à Montego Bay – l'accord le plus important de l'histoire concernant la haute mer –, les océans continuent à mobiliser. Le Secrétaire général Ban Ki-moon a lancé le Pacte pour les océans qui vise à renforcer la capacité du système de l'ONU à soutenir les actions des gouvernements ainsi qu'à promouvoir l'engagement des organisations intergouvernementales et des ONG.

Dans ce contexte, le CESE s'est posé la bonne question : comment gérer collectivement et préserver les écosystèmes de cet espace extrêmement précieux pour l'être humain ? Dans cette optique de gouvernance et de gestion durable des océans, vous nous avez fait part aujourd'hui de vos préconisations. La lecture d'un article du Programme international sur l'état des océans, la semaine dernière, montre à quel point il est urgent de considérer vos recommandations. Dans ce texte, on peut lire que l'état de santé des mers décline plus rapidement qu'on le pensait, sous l'effet de trois composantes : le réchauffement, la désoxygénation, et l'acidification. Les chercheurs estiment que ce cocktail néfaste, qui touche à la température, à la chimie, à la stratification des océans et à l'apport en nutriments, compromet gravement la productivité et l'efficacité des océans.

Les résultats de ces études vont au-delà de la conclusion du GIEC selon laquelle l'océan absorbe une grande partie du réchauffement climatique, ainsi que des taux sans précédents de dioxyde de carbone. Les chercheurs redoutent un impact cumulé bien plus grave que les estimations précédentes : la combinaison des différents facteurs a un résultat global supérieur à la simple addition des impacts de chaque facteur.

Les scientifiques du Programme international sur l'état des océans proposent trois solutions : réduire les émissions mondiales de CO2 pour limiter l'augmentation des températures à moins de 2 degrés ; garantir la mise en place d'une gestion basée sur la communauté et les écosystèmes, favorisant les pêcheries de petite échelle ; et construire une infrastructure mondiale pour la gouvernance de la haute mer. Les préconisations de votre rapport font-elles écho à ces trois propositions et, si oui, comment s'articulent-elles ?

Enfin, le CESE demande que la biodiversité marine, composante fondamentale de la diversité biologique, en particulier dans les collectivités ultramarines, soit traitée à la hauteur de son importance dans la loi cadre sur la biodiversité. Selon vous, faut-il réaffirmer la place des aires marines protégées dans le projet de loi ?

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Merci pour la qualité de votre rapport. Les mers, les océans sont notre assurance-vie pour les siècles à venir, pour nos enfants et les générations futures. Il y a urgence à les préserver, avec l'absolue nécessité pour tous les usagers de la mer de cohabiter. Parmi ces usagers, nos pêcheurs sont trop souvent stigmatisés alors qu'ils sont plutôt de bons élèves.

Je voudrais vous interroger sur les grands fonds. Votre rapport s'appuie sur des observations scientifiques. Les professionnels ont-ils été ou sont-ils suffisamment associés à ces études ? Préconisez-vous une interdiction ou un encadrement plus sévère, avec l'impact économique que cela pourrait avoir sur le devenir de certains de nos ports, en un mot d'aller plus loin ?

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La France a un « vaisseau amiral », l'administration des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) avec ses bases de recherche. Qu'en pensez-vous ?

Pouvez-vous nous dire un mot sur le « sixième continent », le « continent de plastique » évoluant dans les océans ? Comment lutter contre ce phénomène ?

Quelle est la position de la France sur la problématique des déchets enfouis en mer, notamment des déchets nucléaires ?

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La France possède le deuxième espace maritime mondial après celui des États-Unis. Nous disposons d'un potentiel unique en termes de richesses, qu'il convient néanmoins de préserver compte tenu de sa fragilité. Je souscris pleinement à l'ambition de ce rapport qui concilie les trois piliers du développement durable – économique, social et environnemental.

La pêche française en eau profonde est dépendante de la politique commune de la pêche, et il faut veiller à ne pas ajouter trop de contraintes à celles qui existent déjà. Nous devons laisser aux professionnels le temps de s'adapter aux nouvelles techniques. Les pêcheurs doivent faire face à une concurrence illicite et dangereuse d'opérateurs sans scrupule ; c'est pourquoi un label européen de qualité certifiant les produits de la pêche durable permettrait de lutter contre la pêche illégale. J'aimerais avoir votre point de vue sur ces deux sujets : l'inflation de contraintes et ce label européen.

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Merci pour votre excellent rapport. Lors de la conférence environnementale, vous avez évoqué l'idée d'une filière à responsabilité élargie aux producteurs de bateaux, assortie d'une prime à l'écoconception des navires. Cette piste permettrait de produire moins de déchets et de recycler plus de matériaux. Elle me semble intéressante même si le rapport que j'ai rédigé avec mon collègue Guillaume Chevrollier préconise d'abord la mise en place satisfaisante des filières REP avant d'en créer d'autres.

Existe-t-il une filière de valorisation des matériaux issus des bateaux ? Quels sont les progrès possibles pour concevoir les navires les plus écologiques possibles ? Les utilisateurs sont-ils sensibles à cette problématique ? Que deviennent les vieux bateaux ?

S'agissant des navires de pêche, il me semble nécessaire de se donner plus de temps avant d'envisager de les renouveler, afin de tenir compte des contraintes économiques.

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L'immensité des océans ne les protège pas des nombreuses menaces : pollution, réchauffement climatique, épuisement des ressources du fait de la surexploitation, disparition d'espèces rares. Notre pays, deuxième puissance maritime mondiale a une responsabilité particulière sur le sujet. Selon votre rapport, la France doit faire pression pour une gestion écoresponsable des océans, ce que nous approuvons.

Vous qui avez tant navigué sur les océans, comment envisagez-vous les projets, prévus le long de nos côtes, de fermes hydroliennes et de parcs d'éoliennes flottantes en mer ? Selon vous, avons-nous le recul suffisant pour mesurer l'impact de ces projets et méritent-ils le label écoresponsable ?

Plusieurs députés. Très bonne question !

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Je tiens tout d'abord à exprimer toute mon admiration : Madame Catherine Chabaud a été une navigatrice très courageuse. Les schémas de cohérence territoriale (SCOT) sont des documents de planification terriens et il est difficile d'y intégrer des volets littoraux. Pourtant, de multiples activités existent : récifs artificiels, hydroliennes, zones de surf et de plongée, parcs naturels marins, etc.

Lors des auditions que vous avez réalisées, une disposition sur le volet littoral dans les SCOT a-t-elle été envisagée, avec comme objectifs de connaître et de coordonner les activités marines, d'éviter les conflits d'usage, de limiter les activités susceptibles de pollution sur les plages et en mer, d'affirmer la mer comme partie prenante du territoire et de l'intégrer réellement dans les politiques d'aménagement ?

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Il y a quelques années paraissait un livre signé d'un journaliste scientifique et d'un chercheur, intitulé Une mer sans poissons. Comment évaluez-vous le risque de la surexploitation des océans ? Dans la mesure où les hommes pêchent toujours plus loin et toujours plus profond, comment concilier préservation de l'océan, besoins économiques et pêche durable ?

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L'extraction de sable marin utilisé pour la construction pose de nombreux problèmes, notamment dans certaines îles du Pacifique, avec un recul voire une disparition des plages. La méthode d'extraction est particulièrement brutale ; elle détruit les fonds marins côtiers où la biodiversité est souvent la plus riche. Un projet très contesté est en gestation dans la baie de Lannion pour extraire du sable coquillier. Que pensez-vous de l'impact écologique de ce type d'exploitation ?

Des milliers de mètres cubes d'eau radioactive s'échappent de la centrale de Fukushima. Faut-il craindre une pollution massive de tout ou partie de l'océan Pacifique ?

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Vous soulignez dans votre rapport les atouts indéniables de la France en termes de ressources minérales sous-marines. Toutefois, ces richesses sont sous-exploitées, voire relativement peu explorées. Des travaux de cartographie ont été conduits à Wallis-et-Futuna. Pourrait-on imaginer une application à grande échelle de cette méthode de travail au sein d'un pôle minier français pour établir une documentation plus précise ?

L'exploitation des ressources minières fait l'objet d'une véritable concurrence internationale, notamment avec la Chine et l'Inde. Comment envisagez-vous le rôle de la France ? Doit-elle, comme l'a proposé le rapport que j'ai rédigé avec Michel Havard sur la gestion durable des matières premières minérales, renforcer sa présence à l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM), notamment à la commission juridique et technique, pour améliorer la gouvernance internationale et suivre les règles encadrant les permis ?

Enfin, selon votre rapport, le cadre juridique n'est pas encore stabilisé. Quelles pourraient être les modifications à apporter au code minier sur l'exploitation sous-marine ?

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Les océans occupent 71 % de la surface terrestre. Avec une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés, la France est le deuxième espace maritime mondial et la première intéressée par la gestion de la ressource en eau. Alors que les océans sont un vecteur économique majeur, les pollutions et les changements climatiques agressent cette ressource. Comment concilier sur le long terme la préservation du milieu marin et la valorisation économique des océans ?

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Les réseaux fluviaux amènent à la mer des pollutions diverses, mais intensives, auxquelles s'ajoute le déversement des eaux usées. Le dixième programme des agences de l'eau 2013-2018 a fait de la lutte contre les pollutions sa priorité. Dans votre rapport, vous appelez à un renforcement de la prise en compte du lien terremer par les collectivités territoriales. En effet, la gestion des rivières et de leur bassin versant est souvent laissée à des syndicats sans moyens ni compétences. Quelle solution préconisez-vous ? L'un des principaux enjeux n'est-il pas d'inclure ces syndicats dans des intercommunalités à fiscalité propre ?

Votre rapport mentionne la présence des déchets nucléaires au fond des océans. Quelles sont vos préconisations ?

Les océans sont un vaste réservoir d'énergie renouvelable ; or seuls quelques prototypes sont en service. Les océans représentent certes 70 % de la surface de la terre, mais les sites d'exploitation les plus favorables sont limités. Quelles dispositions prendre pour organiser leur exploitation dans le respect du milieu marin ?

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Votre rapport comporte un grand nombre préconisations, mais le plus difficile est d'apporter des solutions. La fonte de la calotte glacière et la montée des océans sont des sujets majeurs. Au sud du Sénégal, j'observe chaque année une montée des eaux de plusieurs centimètres, avec une destruction de la flore et l'ensablement du fleuve Casamance. En outre, les bateaux usines coréens ont totalement pillé la ressource halieutique des fonds marins de ce pays.

L'éco-participation que vous proposez pour la filière marine suppose une réciprocité, afin d'éviter de se retrouver dans le même cas de figure que la compagnie Air France qui est la seule à s'acquitter d'une taxe sur la solidarité, à hauteur de 70 millions. C'est une bonne idée à condition que tout le monde y souscrive.

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Je voudrais me faire l'écho des agriculteurs de la mer que sont les pêcheurs. Beaucoup confirment que la stabilisation des captures de poissons sauvages depuis les années 1990 traduit une surpêche dans bien des endroits. Pourtant, à chaque fois que des chiffres sont publiés, un certain nombre de professionnels les contestent. Comment expliquez-vous une telle différence entre les statistiques fournies par les organismes compétents et celles des pêcheurs dont on ne peut contester l'honnêteté intellectuelle ?

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Est-il possible de faire évoluer la convention de Montego Bay, signée il y a trente ans. Si oui, dans quelle direction ? Une volonté politique s'exprime-t-elle en ce sens ?

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Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, CESE intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? »

Toutes ces questions sont pertinentes, mais je suis tout sauf une experte de la mer ! Ce rapport est le fruit d'un travail collectif au sein de la section de l'environnement.

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Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental, CESE

Nous avons publié l'avis sur les océans et l'avis de suite sur la biodiversité avant l'été. L'avant-projet de loi ne nous avait pas encore été présenté – il le sera certainement à l'automne. Néanmoins, nous insistons dans ces deux avis pour que la loi biodiversité inclue tous les milieux, dont le milieu marin.

Nous préconisons également dans ces deux avis que les problématiques des océans soient intégrées dans les travaux du GIEC et de l'IPBES et que ces deux structures, au travers des représentants français, travaillent de façon coordonnée en mutualisant leurs moyens.

En outre, Jean Jouzel présentera un avis sur l'adaptation climatique, qui sera centré sur le vivant – agriculture, biodiversité, santé.

Nous souhaitons une protection de la biodiversité marine et des ressources génétiques. Selon nous, les acquis de la Convention sur la diversité biologique (CDB) – par exemple le protocole relatif à l'accès aux ressources et le partage des avantages (APA) – devraient inspirer les évolutions de la convention de Montego Bay.

Nous espérons que l'Agence de la biodiversité traitera de l'ensemble des milieux, sans mettre le milieu marin à part. De manière générale, l'approche écosystémique et concertée doit être un fil directeur de son action.

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Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, CESE intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? »

Les acteurs de l'économie maritime sont très inquiets de voir la mer disparaître dans cette grande agence. Une représentation forte de ces derniers au conseil d'administration permettrait de faire comprendre le lien entre la terre et la mer. De plus, les conseils de gestion des aires marines protégées doivent être conservés : ce sont des instances de gouvernance de référence.

J'ai été étonnée de vous entendre dire qu'il n'y avait pas de représentants de la recherche maritime à Hyderabab, car notre pays dispose d'une véritable expertise. Dans la section sur l'éducation à l'environnement, nous recommandons que toutes les formations, y compris celle des ingénieurs, incluent le maritime et le développement durable.

Je peux vous dire que François Gabart et Bernard Stamm sont vraiment conscients des enjeux. Mais il est vrai qu'ils ne vivent pas toujours bien le fait de naviguer sur des bateaux en fibre de carbone. Bernard Stamm a mis son navire à disposition de la science : celui-ci comporte un système d'observation des océans, un capteur océanographique qu'il a mis au point avec l'IFREMER et Océanopolis à Brest. Il reste que les plus mobilisées sur ces sujets sont des navigatrices : Isabelle Autissier est ainsi présidente du WWF-France, et Ellen MacArthur a créé une fondation sur l'économie circulaire.

Le navire du futur est un navire propre, économe, intelligent et sûr. Les travaux portent sur la réduction des émissions de CO2, les énergies, la sécurité embarquée, les matériaux, notamment les biocomposites. Nous préconisons l'écoconception parce que la fin de vie des bateaux constitue un réel problème. Pour la plaisance, une filière de collecte et de déconstruction a démarré sur de petites unités. Mais si une filière devait véritablement se mettre en place, les professionnels préféreraient une démarche à l'échelon européen.

D'ailleurs, un grand nombre de préconisations devraient être portées par la France au niveau européen, que ce soit sur la pêche, le navire du futur, le démantèlement des navires, la recherche, ou la mutualisation des moyens. Étonnement, l'Allemagne, dont les frontières maritimes ne sont pas très importantes, se mobilise beaucoup plus.

Sur les parcs éoliens, je crois au développement des énergies marines et, plus largement, à une approche écosystémique et concertée. Nous avons un avenir économique en mer, mais il faut introduire la concertation et l'écoconception très en amont. Le projet de parc éolien prévu au large de Guérande n'aurait peut-être pas suscité une telle levée de boucliers si un cahier des charges avait prévu la concertation et l'écoconception. Dans ce domaine, il y a vraiment des solutions qui font appel à l'innovation, avec des emplois à la clé. D'ailleurs, les parcs éoliens en mer des Danois et des Anglais sont loin d'être exempts de reproches. Nous pourrions promouvoir une exemplarité française à la faveur des nouveaux appels à projet.

Les énergies marines sont un véritable enjeu pour l'outre-mer. Mais je pense que la France ne l'a pas suffisamment compris.

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Annie-Marie Ducroux

Sur le préjudice écologique, nous estimons que la France a un rôle à jouer pour promouvoir ce principe afin qu'il soit intégré dans le droit européen.

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Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, CESE intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? »

La biomasse des océans subit le réchauffement climatique, les pollutions telluriques, les microparticules de plastique. Par conséquent, la pêche elle-même est impactée. On pointe souvent la pêche profonde, mais la pêche illicite et la pêche de plaisance sont également de vrais sujets. La question doit être traitée de façon globale ; c'est pourquoi notre avis propose un pacte, notamment une traçabilité du poisson. Le label européen me paraît une voie intéressante.

Les chercheurs ne sont pas tous d'accord sur la pêche profonde ; c'est pourquoi j'ai tendance à invoquer le principe de précaution. Personnellement, j'ai fini par être convaincue qu'il fallait mettre un terme aux prélèvements à certaines profondeurs. Néanmoins, il y a plusieurs sortes de pêches profondes, et les pêcheurs font de réels efforts pour aller vers une pratique plus responsable dans une réflexion écosystémique. Notre rapport préconise de développer des recherches sur des engins de pêche plus sélectifs, moins dommageables. Des expériences d'unités d'exploitation et de gestion concertées (UEGC) sont menées avec les pêcheurs. La pêche artisanale, si elle recevait les mêmes subsides que la pêche profonde, pourrait peut-être mieux se développer. Je ne crois pas à la disparition des poissons, je m'inquiète de la prolifération des méduses.

L'aquaculture peut être une bonne solution, à condition qu'elle soit durable et que les poissons mangent autre chose que des farines animales.

Les solutions viendront des éco-innovations qui pourront être développées, mais aussi de notre capacité à gérer collectivement le milieu. Il y a des emplois à la clé et donc des formations à envisager. Ce qui manque actuellement, c'est une vision collective.

Sur les déchets, il n'y a pas un unique « continent de plastique » : il y en a dans tous les vortex océaniques – Pacifique Nord et Sud, Atlantique Nord et Sud, océan Indien Nord et Sud. Lors de la Conférence environnementale, un représentant de fédération de la plasturgie m'a parlé d'un projet visant à ramasser des macro-déchets, ce qui n'est pas réaliste. En revanche, développer des bateaux pour collecter les macro-déchets sur le littoral est envisageable. Mieux encore : il faut agir en amont sur les fleuves, comme nous le préconisons dans notre avis. À ce sujet, un livre passionnant, rédigé par trois spécialistes, va sortir prochainement.

S'agissant des TAAF, nous estimons qu'il faut préserver le Marion Dufresne, navire océanographique qui joue un rôle scientifique et logistique, en particulier dans les mers australes. Nous préconisons de renouveler son contrat d'affrètement.

Nous parlons des déchets nucléaires immergés dans notre rapport, mais sans formuler aucune recommandation.

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Jacques Beall

Il faut se saisir de ce sujet dans la mesure où des conteneurs immergés dans les années 1980 commencent à donner des signes de faiblesse. Une menace est possible dans certaines régions, notamment dans la fosse des Casquets, d'une profondeur de cent mètres, située en Manche.

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Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, CESE intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? »

Sur la fin de vie des objets, j'évoque souvent la directive européenne sur les déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E) à l'origine de la création d'une filière de collecte et de démantèlement en France. Le problème est que 80 % des bateaux de plaisance sont fabriqués en verre polyester qui ne peut être valorisé actuellement que par incinération. Les solutions ne sont pas sur l'existant, elles sont à l'écoconception. L'acier et l'aluminium sont recyclables à l'infini.

Le Gouvernement vient de lancer un appel à projet sur les fermes d'hydroliennes. J'y suis favorable, mais toujours dans le respect des principes d'anticipation et de concertation. Il convient de sélectionner les lieux d'implantation. Dans le parc naturel marin d'Iroise, une première hydrolienne devrait être immergée, et ce projet a réuni autour de la table l'Agence des aires marines protégées, les énergéticiens et les chercheurs ; l'idée est de placer des capteurs océanographiques sur l'hydrolienne. Je ne suis pas contre le développement, mais il faut – et on peut le faire – trouver des solutions pertinentes.

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Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental, CESE

Notre avis sur la transition énergétique indique que tout ne pourra pas être financé en même temps et que des choix devront être faits. Nous préconisons de financer en priorité les énergies renouvelables au potentiel commercial important et qui sont déjà dans une phase de maturité.

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Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, CESE intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? »

Sur les ressources minières, Jacques Beall et moi sortons d'une réunion organisée par le ministère de l'écologie sur une recherche scientifique en cours sur l'impact environnemental de l'exploration et de l'exploitation des minerais profonds. Nous passons au crible toutes les études réalisées sur le sujet pour en tirer des enseignements sur la manière d'explorer et d'exploiter ces ressources. Un colloque se tiendra le 19 juin prochain sur ce sujet, qui concerne les nodules polymétalliques, les encroûtements cobaltifères et les sulfures hydrothermaux. Une campagne d'exploration a été menée à Wallis-et-Futuna en 2010. Notre avis souligne que l'outre-mer pourrait être davantage associée.

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Jacques Beall

Plusieurs problèmes se posent s'agissant de la modification du code minier. D'abord, ces ressources font l'objet de recherche et d'exploration, mais pas d'exploitation, comme le pétrole. Ensuite, la gestion des risques marins doit être intégrée, ainsi que les moyens de contrôle et la gestion des accidents. Aujourd'hui, les moyens sont relativement faibles – pour les forages en Guyane, par exemple, les moyens de secours en cas d'accident restent mineurs. Enfin, il faut trouver une articulation entre la ZEE, les eaux internationales et les ressources du sous-sol dans le plateau continental étendu, qui seront gérées par la France, et les fonds marins de haute mer sous la juridiction de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM).

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Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, CESE intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? »

Les granulats marins sont un vrai sujet. Je m'étais opposée à l'extraction des granulats au large de Lorient en raison de la présence d'une zone Natura 2000. Il est aberrant d'avoir besoin de granulats, alors que des opérations de dragage sont menées pour retirer des boues afin de permettre aux bateaux de passer dans les chenaux : je préconise leur valorisation depuis toujours. Des solutions sont possibles ; une expérience pilote a été menée au niveau européen associant les ports du Guilvinec et de Toulon.

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Les sables coquilliers sont utilisés en agriculture pour les amendements.

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Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, CESE intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? »

En ce qui concerne Fukushima, je vous renvoie à notre rapport, mais nous ne formulons pas de préconisation.

S'agissant des SCOT, je pense qu'il faut mettre plus de maritime dans tous les textes.

En définitive, je crois possible de concilier économie et préservation à condition d'avoir une politique volontaire. La France doit mettre en place une gouvernance et s'appuyer sur sa légitimité pour porter des sujets au niveau européen. Ainsi, nous trouverons plus facilement des solutions et nous pourrons promouvoir des approches écosystémiques et concertées. C'est ce fil rouge qui résume le mieux notre ambition.

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Jacques Beall

De l'avis des personnes auditionnées, une approche pragmatique et régionale est préférable à une évolution de la convention de Montego Bay. En revanche, des outils complémentaires sont prévus dans le processus, notamment le nouvel instrument juridique de partage des avantages qui ne concerne que la biodiversité. Les fonds marins relèvent de l'AIFM, à laquelle les futurs exploitants paieront une redevance redistribuée selon des critères qui avantageront les pays en développement. L'ambition initiale a été fortement réduite, notamment par l'intervention des États-Unis, non signataires de la convention.

Au niveau européen, la stratégie pour le milieu marin comporte l'objectif d'un bon état des eaux pour 2020. Néanmoins, les moyens ne semblent pas en adéquation.

S'agissant des énergies marines renouvelables, la directive sur la planification de l'espace maritime devrait permettre de définir les zones et les usages puis, grâce à la concertation, les zones qui seront utilisées et leur affectation. Aujourd'hui, faute de dialogue en amont, des projets rencontrent des difficultés d'acceptabilité.

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Catherine Chabaud, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental, CESE intitulé « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? »

En conclusion, si la mer bénéficiait de l'attention portée au milieu terrestre, le CESE consacrerait non pas un, mais dix ou vingt avis à toutes ces questions, et peut-être autant de rapports !

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Merci beaucoup, mesdames, monsieur, pour cette audition très intéressante.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 8 octobre 2013 à 17 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Jacques Kossowski, M. Michel Lesage, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, M. Jean-Marie Sermier, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Alexis Bachelay, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Michel Heinrich, M. Christian Jacob, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville