La réunion

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L'audition commence à dix-sept heures cinquante.

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Nous poursuivons et terminons aujourd'hui l'audition des protagonistes directs du conflit social de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord.

Maître Fiodor Rilov, soyez le bienvenu.

En tant qu'avocat du comité central d'entreprise (CCE) et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France (GDTF), vous êtes à l'origine de multiples procédures judiciaires concernant le conflit social qui dure depuis 2007 dans l'usine d'Amiens. Je vous demanderai de les résumer et de présenter le point de vue que vous défendez. Pourrez-vous également citer un succès que vous auriez remporté non sur la forme mais sur le fond du dossier ?

Votre action a été évoquée plusieurs fois au sein de cette commission d'enquête. L'ancien ministre Xavier Bertrand vous attribue une responsabilité directe dans l'échec de la reprise des activités agraires par Titan en 2012, et le préfet Michel Delpuech, dans l'allongement de cinq à sept ans de la garantie d'emploi demandée par la CGT, juste avant la date fixée pour signer l'accord. Quel rôle avez-vous joué dans les discussions menées depuis six ans entre la direction de Goodyear, les représentants du personnel, les élus locaux et l'État ? Le contexte politique de l'année 2012 et l'échéance des élections législatives, auxquelles vous pensiez vous présenter, ont-ils influé sur l'échec de la reprise par Titan ? Enfin, quelle peut être, selon vous, l'issue du conflit ?

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».

(Me Fiodor Rilov prête serment.)

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Au préalable, il me semble indispensable de rappeler quel rôle joue un avocat quand il cherche à empêcher un licenciement injustifié.

Le code du travail, vers lequel se tournent spontanément les salariés, dispose qu'une entreprise ne peut opérer de licenciement collectif pour des raisons économiques que si l'entreprise est dans une situation de difficulté ou si sa compétitivité est menacée. Or, depuis qu'ils ont commencé à se battre, les salariés d'Amiens ont montré qu'il n'existait aucun motif économique valable justifiant qu'on ferme leur usine. En se restructurant, le groupe ne cherche qu'à augmenter immédiatement son profit de quelque 100 millions de dollars, pour citer un chiffre publié par Goodyear aux États-Unis.

Le paradoxe est que la règle précédemment citée ne s'applique qu'après l'envoi des lettres de licenciement. Alors même que le processus est engagé, que le comité d'entreprise est convoqué, que les élus connaissent le projet et que les salariés s'inquiètent, on ne peut demander au juge – tant que les lettres n'ont pas été adressées aux salariés – de vérifier que le plan de licenciement est justifié. Même si chacun peut vérifier son illégalité au vu de la comptabilité consolidée du groupe, le plan ne peut donc pas être annulé. Vous auriez dû vous en souvenir, monsieur le président, lorsque vous m'avez demandé, sans doute pour me piquer au vif, si nous avions déjà obtenu gain de cause sur le fond du procès.

Cependant, le législateur n'a pas affranchi de toute contrainte l'employeur qui entend licencier. Celui-ci a pour obligation – non formelle mais substantielle – d'informer les représentants du personnel. Il doit non remplir je ne sais quel formulaire, en cochant une case « licenciement économique » ou en indiquant le nombre de salariés concernés par la procédure, mais fournir aux représentants des salariés une explication complète, loyale et précise des décisions qu'elle prend et des raisons qui les motivent. À maintes reprises, des juridictions compétentes ont reproché à la direction de Goodyear d'avoir dérogé à cette obligation. Or, tant que les éléments communiqués sont insuffisants, ni les salariés ni les élus ne sont en situation d'émettre un avis.

La règle qui figure dans le code du travail français est loin de s'appliquer dans tous les pays. À l'étranger, nul ne s'étonne qu'un employeur sacrifie ses salariés à ses actionnaires. Qui en use ainsi est parfois même considéré comme un bon gestionnaire. Le problème est que Goodyear agit en France et ne dit pas la vérité.

Circonstance aggravante, depuis qu'en 2008, la justice a sommé ses dirigeants de suspendre la restructuration et de cesser de démanteler l'usine tant qu'ils ne satisferaient pas aux exigences du code du travail, ceux-ci ont redoublé d'astuce pour hâter la fermeture, palier par palier. Pour le secteur du tourisme, la part d'Amiens-Nord dans la production européenne du groupe a chuté de 7,2 % en 2006, à 5,8 % en 2008, puis à 3,1 % en 2009. En somme, alors même qu'elle était contrainte de renoncer à sa restructuration, la société a réduit sa production de moitié.

J'ajoute que l'usine d'Amiens-Nord n'est pas une entité juridique autonome, mais un établissement qui dépend de la GDTF, principale filiale française de Goodyear. Un contrat de façonnage passé avec Goodyear Dunlop Tires Operations (GDTO), basé au Luxembourg, qui dirige les activités du groupe dans la zone Europe Moyen-Orient Afrique (EMEA), détermine toute son activité. J'ai réussi à arracher à Goodyear une copie de ce contrat, à peine lisible, il est vrai, et rédigée en anglais, que je vous traduis. Aux termes de l'article 3-1, « GDTO donne instruction à GDTF pour le type et la qualité de toute la production que GDTF a à réaliser. Les délais de livraison sont également déterminés par GDTO. L'ensemble des éléments nécessaires à la réalisation de la production est également fixé par GDTO. » Autrement dit, GDTO commande toute l'activité de GDTF : il suffit à une société luxembourgeoise de prendre une décision unilatérale pour arrêter du jour au lendemain l'activité d'Amiens-Nord.

Si, au sein de la production européenne du groupe, la part de cette usine s'est effondrée entre 2008 et 2009, c'est tout simplement que GDTO a donné ordre à GDTF de retirer à cette usine la moitié de son activité, ce qui, sur le plan contractuel, est son droit le plus strict.

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Mais comment la société GDTO peut-elle prétendre qu'il faut fermer l'usine d'Amiens-Nord, au motif que les pneus qu'on y produit ne correspondent plus au marché, alors qu'elle fixe le type et la qualité de toute la production de GDTF ? Comment peut-elle arguer que l'usine doit être fermée, faute d'avoir reçu les investissements suffisants, puisqu'elle détient toute prérogative dans ce domaine, en France comme dans toute l'Europe ?

Si le groupe GDTO a délibérément réduit la production d'Amiens-Nord et cessé d'investir dans l'usine, alors qu'une décision judiciaire ordonnait d'en user autrement, c'est sans doute qu'il avait décidé depuis longtemps de fermer l'usine lorsque la procédure de licenciement a été engagée.

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Je regrette que vous n'ayez répondu à aucune des questions que je vous avais posées.

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Pouvez-vous revenir sur la négociation menée en 2011 et 2012 entre Goodyear et Titan sur la durée de l'engagement demandé au repreneur de la partie agraire et sur les clauses du plan de départs volontaires (PDV) ?

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

À cette époque, j'ai cru, comme tous les représentants de la CGT participant à la discussion, que nous étions parvenus à un accord : qu'après cinq ans d'effort, nous avions réussi, chacun faisant un pas vers l'autre, à trouver une solution pragmatique.

L'accord reposait d'abord sur l'engagement que Titan resterait sur le site. Jusqu'à ce soir, dans votre commission d'enquête, il a surtout été question d'un engagement à ne pas licencier. Il n'était pas question de cela. Pour être également l'avocat des salariés de Continental, qui ont tous été licenciés, je sais bien qu'un tel accord ne sert à rien. Depuis vingt-cinq ans, la jurisprudence de la Cour de cassation est immuable : l'employeur qui manque à sa parole est seulement condamné à verser une indemnité aux salariés.

Ce que nous avons réclamé et obtenu de Titan – en parole – était l'engagement qu'il poursuivrait l'activité sur le site. En cas de défaut, les salariés auraient eu deux recours : demander une réparation financière ou obtenir des juges une injonction. Titan nous a promis qu'il prendrait cet engagement, mais, avant de le formaliser par écrit, il voulait crever l'abcès Goodyear. C'était le deuxième pilier du contrat : il fallait trouver un terrain d'entente pour les salariés qui ne seraient pas repris dans l'agraire.

La CGT a accepté que certains contrats soient rompus. C'était le prix à payer pour poursuivre l'activité industrielle. Certains salariés recevraient un emploi pérenne. Les autres partiraient dans des conditions à déterminer. Nous avons consenti, peut-être par excès d'enthousiasme, à engager la discussion avec Goodyear. Pour fixer par écrit l'engagement de continuer la production, une demi-journée devait suffire, mais il était plus compliqué de négocier le PDV, qui, d'ailleurs, occupe près de cent pages.

Seulement, une fois fixées les conditions du départ de certains salariés, quand nous avons demandé à nos interlocuteurs de discuter de leur engagement à continuer la production, ceux-ci ont feint l'étonnement et nié l'avoir jamais pris. Nous avons donc proposé nous-mêmes une rédaction, au titre de laquelle Titan s'engageait à fabriquer sur le site d'Amiens-Nord un certain pourcentage de sa production européenne, que nous lui laissions le soin de préciser, nous contentant de porter sur le document la mention XXX. Mesure-t-on à quel point notre position était souple ? Il suffisait que M. Taylor s'engage à ne pas délocaliser sa production agraire vers un autre site européen, ce qui ne devait pas le gêner, puisqu'il voulait faire d'Amiens-Nord son centre névralgique en Europe.

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Le plan d'affaires était-il annexé à l'accord ?

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Non. L'aurait-il été, que cela n'eût rien changé : un plan d'affaires n'est qu'une pétition de principe, une manifestation de bonnes intentions. Il fixe des objectifs dont on n'est jamais sûr qu'ils seront atteints, et n'est pas opposable en cas de défaillance.

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Aux termes des auditions précédentes – notamment celle de la directrice régionale adjointe de la DIRECCTE de Picardie –, il semble qu'un accord aurait pu être conclu le 12 septembre 2012, si vous n'aviez pas allongé de cinq à sept ans la durée de l'engagement. Titan était prêt à signer, aidé par Goodyear, qui acceptait de prendre à sa charge une durée supplémentaire. C'est la première fois que nous entendons parler d'un engagement de Titan à maintenir à Amiens un pourcentage de sa production européenne.

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

L'audition de M. Wamen recoupe en partie la mienne. J'ai adressé à toutes les parties la clause rédigée par un avocat américain, qui pouvait discuter avec un avocat américain conseillant Titan. Nous n'avons jamais obtenu de réponse. Le plan d'affaires se bornait à envisager « un engagement à ne pas licencier », clause totalement dépourvue d'effet.

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Nos interlocuteurs ont parlé d'un engagement à rester sur place.

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

J'ai écouté leur audition. Ils ont parlé d'un engagement à ne pas licencier ou à maintenir des emplois. Nous avions choisi de ne fixer ni pourcentage de production ni durée d'engagement. Mais, d'après l'avocat américain qui tentait d'entrer en relation avec Titan, le meilleur moyen de nouer la discussion était de remplir les blancs. Après nous avoir consultés, il a rédigé une clause qui fixait une durée. Pas plus que nous, il n'a obtenu de réponse. Quelques mois plus tard, cependant, nous avons eu la surprise de constater que cette clause était parvenue à son destinataire, qui nous accusait – sans fondement – d'exiger un engagement de sept ans.

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La directrice régionale adjointe de la DIRECCTE aurait donc menti ?

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Nous n'avons jamais exigé de manière définitive ni de Titan ni de Goodyear qu'ils s'engagent sur une durée ni sur un pourcentage d'activité. Nous pensions sincèrement trouver un accord en ouvrant la discussion avec M. Taylor. Si celui-ci avait réellement l'intention de faire d'Amiens-Nord son centre industriel et opérationnel en Europe, pourquoi aurait-il refusé de s'engager ? La clause que nous lui présentions ne prévoyait rien d'autre.

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Titan prétend aujourd'hui vouloir investir 40 millions de dollars en machines sur ce site et 60 millions en brevets. Quelle différence faites-vous entre cette offre et la précédente ?

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Je n'ai lu aucune nouvelle proposition de Titan concernant Amiens-Nord, même si des interlocuteurs parisiens m'assurent que le groupe veut revenir dans la boucle et que des articles, comme l'entretien accordé par M. Taylor à un journaliste du Monde, font état de nouvelles propositions.

De notre côté, nous n'avons pas changé. Nous nous en tenons à l'offre raisonnable et pragmatique que nous avions faite. Le PDV existe encore. Si ce qui n'était pas possible il y a un an et demi le devient soudain, nous ne refuserons pas ce que nous acceptions alors. Je rappelle toutefois que M. Taylor dépend à 100 % de Goodyear, puisque toutes ses activités bénéficiaires portent cette marque.

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Il n'a rien racheté du tout. Il paie des royalties pour utiliser la marque Goodyear, qu'il fait figurer sur ses pneus, jointe à la mention « made by Titan », le plus souvent « in the USA ». Elle apparaît sur les pneus que nous avons retrouvés dans l'usine d'Amiens-Nord.

Le métier de M. Taylor consiste à vendre des pneus Goodyear. Il a repris la totalité de l'activité agricole du groupe en Amérique du Nord et du Sud, et il entendait faire de même en Europe. Ne croyez pas que Goodyear lui ait vendu sa marque. Si M. Taylor possédait Goodyear, il serait parti prendre sa retraite à Honolulu !

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Ne revenons pas sur l'affaire des pneus retrouvés dans l'usine d'Amiens-Nord. Vous avez assigné les clients de Goodyear, notamment les fabricants de tracteurs, à ce sujet, et vous connaissez les résultats de cette procédure.

Vous semblez considérer que Titan a monté une opération avec Goodyear sans intention réelle de reprendre son activité, ce qui rejoint l'analyse du président du conseil régional de Picardie.

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Avec des industriels de l'envergure de Titan ou de Goodyear, on ne peut se satisfaire de déclarations de bonnes intentions. Je ne sais pas ce que M. Taylor se dit le matin en se rasant, et cela ne m'intéresse pas. Je pense même que nous devons nous garder de toute réaction épidermique, même si M. Taylor nous a insultés, ainsi que le Gouvernement, la représentation nationale et l'ensemble du pays. Là n'est pas le problème. Nous cherchons seulement à savoir s'il s'engage à rester sur le site, à y investir et à y produire – et si son engagement peut lui être opposé. Nous aurions la même exigence à l'égard de tout autre repreneur.

Imaginez-vous que les salariés de Goodyear ont envie d'être roulés comme l'ont été ceux de Continental ? Pourquoi accepteraient-ils de passer sous l'autorité de M. Taylor, qui dirige une société vingt fois plus petite que Goodyear et qui, en France, ne posséderait que l'usine d'Amiens ? En cas de faillite, ils se retrouveraient dans la pire des situations, puisque leur usine passerait aux mains d'un liquidateur.

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Il est très difficile de se mettre à leur place, pour vous comme pour nous.

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Il y a quarante-huit heures, ils étaient près de 600, à Amiens, à nous dire qu'il était hors de question d'accepter quoi que ce soit de M. Taylor, s'il ne satisfait pas les engagements sur lesquels nous restons fermes depuis deux ans. Telle est la position des salariés, dont vous devriez en être fier, monsieur le président.

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Laissez-moi juger de ce qui est bon ou mauvais pour eux ! La reprise de 333 salariés par Titan vous semble-t-elle encore possible ?

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Sur le plan judiciaire, nous sommes loin d'être au bout des procédures. Le CCE, qui n'a encore intenté que des actions en référés, pourra bientôt engager des procédures sur le fond. Les procès que nous avons intentés n'ont pas toujours été couronnés de succès, mais ils nous ont permis de recueillir des bribes d'information. Celles-ci montrent par exemple que l'usine a été démantelée et que sa production a été confiée à d'autres structures de Goodyear.

L'action au fond que nous allons engager représentera un enjeu considérable. Il s'agit de remettre l'usine en l'état, en d'autres termes, d'annuler toutes les opérations qui ont été menées clandestinement pour transférer son activité. Cela dit, ce n'est pas à coups de procès que nous sauverons Amiens-Nord, car un jugement ne permet pas de pérenniser des emplois et ni de donner un avenir à un site. Seul un projet industriel peut y parvenir.

Or M. Taylor a montré qu'il avait besoin de l'usine. Quand il a cessé de nous donner des nouvelles, nous nous sommes demandé comment il tenterait de reprendre l'activité agraire de Goodyear en Europe, qui représente 20 % de parts de marché. Nous pensions qu'il fabriquerait des pneus agraires ailleurs, par exemple en Amérique du Nord ou du Sud, et qu'il les importerait en Europe, comme le fait le producteur indien Balkrishna Industries Limited (BKT). Nous nous sommes trompés. Puisque M. Taylor a besoin de l'usine, même à titre provisoire, ce qu'il révèle en sortant de sa cachette, qu'il cesse donc de s'agiter, et qu'il examine la clause que nous lui avions adressée. On ne peut reprendre une usine qui emploie 1 173 salariés sans donner à ceux-ci les garanties qu'ils réclament.

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Vous avez parlé d'un protocole d'accord dont les clauses n'étaient pas exhaustives. Dont acte. Mais le nouveau plan de reprise partielle prévoit la fermeture du site en janvier, ce qui suppose la liquidation pure et simple.

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

C'est ce qu'attend Goodyear depuis trois ans.

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Le repreneur envisage la reprise partielle d'une branche et des salariés qui y travaillent. Qu'arrivera-t-il si la démarche n'aboutit pas ? Les salariés peuvent-ils espérer autre chose qu'un licenciement et une liquidation ?

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Était-il nécessaire d'entreprendre une action en justice envers les clients de Goodyear, ce qui n'a pas amélioré les relations entre les parties ?

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Madame Grosskost, si vous avez dans votre sac la proposition de M. Taylor, montrez-la ! Moi, je dispose en tout et pour tout d'une interview à un journaliste du Monde, dans lequel il explique qu'il veut la liquidation totale de l'usine, après quoi, une fois les salariés licenciés et la moitié du site rasée, il recrutera éventuellement 333 personnes. Qui souhaiterait payer un tel prix pour voir son emploi pérennisé ? Mais, je le répète, s'il existe un projet signé par Titan, nous ne demandons qu'à l'examiner. Ce serait enfin du concret ! Il est temps de savoir si l'engagement que nous réclamons a enfin été pris.

Par ailleurs, je confirme que, sur le site, certaines machines, notamment celles qui fabriquent le pneu radial, valent leur pesant d'or.

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Nous ferons tout pour empêcher que les machines et les hommes qui savent s'en servir ne soient liquidés, pour parler comme vous.

Monsieur Carvalho, quand Titan est parti, la société Goodyear a annoncé qu'elle cessait de produire et de vendre des pneus agraires en Europe. Mais nul ne croit qu'elle abandonnera une activité aussi rentable, en pleine expansion, alors qu'elle détient 20 % du marché en Europe. La presse spécialisée ironise, en rappelant qu'en mars 2013, Goodyear présentait en plein Paris, sur un immense stand, ses deux dernières merveilles destinées au marché européen de l'agraire.

Pour en avoir le coeur net, nous avons interrogé les agriculteurs. Aucun d'eux ne craignait de ne plus pouvoir trouver en Europe de pneu Goodyear. Nous avons écrit à AGCO, principal client mondial de Goodyear pour les pneus agraires de première monte. Ne pouvant obtenir de réponse, nous avons adressé à tous les constructeurs, conformément aux dispositions du code de procédure civile, une sommation de communiquer. Nous leur avons expliqué que l'enjeu était considérable pour les salariés : il s'agissait de savoir si Goodyear disait la vérité quand il affirmait vouloir renoncer à toute activité sur l'agricole en Europe. Un seul fabricant nous a répondu : un constructeur français qui, ayant peu de rapports avec le groupe, ne s'est pas prononcé sur le plan.

Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le député, nous n'avons pas déposé plainte contre des constructeurs.

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Fiodor Rilov, avocat du comité central d'entreprise et de la CGT de Goodyear Dunlop Tires France, GDTF

Nous les avons amenés devant le juge qui doit savoir si Goodyear se retire définitivement du secteur agraire dans la zone européenne. Qui peut le dire mieux que ceux qui achètent toute la production de pneus agricoles en France ? Nous n'en serions pas arrivés là si le groupe s'était montré plus coopératif.

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La direction nous a indiqué que ces clients avaient été assignés.

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Me Rilov vient de nous le confirmer. Par ailleurs, nous savons pourquoi le groupe AGCO n'a pas répondu quand vous avez sollicité les principaux clients de Goodyear : il ne lui achète plus de pneus depuis 2009.

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De toute façon, il ne faut pas être naïf. Il existe une solidarité entre industriels.

L'audition s'achève à dix-neuf heures quinze.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord, et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu'on peut tirer de ce cas

Réunion du mardi 5 novembre 2013 à 17 h 45

Présents. - Mme Pascale Boistard, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Claude Buisine, M. Patrice Carvalho, M. Alain Gest, Mme Arlette Grosskost, M. Christophe Léonard, M. Philippe Noguès

Excusé. - Mme Véronique Louwagie