Dans le cadre de ses travaux sur la gestion des programmes d'investissement d'avenir relevant de la mission « Recherche et enseignement supérieur », la mission d'évaluation et de contrôle reçoit aujourd'hui l'association des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT).
Les sociétés d'accélération du transfert de technologies constituent un élément nouveau dans le paysage de la valorisation française. Non moins de 900 millions d'euros leur sont alloués dans le programme d'investissements d'avenir. La mission d'évaluation et de contrôle s'intéresse en particulier à leur champ d'activité géographique, à l'articulation de leur action avec celles des grands organismes de recherche tels que le CEA, l'Inserm ou le CNRS et à l'objectif de rentabilité qui leur a été fixé.
Je dois excuser le président Alain Claeys, retenu par le débat sur la réforme territoriale. Comme à l'accoutumée, la Cour des comptes nous accompagne. Elle a élaboré des analyses et formulé des préconisations sur les investissements d'avenir.
La présente délégation est représentative des douze premières SATT, créées depuis deux ans et demi. Les treizième et quatorzième SATT ont été créées ces jours-ci – la quatorzième vient de tenir son assemblée générale constitutive cet après-midi.
La création des SATT répond à un triple besoin. D'abord, la mutualisation de différents opérateurs de valorisation devait simplifier un paysage du transfert de technologie trop émietté. En effet, en France, les structures de valorisation, adossées à une multitude d'universités et d'organismes de recherche, étaient plus petites que la moyenne européenne. La création de sociétés professionnelles dotées de compétences multiples sur un territoire permet de dépasser ce problème de taille sous-critique.
Ensuite, le transfert de technologie doit s'accélérer. La création de structures professionnelles de droit privé, contrôlées par l'État – représenté par la Caisse des dépôts et consignations – et par les grands organismes universitaires et de recherche permet la réactivité nécessaire à cette accélération.
Se pose enfin le problème récurrent, et non spécifiquement français, de la « vallée de la mort », c'est-à-dire du comblement de l'écart entre le résultat de la recherche juste issu du laboratoire et le produit qu'attend l'entreprise pour investir. La maturation juridique, commerciale, économique et technologique d'une découverte prend du temps et elle n'atteint pas toujours le niveau suffisant pour permettre à une entreprise de prendre le relais.
Le programme d'investissements d'avenir a alloué des moyens importants aux SATT, puisqu'il leur consacre neuf cents millions d'euros. C'est une somme sans équivalent dans le monde pour un dispositif de maturation. Aujourd'hui, les tech transfer offices étrangers nous envient les sociétés d'accélération du transfert de technologies.
Les SATT ont pour finalité de transformer les résultats de recherches en laboratoire en innovations dans les entreprises. Leur objectif est ainsi de développer la compétitivité des entreprises française et la création d'emplois – objectif qu'elles partagent notamment avec les pôles de compétitivité. Grâce à la mutualisation des moyens, mais aussi à la mise en place d'interlocuteurs uniques, les SATT ont simplifié le paysage de la valorisation : cent cinquante établissements de recherche, dont la très grande majorité des universités, ont confié l'exclusivité de leur transfert de technologie aux douze sociétés d'accélération du transfert de technologies.
Le dispositif est encore jeune. Les SATT les plus anciennes, comme Conectus Alsace, n'ont que deux ans et demi d'existence ; deux d'entre elles n'ont que quelques mois et les deux dernières se créent cette semaine. Par le biais de l'association des sociétés d'accélération du transfert de technologies, récemment fondée, nous nous entraidons, nous nous coordonnons et nous partageons les bonnes pratiques.
En deux ans et demi, grâce à une proximité forte avec les chercheurs, plus de 2 500 projets ont été détectés en laboratoire. Après cette détection, plus de 400 brevets – qui appartiennent aux établissements actionnaires – ont été déposés. Plus d'une centaine de licences d'exploitation de logiciel, de savoir-faire ou de brevet ont été signées.
Aujourd'hui, les douze SATT – et non seulement quelques-unes – se sont bien intégrées dans leur écosystème économique. Les relations sont étroites avec les régions, qui disposent d'un poste d'observateur dans leur conseil d'administration. À Conectus, un siège d'administrateur de plein exercice est même réservé à la Région. Une coopération s'est engagée avec les équipements d'excellence (Equipex), les laboratoires d'excellence (Labex), les instituts hospitalo-universitaires (IHU), les consortiums de valorisation thématiques (CVT), les instituts de recherche technologique... Chacun de ces partenaires a sa propre mission, son propre positionnement. Dans ce paysage, les SATT s'affirment comme les outils de valorisation de ces structures.
Quant à nos liens avec les organismes publics de recherche, le CNRS est actionnaire de toutes les SATT et leur a confié l'exclusivité de la valorisation de ses découvertes. Les relations avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) se normalisent. Sa filiale Inserm Transfert existait déjà. Il fallait donc que les SATT s'articulent avec elle sur les territoires où sont installées des unités de recherche de l'Inserm. De ce fait, selon les cas, l'Inserm est parfois actionnaire, parfois partenaire des SATT. La dynamique avec l'Inserm est positive.
En revanche, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), mais aussi d'autres organismes thématiques, comme l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou l'Institut national de recherche en informatique en automatique (INRIA), se sont tenus à l'écart des SATT. Aujourd'hui, nous entamons des discussions avec ces organismes pour accompagner au cas par cas la maturation de projets qu'ils voudraient nous confier.
Qu'ont apporté de nouveau les SATT ? Comment accélèrent-elles le transfert technologique ? À l'heure où une course contre la montre du développement technologique est engagée au niveau mondial, il est vital que notre recherche publique, de très grande qualité, irrigue le secteur industriel et participe à la création de richesses.
Les sociétés d'accélération du transfert de technologies ont trouvé naturellement leur place dans la chaîne de valorisation, en s'articulant avec les autres acteurs qui se structurent et s'installent.
Les consortiums de valorisation thématique (CVT) ne sont pas des structures de valorisation. En complémentarité avec les SATT, ils constituent cependant un outil précieux d'intelligence économique à l'échelle nationale. Ainsi, le CVT Aviesan a pu lancer avec les SATT un appel à manifestation d'intérêt national en épigénétique et cancer, après avoir défini ce domaine comme stratégique au niveau national.
France Brevets, qui créé de la valeur par agrégation de portefeuilles, constitue un autre outil de valorisation complémentaire aux SATT. En 2013, toutes les SATT ont signé une convention avec France Brevets, afin de pouvoir être apporteurs d'affaires pour des opérations d'agrégation de brevets. La société Ouest Valorisation a ainsi coopéré avec France Brevets pour le transfert d'un titre.
En amont de la recherche, les sociétés d'accélération du transfert de technologies sont la structure de valorisation des laboratoires d'excellence (Labex) et des équipements d'excellence (Equipex) et s'articulent avec les Idex, qui font partie de leurs actionnaires. Grâce aux collaborations et aux partenariats avec ces acteurs dans leur territoire, les SATT protègent le patrimoine intellectuel issu du programme d'investissements d'avenir.
Les relations avec les instituts hospitalo-universitaires (IHU), et, en aval des laboratoires de recherche, avec les instituts de recherche technologique (IRT) et les instituts de transition énergétiques (ITE) sont de quatre types.
D'abord, une société d'accélération du transfert de technologies peut être prestataire de service d'un institut de recherche technologique, comme à Toulouse où la SATT a apporté son expertise juridique à Toulouse Tech Transfert. Ensuite, les SATT peuvent être clientes d'un institut de recherche technologique, quand elles en utilisent les moyens techniques pour affiner une découverte et la rapprocher du marché. Un investissement en commun est également possible. Enfin, comme à Bordeaux, une société d'accélération du transfert de technologies peut assurer l'ensemble de la valorisation pour le compte d'un institut hospitalo-universitaire.
Des liens existent aussi avec les instituts Carnot. Les instituts Carnot, dont la mission est de développer la recherche en partenariat, ne sont pas des structures de valorisation. Selon les cas, les partenaires avec qui ils développent leurs recherches ne sont pas liés aux actionnaires des SATT ou sont, au contraire, situés dans le périmètre d'action de ceux-ci. Dans ce cas, la société d'accélération du transfert de technologies est naturellement la structure de valorisation de l'institut Carnot.
Les SATT emploient des salariés permanents et des salariés non permanents. Les salariés permanents sont des professionnels du transfert. Ils disposent de compétences juridiques – en propriété intellectuelle notamment –, en gestion de projets, mais aussi en commercialisation et en marketing. Les salariés non permanents sont recrutés pour réaliser un projet donné. Les SATT emploient quelques dizaines de salariés permanents ; celle que je préside en compte quarante et un. Au total, ce sont 350 personnes qui sont employées à titre permanent dans les SATT.
Les salariés non permanents sont-ils employés à des projets de maturation particuliers ?
Oui, ils sont recrutés sur contrats à durée déterminée, comme le permet la forme privée des SATT.
Les SATT sont construites sur le même modèle. Chaque SATT est dotée au départ d'un capital de un million d'euros, dont l'État apporte un tiers par le biais de la Caisse des dépôts et consignations, le reste étant réparti entre les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) – aujourd'hui, de plus en plus, les communautés d'universités et d'établissements (COMUE) – et les grands organismes de recherche. Le CNRS est présent dans la quasi-totalité des SATT et l'Inserm dans la moitié environ, son affectio societatis dépendant de la présence ou non de laboratoires de recherche de l'Inserm en sciences de la vie sur le territoire de la SATT concernée.
Le conseil d'administration reflète le plus fidèlement possible l'actionnariat de la SATT. L'État jouit d'un droit de veto sur les décisions.
Il faut distinguer la dotation en capital de départ des dotations ultérieures en compte courant. Le montant de celles-ci est calculé en fonction du potentiel de recherche du territoire sur lequel la SATT est implantée – mesuré en dépense intérieure de recherche et développement des administrations (DIRDA) ou de dépense intérieure en recherche et développement des entreprises (DIRDE) –, mais aussi en fonction du succès des brevets déposés sur ce territoire.
Les dotations en compte courant varient de trente à soixante-dix millions d'euros sur dix ans. Tous les trois ans, une nouvelle tranche est versée, à l'issue d'une révision fondée sur la satisfaction de critères de poursuite de l'activité (go-no go). Les cinq premières sociétés créées seront ainsi évaluées en fin d'année sur ces critères, avant le passage à la deuxième étape.
Puisque ce passage de jalon est proche, quelles sont vos perspectives ? Les paiements se situent-ils dans l'épure initialement prévue ?
Oui, la situation se présente bien et nous remplissons globalement les objectifs de la première tranche, qu'il s'agisse des déclarations d'inventions de brevet ou des licences concédées.
La première tranche de versements avait pour objectif la mise en place et le démarrage du partenariat entre, d'une part, les structures privées que sont les SATT, et, d'autre part, le monde de l'université et de la recherche, avec les organismes de recherche et les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Si la confiance a mis du temps à s'instaurer, pour les cinq premières sociétés créées – et bientôt pour les douze premières – toutes les conventions entre les actionnaires et les sociétés sont désormais signées, les procédures établies et les comités d'investissement, comités indépendants qui rendent un avis consultatif sur l'ensemble des projets financés, constitués. Le lancement est donc terminé.
Quels sont les facteurs qui ont facilité la mise en oeuvre des SATT et, a contrario, ceux qui ont pu être des freins ? Quelles leçons tirer de ces mises en place ?
Le premier facteur de facilitation est la confiance générée par l'ancienneté des relations entre les acteurs de recherche publique sur un territoire donné ; depuis 2006, ces relations pouvaient s'inscrire dans le cadre d'un dispositif mutualisé de transfert de technologies, un DMTT : les SATT qui ont pu s'appuyer sur les équipes ainsi mises en place sont parties avec une longueur d'avance. L'interaction des partenaires du DMTT avec les autres acteurs de l'écosystème, tels que les incubateurs, les pôles de compétitivité ou les agences de développement, a pu jouer un rôle similaire : dans ce cas aussi, la SATT a relayé, sous une forme plus élaborée, une dynamique préexistantes.
Les écosystèmes sont par ailleurs d'une complexité variable. Sur un territoire de dimension modeste, comme l'Alsace, la convergence est facilitée par le nombre relativement restreint d'acteurs ; il en va bien entendu tout autrement dans des zones comme Saclay.
La création d'une SATT ex nihilo, sans dynamique préexistante, suppose aussi plus de temps car il faut installer la confiance entre les acteurs et constituer des équipes nouvelles.
Le choix de certains périmètres géographiques a également eu un impact. L'association de la Bretagne, où beaucoup de projets avaient vu le jour, avec les Pays de la Loire, où la dynamique était moindre, a logiquement demandé un peu de temps.
Enfin, si les principes qui ont présidé à la création des SATT ont été acceptés au départ – à la faveur des crédits mis sur la table, il faut bien le dire –, des difficultés ont pu émerger lors de la négociation des accords-cadres, lorsque l'historique n'était pas suffisant ou la confiance pas encore établie : cela a pu avoir un effet retardateur ici ou là.
Cela dit, ces difficultés sont aujourd'hui, sinon surmontée, du moins en passe de l'être.
Le climat de confiance paraît en effet essentiel ; beaucoup d'acteurs nous l'ont dit. Avez-vous identifié des moyens de le créer ?
Le premier levier est de convaincre les établissements de recherche, car nous travaillons d'abord pour eux. La démonstration qui leur a été faite qu'une mutualisation des compétences était possible a accéléré la mise en place de la SATT que je préside.
De même, il nous a fallu montrer que notre champ de compétence se limitait à la valorisation de la recherche et au transfert des technologies, et nous imposait donc de nous insérer dans un écosystème : le conventionnement, dont on a beaucoup parlé, a montré la capacité des SATT à le faire. Il va de soi, en effet, que le transfert de technologies, qui débouche sur la création d'entreprises, n'est possible qu'en partenariat avec les technopoles, les incubateurs et les investisseurs en capital-risque – la SATT Ouest Valorisation a ainsi signé une convention avec le fonds Grand Ouest Capital Amorçage. L'insertion se traduit aussi dans l'organisation concrète : les structures de l'écosystème siègent dans les SATT, notamment au sein des comités d'investissement où elles accompagnent nos laboratoires partenaires dans la conduite de projets de transferts de technologies ou de création d'entreprises. Nous avons passé des conventions avec des centres techniques ou des centres régionaux d'innovation et de transfert de technologie (CRITT). Ces derniers constituent des relais importants, dans les régions, pour les entreprises sous-dotées en capital immatériel, que les SATT ont précisément vocation à générer via la propriété industrielle. Le défi est de hisser le niveau technologique des inventions afin de développer la compétitivité des entreprises dans les territoires, au bénéfice de l'emploi.
Lors de l'élaboration des avant-projets sommaires des SATT, auxquels certains d'entre nous ont participé, on ne s'était sans doute pas suffisamment interrogé sur la manière d'associer les régions et les métropoles ; nos démarches en ce sens ont permis, là aussi, d'installer un climat de confiance. Nos objectifs ne se limitent pas à soutenir des projets rentables à dix ans : ils sont aussi de développer la compétitivité dans les régions, selon des feuilles de route qu'elles définissent elles-mêmes dans le cadre des stratégies de spécialisation intelligente dites « S3 » – smart specialisation strategy – ou des priorités définies par les métropoles.
Le climat de confiance se crée d'abord avec les chercheurs ; ils sont présents sur toute la chaîne du transfert. La proximité géographique facilite les choses sur ce plan.
Je vois deux raisons au succès de la SATT Île-de-France Innov, qui va d'ailleurs croissant. D'abord, cette SATT – communément appelée SATT de la ligne A du RER car elle couvre un territoire qui s'étend de Cergy-Pontoise à Marne-la-Vallée – a constitué le premier instrument fédérateur des COMUE. La première demande de la COMUE récemment créée à Cergy-Pontoise a d'ailleurs été d'être actionnaire de la SATT.
Ensuite, les difficultés que notre SATT avait rencontrées, au départ, avec Inserm Transfert tenaient à un sentiment de concurrence frontale, car nous avions à travailler sur les mêmes sujets. Or, même un an et demi après, nous ne couvrons réellement que la moitié de notre territoire : le potentiel est donc considérable. Par ailleurs, nous intervenons très en amont, dès la maturation des projets, contrairement à l'Inserm. Enfin, on s'est aperçu que la dispersion des efforts faisait perdre du temps ; or la vitesse d'exécution est essentielle aux projets. Au-delà de nos objectifs respectifs, il fallait trouver de nouvelles formules pour réaliser notre l'objectif global : la multiplication des brevets, des maturations et des projets, et ce dans les temps les plus courts possibles. Tels sont les éléments qui ont permis de corriger le tir et de créer une véritable affectio societatis.
Trois fois non. Nous évoluons dans un secteur caractérisé par le risque économique ; or il n'existe pas d'outil, en France, pour assurer le financement des projets depuis la sortie du laboratoire jusqu'aux entreprises : nombre de ces projets se perdent, et lorsqu'ils ne se perdent pas, ils s'exilent. Dans le monde anglo-saxon au contraire, des structures, comme les family offices, assument de tels risques. Sans le financement qui leur a été affecté au titre du PIA, les SATT n'auraient jamais pu être constituées.
Si elle est considérable, l'enveloppe dédiée du PIA, 900 millions d'euros, est correctement dimensionnée au vu du potentiel de projets – à charge pour nous de trouver les bons.
L'enveloppe allouée sur dix ans à chacune des SATT représente 1 % de la dépense intérieure de recherche et développement des administrations (DIRDA) sur le territoire considéré. D'autre part, l'Union européenne et la Banque européenne d'investissement ont clairement identifié la maturation comme un enjeu stratégique : en ce domaine, elles élaborent actuellement des programmes, dotés de financements considérables. Elles ont aussi reconnus l'originalité et l'intérêt de la politique française.
Les SATT valorisent les projets de deux façons : soit par le transfert vers une entreprise existante, soit à travers la création d'une jeune entreprise innovante, création qui nécessite des investissements. Ceux-ci peuvent provenir de fonds privés ou semi-publics ; le PIA comporte à cet égard un outil, le Fonds national d'amorçage, doté de 600 millions d'euros. Mais les SATT prennent plus de risques encore car elles investissent avant même la création de l'entreprise : aucun investisseur privé n'est positionné aussi en amont dans la chaîne de transfert.
Quel regard portez-vous sur l'objectif, assigné aux SATT dans le cadre du PIA, d'assurer leur rentabilité à un horizon de dix ans ?
Cet objectif nous semble essentiel, même s'il n'est pas le seul : la raison d'être des SATT, au fond, est de contribuer à la compétitivité des entreprises. Pour concilier ces deux objectifs, nous devons trouver un équilibre dans notre portefeuille de projets. Certains d'entre eux auront une faible rentabilité mais un impact économique sensible sur le territoire ; pour les financer, et afin de partager les risques, les SATT feront appel aux collectivités ou à des investisseurs privés. D'autres projets, à rentabilité plus élevée, permettront quant à eux un retour sur investissement accru.
Le développement des transferts technologiques a vocation à créer des emplois. De ce point de vue, peut-on évaluer les SATT selon d'autres critères que celui de la rentabilité financière ? Le rapport Juppé-Rocard, ne l'oublions pas, avait également en vue la compétitivité de la France et sa réindustrialisation.
Je réponds résolument par l'affirmative à votre question. Nos plans d'affaires sont validés par le comité de gestion des SATT : ils tracent donc notre feuille de route. Toutefois, la finalité des SATT n'étant pas de réaliser des profits, d'autres indicateurs sont à prendre en compte, comme le pourcentage de transfert de technologies en région ou, comme vous venez de le suggérer, la création d'emplois directs ou indirects, via le transfert de technologies vers des PME existantes ou des start-up naissantes. De tels indicateurs ne sont pas constitutifs de notre feuille de route aujourd'hui, mais pourront l'être dans le cadre de nos discussions avec de nouveaux actionnaires, au premier rang desquels les collectivités.
Bien sûr, nous devons respecter l'objectif de rentabilité voué à garantir notre autofinancement à dix ans. Cependant nos responsabilités en matière de création d'emplois et de développement économique et industriel sont à placer au même niveau. Pour ce qui nous concerne, nous ne hiérarchisons pas ces deux objectifs.
N'oublions pas que les SATT sont jeunes : il est beaucoup trop tôt pour évaluer nos portefeuilles en fonction du critère de la rentabilité à dix ans ; comme l'a rappelé M. Lamande, à ce stade, nous suivons notre feuille de route.
Les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) ont une organisation nationale, avec des unités mixtes de recherche (UMR) localisées partout sur le territoire. Comment les SATT peuvent-elles prendre en compte cette dimension nationale ? Dans certains domaines stratégiques, il peut être nécessaire de s'appuyer sur les inventions de différentes UMR.
Cette question a été soulevée lors de la création des SATT, notamment dans le cadre des discussions avec le CNRS et l'Inserm. Non seulement l'articulation a été définie dans les accords-cadres, mais elle prend désormais vie au quotidien : au sein de chaque SATT a été mis en place un comité qui examine toutes les déclarations d'invention et les brevets, en associant, dans la SATT concernée, le CNRS et l'Inserm. C'est la première fois que l'ensemble des acteurs de la recherche publique, sur un territoire donné, voient passer tout le flux de brevets.
À l'issue de cet examen, les SATT identifient les opérateurs susceptibles, au vu de leur capacité d'expertise, de prendre un mandat de valorisation. En Alsace comme ailleurs, la SATT investit dans des programmes de maturation dont la gestion du titre et la valorisation sera assurée par tel ou tel de ces opérateurs – le CNRS ou l'Inserm, par exemple – en fonction de son expertise ou d'une grappe de brevets qu'il détient déjà. Bref, cette articulation entre un acteur de terrain, en contact quotidien avec les équipes de recherche, et une logique stratégique de priorités définie par un opérateur national est aujourd'hui effective.
Si nous nous sommes réunis en association, c'est aussi pour regrouper des technologies issues de différentes régions et proposer des offres communes aux entreprises. Dans plusieurs régions, des PME ou des ETI souhaitent que la SATT régionale assure le relais avec les autres SATT : si elles sont heureuses d'avoir un interlocuteur qui représente tous les laboratoires de recherche de la région, elles appellent de leurs voeux un interlocuteur national. Au sein de notre association, nous développerons cette dernière dimension dans les prochains mois, notamment à travers la création d'un portail d'offres de technologies. Un forum des SATT, auquel vous serez bien entendu invités, devrait être organisé courant novembre en région parisienne ; nous y présenterons nos réalisations concrètes.
Comme vous pouvez le constater, nous sommes animés par une réelle motivation ; notre plus grande satisfaction est d'entendre, très régulièrement, les entreprises se féliciter de notre existence et de notre action.
Merci pour cet échange riche et dense, et bon vent aux SATT ainsi qu'à leur association, qui peut en effet les constituer en réseau et, ce faisant, contribuer à l'émergence d'une vision nationale.