COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 22 octobre 2014
La séance est ouverte à neuf heures quarante.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'examen des rapports pour avis de Mme Martine Martinel (Audiovisuel ; Avances à l'audiovisuel public), de M. Jean-Noël Carpentier (Presse), et de M. Rudy Salles (Livre et industries culturelles) sur les crédits pour 2015 des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Avances à l'audiovisuel public ».
Mes chers collègues, nous poursuivons ce matin l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 avec la présentation des trois rapports pour avis sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ainsi que ceux figurant au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », autrement dit, la répartition de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), communément appelée redevance.
Dans leurs avis budgétaires, Mme Martine Martinel, M. Jean-Noël Carpentier et M. Rudy Salles ont chacun abordé un thème spécifique, ce qui leur a permis de porter un éclairage particulier sur une entreprise, un secteur ou un enjeu particulièrement important pour l'action publique dans le domaine des médias et des industries culturelles.
Je vous rappelle que Mme la ministre de la culture et de la communication nous présentera demain soir son budget « Médias » pour 2015 en commission élargie.
Nos trois rapporteurs pour avis présenteront successivement leurs travaux avant que n'interviennent un représentant de chaque groupe politique, puis les orateurs qui le souhaitent.
J'ai consacré la partie thématique de mon rapport pour avis à Radio France qui, ces dernières années, a fait l'objet de beaucoup moins d'attention que les autres sociétés de l'audiovisuel public, en particulier France Télévisions et France Médias Monde.
L'année qui s'achève a été marquée à Radio France par la nomination d'un nouveau président, M. Mathieu Gallet, la fin de l'application du contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2010-2014 et la préparation d'un nouveau COM pour la période 2015-2019. Il s'agit donc pour l'entreprise d'une période de bilan et de transition.
La Cour des comptes, dont le dernier contrôle remontait à 2005, devrait publier prochainement un rapport très attendu sur Radio France. Alors que le CSA annonce un bilan détaillé de France Télévisions sous la présidence de M. Rémy Pflimlin, je regrette qu'un travail similaire n'ait pas été réalisé pour Radio France. La loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a pourtant prévu que le CSA rende un avis motivé sur les résultats des sociétés de l'audiovisuel public quatre ans après le début du mandat de leurs présidents. Ce bilan aurait été très utile pour éclairer le choix d'un projet stratégique et préparer l'avenir d'une entreprise confrontée à des défis majeurs.
La stratégie éditoriale constitue le premier de ces défis.
Radio France est confrontée à une crise de ses audiences. Si des évolutions favorables ont été constatées entre 2009 et 2013, depuis 2013, les résultats sont beaucoup plus inquiétants pour la plupart des antennes. Et les résultats de 2014 amplifient ces inquiétudes : France Inter est tombée à 9 % d'audience en juillet, son plus mauvais score depuis 2006, France Musique est à 1,4 % alors que Radio classique passe la barre des 2 %, et France Info ne dépasse pas les 7,5 %.
Radio France connaît aussi un vieillissement très préoccupant de ses auditeurs dont l'âge médian est supérieur de dix ans à celui des auditeurs du média radio : il frôle soixante ans pour certaines antennes et atteint soixante-huit ans pour France Musique. Le rajeunissement doit donc être au coeur de la stratégie du nouveau COM ; il en va de l'avenir du service public de la radio. Par ailleurs, les chiffres montrent que l'objectif affiché par le COM de voir les antennes s'adresser à tous les publics, en termes de profil sociologique, et favoriser la diversité sociale des auditeurs, est loin d'être atteint.
Le projet stratégique de M. Mathieu Gallet, que notre Commission a entendu le 18 juin dernier, comporte des propositions très intéressantes qui vont dans le sens d'une clarification de l'identité des antennes. Elle est nécessaire pour éviter les phénomènes de prédation de l'audience entre stations. L'un des objectifs consiste à rendre à France Info son identité de chaîne d'information en continu. Le COM devra également clarifier la place de la musique sur les antennes.
Je m'interroge fortement sur l'avenir du Mouv'. À l'heure où nous sommes contraints par des choix budgétaires, devons-nous conserver une antenne qui réunit un si petit nombre d'auditeurs et coûte 20 millions d'euros par an ? Pour le Mouv', le COM 2010-2014 devait être celui de la dernière chance. Le nouveau président annonce une relance fondée sur une nouvelle ligne éditoriale en cours de définition : il s'agirait de faire de la station la radio des jeunes et des cultures urbaines, notion qui n'a pas été clarifiée au cours des auditions. J'ai déjà eu l'occasion de regretter le caractère de chaîne « alibi » ou « ghetto » de France Ô. Je mets en garde contre le même risque pour le Mouv'. Le rajeunissement et la diversification de l'audience doivent au contraire irriguer l'ensemble des antennes et surtout constituer un axe majeur de la stratégie numérique. Si le choix est néanmoins fait de maintenir la station, il conviendra de bien clarifier son identité de service public par rapport à l'offre existante privée.
Enfin, pour diversifier les publics, il faut évidemment que l'antenne soit représentative de la diversité de la société française. À cet égard, je note que trop peu de femmes s'expriment encore à l'antenne – elles n'étaient que 37 % environ en 2013. Par ailleurs elles ne représentent que 33 % des cadres de direction alors que le COM fixe un objectif de 35 %.
Le numérique constitue un autre défi pour Radio France. Le démarrage en la matière a été tardif puisque l'entreprise ne l'a véritablement amorcé qu'en 2012 avec la création de la direction des nouveaux médias. Une grande partie du retard a pu être comblée, mais les résultats apparaissent contrastés. En matière de podcasts, ils sont remarquables pour France Culture mais demeurent assez modestes pour les autres antennes.
En ce qui concerne la fréquentation des sites, les comparaisons que j'ai établies dans mon rapport font état d'un retard de Radio France. Calculées en nombre de visiteurs uniques mensuel, les audiences, pour l'année 2013, des sites d'Europe 1 et de RTL atteignent à 2 millions contre un peu plus de 960 000 pour France Inter, et 580 000 pour France Culture. Par ailleurs, je note qu'on ne trouve aucune des applications mobiles de Radio France parmi celles qui ont été les plus fréquentées au mois de juillet 2014. Radio France ne fait donc pas encore suffisamment figure de « média de référence » sur les réseaux numériques, d'où l'urgence de définir des offres numériques communes à l'ensemble de l'audiovisuel public. Lors des cinquante ans de la Maison de la radio, le Président de la République a d'ailleurs affirmé que cette articulation était nécessaire.
Cette ambition figure dans le projet stratégique de M. Mathieu Gallet, et je m'en félicite, mais il ne peut agir seul. L'idée d'une coordination se fonde sur le constat qu'on ne peut plus raisonner par type de média à l'ère de la convergence, comme le montre la stratégie retenue avec succès par les groupes audiovisuels publics dans de nombreux pays européens, tels que la BBC en Grande-Bretagne, ou la RTBF en Belgique. Notre audiovisuel public est trop cloisonné : les relations entre les sociétés sont davantage marquées par la concurrence que par la recherche de complémentarités. Mme Véronique Cayla, présidente d'Arte, l'a rappelé : l'idée même de créer des renvois entre les sites des uns et des autres ou de faire des promotions croisées n'a jamais pu être menée à bien… Pour renforcer et pérenniser le service public audiovisuel à l'ère numérique, il me semble impératif de lancer ce chantier à la faveur de la négociation des nouveaux COM qui va avoir lieu pour l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public d'ici à 2016.
Dans la continuité de ce que nous avons été plusieurs à exprimer lors de l'audition de M. Mathieu Gallet, je réitère mon opposition à la remise en cause de la gratuité des podcasts dans le cadre de la nouvelle stratégie numérique. Cette solution me paraîtrait de nature à fragiliser l'acceptation de la redevance et les fondements mêmes de la notion de service public audiovisuel à l'ère numérique.
En ce qui concerne la couverture du territoire par Radio France, je rappelle qu'à travers la redevance, les contribuables financent les sept programmes du groupe. Il ne me paraît donc pas acceptable que certains n'en reçoivent que trois. C'est pourquoi je soutiens la volonté du président de Radio France de tout mettre en oeuvre pour les rendre accessibles. À cet égard, je souhaite également qu'un indicateur de couverture soit fixé par le futur COM selon la même méthodologie que celle appliquée par le CSA aux autres services.
Pour le nouveau président de Radio France, la clarification de la stratégie des formations musicales constituera par ailleurs un enjeu majeur du futur COM dans le contexte d'ouverture du nouvel auditorium en fin d'année.
La modernisation de la gestion apparaît comme un autre défi et comme une priorité dans un contexte de contrainte forte sur les ressources publiques et alors que les marges d'augmentation des ressources propres sont modérées.
La maîtrise de la masse salariale devrait rester le premier objectif de gestion du futur COM. Je rappelle qu'elle représente presque 60 % des dépenses de l'entreprise et qu'elle a continué d'augmenter de manière dynamique ces dernières années, au point que le CSA en octobre 2013 a appelé Radio France à une meilleure maîtrise de ses charges de personnel. Au cours des auditions, mon attention a été appelée sur un effet pervers du COM auquel il conviendra de remédier. Il fixe en effet un plafond d'emplois – 4 619 équivalents temps plein – qui ne prend pas en compte les cachets et les piges. L'entreprise est donc de facto encouragée à recourir à l'intermittence pour contourner ce plafond. À cet égard, je propose que soit évaluée l'idée de créer un groupement des employeurs de l'audiovisuel public sous forme d'une association loi de 1901, qui permettrait d'employer les intermittents dits « techniques » en CDI.
Dans un contexte de baisse des moyens de l'entreprise, l'augmentation continue de la masse salariale rend également indispensable la modernisation de la gestion des ressources humaines, qui est, selon les observateurs, « éloignée des standards applicables dans les grandes entreprises ». Cette modernisation passe d'abord par la renégociation encore en cours des conventions collectives. Le nouveau président a dit sa volonté de voir un nouvel accord collectif signé avant la fin de l'année.
Au cours des auditions, des observations sévères ont été formulées sur la gestion et ses étonnants archaïsmes. Ont notamment été relevés l'absence, jusqu'en 2012, de procédures formalisées, publiées, contrôlées dans leur mise en oeuvre, l'absence de comptabilité analytique, une organisation « en silo » marquée par un dialogue insuffisant entre les directions opérationnelles et les directions de soutien. S'y ajouteraient une architecture des systèmes informatiques obsolète, des défaillances dans la mise en oeuvre des règles applicables aux achats publics, et une gestion globalement lourde, inefficiente et insuffisamment contrôlée. La Cour des comptes apportera sans doute plus de précisions sur ces aspects. Quoi qu'il en soit, le renforcement du contrôle interne est logiquement affiché comme l'une des priorités du management.
Des améliorations de la gouvernance et de la transparence seraient également souhaitables. Je salue les efforts réels fournis en la matière par la nouvelle direction. Cependant, afin d'améliorer encore la transparence, je suggère que les comptes des entreprises publiques financées majoritairement par l'impôt soient rendus publics, et qu'ils soient accessibles sur la plateforme data.gouv.fr. En matière de gouvernance, les observateurs, y compris la direction, appellent de leurs voeux une dynamisation du conseil d'administration – ce qui ne concerne évidemment pas notre collègue Michel Françaix. (Sourires) Une clarification me paraît en outre nécessaire sur les rôles respectifs des tutelles et du CSA.
Je souhaite conclure sur un autre défi de taille : le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio, qui a mis au jour les défauts de gestion que je viens d'évoquer. Depuis 2004, le coût total de ce chantier a fait l'objet de nombreuses réévaluations. Il est aujourd'hui estimé à 584 millions d'euros, dont 116 millions d'euros de coûts de fonctionnement, soit une augmentation de plus de 80 % par rapport aux prévisions sur lesquelles s'est fondé le choix des travaux en 2004.
Les objectifs du COM concernant le chantier sont donc loin d'être tenus. En termes de calendrier, la date prévisionnelle d'achèvement des opérations, fixée à août 2016 à la signature du COM, est désormais repoussée à la fin de l'année 2017 par le rapport d'exécution du COM pour 2013. Certains observateurs n'excluent pas une dérive supplémentaire du coût tandis que la fin des opérations ne devrait pas avoir lieu avant le début de 2018.
Lors de son audition, Radio France a mis en avant la complexité, réelle, d'une telle opération de réhabilitation en site occupé et estimé que les dépassements qui résultent nécessairement de la « vie d'un chantier » seraient « mesurés » compte tenu de la difficulté des travaux. Les auditions ont toutefois montré que la programmation des besoins et des opérations a été notoirement insuffisante. Une analyse des dépassements montre qu'ils sont dus pour au moins plus de la moitié, voire les deux tiers, à des décisions de l'entreprise.
La tutelle indique avoir été alertée très tardivement de ces surcoûts – pas avant février 2014. Cependant, la Cour des comptes et la mission de contrôle de Bercy s'accordent à estimer que la pression exercée par les tutelles – la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture, et la direction du budget à Bercy –, sur l'entreprise de manière générale, et dans ce dossier en particulier, a été insuffisante, le conseil d'administration s'étant contenté de constater les dépassements. La Cour des comptes apportera, je l'espère, plus de précisions concernant une gestion de chantier aujourd'hui très mal vécue par les salariés : ces derniers évoquent un « gouffre financier » et portent un regard sévère sur un dossier géré, disent-ils, avec « amateurisme ». Quoi qu'il en soit, on ne peut que regretter avec eux que les débordements de cette opération de réhabilitation soient amenés à peser lourdement sur l'équation financière du groupe, notamment sur ses marges d'investissement dans la stratégie éditoriale et numérique.
La partie thématique de mon rapport pour avis est consacrée au soutien à la presse à l'ère numérique. Je ne vous parlerai donc pas ce matin de l'imbroglio des aides d'État à la presse, de leur efficacité toute relative ni des effets d'aubaine qu'elles suscitent chez certains patrons d'industrie qui s'offrent ainsi de l'influence à bon compte. Permettez-moi simplement de faire quelques remarques concernant l'actualité de la presse à l'heure du numérique.
Aujourd'hui 40 % de la population mondiale est connectée sur la toile, et ce n'est pas fini ! Déjà, près de 80 % des habitants des pays de l'OCDE sont connectés. Résultat d'une évolution des technologies spectaculaire, le numérique bouscule tout ; certains évoquent même une véritable révolution industrielle. En 1950, les plus gros ordinateurs traitaient mille opérations par seconde ; depuis, ce nombre a été démultiplié tous les ans, et les ordinateurs peuvent aujourd'hui effectuer plusieurs milliards d'opérations dans ce même laps de temps. Cette progression est exponentielle : il faut s'attendre à voir émerger, comme le préconisent certains, des machines dotées de la capacité du cerveau humain.
Cette puissance informatique alliée à la connexion massive à internet modifie profondément nos sociétés. Le travail, les loisirs, les communications, l'éducation et la circulation de l'information : rien n'est dorénavant plus tout à fait comme avant ! Nos démocraties elles-mêmes évoluent sans doute, et certains chercheurs affirment qu'un nouveau monde est né. Un monde incertain dans lequel l'on se demande si le système capitaliste va redistribuer aux peuples les dividendes des avancées technologiques. Un monde aussi où l'on a l'impression parfois de perdre pieds tellement il va vite. Un monde où l'on peut légitimement s'inquiéter d'être fichés et suivis à la trace par les géants du net, les fameux « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon).
Mais le numérique offre aussi des potentialités puissantes pour l'économie et des outils nouveaux et formidables pour la démocratie.
Au terme des auditions que j'ai menées pour préparer mon rapport pour avis, j'ai acquis la conviction que le numérique était une chance pour la presse et le journalisme, à condition que le journalisme sache se réinventer et que les éditeurs de presse remettent en question un système en difficulté.
Avec internet, les médias et les industries culturelles (musique, livre, cinéma, audiovisuel…) font face à une profonde mutation qui modifie leur écosystème. Le secteur de la presse et du journalisme est donc lui aussi transformé. Les comportements de nos concitoyens sont dorénavant modifiés. Toujours friands d'information, ils veulent pouvoir la consommer partout et tout le temps. Il faut qu'elle soit rapide et crédible. M. Patrick Le Floch le rappelle dans son ouvrage L'économie de la presse à l'ère numérique : « L'arrivée des sites d'actualités casse les frontières traditionnelles des marchés de la presse, l'aire géographique de diffusion et la périodicité n'ont plus de sens. » Alors qu'un monde ancien recule, un nouveau émerge.
Pourtant, même si les Français doutent parfois légitimement de l'indépendance des médias face aux pouvoirs politiques et économiques, ils font toujours davantage confiance aux médias dits « traditionnels », comme la radio, la presse écrite et la télévision, qu'à internet, même si sa cote de confiance progresse. On sent comme une retenue de nos concitoyens face au flot d'informations disponibles. Il serait toutefois erroné d'en conclure que la presse ne peut progresser sur internet. Bien au contraire, la tendance est bien celle-là.
Pour le débat public et pour notre démocratie, il est essentiel qu'à travers des titres de presse reconnus et crédibles un journalisme de référence donne des repères aux lecteurs sur la toile. Le numérique est avant tout une chance pour la démocratie. Internet n'est pas qu'un danger pour la presse ; c'est aussi une opportunité. Il est d'ailleurs rassurant de constater que les sites les plus consultés en France sont ceux de la presse quotidienne nationale, devant ceux des autres médias que sont TF1, France Télévisions, ou les radios en ligne. On ne peut que s'en féliciter. La récente proposition de rachat de LCI par le groupe Le Monde témoigne des évolutions en cours.
Internet n'est pas seulement une opportunité en termes économiques, elle en est également une pour le journalisme. Pour les grands titres de presse, la nécessité de réactualiser continuellement l'information exige de nouveaux moyens. Il faut notamment permettre la vérification plus rapide des sources afin d'éviter la propagation de rumeurs, enrichir les contenus par la vidéo ou par l'infographie, et puis, surtout, créer plus d'interactivité avec le lecteur, ce qui modifie le rôle du journaliste et des rédactions.
Sur internet, le nouveau rapport entre le lecteur et l'information, ainsi que des coûts d'investissement moins importants que dans la presse papier, permettent l'émergence de nouveaux titres de journaux dits « pure players » qui se veulent plus indépendants des pouvoirs économiques et offrent assurément un ton différent et plus libre sur plusieurs sujets de l'actualité.
Le modèle de soutien de l'État est-il pertinent à l'ère numérique ?
Le soutien de l'État à la presse demeure massivement centré sur la diffusion papier et sur la distribution – points de vente, distribution des abonnements… Il s'élève à environ 260 millions d'euros. Comme les années précédentes, les aides à la presse en ligne continuent de représenter une partie très faible des aides budgétaires, environ 10 %. Déjà en 2013, Michel Françaix, alors rapporteur pour avis de notre Commission, faisait ce constat : « L'écosystème actuel continue à orienter l'essentiel de ses ressources vers le maintien de modèles anciens, indépendamment de toute réflexion sur leur finalité, leur pertinence et leur viabilité. »
On peut légitimement s'inquiéter de la grande difficulté des éditeurs de presse papier à s'entendre et à améliorer ensemble l'efficacité de leurs réseaux de diffusion. Des synergies sont pourtant indispensables pour maintenir une activité papier en constante diminution. Des aides d'État ne pourront indéfiniment combler les carences des éditeurs qui se refusent à prendre des décisions.
Cette politique est vouée à l'échec dans un contexte où la mutation numérique apparaît inéluctable tant la baisse de la diffusion papier s'accélère : le recul est tout de même de 25 % en douze ans alors que la population sur la même période a augmenté de près de 10 %. Cette baisse de la diffusion, inégale selon les médias, touche plus particulièrement la presse quotidienne nationale. M. Francis Morel, président du syndicat de la presse quotidienne nationale, a reconnu lors de son audition que l'État avait trop soutenu la dimension industrielle de la presse papier au détriment du soutien à la presse en ligne, ce qui explique peut-être en partie le retard de la presse française dans sa mutation numérique.
L'État a toutefois fait évoluer les choses positivement avec notamment l'application du taux de TVA super-réduit de 2,1 % à la presse en ligne – le président de notre Commission n'étant pas étranger à cette évolution. De même, un ciblage accru du fonds stratégique pour les services de presse en ligne (SPEL) est mis en place depuis le mois de juin dernier. Désormais, seuls les SPEL d'information politique et générale sont éligibles à ce fonds et les sites d'information pratique en sont écartés. Je me félicite de ce ciblage resserré qui n'est que la première étape dans la révision complète du modèle de soutien français à la presse.
Nous devons en effet nous interroger sur la pérennité de notre système d'aides à la presse à l'ère numérique.
Contrairement à l'édition d'un journal sous format papier, la création d'un site internet ne nécessite pas d'infrastructure très importante : les barrières à l'entrée du secteur sont bien moindres et les opinions peuvent s'y exprimer plus facilement dans toute leur diversité. De ce fait, la question de la protection du pluralisme, qui fonde le système français d'aide à la presse, ne peut plus se poser dans les mêmes termes depuis l'avènement du numérique.
Nous pouvons aussi interroger notre système d'aides en le comparant à celui de nos voisins. Si les aides à la presse papier existent chez un grand nombre d'entre eux, leur niveau est beaucoup plus élevé en France. Les aides directes telles que nous les pratiquons sont d'ailleurs interdites dans plusieurs pays au nom même de la liberté de la presse.
Au final, on peut s'interroger sur le maintien d'un système d'aide particulièrement généreux qui contribue parfois à nourrir les interrogations de nos concitoyens sur l'indépendance politique de la presse. De même, l'évolution récente du profil des propriétaires de presse accrédite l'idée qu'on n'achète plus aujourd'hui forcément un titre de presse pour sa rentabilité mais peut-être plutôt pour l'influence politique qu'il procure. Dans un tel contexte, les aides à la presse peuvent, hélas ! conforter des logiques d'influence plus que des logiques d'investissement au service du journalisme et de l'information du citoyen.
Le même raisonnement me fait m'interroger sur les fondements du « fonds Google ». Si le principe de cet accord de compromis avec Google reste pragmatique puisqu'il offre des ressources supplémentaires, il ne peut constituer à mon sens une solution à long terme pour résoudre les défis auxquels est confrontée la presse en ligne, et répondre à l'enjeu que représentent les conditions de diffusion et de rémunération des contenus de cette dernière. Compte tenu de la position dominante de ce moteur de recherche et de son rôle capital et controversé dans l'accès à l'information, il serait malsain que Google devienne de manière durable le principal mécène de la presse française. Ces accords devront être encadrés. Ceux qui profitent de contenus produits par d'autres doivent rémunérer ceux qui les ont créés.
Au vu des évolutions du secteur de la presse, la question d'une redéfinition et d'une réduction de certaines aides à moyen ou à long terme peut désormais être posée. Il faut le faire sereinement, en veillant à ne pas déstabiliser un secteur industriel qui emploie des milliers de personnes et en accordant aux quotidiens à faibles ressources une attention particulière afin de préserver le pluralisme.
Dans le temps très limité qui m'était imposé, j'ai peut-être présenté certaines de mes propositions de façon abrupte, mais la mutation numérique déjà engagée doit impérativement être accélérée. Les patrons de presse, les journalistes et les citoyens ont tout à gagner si elle se fait au nom de la démocratie et du débat public.
J'ai choisi cette année de consacrer l'avis budgétaire relatif au programme « Livre et industries culturelles » au jeu vidéo. En effet, longtemps dominé par le livre, le secteur des industries culturelles compte désormais un nouveau venu : le jeu vidéo, qui est devenu le bien culturel le plus vendu en France et représente le deuxième marché de divertissement. Il mérite d'autant plus notre attention qu'il constitue un enjeu culturel et économique pour notre pays.
Enjeu culturel, tout d'abord : le jeu vidéo n'est plus seulement une affaire de passionnés : son public élargi est même devenu familial. Quelques chiffres sont susceptibles de bouleverser les idées reçues : la moyenne d'âge du joueur tourne autour de quarante et un ans, et 52 % des joueurs sont des joueuses. Le jeu vidéo est un vecteur d'influence culturelle, et les jeux français se distinguent à la fois par la qualité de leur création et par leurs innovations technologiques. Notre savoir-faire est reconnu internationalement : 80 % de la production est destiné au marché étranger. La filière musicale n'a pas le monopole de la « touche française » !
Les studios français bénéficient d'équipes de qualité composées de graphistes, de scénaristes, de monteurs ou d'ingénieurs. Nos écoles de formation sont réputées dans le monde entier et notamment l'école des Gobelins à Paris, pour n'en citer qu'une.
Le jeu vidéo est ensuite un enjeu économique. On compte en France trente et un million de joueurs, et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) estime qu'un joueur dépense en moyenne 40 euros par mois. La filière française est très dynamique, son chiffre d'affaires direct, qui était de 700 millions d'euros en 2002, a atteint presque 3 milliards d'euros en 2013. La société Ubisoft, troisième éditeur mondial de jeu vidéo, en est l'exemple même.
L'État soutient le secteur à travers deux dispositifs spécifiques : le crédit d'impôt pour les dépenses de création de jeu vidéo et le fonds d'aide au jeu vidéo.
Le premier permet aux entreprises installées en France de déduire de leur impôt sur les bénéfices 20 % de leurs dépenses affectées directement à la création de ces jeux. Ce dispositif contribue à éviter la délocalisation des entreprises en comblant partiellement la différence entre les coûts de conception dans les studios français et ceux des studios étrangers. De plus, il génère des recettes fiscales : en 2013, pour 1 euro de crédit versé, 1,80 euro de recettes fiscales et sociales a été perçu par l'État.
Le deuxième dispositif, le fonds d'aide au jeu vidéo, comprend trois aides : l'une destinée à la réalisation de prototypes de jeux – l'aide à la pré-production, une autre destinée à créer une valeur patrimoniale – l'aide à la création de propriétés intellectuelles, et la dernière consacrée à la promotion de ces jeux et de la profession – l'aide aux opérations à caractère collectif.
Malgré ce soutien, la position française s'effrite, concurrencée par le marché asiatique, canadien, mais aussi européen où se positionnent la Finlande, le Royaume-Uni ou l'Allemagne. En dix ans, nous sommes passés du cinquième au huitième rang des pays producteurs de jeu vidéo. L'emploi dans le secteur a été divisé par deux : seulement 12 000 salariés y travaillaient en 2013, alors qu'ils étaient 25 000 durant les années 2000.
Le Syndicat national du jeu vidéo et l'IDATE ont publié le 15 octobre dernier un baromètre annuel du jeu vidéo en France. On y apprend que 62 % des entreprises interrogées considèrent la France comme peu attractive. C'est pourquoi il est urgent que le soutien de l'État soit repensé. De nombreuses pistes existent, des solutions sont connues, des projets annoncés. Il est temps que ces annonces soient suivies d'effet, et que ces projets deviennent opérationnels. Trois grandes priorités devraient s'imposer.
Première priorité : l'aménagement du crédit d'impôt au jeu vidéo. Ce dispositif n'est plus adapté à l'évolution des jeux. De plus, il est concurrencé par des dispositifs extrêmement agressifs mis en place à l'étranger, notamment à Singapour qui propose un crédit d'impôt de 50 %. La production des jeux sur supports physiques, dits de nouvelle génération, nécessite de longues années de travail, c'est pourquoi la procédure d'agrément doit être revue – le délai entre l'agrément provisoire et l'agrément définitif doit être allongé. En revanche, les coûts de développement des jeux dématérialisés sur tablettes ou téléphones sont moindres, ce qui devrait permettre d'abaisser, pour ce qui les concerne, le seuil des dépenses éligibles au crédit d'impôt.
Ces points d'amélioration ont été identifiés et des aménagements ont été votés l'année dernière, lors de l'examen de la loi de finances pour 2014. Cependant, le nouveau dispositif n'est toujours pas applicable et il n'est pas certain qu'il s'appliquera en 2015. En effet, une aide d'État doit être notifiée à la Commission européenne et validée. Je m'étonne que la transmission à Bruxelles ne soit intervenue que cet été, retardant d'autant la mise en oeuvre effective du nouveau crédit d'impôt.
Deuxième priorité : inciter les entreprises du secteur à prétendre à des aides transversales liées à l'innovation, à la recherche ou à la compétitivité, comme les crédits d'impôts recherche ou innovation, le dispositif jeune entreprise innovante, ou des projets dans le cadre du fonds interministériel. Encore faut-il que l'administration fiscale joue le jeu ! Les entreprises du secteur peuvent prétendre au crédit d'impôt recherche. Malheureusement, depuis un an, les dépenses éligibles à ce crédit d'impôt qu'elles déclarent sont requalifiées, et nombre d'entreprises subissent de ce fait des redressements fiscaux. Je déplore cette instabilité juridique qui ne leur permet pas de rivaliser avec la concurrence internationale.
Troisième priorité : l'accès au financement. Il s'agit d'un enjeu crucial pour un secteur composé majoritairement de très petites entreprises qui ne disposent pas de fonds propres, ce qui menace leur pérennité. Le secteur bancaire, traditionnellement frileux à l'égard des industries culturelles, l'est plus encore lorsqu'il a affaire à un secteur méconnu où les risques sont grands.
Sur ce sujet également, plusieurs projets sont en gestation. En particulier celui d'un fonds d'octroi de prêts participatifs géré par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), doté de 20 millions d'euros, qui servirait de levier aux entreprises pour trouver ensuite des crédits complémentaires auprès du secteur bancaire traditionnel. La Banque publique d'investissement (BPI France) devrait aussi s'impliquer davantage dans ce secteur. Son manque d'intérêt et sa prudence dans ce domaine doivent être dépassés. Un projet existe : la signature d'une convention cadre avec l'IFCIC lui permettrait de co-garantir des crédits et d'utiliser le réseau régional de ses agences.
Il est grand temps que tous ces dispositifs soient opérationnels afin de préserver un secteur culturel d'avenir, à forte valeur ajoutée.
Ces trois rapports pour avis portant sur la même mission budgétaire, il n'y aura qu'un seul orateur par groupe. Au demeurant, les représentants des groupes auront trois fois l'occasion d'intervenir : ce matin, demain soir en commission élargie et in fine la semaine prochaine, en séance publique.
Italo Calvino s'interrogeait sur nos capacités réelles à pouvoir reconnaître un nouveau monde s'il se présentait à nous et sur la cécité devant ce qui émerge de neuf d'une société tout entière occupée à prévoir le passé, l'oeil rivé au rétroviseur. Gramsci, quant à lui, définissait la crise comme le moment où une société se meurt sans qu'une autre soit encore née. Gardons-nous donc de sauter sans discernement sur toute technologie nouvelle ; à force de vouloir voir du nouveau partout, on finit par ne plus en voir nulle part. Si le numérique a réellement bouleversé nos vies et modifié nos repères, s'il faut accepter le changement et inventer de nouveaux formats sans nous retrancher derrière une ligne Maginot, attention toutefois aux effets de mode et au « bougisme ». Pour paraphraser Robert Filliou, le numérique est ce qui rend la vie plus intéressante que le numérique… à condition de la rendre plus intéressante !
L'ordre ancien de la presse vacille : érosion continue et vieillissement inexorable du lectorat, déclin prolongé de la diffusion, réduction régulière du nombre de points de vente – si les kiosquiers étaient mieux payés, peut-être le problème serait-il différent –, déstabilisation de Presstalis, diminution du chiffre d'affaires et chute significative des recettes publicitaires, rentabilité négative des entreprises, fragmentation de l'offre, c'est tout l'écosystème de la presse écrite qui est engagé dans une spirale cruelle.
Même si le pluralisme de la presse est aujourd'hui reconnu comme un objectif à valeur constitutionnelle, il serait illusoire de penser que l'État assurera à lui seul le renouveau de la presse, dans un contexte où le nombre total de journaux vendus chaque année en France est passé de 6,5 à 4 milliards depuis 2000. Cette baisse est inéluctable mais la presse papier n'aura pas disparu pour autant en 2050 : les exemples anglais ou américains ont montré que tous les titres ayant abandonné le papier pour le numérique sont morts. Et l'idée de marque reste encore particulièrement présente.
Sur les 4 milliards de journaux diffusés, 2 milliards le sont par la vente au numéro, dont 1 milliard par Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) et 2 milliards par abonnement – 1,2 milliard par la poste et 800 millions par portage. Cela m'inspire trois réflexions. La première est qu'il conviendrait de donner davantage de pouvoir aux instances de régulation, afin de mieux rationaliser l'organisation de Presstalis et des MLP ; à défaut, je ne suis pas loin de penser, comme Marie-George Buffet, qu'il faudrait peut-être fusionner ces deux structures. Il est ensuite important de correctement répartir les aides accordées au transport postal et au portage, lequel concerne essentiellement la presse quotidienne. Si La Poste ne fait pas son boulot, donnons tout au portage ! Mais les autres formes de presse ne sont pas intéressées par le portage et il faut donc les aider via La Poste… Reste que l'État se concurrence lui-même en donnant de l'argent aux mêmes deux fois : il faudrait pour le moins rationaliser tout cela. Enfin, notre système d'aides doit tenir compte du fait que 40 % des diffuseurs ont aujourd'hui une rémunération inférieure au SMIC – je m'étonne d'ailleurs qu'on ouvre encore de nouveaux kiosques aujourd'hui et qu'il n'y en ait pas davantage qui ferment.
Entre l'immobilisme, qui n'est plus tenable, et la révolution, mon grand âge m'incite à défendre une troisième voie, qui consiste à accompagner la transition en évitant la rupture.
Un mot pour conclure sur l'AFP qui subit aujourd'hui la concurrence d'internet. Or elle est la seule à vérifier ses informations. Sur dix scoops sortis sur internet, sept sont faux ! Et l'on trouvera à peine deux lignes le lendemain pour démentir… L'AFP doit demeurer un champion national, vecteur de l'exception culturelle, reconnu pour l'excellence de son travail. Son statut se justifie pour autant qu'il lui permet de remplir cette mission et d'être pour la France un instrument de souveraineté et d'expression. Mais si l'AFP est unique, elle est aussi une entreprise comme les autres. Par conséquent, elle doit continuer à se développer en se diversifiant ; elle doit convaincre ses clients et en recruter de nouveaux, dans un contexte de concurrence de plus en plus âpre et en constante évolution. Face à ces enjeux, tout immobilisme conduira inéluctablement les acteurs de ce dossier à la paupérisation et à une inévitable crise. Réformer dès aujourd'hui me paraît préférable à la perspective de subir demain, sous la contrainte, des transformations brutales. Dans son intérêt et celui de la presse tout entière, l'AFP doit se donner les moyens de rester en mouvement au rythme du monde.
J'ai trouvé le rapport de Martine Martinel sur Radio France très sérieux et très courageux. Il aborde tous les aspects du sujet, qu'il s'agisse de la stratégie, des choix budgétaires, de la place du numérique ou de la gouvernance ; mais surtout, il a le courage de n'éviter aucun des sujets qui peuvent fâcher.
À ce titre et prenant le contre-pied des propos qu'avait tenu Jean-Luc Hees lors de son audition l'an dernier, il pose clairement et légitimement la question du maintien du Mouv', dont la faible audience montre qu'il n'a jamais véritablement rencontré son public.
Le rapport évoque également le vieillissement des audiences de France Inter, de France Musique ou de France Info, dont l'âge moyen tourne autour de soixante ans. Vous aviez l'an dernier poussé des cris d'orfraie, mes chers collègues, lorsque, longtemps fidèle auditrice de France Inter, j'avais avoué m'être détournée d'une chaîne devenue très prévisible et ayant perdu son esprit novateur. Martine Martinel ne dit rien d'autre lorsqu'elle évoque une offre qui n'a sans doute pas su se renouveler. Elle aborde enfin le risque de ghettoïsation qui menace certaines stations, question d'autant plus fondamentale qu'elle rejoint un des enjeux auxquels se trouve confrontée la société française dans son ensemble.
S'agissant de la presse, nous avons eu très opportunément ce matin un rendez-vous avec les éditeurs de quotidiens nationaux, avec qui nous avons évoqué quatre sujets importants : l'imprimerie, la distribution, le statut et le financement des entreprises de presse, les objets connectés. Sur ce dernier point, les éditeurs s'interrogent sur le sort de la préconisation qui figurait dans le rapport Lescure et consistait à taxer les objets connectés pour rémunérer les contenus.
Notre rapporteur Jean-Noël Carpentier considère dans son rapport que le numérique est une chance pour la presse, à condition qu'elle sache se réinventer. Encore faudrait-il définir ce que signifie « réinventer »… Est-ce devenir une presse à consommer partout et tout le temps ? Au vu de ce que nous apportent les chaînes d'information en continu, qui sont certes intéressantes en termes d'instantanéité mais pèchent souvent par manque de recul, je ne suis pas sûre d'adhérer à cette vision des choses.
M. Rudy Salles a fort judicieusement axé son rapport autour des jeux vidéos. C'est un choix opportun car il s'agit d'une industrie culturelle moins connue que d'autres, mais dont le poids économique n'est pas négligeable. Le sujet est de surcroît dans l'air du temps, a fortiori lorsqu'on connaît l'intérêt de notre nouvelle ministre pour la dimension numérique de la culture. L'industrie des jeux vidéos est emblématique de ce qui caractérise les entreprises françaises : une grande créativité, un écosystème performant, mais un soutien public mal ajusté, un soutien privé trop faible et un défaut de compétitivité qui compromet tout à la fois l'emploi et la place de ce secteur dans notre économie. Pour remédier à cette situation, le rapport ébauche des pistes intéressantes, qui méritent d'être creusées.
Le rapport de Martine Martinel nous sera fort utile lors des discussions à venir autour du futur contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'État et Radio France. Je regrette moi aussi que le CSA n'ait pas prévu de réaliser un bilan du COM qui s'achève : si Radio France est une belle entreprise, dont on peut être fiers, il est également de notre devoir de contrôler la bonne réalisation des objectifs du COM, qui doivent permettre à cette société de relever les défis auxquels elle doit faire face, au premier rang desquels le défi du numérique.
En matière de maillage territorial, faire le pari de la radio numérique terrestre (RNT) pourrait permettre de résoudre les problèmes de rupture dans la couverture du territoire, notamment pour France Info ou France Bleu. La réserve du nouveau président de Radio France à ce propos, lors de son audition, n'augure rien de bon. Comme la rapporteure, j'espère que le rapport du CSA sur la RNT évaluera ce qui s'est fait à l'étranger et permettra de clarifier la position des pouvoirs publics à ce propos.
Comme la rapporteure également, je suis opposée à l'idée de revenir sur la gratuité d'accès aux podcasts. De même, je tiens à rappeler que nous sommes très attachés à la gratuité de RF8.
Aujourd'hui, les frontières entre ce qui est vu ou écouté sont de plus en plus floues, d'où l'intérêt que suscite l'idée d'avancer vers un système d'enrichissement mutuel des contenus éditoriaux des partenaires de l'audiovisuel public. Développer des offres numériques communes peut déboucher sur de nouvelles potentialités – elles sont énormes –, ouvrir sur de nouveaux usages, bénéfiques pour l'ensemble des supports traditionnels, à condition d'être source d'enrichissement culturel.
Lors de l'audition de Matthieu Gallet, j'avais indiqué que ces évolutions devaient se faire dans le dialogue et la concertation entre les directions et les salariés concernés afin que tout le monde s'y retrouve et partage ce projet collectif. Ce sont les personnels qui font vivre les radios, ne l'oublions pas. Par ailleurs, la question de la « permittence » se doit d'être soulevée afin de trouver des réponses pérennes.
La représentation de la diversité me semble également un point capital, qui devra nécessairement être revu dans le prochain COM.
Enfin, je rejoins les analyses de la rapporteure quant à la nécessaire clarification de l'identité des différentes chaînes.
Le rapport de Jean-Noël Carpentier pose quant à lui la question de la pertinence du modèle de soutien à la presse à l'ère du numérique, question d'autant plus légitime que les rapports suggérant de remettre à plat le système actuel sont nombreux. C'est pourquoi je regrette que nous n'allions pas plus loin dans la réforme structurelle des aides à la presse, qui nécessite d'être menée en prenant en compte les médias dans leur globalité : avec l'arrivée du numérique, les frontières s'étiolent entre presse papier, télévision et radio, ce qui remet en question la pertinence d'un système d'aides en fonction des supports.
Il ne s'agit pas de renier le fait que les besoins et les problèmes ne sont pas les mêmes entre presse papier et presse numérique mais, compte tenu de l'essor du numérique, le ratio actuel pose question : la presse numérique bénéficie de moins de 10 % des aides budgétaires. Or elle mérite autant de considération que la presse papier. En effet, quel que soit le support, les médias concourent au bon fonctionnement de notre démocratie. La pluralité de l'offre en matière d'information est une nécessité démocratique, tout comme sa qualité. Les Écologistes sont donc favorables à une égalité de traitement entre presse écrite et presse électronique. C'est en ce sens que nous avions soutenu l'harmonisation des taux de TVA, levier très intéressant puisque plus vertueux que celui des subventions, qui font toujours l'objet de suspicion de conflits d'intérêts et peuvent poser la question de l'indépendance de la presse. Il serait intéressant de disposer d'un retour sur les effets de cette harmonisation.
Compte tenu de ces éléments, on peut légitimement s'interroger sur les freins qui expliqueraient le retard de la France en matière de développement de l'offre numérique. Dans cette perspective se pose la question du modèle économique de cette presse. Le modèle du « freemium » est-il majoritaire dans les autres pays européens ? Des solutions alternatives ont-elles été développées et fonctionnent-elles ?
Dans un autre registre, pourriez-vous préciser, monsieur le rapporteur, votre position sur d'éventuelles instances de régulation, au regard notamment du respect du principe de la neutralité du Net qui, vous le savez, est un point essentiel pour nous ?
Nous partageons enfin l'idée que le fonds Google comporte des risques et qu'il est urgent de clarifier les choses.
Nous avons avec l'AFP un outil performant, qui assure le pluralisme et la qualité de l'information, et contribue au rayonnement de notre pays à l'étranger. Or les syndicats sont aujourd'hui inquiets de l'avenir de l'AFP et dénoncent l'opacité dont la direction entoure le futur COM, lequel doit notamment définir les missions d'intérêt général qui seront financées par l'argent public. L'absence d'informations précises sur la nouvelle filiale, qui doit être créée début 2015, est également source d'inquiétude pour les personnels. Je me félicite pour ma part que la proposition de loi du groupe socialiste sur l'AFP et l'avenir de la presse soit inscrite rapidement à notre débat. Elle nécessitera sans doute d'être amendée, mais elle constitue d'ores et déjà une bonne base de départ.
La seconde partie du rapport de Jean-Noël Carpentier est consacrée aux aides à la presse à l'ère numérique. Le rapporteur estime que la question de la suppression progressive des aides directes à la presse doit désormais être posée. Je me félicite qu'il ait été un peu plus mesuré dans sa présentation orale, car ce n'est pas à mon sens la question de la suppression des aides à la presse qui doit être posée, mais celle de la pertinence de leur affectation, en fonction de la complémentarité qui existe entre la presse numérique et la presse papier. Il nous faut sortir de l'immobilisme, recentrer les aides à la presse sur les quotidiens d'information politique et générale, régler le sort des messageries dont il va bien falloir un jour ou l'autre envisager la fusion, repenser l'aide à la rémunération des diffuseurs et l'aide à la promotion de la lecture.
Faudra-t-il enfin attendre longtemps encore l'inscription à l'ordre du jour du projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes ?
J'ai lu le rapport de Martine Martinel avec un grand intérêt. J'étais administrateur de Radio France lorsque Le Mouv' a été créé sous la présidence de Michel Boyon. Je m'étais opposé à l'époque à la création de cette radio, dans la foulée des radios privées qui s'étaient développées avec succès à destination des jeunes, estimant que le format retenu n'était pas le bon, ce qui, avec le recul, s'avère exact.
Il faudrait en revanche inciter Radio France à s'intéresser davantage aux régions, car si Le Mouv' a été un échec, France Bleu a été un succès. Or les stations du réseau ne disposent pas des moyens suffisants pour fournir une bonne information locale. C'est pourtant nécessaire, compte tenu du monopole qu'elles détiennent dans nos régions, les radios privées locales nées dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ayant disparu ou ayant été absorbées dans des réseaux à dominante musicale. On serait bien inspiré de renforcer les moyens à destination de l'information locale à travers le réseau de France Bleu plutôt que de s'obstiner à entretenir des radios qui ne fonctionnent pas.
À l'occasion de l'avis budgétaire que j'ai rédigé l'an dernier sur la presse quotidienne régionale, j'avais consulté une étude montrant que les jeunes, avant vingt ans, ne s'informent que sur internet, tandis qu'entre vingt et quarante ans, les sources d'information privilégiées sont la radio et la télévision, puis, à partir de quarante ans, la presse écrite. Nous devons donc nous demander si ceux qui n'ont jamais ouvert un journal avant quarante ans le feront un jour.
S'il est normal que la presse écrite investisse de façon importante dans le numérique, elle doit continuer d'investir dans le papier pour pouvoir vendre des journaux, car le numérique ne rapporte rien. Nous ne disposons pas à ce jour de modèle économique à cinq ou dix ans et la presse écrite est aujourd'hui au milieu du gué, confrontée à une baisse considérable du nombre de ses lecteurs : huit cent mille lecteurs perdus en cinq ans, c'est l'équivalent de la diffusion de Ouest-France, premier quotidien régional français. Je tenais à ajouter ce constat à l'excellent rapport présenté par Jean-Noël Carpentier.
Nous nous sommes déjà prononcés contre la suppression inadmissible de la gratuité des podcasts, mais peut-être notre commission pourrait-elle envisager de réitérer son opposition, plus clairement encore, par le biais d'une motion ?
En ce qui concerne les mutations de la presse, n'oublions pas que ce qui permet aujourd'hui aux groupes de presse d'être rentables et de dégager des marges, c'est le papier et non le numérique. N'allons donc pas trop vite, sous peine de déstabiliser totalement le secteur.
Si certains sont tentés de voir en Google un nouveau mécène, il m'apparaît surtout pour l'instant, et c'est bien ce que laisse entendre le rapport, comme le principal prédateur… On peut néanmoins penser que la position adoptée par la France n'a pas contribué à renforcer la position des éditeurs allemands face à Google ; si nous aussi avions adopté une loi, peut-être aurions-nous inversé le rapport de force, même si nous ne pouvons que nous féliciter des 60 millions d'euros concédés par la firme et de la manière dont ils seront dépensés.
M. Rudy Salles a eu raison de rappeler dans son rapport que le jeu vidéo est un bien culturel très important en France : 67 % des Français y jouent, dont 52 % de femmes. C'est aussi une industrie dont le chiffre d'affaires est passé en France de 700 millions d'euros en 2002 à 3 milliards en 2013 et dans laquelle notre pays fait preuve d'un réel dynamisme et d'une vraie capacité d'innovation technologique.
Les pouvoirs publics ont donc mis en oeuvre nombre de mécanismes de soutien, notamment via le CNC afin d'accompagner les acteurs du secteur et conforter notre bonne réputation internationale. L'essentiel de ces dispositifs consiste dans un crédit d'impôt et un fonds d'aide au jeu vidéo, auquel doit s'ajouter un fonds d'octroi de prêts participatifs permettant aux entreprises de disposer de fonds propres pour asseoir leur développement.
Nous devons adopter une démarche proactive et adapter sans cesse ces dispositifs de soutien à la concurrence internationale si l'on veut éviter les délocalisations : le jeu vidéo est une industrie qui se déplace très rapidement. Je soutiens totalement le rapporteur lorsqu'il insiste sur cette nécessité. Je rappelle que le CNC a évalué à 8 millions d'euros le montant du crédit d'impôt pour 2015 et qu'en 2013 un euro de crédit versé a rapporté 1,80 euro de recettes fiscales à l'État et entraîné 8 euros de dépenses réalisées dans la filière. Cet outil essentiel à la compétitivité de la filière française doit impérativement être adapté et pérennisé.
L'État a la responsabilité de deux grandes bibliothèques, dont la Bibliothèque nationale de France, véritable fleuron de notre patrimoine, qui contribue au rayonnement de la culture française, grâce notamment à la numérisation de son fonds et au dispositif Gallica. Or le rapport de M. Rudy Salles a nourri mon inquiétude au sujet des travaux de rénovation du quadrilatère Richelieu : seulement 13,2 millions d'euros en crédits de paiement ont été budgétés, ce qui représente moins de 10 % des crédits de paiement nécessaires au projet de rénovation, laquelle doit s'étaler sur cinq à six ans. Je crains donc que nous ne disposions pas du budget permettant de réaliser les travaux dans les délais, ce qui risque de générer des surcoûts, d'autant que le chantier a déjà connu certaines surprises – la découverte d'amiante, par exemple.
La sanctuarisation des budgets de la culture est une très bonne nouvelle, aussi bonne peut-être que le fait que le budget de l'éducation nationale redevienne le premier budget de l'État ! J'ai néanmoins été frappé que l'excellent rapport de Martine Martinel mette en évidence, à propos de Radio France, autant de questions similaires à celles que nous avons eu à nous poser lorsque nous évoquions France Télévisions, questions qui rejoignent par ailleurs celles que se pose Jean-Noël Carpentier sur la presse. Dans tous les cas, il s'agit de s'interroger sur l'adaptation de nos modèles historiques à un paysage bouleversé par le numérique et l'émergence de nouveaux usages, mais également sur la pertinence des stratégies mises en oeuvre dans ces entreprises.
Face à ces bouleversements et grâce à la sanctuarisation des budgets de la culture, peut-être devons-nous prendre le temps de sortir de l'immédiateté et de réinterroger l'ensemble de nos dispositifs de soutien, pour tenir compte de cette nouvelle donne dans une vision globale de notre politique culturelle. Le temps de l'analyse n'est certes pas le temps budgétaire ni le temps politique, mais c'est peut-être le temps que nous devons prendre si nous voulons redynamiser un modèle qui nous tient tant à coeur et qui est essentiel tant pour l'économie de notre culture que pour son rayonnement. À entendre nos rapporteurs et les orateurs de nos groupes, il semble que ce nouveau monde à naître ne soit pas très loin de nos réflexions. À nous de lui tendre la main pour l'aider à entrer dans le réel et éclairer les chemins à prendre pour fixer les bases de l'acte II de l'exception culturelle.
Je félicite les trois rapporteurs pour leur travail, riches de réflexions et d'interrogations. Si le rapport de Jean-Noël Carpentier fait état de l'utilité du fonds Google et de la satisfaction du plus grand nombre des acteurs du secteur, il en pointe aussi les limites et les risques. Existerait-il d'autres solutions permettant la rémunération des contenus ?
Un mot enfin sur l'infaillibilité de l'AFP qu'a évoquée Michel Françaix. L'AFP a repris une information de la presse locale me concernant, selon laquelle j'avais été victime d'une agression et d'un vol. Or c'était faux… L'AFP n'est donc pas toujours infaillible.
Mme Martinel a évoqué la mise en place, en septembre 2014, d'un portail commun de services de radio sur internet nommé direct-radio.fr, regroupant les principales radios privées et celles de Radio France. Grâce à ce portail, les auditeurs peuvent désormais passer d'une radio à l'autre et télécharger les podcasts qui les intéressent. Or, dans le projet de Mathieu Gallet pour Radio France, figure la fin de la gratuité du téléchargement des podcasts, alors même que ces émissions sont en partie déjà financées par la contribution à l'audiovisuel public, par ailleurs en hausse dans le PLF pour 2015 : autant de raisons qui me poussent à considérer que le téléchargement des podcasts doit demeurer gratuit.
D'autant que la gratuité d'accès aux productions audiovisuelles contribue à leur notoriété sur internet et à la valorisation de notre patrimoine culturel public. Nous pouvons prendre exemple sur de nombreuses institutions étrangères, notamment allemandes ou américaines, qui mettent leurs images sur internet en utilisation libre de droit, parfois en plus faible résolution. Êtes-vous favorable à la création d'un grand portail public de l'audiovisuel français à accès gratuit rassemblant diverses ressources, dont les podcasts de Radio France ?
Par ailleurs, le service de proximité de la radio s'incarne dans le réseau des quarante-quatre stations locales de France Bleu réparties sur tout le territoire. Or, comme vous le soulignez dans votre rapport, l'objet de France Bleu est de diffuser une information de proximité et de qualité et de valoriser le patrimoine et la vie culturelle des régions. Parce que ses animateurs radiophoniques sont de vrais professionnels et que l'offre de France Bleu répond à une demande croissante, les chiffres d'audience montent en flèche. Cependant les financements versés à France Bleu sont régulièrement en baisse, ce qui n'est pas sans conséquence en termes de masse salariale – techniciens, animateurs et journalistes. Les moyens en équivalents temps plein ne sont pas suffisants alors que la dynamique du réseau mérite d'être mieux soutenue. Cette volonté politique est nécessaire parce qu'il s'agit du réseau de proximité de la radio publique.
Le Mouv', quant à lui, coûte 20 millions d'euros par an sans rencontrer la réussite escomptée : aussi est-il légitime de se demander s'il est pertinent d'institutionnaliser la culture alternative. La radio publique peut-elle rencontrer son public en s'appropriant la culture urbaine, qui est, par définition, une culture alternative ? Les jeunes veulent avant tout être acteurs. À l'époque des stations locales, il existait sur Radio France Nancy-Lorraine une émission, « Fréquence Fac », qui donnait la possibilité à de jeunes étudiants d'animer leur émission quotidienne. Elle avait rencontré son public parce qu'elle était pensée pour les jeunes et réalisée par les jeunes, de plus dans la proximité. Cela fonctionnait bien, et cela coûtait infiniment moins cher que le Mouv' !
Je veux féliciter nos trois collègues dont les rapports étaient très intéressants. Et notre réunion de ce matin, monsieur le président, montre combien était pertinente votre proposition, que j'avais soutenue, de nous réunir préalablement à la commission élargie pour entendre nos rapporteurs pour avis et débattre de leurs rapports.
Madame Martinel, je tiens à évoquer la place de la musique sur Radio France, dans le cadre de la rénovation de l'auditorium – l'orchestre de Radio France peut de nouveau s'y produire – et de l'ouverture début janvier 2015 de la Philharmonie de Paris : quelle serait, selon vous, la meilleure organisation des différentes salles de concert de Paris ? Si Paris a longtemps manqué de salles de concert, nous nous trouvons désormais, sinon devant une surabondance, du moins devant la nécessité d'organiser différents concerts dans différentes salles.
Je souhaite par ailleurs souligner la qualité du plaidoyer de M. Françaix pour la presse. Monsieur Carpentier, alors même que notre presse est très aidée, comment expliquer le fait que la France n'ait pas, comme les Britanniques, de journaux mondiaux de référence – je pense notamment au Financial Times. Ne serait-il pas possible de profiter des possibilités offertes en la matière par le numérique ?
Notre collègue Rudy Salles a souligné l'importance, la notoriété et la créativité du secteur français du jeu vidéo, mais également les dangers qui guettent ce secteur pourtant très porteur. Est-ce seulement dû à l'environnement juridique et fiscal ou y a-t-il d'autres raisons ?
Une suggestion pour terminer, monsieur le président : ne serait-il pas possible de changer de temps à autre le tableau qui orne la salle de la Commission des affaires culturelles, en ayant, pour cela, recours au Fonds national d'art contemporain ? Cela nous donnerait l'occasion de connaître un plus grand nombre d'oeuvres. Pour Malraux, dois-le rappeler, la culture était « la connaissance du plus grand nombre d'oeuvres par le plus grand nombre d'hommes ».
Je remercie M. Herbillon de son intervention. Nous examinerons sa proposition lors d'une réunion du bureau de la Commission.
L'année dernière, l'Assemblée nationale a adopté différentes dispositions dans le cadre de la loi encadrant les conditions de la vente à distance des livres, visant notamment à interdire la gratuité des frais de port pour éviter que des grands groupes comme Amazon ne contournent la loi Lang sur le prix unique du livre. Il faut savoir que ces grands groupes, non contents d'être responsables de la mort programmée des librairies, se permettent de censurer les éditeurs – je pense au conflit qui a opposé cette année Hachette à Amazon. De plus, Amazon n'hésite pas à frauder le fisc et à violer le droit du travail.
Un an après le vote de ces dispositions législatives, ne conviendrait-il pas d'apporter de nouveau un soutien marqué aux vrais professionnels du livre qui, seuls, ne peuvent lutter contre de tels mastodontes ?
Le rapport de Mme Martinel évoque l'engagement de Radio France d'atteindre le taux de 30 % de femmes invitées lors de ses matinales. Je suis pour ma part très déçue de la faiblesse de cet engagement : derrière quelle excuse la société Radio France peut-elle bien se cacher pour ne pas viser plus haut que ces 30 % ? Sachant que cela fait deux hommes pour une femme, peut-on savoir comment s'opère la sélection ? Pensez-vous comme moi, madame la rapporteure, que le CSA devrait fixer des objectifs plus contraignants en termes de diversité ?
Alors que les sites de Radio France sont moins fréquentés que ceux des autres radios émettant sur le territoire national, le projet du président Mathieu Gallet de faire payer l'accès aux archives des émissions aggravera ce retard : je partage donc la vive opposition de notre rapporteure et de notre collègue Marcel Rogemont à ce projet. Aux États-Unis, toute oeuvre réalisée par un agent public dans l'exercice de ses fonctions tombe automatiquement dans le domaine public. Les citoyens finançant déjà par leur impôt la création de ces oeuvres, comment justifier un second paiement ?
Je partage également les conclusions du rapport de M. Carpentier sur le fonds Google. Ce n'est pas en rendant la presse financièrement dépendante d'une multinationale américaine que nous améliorerons son sort. Monsieur le rapporteur pour avis, avez-vous des propositions concernant l'avenir de ce fonds ?
Monsieur Salles, vous soulignez dans votre rapport l'importance de maintenir un équilibre économique entre tous les acteurs de la chaîne du livre, sans évoquer toutefois les problèmes posés par les plateformes de vente de livres numériques. Depuis plusieurs mois, Amazon applique des mesures de rétorsion à l'éditeur Hachette pour obtenir des baisses de ses tarifs. Hachette est pris au piège d'Amazon parce que ses lecteurs, clients d'Amazon, sont eux-mêmes dépendants de la plateforme. Alors qu'ils pensent avoir acheté des livres numériques, ils ne peuvent pas les transférer sur un autre système en raison des mesures techniques de protection – les fameuses DRM – mises en place par Amazon. J'ai proposé l'an dernier de supprimer l'application du taux réduit de TVA à ces pseudo-livres : nous suivrez-vous dans cette voie ?
La ministre de la culture et de la communication souhaite maintenir la réponse graduée prévue dans le cadre de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet en raison de ses aspects prétendument pédagogiques. Or la seule réussite de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) en la matière a été d'inciter les internautes à quitter les réseaux pair à pair vertueux pour des sites de téléchargement direct tels que Megaupload : les citoyens partageurs ont été poussés dans les bras des réseaux mafieux !
Monsieur le rapporteur pour avis, pensez-vous, comme moi, qu'en cessant la chasse aux partageurs de la culture, nous assécherons, à moindre coût, le financement des sites d'hébergement qui gagnent de l'argent sans le redistribuer aux auteurs ?
La constante des trois rapports pour avis est celle d'une stratégie numérique impliquant de facto une réorganisation de l'audiovisuel public. Les pratiques d'accès à l'information ont évolué – nous basculerons bientôt vers le Web 3.0 qui multipliera les occasions interactives et participatives.
De plus, les frontières entre les différents médias sont poreuses. On lit sur internet, on peut y écouter l'extrait d'un journal ou regarder des vidéos, sans oublier l'apport du sous-titrage. Au regard de la stratégie numérique, la convergence vers un service universel numérique prend-elle forme ?
Ce service universel numérique impliquerait de réfléchir également à la fiscalité numérique applicable aux moteurs de recherche – question que vous abordez, Monsieur Carpentier, en évoquant la « Lex Google ». Je rejoins mes collègues sur la nécessité de revoir les pratiques d'optimisation fiscale pour éviter toute dépendance par rapport à une multinationale.
Par ailleurs, le rapport « sur la francophonie économique », remis par Jacques Attali au Président de la République le 26 août dernier, regrettait l'absence d'un Netflix à la française, qui bouleverse les pratiques d'accès aux médias. Que pensez-vous d'une telle perspective, qui touche les structures et l'évolution de tous les médias ?
Enfin, je rejoins le souci de Michel Herbillon : pourrions-nous imaginer un titre de presse international, à l'exemple de The Economist, non pas français mais francophone ? Si oui, nous gagnerions à nous rapprocher de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), pour réfléchir aux conditions d'émergence d'un vrai titre de presse international.
Monsieur Carpentier, le montant des crédits d'aides à la presse s'est élevé en 2015 à un peu plus de 260 millions d'euros. Si de nombreux organes de presse ont besoin de cette aide, qui est vitale pour eux, d'autres appartiennent à de grands groupes qui font des bénéfices et distribuent chaque année des dividendes importants à leurs actionnaires. À titre d'exemple, un grand groupe dont le principal actionnaire est un fonds d'investissement étranger a, en 2013 et 2014, distribué 2 milliards d'euros de dividendes alors qu'il a perçu plusieurs dizaines de millions d'euros d'aides à la presse, notamment d'aide au portage.
Nos concitoyens, qui font face actuellement à une pression fiscale de grande ampleur, peuvent légitimement s'interroger sur la pertinence, la répartition, l'efficience et le ciblage de ces aides mais aussi sur leur attribution à un groupe qui n'en a manifestement pas besoin. S'il n'est pas question de remettre en cause les aides qui permettent de bénéficier d'une presse pluraliste et de qualité, il conviendrait de prendre en considération la nature et les contraintes économiques des organes de presse et de leurs propriétaires, afin que les impôts de nos concitoyens n'alimentent pas les dividendes des actionnaires de groupes privés.
C'est pourquoi je m'interroge sur la possibilité de conditionner la perception définitive de ces aides à la non-distribution de dividendes ou à un plafonnement desdits dividendes à 50 % des aides obtenues, par exemple. Les sommes correspondant au remboursement des aides indues viendraient abonder un fonds d'urgence de la presse destiné à conforter le soutien aux organes de presse en situation précaire ou à allotir, de façon additionnelle et proportionnelle, tous les autres bénéficiaires des aides à la presse.
Le rapport de Mme Martinel nous livre une vision très juste de la situation de l'audiovisuel public, en particulier de Radio France, dont la mission de service public est essentielle car elle garantit l'équité, la diversité, la mixité et la culture des valeurs de la République à l'égard de tous nos concitoyens.
Le service public, notamment Radio France, c'est le laboratoire des idées, de l'information, de la musique, de la fiction et de la création. Or vous avez illustré, madame la rapporteure pour avis, à travers de nombreux exemples, la difficulté que rencontre aujourd'hui Radio France pour afficher l'identité précise de chacune de ses stations.
Comment par ailleurs Radio France peut-elle réussir l'entrée dans l'ère du numérique, qui garantit des ressources nouvelles tant sur le plan financier qu'en termes de taux d'audience, toutes stations confondues ? Selon vous, la nouvelle stratégie autour du numérique tarde à porter ses fruits. Comment renforcer l'identité des stations ? Comment les personnels se sont-ils adaptés à la révolution numérique ? Comment concilier l'exigence de service public et la nécessité de modifier l'âge moyen des auditeurs qui, selon le PDG de Radio France, est trop élevé ? Pensez-vous comme lui qu'il faille baisser le niveau d'exigence pour toucher des catégories dites populaires ?
La réservation prioritaire des fréquences en faveur de Radio France soulève un débat régulier lorsque nous rencontrons les représentants de syndicats de producteurs de radio. Si notre excellente rapporteure a rappelé à juste titre que des acteurs contestent aujourd'hui ce droit de préemption de l'État, elle ne nous a pas fait part de son opinion personnelle sur le sujet. S'est-elle forgée une philosophie sur la question, qui nous permettrait d'apporter une réponse homogène aux représentants des syndicats lorsqu'ils nous interrogent sur le sujet ?
Je remercie le bureau de la Commission d'avoir pris la décision de consacrer un temps de réflexion et de discussion aux rapports pour avis. Je tiens à souligner que nous sommes la seule commission à procéder ainsi.
Monsieur Pouzol, la sanctuarisation du budget, c'est normalement pour demain soir… C'est la raison pour laquelle je ne l'ai pas évoquée. Je tiens à ajouter que Radio France n'est pas la société audiovisuelle qui ait le plus pâti de l'austérité budgétaire, même si on l'entend dire parfois.
M. Féron a évoqué la gratuité des téléchargements. Cette question semble faire l'unanimité de la Commission : l'audiovisuel public ne saurait faire payer l'accès aux podcasts, alors que nos concitoyens paient déjà une redevance.
J'ai évoqué à grands traits l'idée d'une offre commune de l'audiovisuel public numérique. Si elle est souhaitée par certains, elle paraît toutefois pour le moment très difficile à mettre en place, d'autant que les différents partenaires ne manifestent pas une réelle volonté de s'associer. Peut-être M. Gallet qui, je l'espère, est conscient, au-delà du boulevard qui s'est ouvert devant lui, des difficultés à venir, s'attachera-t-il à ce travail dans le cadre du nouveau COM.
Le réseau de France Bleu se développe, tout en marquant le pas sur le plan du numérique. Le rapport de la mission Brucy a évoqué un rapprochement entre France Bleu et France 3 – cette idée est à l'étude.
C'est à juste titre, monsieur Herbillon, que vous avez évoqué la place de la musique dans le cadre de la rénovation de l'auditorium de Radio France et de l'ouverture de la Philharmonie de Paris. À ma connaissance, aucune vraie réflexion n'est menée à l'heure actuelle sur le risque d'une possible concurrence, voire d'un télescopage entre ces deux installations prestigieuses et coûteuses. Il faudra veiller à les utiliser et à les gérer dans un double souci de qualité de l'offre musicale et de respect de l'argent public. Il serait dommage que de si belles salles offrent des concerts concurrents ou soient à peine remplies. Je n'ai pas été contactée pour participer à l'élaboration d'une quelconque synergie entre leurs programmations ! Je ne pense pas du reste que M. Gallet ait à pour l'heure son mot à dire sur le sujet.
Madame Attard s'est inquiétée de la faiblesse de la participation des femmes. Il est nécessaire que le CSA s'attache à la présence à l'antenne non seulement des femmes mais également de la diversité au sens plus général. Il est vrai que je me suis penchée plus particulièrement sur la question des femmes. C'est le CSA qui, après études, a fixé ce taux de 30 %. On peut, assurément, s'inquiéter du faible nombre de femmes invitées à l'antenne : plus inquiétante encore me semble être la place réduite des femmes cadres à Radio France. Le COM qui vient à échéance avait prévu de la porter à 35 % : or ce taux n'est pas encore atteint. M. Gallet devra s'employer à tenir les objectifs fixés.
M. Féron a également souhaité la création d'une antenne alternative diffusant de la musique faite par les jeunes et pour les jeunes : je n'y suis pas favorable. Si Radio France veut exister comme radio publique de qualité, toutes ses antennes méritent d'être rajeunies. Il est inutile d'enfermer les jeunes dans une culture dite alternative : ils peuvent s'intéresser à toutes les cultures et les personnes plus âgées aux cultures urbaines.
Monsieur Travert, je n'ai pas eu le sentiment que M. Gallet ait manifesté son souhait de baisser le niveau d'exigence en vue de toucher tous les publics. S'il l'a dit, c'est une erreur. Les publics populaires ont une exigence aussi grande que les publics cultivés. Souvent, on s'interdit à tort des choses auxquelles on ne croit pas être préparé : c'est une vision bien peu démocratique et à courte vue de la culture.
Je suis favorable, monsieur Kert, à l'adoption d'une position homogène sur le droit de préemption. La question est toutefois complexe et les fréquences ne semblent pas toujours préamptées à bon escient. Les tutelles pourraient se préoccuper de ce problème.
Les évolutions numériques ne peuvent faire l'objet d'aucune solution miracle, d'autant que nous ne disposons pas en la matière d'une boule de cristal. L'évolution du numérique nous bouscule, si bien que nous ne pouvons pas nous projeter avec certitude sur le long terme – c'est déjà difficile à moyen terme.
En revanche, s'agissant de la presse, nous sommes bien au milieu du gué. M. Salles a raison : nous assistons à une baisse inexorable de la diffusion de la lecture sur papier sans disposer pour autant d'un modèle numérique abouti de la presse. Nous ne devons pas opposer le numérique au papier : les supports et les objectifs ne sont pas les mêmes, mais les deux sont de l'écrit, les deux sont de la presse, les deux sont du journalisme. Accompagner leur mutation est loin d'être facile, surtout en période de difficulté économique, mais demeure possible, d'autant que l'information sur internet a besoin de références fortes, qui permettent de guider le lecteur tout en étant susceptibles d'être enrichies par d'autres acteurs de l'information, plus petits.
Monsieur Herbillon, l'absence de titre de référence mondial en français peut s'expliquer en partie par le fait que le français est moins parlé que l'anglais dans le monde. Cela étant, les journaux français s'y préparent. Nous avons auditionné Mme Isabelle André, président-directeur général du Monde Interactif : pour elle, l'une des orientations du Monde est le développement à l'international via le numérique, avec, notamment, la possibilité de publier sur la Toile des éditions du Monde en plusieurs langues.
Les demandes de nos concitoyens sont pleines de contradictions : ils veulent de l'information qui soit à la fois en continu, disponible partout et de qualité. Les éditeurs de presse et les journalistes doivent s'atteler à répondre à cette demande en améliorant encore leur valeur ajoutée. C'est pourquoi je ne crois pas au tout gratuit sur internet : si l'on veut une valeur ajoutée, si l'on veut de la qualité, il faut des moyens, il faut bien payer les journalistes. Les aides de l'État doivent accompagner cette mutation en ne portant plus uniquement sur la presse papier. Un rééquilibrage est nécessaire.
Il faut également améliorer l'éducation aux médias, notamment dans le cadre des programmes scolaires – mon expérience de maire me le confirme – en enseignant le recul citoyen par rapport à la Toile. D'ailleurs, les jeunes générations s'y préparent.
Le fonds Google est le résultat d'un accord pragmatique. Google utilisant les contenus des journaux, les éditeurs de presse arguent fort légitimement qu'ils participent à la croissance du moteur de recherche et donc de ses capacités publicitaires et de ses gains. Il est donc normal à leurs yeux que Google abonde ce fonds. Mais face à ce géant tentaculaire, les éditeurs doivent faire converger leurs intérêts aux plans international et européen. Les éditeurs français, allemands ou suisses ne peuvent pas mener des stratégies différentes.
Le fonds Google nous pose la question de la fiscalité numérique. Google et les autres majors doivent participer au financement de la diffusion de l'information. Nous, parlementaires, devons réfléchir, à côté de l'État, à un modèle permettant de faire participer ces majors. Les éditeurs sont favorables à la proposition de création d'une taxe sur les appareils connectés mais par les temps qui courent, créer une nouvelle taxe, ce n'est pas terrible… De plus, l'instauration d'une telle taxe ne réglerait pas le problème de la participation de Google au financement de la diffusion de l'information.
Je regrette en outre l'opacité totale de l'accord commercial entre Google et les éditeurs, paraphé par les plus hautes autorités de l'État. Certes, un tel accord relève du droit privé des affaires mais nous y avons participé au plan financier. La moindre des choses serait d'en connaître la teneur. Ni la ministre ni nous-mêmes n'en avons eu connaissance, ce qui n'est pas normal.
Je regrette enfin que les éditeurs de presse ne s'entendent pas entre eux pour rationaliser le système de la presse papier. Si je ne crois pas à la disparition totale du papier, je pense en revanche qu'elle diminuera fortement en volume, pour atteindre un niveau que nous ne sommes pas aujourd'hui en mesure de calculer, mais qui sera à coup sûr très bas. Et pour imprimer beaucoup moins de journaux, il faudra évidemment moins d'imprimeries. Les éditeurs devront se mettre d'accord et comprendre que l'argent public ainsi économisé doit servir à mener à bien cette mutation en engageant comme il convient les négociations avec les personnels qui travaillent dans le secteur de la presse papier : les syndicats sont d'ailleurs ouverts à la discussion. Nous attendons de connaître les rapports commandés par Mme la ministre sur le sujet.
Alors que la créativité française en matière de jeux vidéo est très importante, les difficultés que rencontre ce secteur sont de plusieurs ordres : instabilité juridique, instabilité fiscale, aide inadaptée ne permettant pas d'assurer la compétitivité du secteur, contrairement aux politiques menées par d'autres pays en ce domaine. Trop de jeunes créateurs, formés dans nos écoles, partent notamment à Montréal pour y travailler. Bien que l'activité de ce secteur explose depuis dix ans, le nombre de ses salariés diminue en France : c'est un paradoxe auquel il convient de mettre fin.
Je ne saurais répondre à la proposition de Mme Isabelle Attard de mettre fin au taux réduit de TVA pour les plateformes de livres numériques. Ce sujet mérite que nous y travaillions de manière approfondie. Nous avons tous la volonté de défendre le livre mais également les plateformes qui le méritent. Nous avons un peu de temps : les revenus de l'édition numérique ne représentent qu'environ 4 % du chiffre d'affaires des éditeurs. Peut-être, monsieur le président, devrions-nous en profiter pour mettre en place un groupe de travail sur le sujet.
Que n'a-t-on entendu sur Hadopi sous la précédente législature, notamment de la part de l'opposition de l'époque ! On pouvait donc s'attendre, depuis deux ans et demi, à de grands changements. La Hadopi devait disparaître et le CSA reprendre ses activités : or, il ne s'est rien passé… et il ne se passe toujours rien ! Il faut savoir que la Hadopi est aujourd'hui exsangue, avec un budget bloqué à 6 millions d'euros. La réponse graduée est à la fois ce qui lui coûte le plus cher et ce qui est le moins efficace – d'aucuns l'avaient prédit lors de l'examen du projet de loi créant cette autorité. En revanche, la Hadopi favorise aussi l'offre légale : il conviendrait de soutenir cette mission importante.
Je vous pose la question, mes chers collègues de la majorité : que voulez-vous faire de la Hadopi ? Si la situation continue, l'institution court à la catastrophe. La faiblesse de son budget lui interdit de remplir les missions que le législateur lui a confiées. Je tiens à rappeler, en effet, que la Hadopi a été créée par la loi et ne peut être supprimée et éventuellement remplacée par un autre dispositif que par l'adoption d'une nouvelle loi. Or je n'ai aucune nouvelle allant en ce sens.
Je vous remercie, monsieur Salles, d'avoir posé une excellente question pour la réunion de la commission élargie : ce sujet pourra être utilement relayé par des députés d'autres groupes parlementaires.
Je vous remercie tous pour la qualité de nos échanges durant cette discussion, particulièrement dense.
Qu'il me soit permis de féliciter en notre nom à tous les trois rapporteurs pour avis, ainsi que leurs administrateurs qui les ont accompagnés dans ce travail approfondi.
La séance est levée à onze heures quarante.