La séance est ouverte à dix-sept heures quarante-cinq.
Monsieur le ministre, cette réunion s'ouvre par une très bonne nouvelle, celle de la libération de notre dernier otage.
Je vous donne sans plus attendre la parole pour faire le point sur les opérations extérieures.
Depuis ma dernière intervention consacrée à ce sujet devant votre commission, le 17 septembre 2014, de nombreux événements sont intervenus, notamment au Sahel, en République centrafricaine (RCA) et au Levant.
À l'instant où je vous parle, plus de 9 000 militaires français servent en opérations extérieures. Avant d'évoquer les trois théâtres majeurs où nous intervenons, je veux rappeler que dix-huit soldats français y ont trouvé la mort depuis le 11 janvier 2013.
Aujourd'hui, je pense tout particulièrement à l'adjudant des forces spéciales affecté au service des essences des armées Samir Bajja, qui a trouvé la mort il y a dix jours au Burkina Faso durant un vol d'entraînement nocturne. Deux de ses camarades ont été blessés dans le même accident.
Je pense également à ce sergent-chef du treizième régiment du génie de Valdahon, grièvement blessé le 2 décembre dernier lors d'une opération de déminage sur la plateforme aéroportuaire de Kaboul, où nous achevons de transférer définitivement nos responsabilités à notre partenaire turc. Ce sous-officier doit la vie à une chaîne médicale internationale extrêmement performante. Pris en charge immédiatement à l'hôpital militaire de Kaboul dont nous assurions encore récemment le fonctionnement, il a été transféré à l'hôpital américain de Bagram pour y être réopéré, stabilisé, puis transféré par les Américains à Ramstein, en Allemagne, avant d'être pris en charge par le service de santé des armées.
Je tenais à témoigner ici du courage de nos forces face à des risques permanents.
Je commencerai par évoquer l'opération Sangaris. Il y a un an presque jour pour jour, nous nous engagions en Centrafrique pour répondre à l'imminence d'une catastrophe humanitaire, sécuritaire et économique – une situation que certains observateurs qualifiaient alors de pré-génocidaire. Nous avions également à l'esprit le risque de voir la RCA devenir un nouveau terrain de développement du terrorisme armé, car ce pays marque un trait d'union possible entre le Nigeria et l'Afrique de l'Est où évoluent des mouvements comme les Shababs. Une raison supplémentaire de notre intervention était d'éviter le vide sécuritaire qui aurait permis des jonctions. L'évolution des menaces dans la zone conforte le bien-fondé de cette action.
Aujourd'hui, la situation sécuritaire est globalement calme.
À Bangui, malgré quelques épisodes de violence sporadiques, la situation a permis la reprise d'une vie économique et le retour de nombreux réfugiés. L'implication des responsables d'arrondissement contribue à limiter l'influence des groupes armés ou mafieux, et la population, exaspérée par plus d'une année de chaos, aspire à une paix retrouvée. Les pics de violence existent certes toujours, mais sont de plus en plus espacés, de moins en moins longs et de moins en moins violents. Pour autant, nous restons vigilants.
En province, la situation reste contrastée et, par endroits, volatile malgré l'action de la force Sangaris en appui à la MINUSCA (mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique). Si la zone ouest est désormais sous contrôle – c'est la MINUSCA qui occupe l'essentiel de ce territoire –, le centre du pays, zone de frictions entre anti-balakas et ex-Séléka, concentre les tensions. C'est toujours le cas à Bambari, à Bria et à Kaga Bandoro, par exemple.
Pour autant, la vie reprend progressivement ses droits en Centrafrique. Avec cent quarante mouvements d'avions civils en novembre contre quarante en janvier 2014, le trafic aérien reprend sur l'aéroport M'Poko de Bangui. La restauration du flux commercial sur l'axe routier principal reliant le Cameroun à la capitale contribue au redémarrage économique. Le retour du contrôle douanier permet la collecte des recettes qui constituent une part importante des ressources financières de l'État centrafricain.
Sur un plan humanitaire, le nombre de déplacés a diminué de près de 80 % sur le camp de réfugiés de l'aéroport M'Poko – souvent des réfugiés de proximité qui se rapprochaient des forces militaires pour s'assurer un minimum de protection – et de 50 % dans l'ensemble du pays, ce qui est un indice de confiance supplémentaire.
Ces progrès, qu'ils soient sécuritaires, économiques ou d'ordre humanitaire, résultent de notre engagement et de celui des forces africaines présentes dans le cadre de la MISCA (mission internationale de soutien à la Centrafrique).
En un an, près de 9 000 soldats français se sont ainsi succédé en RCA. Ils ont permis, notamment, la destruction de plus de 14 tonnes de munitions et la saisie d'environ 8 000 armes de toute nature, aujourd'hui stockées dans notre camp de M'Poko.
C'est maintenant sur un plan politique que nos efforts doivent se concentrer. Le forum de Bangui, prévu pour le début de février 2015, marquera une étape importante du processus de réconciliation nationale en permettant de créer les conditions d'un consensus autour des grands sujets que sont le désarmement et la démobilisation, la citoyenneté et la justice, la gouvernance.
Ce forum a été prévu dans le cadre du processus dit successivement « de Libreville », « de Brazzaville » et « de N'Djamena ». La date approchant, nous assistons à une recomposition accélérée du paysage politique, ce qui est encourageant : d'un côté les anti-balakas, jusqu'alors sans réelle organisation, tendent à se structurer en mouvement politique, ce que nous considérons comme positif car cela nous donne des interlocuteurs ; de l'autre côté, trois tendances ex-Séléka, plus ou moins radicales, se dessinent. Le groupe de Noureddine Adam semble décidé à promouvoir la partition mais est désormais organisé en « tendances ». On peut donc espérer que le forum de Bangui débouchera sur une transition en vue des élections législative et présidentielle prévues pour l'été, avec un premier tour en juin et un second tour probablement en août 2015.
Ce scénario politique, conjugué à la présence de la MINUSCA, devrait permettre de revenir à un climat plus serein. Les autorités de transition ont eu objectivement du mal à mettre en oeuvre le dispositif – n'y étant peut-être pas forcément favorables –, mais le processus est maintenant enclenché.
Le temps est donc venu d'entrer dans une nouvelle phase et de réduire notre empreinte sur le terrain. L'avenir sécuritaire repose désormais sur la MINUSCA, qui se déploie depuis le mois de septembre et rassemblera en avril prochain 12 000 soldats. D'ores et déjà, 8 600 personnels militaires sont présents en Centrafrique. Ils ont commencé à se déployer à l'ouest et poursuivront leur déploiement sur l'ensemble du territoire.
Il faut également compter avec une force européenne de 700 militaires, l'EUFOR-RCA, qui restera jusqu'en avril pour assurer le relais avec la montée en puissance de la MINUSCA. Après beaucoup de difficultés, j'ai obtenu de mes collègues de l'Union européenne que ce dispositif aille jusqu'au bout en se transformant en mission de restructuration de forces armées centrafricaines, les FACA. Faire avancer l'Europe de la défense n'est jamais simple, mais un mandat est aujourd'hui donné à la haute représentante pour proposer un schéma lors de la prochaine réunion des ministres de la Défense au début de l'année prochaine. Le dispositif s'inspirera de la mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM Mali), tout en intégrant certains éléments de la MINUSCA.
Nos effectifs en RCA ont atteint 2 400 militaires au plus fort de notre engagement. Ils se réduiront progressivement jusqu'à 1 500 à l'été prochain. Progressivement, Sangaris évoluera vers une force de réaction rapide, plus ramassée, capable d'intervenir en soutien de la MINSUCA, et articulée entre une réserve tactique opérant depuis Bangui et, si nécessaire, une réserve stratégique opérant depuis le Tchad. Nous mettons donc en place des moyens plus mobiles et capables d'intervenir dans la profondeur – hélicoptères Tigre et VBCI (véhicules blindés de combat d'infanterie) en particulier.
Au total, la situation n'est pas entièrement stabilisée, mais notre action depuis un an a permis une réelle sécurisation et l'implantation de la mission des Nations unies, qui prendra progressivement le relais. Avant le déclenchement de l'opération, 420 militaires étaient déjà sur place dans le cadre de l'opération Boali.
J'en viens à l'opération Barkhane, lancée depuis maintenant quatre mois.
Ce dispositif inédit et ambitieux commence à porter ses fruits et s'avère dès à présent un outil de premier plan contre les terroristes qui utilisent le Sahel comme un espace de liberté.
Comme vous le savez, notre stratégie de régionalisation vise à décloisonner, en lien avec les pays hôtes, notre action dans ce vaste théâtre, et à agir en priorité sur les flux qui alimentent le terrorisme. Il s'agit d'une opération de contre-terrorisme. Nous en voyons déjà les premiers résultats et nous y rencontrons de nouveaux succès, comme l'interception en octobre dernier au Niger d'un convoi d'armement en transit de la Libye vers le Mali, avec la neutralisation de dix-huit djihadistes et la récupération de trois tonnes d'armement.
Notre deuxième levier passe par la création d'une démarche d'appropriation effective de cette lutte par les acteurs de la région. Créer cette dynamique fut l'objet du sommet de l'Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique de décembre 2013, et ce sujet sera à l'ordre du jour du forum de Dakar des 15 et 16 décembre prochains, dont l'objectif est de contribuer à l'appropriation par les États africains de leur propre sécurité.
Le chemin est long, mais cette appropriation régionale est désormais en marche. J'en veux pour preuve la création du G5 Sahel, qui est une des rares enceintes nouvelles à obtenir des résultats concrets. Ce groupe réunit le Mali, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et la Mauritanie. Notre propre chef d'état-major des armées assiste aux réunions des chefs d'état-major des armées du groupe. Les accords que nous avons signés avec l'ensemble de ces États nous permettent désormais de mener des opérations conjointes et de renforcer la coopération entre les différentes forces déployées autour des frontières. Nous avons ainsi une réponse régionale partenariale et un commandement unifié basé à N'Djamena, où je me suis d'ailleurs rendu avec le Premier ministre il y a quelques jours.
Je souhaite à présent détailler quelques-unes de nos opérations sur le terrain.
Au Mali tout d'abord, alors qu'en septembre dernier, les forces de l'ONU étaient quelque peu déstabilisées au nord par le retour de certains groupes – certes en moins grand nombre – et par des actes terroristes, j'avais indiqué que la situation n'était pas satisfaisante et que les forces de la MINUSMA (mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) devaient tenir toute leur place dans le combat. Des attaques meurtrières, notamment contre le contingent tchadien, nous ont conduits à rediscuter de la stratégie de la mission et de sa mise en oeuvre.
Par ailleurs, nous avons nous-mêmes renforcé notre dispositif dans la région de l'Adrar des Ifoghas et mené différentes actions. L'opération Tudelle, par exemple, conduite début novembre, s'est conclue par la neutralisation de vingt-quatre djihadistes, le démantèlement d'un camp et la découverte de neuf caches d'armes dans le massif de Tigharghar. Depuis le mois de septembre, ce sont ainsi près de cinquante terroristes qui ont été neutralisés. Les groupes sont nettement plus réduits qu'au moment du lancement Serval, mais ils sont bien armés et prennent des initiatives.
Nous allons maintenir cette pression dans le Nord en renforçant depuis Gao et pour quelques mois notre base avancée temporaire de Tessalit, afin de faciliter la mise en place du troisième état-major de secteur de la MINUSMA à Kidal.
Dans la région d'Anéfis et de Tabankort, entre Kidal et Gao, nous constatons néanmoins que l'équilibre entre les groupes armés signataires (GAS) est précaire, alors que ces groupes sont censés soutenir l'intégrité du Mali et les objectifs des opérations Serval et Barkhane. Dans un contexte de création de rapport de force visant à influencer l'issue des négociations d'Alger, la tension est en effet montée d'un cran entre GAS pro-Azawad et GAS pro-Bamako. On a notamment constaté le retour d'Ag Gamou, que l'on n'avait pas vu depuis longtemps et qui fait parfois un peu de provocation avec un nouveau groupe, le GATIA (groupe d'autodéfense touareg Imghad et alliés).
Ces tensions s'expliquent par la lenteur des négociations d'Alger, qui ont d'ailleurs été interrompues pour reprendre au mois de janvier. Les autorités algériennes font néanmoins tout leur possible pour parvenir à une conclusion.
Enfin, la mission EUTM Mali se poursuit. Parmi les 500 militaires européens qui oeuvrent à la restructuration de l'armée malienne, les Français ne représentent plus que 10 % de l'effectif. Le commandement est, pour la première fois, assuré par un général espagnol. J'ai assisté le 24 novembre dernier au transfert du commandement par le chef de la brigade franco-allemande, en présence du ministre espagnol de la Défense.
Toujours au sujet de l'opération Barkhane, il faut évoquer notre action au Niger. Nous créons en effet au nord-est de ce pays une base avancée temporaire à Madama, afin de compléter celles de Tessalit au Mali et d'Abéché et de Faya-Largeau au Tchad. Elle nous permettra de projeter nos forces dans le coeur des zones de transit utilisées par les groupes armés terroristes. La piste d'aviation atteint désormais 1 300 mètres. Madama deviendra le point d'appui aux opérations que nous mènerons seuls ou en formation bipartite ou tripartite dans cette région.
Au Tchad enfin, où se trouve l'état-major de Barkhane, l'activité de la secte Boko Haram dans des pays voisins et le risque de contagion régionale suscitent l'inquiétude.
En juillet 2014, le Président de la République organisait à Paris un sommet avec les acteurs concernés pour lutter contre cette secte. Depuis cette date, les dangers semblent s'être accrus et nous constatons une forme de passivité chez un certain nombre d'acteurs que nous avons identifiés. Nous sommes convenus d'installer une cellule légère de coordination et de liaison entre les partenaires du bassin du lac Tchad que sont le Nigeria, le Niger, le Tchad et le Cameroun, qui associera également la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Ces trois derniers pays apporteront différents renseignements, tandis que la cellule assurera un lien réel entre les quatre bataillons africains que les États concernés ont décidé d'affecter pour riposter aux attaques de Boko Haram. Douze officiers français chargés de cette liaison sont déjà à l'oeuvre.
Si, pour des raisons de cohérence de nos forces, le centre du dispositif est situé à N'Djamena, nous n'avons pas l'intention d'ouvrir nous-mêmes un nouveau front contre Boko Haram. La période préélectorale au Nigeria s'annonce confuse et notre intention est d'aider les pays de la zone à intervenir si cela se révèle nécessaire. Nous aurons l'occasion d'en reparler au forum de Dakar avec nos partenaires africains.
Les forces françaises sont également engagées au Levant dans des opérations de haute intensité contre la menace que constitue Daech. Dans cette affaire, nous devons nous inscrire à la fois dans le temps court et dans le temps long.
Dans le temps court, il fallait bloquer les initiatives de l'ennemi. On peut dire aujourd'hui que Daech a perdu l'initiative depuis quelques semaines et essaie de compenser son manque de succès tactique par un activisme accru dans le champ médiatique. Les trois mois de frappes de la coalition l'ont empêché d'atteindre ses objectifs stratégiques et d'étendre son emprise territoriale. Cette stabilisation constitue un point positif : Bagdad n'a pas été prise et les lignes sont bloquées.
Il faut maintenant que les forces de sécurité irakiennes (FSI) et les Peshmergas soient en mesure de reconquérir leur territoire, ce qui suppose des préalables politiques. Le nouveau Premier ministre irakien, M. Al-Abadi a manifesté sa volonté d'ouverture en intégrant dans son gouvernement des responsables kurdes et sunnites. Des tentatives ont lieu pour associer les tribus aux FSI, en particulier dans la province d'Al Anbar. Mais le processus est lent et il faudra assurer la formation de ces forces.
Pour l'instant, les FSI et les Peshmergas commencent à contrer efficacement les offensives ennemies. Il faudra cependant du temps pour reprendre les territoires perdus, d'autant que Daech utilise une stratégie de terreur, avec des actions de harcèlement, un recours massif aux engins explosifs improvisés (IED) et des attentats, y compris dans le grand Bagdad, à Kirkouk ou à Erbil.
Les forces aériennes de la coalition ont conduit 3 300 sorties en Irak depuis le début des opérations, dont 206 sorties françaises, ce qui fait de notre pays le deuxième contributeur derrière les États-Unis. Comme vous le savez, nous avons neuf Rafale sur la base d'Al Dhafra aux Émirats arabes unis et six Mirage 2000 en Jordanie. Le premier vol opérationnel de nos Mirage 2000 a eu lieu vendredi dernier.
Par ailleurs, nous préparons notre participation au programme « Advise and Assist », décidé par la coalition pour former les militaires irakiens mais aussi kurdes à la reconquête de leur territoire. Sur place, 120 de nos militaires, principalement issus des forces spéciales, assureront cette formation.
Je rappelle aussi que la frégate antiaérienne Jean-Bart est intégrée au dispositif. Depuis le golfe Arabo-Persique, elle permet de conduire et de contrôler les activités aériennes quotidiennes.
Au total, il me semble que la coalition sera dans un certain délai en situation de permettre aux autorités et aux forces armées irakiennes de reprendre des positions. La reprise de Mossoul, en particulier, serait une victoire très significative.
Les problèmes sont plus importants en Syrie, où nous ne participons pas aux frappes aériennes que mène la coalition – je rappelle à cet égard que les membres arabes de la coalition ne participent pas aux frappes en Irak – et où nous poursuivons notre logique de soutien à l'opposition et à l'armée syrienne libre. La situation dans ce pays est extrêmement complexe. La voie à suivre n'est évidente pour personne et, dans l'état actuel des choses, la France a raison de limiter son action à la formation des éléments de l'armée syrienne libre dont nous sommes sûrs.
Nous devrons très probablement faire face dans quelques semaines à une situation dramatique à Alep. Les forces de Bachar el-Assad sont en train d'encercler la ville, où sont demeurées 350 000 à 400 000 personnes sous le contrôle de Jabhat al-Nosra, le groupe terroriste issu d'Al-Qaïda et donc concurrent de Daech. À l'extérieur de cette tenaille, on trouve l'armée syrienne libre soutenue par les Turcs, mais aussi des forces kurdes syriennes. C'est un imbroglio invraisemblable et personne n'a une vision claire de ce qu'il faudrait faire.
Je me suis rendu à Bahreïn avant-hier pour une réunion des ministres de la Défense et des ministres des Affaires étrangères de la zone. J'ai pu mesurer à quel point notre présence et notre action sont demandées et appréciées, mais j'ai aussi constaté que des différences d'agenda et d'appréciation pouvaient apparaître, y compris chez nos partenaires arabes.
J'évoquerai en dernier lieu le Liban. Nous avons conclu récemment avec les autorités libanaises et saoudiennes un accord visant à renforcer les forces armées libanaises qui se révèlent être la colonne vertébrale de ce pays plongé dans une situation politique complexe. Cet accord, connu sous le nom de DONAS, permettra des livraisons d'armes à l'armée libanaise dans le but de la raffermir au sein d'un pays qui peut présenter beaucoup de faiblesses dans le futur. Je rencontrerai bientôt le Premier ministre libanais pour en parler avec lui. Je rappelle enfin que des forces françaises sont présentes au Sud-Liban dans le cadre de la FINUL (force intérimaire des Nations unies au Liban).
Vous avez attiré à plusieurs reprises notre attention sur le risque de constitution d'un sanctuaire terroriste au sud de la Libye. Dans cette région qui est le théâtre de nombreux trafics d'armes et d'être vivants, il semblerait, selon l'armée américaine, que des camps d'entraînement liés à Daech aient été créés pour former les futurs combattants en Syrie et en Irak. Est-ce exact ?
Par ailleurs, quelle analyse la Tunisie, l'Algérie et l'Égypte font-elles de la situation sur le territoire de leur voisin libyen ? L'opération Barkhane a-t-elle vocation à s'élargir à ce pays ?
Pourriez-vous faire le point sur les discussions qui se déroulent en Algérie au sujet de l'avenir du Mali et sur celles qui se tiennent à Bangui concernant la RCA ? Où en sont ces « processus de paix » ?
Les milices chiites d'Irak sont de plus en plus présentes et puissantes, notamment en raison du retrait de l'armée irakienne. Opérant en dehors de tout cadre juridique et sans aucune supervision de la part des autorités, elles sont en train de se déchaîner contre les sunnites. Un récent rapport d'Amnesty international dénonce leurs exactions. Y a-t-il une possibilité de reprise en main par l'armée irakienne ?
En l'absence de toute amélioration et si une faction mal intentionnée finit par l'emporter sur les autres, la Libye pourrait devenir un État terroriste. La question de la stabilisation politique de ce pays est d'autant plus importante qu'une bonne partie des migrants voulant gagner illégalement l'Europe part désormais des côtes libyennes et que l'opération « Mare nostrum » menée par la marine italienne va laisser la place à un dispositif européen de bien moindre ampleur. On le voit, le problème est véritablement à nos portes.
Je suis un des premiers à avoir dit, dans une interview donnée au Figaro en septembre, que la Libye était le risque majeur de demain. Je maintiens cette analyse qui est aujourd'hui plus largement partagée.
Quelle est la situation ?
Au Nord, le gouvernement réputé légal de M. al-Thani a été investi par le parlement élu et est reconnu par la communauté internationale, mais il ne peut siéger et reste à Tobrouk car le parlement issu de la révolution de 2011 refuse de se dissoudre, considérant qu'il est seul légitime. Des groupes de Misrata ont pris Tripoli et le groupe Ansar al-Charia a pris Benghazi. À la tête de quelques milices, le général Haftar essaie de reprendre cette ville. Il s'est placé récemment sous l'autorité du chef d'état-major des armées libyennes, lequel n'a quasiment aucun soldat sous ses ordres. Un seul groupe se réclame de Daech, celui de la ville de Derna, sans que l'on puisse affirmer qu'il y ait eu jonction opérationnelle effective. Les autres se réclament d'Al-Qaïda.
Au Sud, la situation est particulièrement complexe autour d'Ubari, où s'affrontent des groupes toubous et certains Touaregs. À l'évidence, les groupes terroristes qui agissent au Sahel viennent se ressourcer dans la région, et même y « faire leurs courses ». Des chefs comme Mokhtar Belmokhtar ou Iyad ag Ghali y sont fréquemment signalés. Des liens existent parfois avec des groupes du Nord, mais pas dans tous les cas. On se procure, qui du pétrole, qui des armes cachées de Kadhafi, etc. Bref, il s'agit d'un vaste chaos.
Que faire dans ces conditions ? Nous avons alerté nos partenaires à différents niveaux. Le secrétaire général des Nations unies a mandaté un envoyé spécial, M. Bernardino León, pour essayer de rapprocher les deux entités dans une dynamique qui permettrait de rétablir un minimum d'État, sans succès pour l'instant. Les Algériens protestent, s'inquiètent, mais ne bougent pas. Le président égyptien al-Sissi, que j'ai rencontré longuement lors de sa visite en France, est également inquiet mais affirme, à juste titre, qu'il a beaucoup de sujets à traiter. Vu la tension actuelle, nous allons au-devant de très mauvaises surprises si rien n'est fait.
Cela dit, le processus électoral vient de se stabiliser en Égypte, un autre est en cours en Tunisie. M. León poursuit ses consultations et fera sans doute des propositions. À la fin de sa mission, les Nations unies devront prendre des initiatives pour que les pays du voisinage et les pays qui, comme le nôtre, assument une responsabilité internationale, oeuvrent à un début de solution.
S'agissant des migrants, je sais, pour en avoir beaucoup parlé avec mon homologue italienne, que l'opération « Mare nostrum » est devenue une sorte d'élément de confort et un argument des passeurs pour faire monter leurs prix, dans la mesure où elle « sécurise » l'arrivée des réfugiés. L'initiative a certainement permis d'éviter des catastrophes humaines mais, dans la durée, il apparaît qu'elle se retourne contre ses auteurs. Une première démarche pourrait être d'empêcher les mouvements de navires sur les côtes libyennes, mais il faut attendre pour cela l'achèvement de la mission des Nations unies.
J'en viens aux processus politiques, monsieur Fromion.
Des incompréhensions demeurent dans les discussions d'Alger en raison des tensions qui opposent, dans le Nord, les pro-Bamako et les pro-Azawad. Ces derniers comprennent à la fois le MNLA (mouvement national de libération de l'Azawad) et le HCUA (haut conseil de l'unité de l'Azawad), tandis que le nouveau groupe d'Ag Gamou se range parmi les pro-Bamako mais n'est pas d'une grande aide dans le processus de paix. Alors que les autorités algériennes veulent parvenir à un résultat, le ministre malien des affaires étrangères refuse de bouger car les leaders auxquels il voudrait s'adresser directement se font représenter.
Les tensions s'expliquent aussi par la perspective du processus de « DDR » (démobilisation, désarmement, réintégration) : plus un groupe démontre qu'il a de troupes, plus il pourra espérer obtenir.
Il faut donc accélérer le processus.
Les parties prenantes continuent de se parler et de se rencontrer. Elles se retrouveront au début de janvier et la discussion pourra encore durer un certain temps. Mon point de vue personnel est que le président IBK pensait à une initiative forte lorsqu'il bénéficiait encore de l'« état de grâce » consécutif à son élection : mettre tout le monde autour de la table, faire et obtenir les compromis sans lesquels il n'y a pas d'avenir pour le Mali. Il ne l'a cependant pas fait. L'affaire de Kidal s'est révélée très négative pour lui et pour l'armée malienne. Elle a produit un effet boomerang et a conforté les adversaires du président, qui a engagé la négociation en mauvaise posture.
Quant au forum de Bangui, ce sera en quelque sorte celui de la dernière chance. Le président Sassou-Nguesso, mandaté par ses pairs de la zone pour réaliser la médiation, est à la manoeuvre et se montre très actif, même si le début des discussions a été repoussé à février. L'objectif reste la tenue d'élections durant l'été. La population, je l'ai dit, est extrêmement lasse et se détourne des actions de brigandage. Les gens s'organisent pour être à même de contribuer à la vie politique qui va se rétablir, ce qui est une bonne chose. Il faudra que Mme Samba-Panza, qui, aux termes de l'accord, ne doit pas être candidate à l'élection présidentielle, y mette du sien. Par ailleurs, le fonctionnement de ce qui reste de l'État est encore très marqué par la corruption.
J'en viens à votre question sur les milices chiites d'Irak, madame Gosselin-Fleury.
Tout d'abord, il y a bien eu une intervention de l'armée de l'air iranienne dans le Sud-Est de l'Irak et des éléments iraniens sont présents en petit nombre près de Bassora, l'objectif affiché pour frapper Daech étant d'assurer la sécurité des frontières.
Les FSI avaient été vidées de leur composante sunnite. Il importe donc que l'armée irakienne retrouve des forces sunnites, qu'elles soient issues des tribus ou qu'elles proviennent de l'ancienne armée de Saddam Hussein. Le gouvernement de M. Al-Abadi devra y veiller et empêcher les milices chiites de poursuivre leurs exactions. La situation est très loin d'être stabilisée, mais je suis plutôt optimiste au regard de la feuille de route que se donnent à la fois le gouvernement irakien et la coalition. À Bahreïn, le ministre irakien des Affaires étrangères s'est même montré étonnamment confiant !
La position turque semble très contestable, surtout s'agissant de la ville de Kobané. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Qu'en est-il par ailleurs des réseaux de financement de Daech, qui semblent importants et sophistiqués ?
Vous avez évoqué la prise de plusieurs tonnes d'armes lors de l'interception d'un convoi dans le cadre de l'opération Barkhane. Sait-on d'où venaient ces armes et qui les finançait ?
Vous vous êtes rendu récemment en Inde. Avez-vous des informations encourageantes à nous donner concernant l'éventuel contrat de vente d'avions Rafale ? Quelles seraient les contreparties accordées à l'Inde ?
Alors que nous arrivons en fin d'exercice budgétaire, avez-vous une idée de l'évolution du coût des opérations extérieures ?
Le Burkina Faso vient de traverser des turbulences. Blaise Compaoré est parti en Côte d'Ivoire. Quelles sont nos relations avec le nouveau pouvoir, sachant que nous avons des forces déployées dans ce pays dans le cadre de l'opération Barkhane ?
L'Europe tout entière remercie et félicite la France. Avec la période des cadeaux revient l'espoir d'obtenir une participation au financement des opérations que nous menons. Y a-t-il du nouveau à ce sujet ?
Si la libération de notre dernier otage a constitué un événement heureux, je ne peux m'empêcher d'évoquer aussi un événement que je considère comme regrettable : l'abandon, par le tribunal de Cologne, des poursuites contre un SS qui avait participé de manière active ou passive au massacre d'Oradour-sur-Glane. Je me fais ici l'écho de la colère des habitants d'Oradour et de très nombreux Français.
Les autorités indiennes, monsieur Moyne-Bressand, ont sélectionné le Rafale en janvier 2012 à l'issue d'un long processus. Les constructeurs qui n'avaient pas été retenus n'ont jamais abandonné la partie, considérant que d'autres décisions pourraient intervenir ultérieurement. Aussi la concurrence a-t-elle continué de peser.
Une discussion très difficile s'est ensuite engagée entre Dassault et l'industriel indien HAL (Hindustan Aeronautics Ltd), désigné pour être son partenaire. L'accord de 2012 porte sur la livraison de 126 avions, les 18 premiers étant construits en France et les 108 suivants en Inde moyennant un transfert progressif de technologies et la fourniture d'équipements par Dassault.
L'industriel français a beaucoup insisté pour qu'il n'y ait qu'un seul contrat, tandis que la partie indienne campait sur ses positions. Une des difficultés, qui demeure dans une certaine mesure, est l'engagement de la responsabilité de Dassault pour d'éventuels problèmes – malfaçons ou retards – relevant de la performance industrielle d'HAL. Les discussions ont été longues. Elles ont abouti à un document de 15 000 pages qui satisfait les deux parties.
Sont intervenues ensuite les élections indiennes. Le nouveau ministre de la Défense a été nommé il y a une quinzaine de jours. À ma demande, nous nous sommes rencontrés immédiatement. Non seulement il m'a dit qu'il fallait accélérer le processus et régler rapidement les derniers désaccords, mais il l'a fait dire par son porte-parole à la presse indienne, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant.
Nous avons donc changé d'échelon dans la négociation : le Rafale est seul en lice, il ne reste plus qu'à régler les derniers différends.
J'en reviens à votre première question, monsieur Moyne-Bressand. Les armes saisies dans le cadre de l'opération Barkhane proviennent soit de la Libye de Kadhafi, soit des forces maliennes lorsqu'elles ont été mises en déroute, soit du marché noir. Il s'agit d'armes classiques – on n'a pas retrouvé de missiles –, mais en quantité significative.
L'ennemi principal des Turcs, monsieur Meslot, c'est Bachar el-Assad. Ils accueillent du reste des dizaines de milliers de réfugiés syriens chassés par la guerre menée par Assad.
À côté, il y a le PYD (parti de l'union démocratique) des Kurdes de Syrie, le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) en Turquie même, le PDK (parti démocratique du Kurdistan) de Massoud Barzani en Irak et l'UPK (union patriotique du Kurdistan) de Jalal Talabani, toujours en Irak mais allié avec l'Iran.
Le PKK est considéré par la Turquie comme une organisation terroriste. Le PYD, allié du PKK, avait aussi été, à un moment donné, un allié de Bachar el-Assad. C'est lui qui combat Daech à Kobané. Les Turcs considèrent qu'ils pourraient difficilement s'associer à une opération permettant à leur ennemi historique de marquer des points, même s'ils partagent le point de vue de la coalition contre Daech. Leur seule concession a été de permettre à d'autre Kurdes de rejoindre les combattants du PYD, ce qui a permis à Kobané de tenir.
Pour ce qui est de la crise d'Alep, on ne trouvera, à mon avis, aucune solution sans les Turcs – à moins que l'envoyé spécial des Nations unies, Stefan de Mistoura, qui a pris la suite de l'Algérien Lakhdar Brahimi, ne trouve des solutions pour éviter à tout le moins une dégradation de la situation.
Nous discutons en permanence avec nos partenaires turcs, mais le départ de Bachar est la priorité pour ceux-ci, qui s'inquiètent aussi de l'activité du PYD.
Ils ont néanmoins bloqué les flux financiers et autres qui pouvaient aller de certains acteurs basés en Turquie vers l'État islamique, même si l'étanchéité des frontières n'est pas totalement acquise.
Monsieur Voisin, le coût budgétaire des opérations extérieures s'élèvera à 1,13 milliard d'euros en 2014, dont 450 millions inscrits en loi de finances initiale et 624 millions faisant l'objet d'un financement interministériel.
Nous n'avons pas encore pris l'attache des nouvelles autorités du Burkina Faso, avec lesquelles nous avons cependant une bonne relation indirecte par le biais du président sénégalais Macky Sall. Nous aurons des échanges avec le Premier ministre Zida dans quelques jours. Il est à noter que la France n'a jamais été mise en cause pendant les troubles. Aucun mot n'a été prononcé contre nous. Aussi le dispositif que nous avons avec ce pays devrait-il continuer de fonctionner normalement.
Je prends en compte la dernière partie de votre intervention, monsieur Boisserie, même si je ne peux me prononcer directement.
S'agissant de la libération de Serge Lazarevic, je veux souligner le rôle significatif qu'a joué le président du Niger, comme cela avait été d'ailleurs le cas pour la libération des quatre otages d'Arlit.
En matière de contribution européenne, nous demandons l'élargissement du périmètre de la prise en compte des opérations Athéna. Je l'ai répété à la dernière réunion des ministres de la Défense et je pense que le dossier devrait avancer. Il s'agirait déjà d'une avancée significative.
Existe-t-il une coopération militaire de fait avec l'Algérie au Nord-Mali ?
Vous avez évoqué la fin du retrait de nos forces d'Afghanistan, pays auquel nous lie un traité d'amitié et de coopération. Quelle est l'action du ministère de la Défense dans le cadre de ce traité ?
La MINUSCA, avez-vous indiqué, devrait être opérationnelle avec 12 000 soldats en avril 2015. Faut-il en conclure que notre engagement cessera totalement à cette date ?
Par ailleurs, dans quelle mesure l'opération Barkhane a-t-elle facilité la libération de notre dernier otage ?
Enfin, quid de la position française après que les accords d'Alger sur le Mali auront été conclus ? La France excelle avant les opérations grâce à ses services de renseignement, elle excelle pendant grâce au professionnalisme de ses armées, mais, en général, elle est moins bonne dans la gestion de l'après. Sur quelles perspectives notre diplomatie travaille-t-elle ? Prévoit-elle des accords politiques, économiques, de développement ?
Vous avez indiqué à plusieurs reprises à notre commission que l'équilibre de la loi de programmation militaire était tributaire de la signature de contrats d'exportation de Rafale avant la fin de 2014. Qu'en est-il au regard de la négociation en cours en Inde ? Au-delà, où en sont les discussions avec les Émirats arabes unis et le Qatar ? L'affaire des Mistral n'a-t-elle pas, à certains égards, un effet négatif ?
Ma deuxième question concerne l'Égypte. La situation dans cette partie du monde est déjà complexe : si ce pays avait sombré dans le chaos comme ont sombré la Syrie, la Libye, l'Irak ou la Somalie, on n'ose imaginer quelles en auraient été les conséquences ! On ne peut que se féliciter de la stabilité retrouvée.
Vous avez rencontré le président al-Sissi et votre homologue égyptien. Des liens se sont noués, des contrats d'exportation sont en cours, notamment en matière navale. Pourriez-vous dresser l'état des relations franco-égyptiennes sous cet aspect et indiquer ce que pourraient être nos demandes ? On ne pourra en effet résoudre le problème de la Libye sans une implication forte de l'Égypte. Les deux pays, on le sait, ont 1 200 km de frontière commune, et près d'un tiers de la population libyenne a des liens familiaux ou des ascendances en Égypte.
Nous avons toujours eu des relations confiantes avec l'Algérie dans le cadre de l'opération Serval comme dans celui de l'opération Barkhane. Nos forces et celles de la MINUSMA s'approvisionnent même dans ce pays. Il n'y a en revanche pas de coopération opérationnelle officielle. Nous avons proposé qu'un officier de liaison algérien vienne observer l'opération Barkhane, ce qui serait une grande nouveauté. Nous avons également informé les autorités algériennes de l'opération menée à Tessalit, tout près de la frontière algérienne. Que des forces françaises soient présentes à cette frontière est un nouveau sujet pour l'Algérie, mais les choses se passent très bien.
En Afghanistan, nous respectons le traité d'amitié. Nous achevons de retirer les forces qui assuraient le fonctionnement de l'hôpital et de l'aéroport de KaIA (Kabul International Airport) et nous maintiendrons la formation militaire prévue par le traité. Le président Ashraf Ghani a fait savoir au Président de la République qu'il était très satisfait de cette coopération. Nous nous en tiendrons là et ne participerons pas à l'opération Resolute Support de l'OTAN, destinée à prendre le relais de l'opération actuelle tout simplement parce que nous devons faire des choix.
Je n'ai pas dit, monsieur Audibert Troin, que notre présence en Centrafrique cessera lorsque la MINUSCA sera parvenue à son maximum. Nous diminuons seulement notre effectif pour le ramener à 1 500 cet été. Nous transformerons progressivement notre présence en une force de réaction rapide pouvant apporter un soutien éventuel à la MINUSCA. Nous apprécierons ensuite comment poursuivre cette réduction de l'effectif pour en revenir à l'étiage de notre présence antérieure, entre 400 et 500 soldats, s'ils sont nécessaires.
La situation est très différente s'agissant de l'opération Barkhane : en l'espèce, nous sommes là et nous restons. Cette opération qui mobilise 3 000 militaires s'étendra, à mon avis, sur plusieurs années. Elle a pris le relais de Serval mais aussi d'Épervier et, indirectement, de Licorne. Ses caractéristiques sont la cohérence et l'agilité de réaction. Notre gestion de l'après consistera à garantir la sécurité. En matière de développement, nous menons avec le gouvernement malien des actions qui commencent à porter leurs fruits. Les futurs accords d'Alger devront mettre l'accent sur le développement du Nord du territoire, qui a toujours été insuffisamment pris en compte.
Quant à la date limite de signature de contrats pour assurer l'équilibre de la loi de programmation militaire, elle a toujours été fixée à la fin de 2015. C'est d'ailleurs pour cela que l'on a prévu la possibilité d'une révision à ce moment-là. Ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que de plus en plus de pays s'intéressent au Rafale. La première signature ne se fera pas nécessairement avec l'Inde car d'autres dossiers sont bien avancés. Il m'a également semblé que l'appareil pouvait intéresser l'Égypte du président al-Sissi, sachant que l'armée de l'air égyptienne possède déjà des Mirage 2000. Par ailleurs, l'Égypte a aussi besoin de nouveaux navires et projette de creuser un nouveau canal parallèle au canal de Suez. Le président al-Sissi est très dynamique et persuasif. Les relations avec la France sont excellentes et la coopération militaire devrait être à la hauteur de la confiance qui s'est manifestée lors de sa visite.
La séance est levée à dix-neuf heures quinze.