Commission des affaires étrangères

Réunion du 4 février 2015 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • asie
  • chine
  • diplomatie
  • indonésie
  • influence
  • maritime
  • mer
  • singapour
  • sud-est

La réunion

Source

Présentation du rapport de la mission d'information sur les émergents d'Asie du Sud-Est

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous examinons ce matin le rapport de la Mission d'information sur les émergents d'Asie du Sud-Est, mission conduite par Jean-Jacques Guillet et Gwenegan Bui, co-rapporteurs. Lorsque nous avions créé la mission d'information sur la Chine au début de la législature, nous envisagions déjà qu'elle serait suivie d'un travail approfondi sur l'Asie du Sud-Est, qui souffre d'un relatif déficit d'intérêt. Le rapport que vous nous présentez démontre à quel point cela est fâcheux. Vous avez effectué en septembre un déplacement à Singapour et en Indonésie, où le ministre des Affaires étrangères se rendra d'ailleurs la semaine prochaine, et ce choix est très bien expliqué dans le rapport. Mais je vous laisse tout de suite la parole car nous devons examiner au Palais Bourbon à 11h le rapport d'information sur les investissements étrangers et il serait dommage de devoir écourter notre débat sur les raisons et moyens d'accroître l'influence française en Asie du Sud-Est.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce matin, nous n'allons pas parler d'Afrique, du Moyen-Orient ou de l'Ukraine, mais de l'Asie du Sud-Est. Voilà qui nous arrive peu souvent. Pourtant, il était opportun de créer cette Mission, d'abord pour corriger une focalisation trop exclusive sur la Chine, ensuite parce que l'Asie du Sud-Est recèle des opportunités importantes pour notre diplomatie économique, enfin parce que la montée en puissance de la Chine conduit à une reconfiguration géopolitique de la zone qui ne peut pas laisser indifférent.

Nous avons peu de temps et je commencerai par une carte postale rapide.

L'ASEAN, ce sont 10 pays (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Laos, Birmanie et Cambodge), 4 500 000 km², 613 millions de personnes (plus que l'Union européenne). Son PIB a été multiplié par 10 en 20 ans (2 310 milliards en 2012), c'est à un niveau agrégé la 4ème puissance économique et les fondamentaux sont prometteurs : une croissance de 5,8 % en 2013, une communauté économique en construction, des accords de libre-échange qui se multiplient, une dynamique interne avec consommation qui représente 53 % du PIB. C'est aussi une zone très hétérogène. On y trouve trois PMA - Birmanie, Cambodge, Laos, d'un côté, deux pays à hauts revenus - Singapour et Brunei, de l'autre. Le Laos est au 138ème rang dans le classement d'indice de développement humain quand Singapour est au 26ème. Mais dans tous les pays, surtout dans les pays les plus avancés, les perspectives sont positives : la croissance démographique est la plus élevée au monde (la population en âge de travailler + 30 millions d'ici 2020), les taux d'investissements sont élevés également (25 % du PIB) pour des besoins d'investissements dans les infrastructures évalués à 1100 milliards de dollars.

Mais l'ASEAN est aussi un ensemble politique ou du moins l'organisation a été créée à cet effet. Pour la France, c'est un ensemble concourant à la paix et la sécurité, dans un environnement qui affecte directement et indirectement ses intérêts. Et c'est le point que je souhaiterais développer.

L'Asie du Sud-Est est un carrefour stratégique organisé autour d'une mer : la mer de Chine méridionale, qui cristallise aujourd'hui une grande activité économique et commerciale, diplomatique et militaire. Le rapport insiste longuement sur cette dimension, sur les influences indiennes et chinoises et sur la nouvelle dynamique économique de la zone, avec un rôle très positif de la Chine depuis la crise de 1997.

Il s'attarde surtout sur les contentieux en mer de Chine méridionale (chaudron de l'Asie). Différents archipels et îles sont revendiqués en totalité ou en partie par la Chine, Taïwan, le Viêt Nam, les Philippines, la Malaisie et Brunei. Les incursions civiles ou militaires chinoises sont de plus en plus fréquentes et tendent à l'établissement d'une juridiction effective notamment aux Paracels (Vietnam) et aux Spratleys (Philippines).

Les causes : la sécurité des approvisionnements et la maîtrise des lignes de communication, les ressources naturelles notamment énergétiques de ces 3,5 millions de km², mais aussi la maîtrise de l'espace maritime et aérien de la mer de Chine méridionale qui offre à la Chine une profondeur stratégique. C'est la seule mer le long des côtes de Chine à posséder des eaux profondes et à permettre un accès relativement aisé au Pacifique.

La mondialisation de l'économie est indissociable du trafic maritime. Rappelons-nous l'arrêt de production des usines des constructeurs automobiles français lorsque le tsunami au Japon en 2011 a détruit des usines de fabrication de certains composants électroniques. Or 90 % du commerce extérieur de la Chine et un tiers du commerce mondial traversent la région. Les risques terroristes, mais aussi la menace chinoise de remise en cause de la liberté de navigation pèsent sur la bonne santé de nos économies, sans compter les enjeux énergétiques et les implications stratégiques y compris pour la dissuasion nucléaire.

Les grands acteurs régionaux en tirent les conséquences : c'est le pivot américain vers l'Asie et la politique d'influence et de contrepoids de l'Inde (Look East Policy), avec une nouvelle dynamique des relations indo-singapouriennes.

L'ASEAN, elle, peine à définir son identité politique. De manière paradoxale, l'intégration de l'Asie se traduit par une course effrénée à l'adhésion dans de multiples organisations qui obère la possibilité d'une véritable intégration politique. L'ASEAN encourage ce mouvement notamment avec l'institutionnalisation de l'ASEAN +3 (Chine, Japon, Corée du Sud) et en ouvrant les organisations régionales au-delà du territoire asiatique, c'est l'idée même d'une réalité régionale qui s'effrite à force de dilution.

Le pilier politique de l'ASEAN est très peu développé, même s'il existe des coopérations comme dans la lutte contre la piraterie. En vérité l'organisation s'est construite autour du principe de neutralité dans les affaires politiques et se retrouve paralysée par le problème chinois, partenaire aussi indispensable que menaçant. Les grands pays comme Singapour et l'Indonésie jouent un rôle d'équilibristes entre leurs alliés chinois et américain et de modération des États agressés par la Chine (Vietnam, Philippines) en promouvant les apparences du dialogue et de la négociation d'un code de conduite qui n'aboutit pas. En revanche, les budgets d'armements sont en très forte augmentation partout.

C'est dans ce contexte mouvant, cette « coexistence combative », que la stratégie d'influence de la France doit être définie. L'Asie du Sud-est est enserrée entre trois partenariats stratégiques forts : ceux signé avec l'Inde, le Japon (la France vient de concrétiser un partenariat d'exception) et l'Australie. On notera que ce sont les pays de l'axe démocratique en Asie. À l'intérieur de ce triangle, la France dispose de 4 partenariats stratégiques : ceux formellement conclus récemment en juillet 2011 avec l'Indonésie, en novembre 2012 avec Singapour et en septembre 2013 avec le Vietnam ; et celui qui existe dans les faits avec la Malaisie.

Un véritable partenariat en matière de défense a été construit avec la Malaisie (plus de 50 % du marché) et Singapour (600 millions de chiffres d'affaires en 2013). Singapour est incontestablement un point d'appui stratégique en complément des bases dans l'Océan indien et dans le Pacifique, avec une relation dense autour de 4 axes : le dialogue stratégique bilatéral, l'accueil de l'école de chasse singapourienne sur la base aérienne 120 de Cazaux depuis 1998, ce qui en fait le seul pays au monde avec l'Allemagne à avoir une unité stationnée en France en permanence, la coopération opérationnelle dans le domaine de la sécurité maritime, la coopération technologique (6 frégates furtives, programmes de radio-logicielle, 2è partenaire de recherche).

Enfin, la protection des départements et collectivités d'outre-mer, la surveillance et la protection de la zone économique exclusive, imposent d'être en capacité de surveiller, prévenir et réagir en cas de menace, y compris militairement. Sur le plan stratégique, la France est le seul pays européen à disposer de forces partout dans la zone Indo-Pacifique. La France a un officier général de marine commandant de la zone maritime de l'océan Pacifique et les forces maritimes de l'océan Pacifique : ALPACI. La France entretient aussi en Asie du Sud-Est un réseau diplomatico-militaire étoffé.

Néanmoins, la France peine à disposer d'une visibilité en Asie du Sud-Est. Sa légitimité est questionnée : elle n'apparaît pas comme un partenaire économique d'avenir, son jeu d'alliances manque de clarté et son rayonnement culturel est assez faible auprès des nouvelles générations, même dans ses anciennes colonies. Le discours sur la France puissance régionale connaît un succès très modéré auprès de nos partenaires d'Asie du Sud-Est. D'abord, il est difficile de faire valoir que la France est en Asie car elle est dans le Pacifique. Ensuite, les enjeux de sécurité ont conduit à renforcer la présence française dans l'Océan indien et non dans le Pacifique. On pourrait croire que cet effort est perçu comme une contribution à la paix et la stabilité en Asie-Pacifique, mais il n'en est rien. L'Océan indien n'est pas l'Asie du Sud-Est.

Le ministre des Affaires étrangères a annoncé un pivot vers l'Asie qui doit comporter la définition d'une politique étrangère à l'égard de l'Asie du Sud-Est. Il s'agit d'abord d'assurer une visibilité et une crédibilité à la présence française sur les plans stratégiques et économiques.

Pour crédibiliser le discours sur la France puissance Indo-Pacifique, il convient d'abord de conférer une meilleure visibilité à la présence de la France aux portes de la région, en arrimant les territoires d'Outre-mer à l'Asie, notamment par le développement des outils numériques et des flux humains : économiques (mise en réseau), universitaires (rôle de l'Université du Pacifique en termes de mobilités étudiantes, professorales et de recherches conjointes) et touristiques (réimplantation d'Atout France avec cet objectif).

Il est aussi nécessaire de mieux communiquer sur la présence stratégique française en Asie-Pacifique, en s'appuyant notamment sur le document élaboré par le ministère de la Défense « La France et la sécurité en Asie-Pacifique ». Poursuivre les efforts diplomatiques pour convaincre que la France apporte une connaissance et une habitude de gestion des affaires du monde, de membre permanent du Conseil de sécurité, l'expérience de la gestion des crises et aussi une capacité autonome de renseignement.

L'architecture régionale de sécurité est complexe. La France doit maintenir en les affichant les objectifs d'intégration dans les organisations régionales de sécurité, y compris à moyen et long terme à l'ADMM +, qui réunit les ministres de la Défense. A court terme l'obstacle linguistique doit être contourné pour permettre l'adhésion à l'organisation de lutte contre la piraterie maritime ReCAAP qui ouvre des possibilités de coopérations pratiques. La France peut aussi utilement se positionner sur les coopérations en matière de sécurité « douce », notamment en participant au nouveau centre HADR de lutte contre les catastrophes naturelles, sur le modèle de la participation à l'IFC où la France dispose d'un officier de liaison.

Le dispositif français étant ce qu'il est, il conviendrait de l'ajuster pour développer une diplomatie humanitaire qui fait défaut et bien structurer, notamment, une diplomatie militaire d'échanges bilatéraux, des coopérations structurelle et opérationnelle (formation), des escales régulières dans les ports de la région, des partenariats logistiques. Les marges de progression sont importantes.

S'agissant de la diplomatie économique, nécessaire aussi pour exister sur le plan politique, plusieurs propositions sont formulées. D'abord, comme dans tous les émergents, il faut diversifier l'offre, capter les marchés de classes moyennes soucieuses de qualité et de sécurité, et répondre aux énormes besoins en infrastructures. L'offre française a un problème de compétitivité qui appelle un accompagnement financier et technique des projets : c'est la valeur ajoutée de l'AFD avec le financement dans la durée, mais aussi peut-être une réflexion à conduire sur un partenariat avec le Japon qui dispose de financements importants.

Les marchés d'Asie du Sud-Est ne sont pas simples et très divers. Il est opportun d'optimiser les ressources de l'équipe France et le dispositif de sélection des entreprises, surtout en région, en ciblant les entreprises qui ont déjà eu une expérience à l'export, en Europe notamment, et les entreprises sous-traitantes d'un contrat. Sensibiliser à la question de l'adéquation du marché. Une présence locale, en partenariat de préférence, une offre adaptée à la demande, une parfaite connaissance de l'environnement des affaires et des particularités de chaque pays sont indispensables.

Un dernier point me semble important : il s'agit des liens entre les milieux d'affaires français et des pays de la région, pour renforcer la présence française et accroître l'attractivité du territoire français pour les investissements en provenance d'Asie du Sud-Est qui sont appelés à augmenter dans les années qui viennent. Le fonds singapourien aujourd'hui doit être une cible, mais il faut aussi préparer l'avenir en identifiant et approchant les familles, les entreprises etc. susceptibles d'investir dans 10 ans. Les communautés biculturelles installées en France sont un atout et on pourrait utilement créer des entités de type conseils mixtes des affaires, adossés à nos partenariats stratégiques.

La diplomatie économique doit se déployer partout car il y des opportunités partout. Un représentant spécial a été nommé et c'est une bonne chose. Mais sur le plan politique, il faut garder à l'esprit le contexte stratégique. La position de neutralité bienveillante de la France dans les contentieux, avec le souci de renforcer son partenariat avec la Chine, sera-t-elle tenable à long terme ? La situation est incertaine, il faut conserver cette position autant que possible, mais être prêt à parer à toute évolution en réfléchissant au jeu d'alliances qu'on met en place. Les coopérations de défense nous engagent. C'est aussi parce que l'avenir est incertain et que les Etats ne veulent pas être enfermés dans le G2 (Etats-Unis-Chine) qu'il y a une place pour la France.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'il y a une place, encore faut-il savoir comment la prendre. Je ne pourrai pas en quelques minutes résumer l'analyse et les propositions du rapport. Mais je vais essayer de développer quelques points essentiels.

D'abord, il y a une dimension de fantasme lorsque l'on parle d l'Asie du Sud-Est, surtout un fantasme vietnamien d'ailleurs, mais il y a aussi une réalité historique de notre proximité avec l'Asie du Sud-Est qui remonte à des temps bien antérieurs à la colonisation. S'il y a eu les grandes découvertes à la fin du XVème siècle, c'est pour aller chercher du poivre aux Moluques. La présence portugaise jusqu'à il y a peu, à Timor et Macao, n'est pas un hasard. Il y a une relation étroite entre l'Europe et l'Asie du Sud-Est. Aujourd'hui, la présence de la France et de l'Europe en général est beaucoup moins grande qu'elle n'a jamais été dans cette zone. Cette zone est pourtant en très fort développement : c'est le plus fort développement à l'exception de la Chine, à la différence près qu'il n'y a pas de ralentissement en Asie du Sud-Est. La classe moyenne s'accroît fortement.

Il ne faut pas oublier à quel point la zone est variée et c'est d'ailleurs toute la difficulté qui se pose pour savoir comment y entrer. C'est une véritable mosaïque. La question n'est pas tant celle des langues, car on peut trouver une certaine unité avec le malais, langue véhiculaire au sud, et des familles linguistiques apparentées au nord. En revanche, les Etats diffèrent. L'Indonésie, (près de 250 millions d'habitants) côtoie la cité-Etat de Singapour (50 millions), il y a des Etats avec une unité territoriale, quand les Philippines et l'Indonésie sont des Etats archipélagiques de plusieurs milliers d'îles, avec des réalités climatiques, ethnologiques, culturelles et sociales différentes. La diversité religieuse est une caractéristique notable. L'Indonésie est le plus grand pays musulman du monde, encore que certaines parties de son territoire soit majoritairement chrétiennes et hindouistes. Les Philippines sont une terre chrétienne. Les deux écoles du bouddhisme dominent les pays continentaux. Le confucianisme est très important. Les influences chinoise et indienne sont toutes deux fondamentales, même si la présence politique indienne est moins forte. Enfin, on trouve toutes sortes de régimes politiques : il y a des démocraties, certes jeunes mais en consolidation comme l'Indonésie, qui a connu des élections en 2014, et les Philippines, des Etats autoritaires ou dictatoriaux comme le Laos et le Vietnam communistes et la Birmanie.

Comment entrer dans cette zone ? On est arrivé à la conclusion assez rapidement, au bout de trois ou quatre mois de travaux, qu'il ne fallait pas se démultiplier et faire attention à ne pas trop épouser la variété de la région. On a une mise en réseau de nos ambassades et services qui fonctionne assez bien, mouvement qui doit être conforté sans doute depuis la base que constitue Singapour. Mais au-delà de cette approche à l'échelle régionale, il faut se concentrer sur deux acteurs stratégiques-clé : l'Indonésie et Singapour.

Ce sont deux acteurs très différents, presque opposés, qui se complètent.

Singapour est un petit pays à l'économie avancée et à forte valeur ajoutée, où sont établis les sièges sociaux, 4è place financière au monde, et qui a vocation à héberger une grande partie des structures régionales ; l'autre est un pays immense porté par sa consommation intérieure et confronté à de grands défis en termes d'infrastructures. Mais Singapour n'est pas qu'une place économique et financière, c'est aussi une plate-forme de recherches exceptionnelle, et nous avons pu visiter le centre de Thalès et l'antenne du CNRS qui s'est d'ailleurs déplacée d'Hanoï à Singapour, et c'est le territoire des think tanks asiatiques.

La coopération en matière de défense que nous avons avec Singapour est remarquable et nous hébergeons effectivement leur armée de l'air, Singapour n'ayant pas d'espace aérien, ce qui est symptomatique de la coopération avancée que nous avons établie, tout comme le sont les coopérations dans la région en matière de sécurité maritime, sujet hautement sensible, notamment de surveillance du détroit de Malacca avec un officier de liaison français présent de manière permanente dans le centre de surveillance basé à Singapour. Singapour est une porte, mais pas forcément une clé car Singapour n'est pas toute l'Asie du Sud-Est, loin de là. Nous ne pouvons limiter notre diplomatie à ce pays.

L'autre acteur-clé c'est l'Indonésie. Je n'ai pas besoin de rappeler le poids de ce pays de 250 millions d'habitants, sauf pour souligner que l'aura de l'Indonésie est palpable et que, notamment, le rôle qu'il a joué avec la conférence de Bandung, la politique de Sukarno, avec Nasser et Toto, est dans les mémoires. L'influence diplomatique a évidemment été atténuée, édulcorée, dans l'intervalle, non pas par la dictature de Suharto, avec laquelle nous entretenions d'ailleurs d'excellentes relations, mais par les évènements qui ont suivi sa chute. Les soubresauts politiques, la crise économique de 1997 qui a frappé de plein fouet toute la région mais d'abord l'Indonésie, ont distendu nos liens.

L'Indonésie est un acteur-clé à de nombreux égards.

C'est d'abord un acteur-clé dans le domaine des matières premières. Il ne s'agit pas seulement de l'énergie, des hydrocarbures et du charbon, mais de toutes les richesses agricoles et marines. Nous avons un rôle en matière de recherche qui est insuffisamment valorisé. La recherche est embryonnaire en Indonésie, il n'y a par exemple pas de vulcanologue indonésien alors que c'est le pays qui a le plus de volcan actifs au monde. Nous pouvons donc vraiment apporter quelque chose dans ce domaine.

C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les sciences marines. La France dispose d'un domaine maritime de onze millions de kilomètres carrés ; deuxième territoire maritime mondial. Il pourrait atteindre 13 millions de kilomètres carrés si les processus d'extension des plateaux continentaux aboutissent. Par ces territoires, à 97 % en outre-mer, la France est confrontée aux mêmes enjeux que l'Asie du Sud-Est et sa proximité géographique pourrait en faire un partenaire naturel pour la maîtrise et la mise en valeur d'espaces maritimes adjacents.

La France peut apporter une expertise complète avec une industrie maritime de premier plan ; c'est un partenaire de défense marine, notre pays dispose d'acteur dont le savoir-faire est reconnu dans les sciences et technologies marines (gestion des ressources halieutiques et aquacoles, préservation de la qualité environnementale des milieux littoraux, lagonaires et marins, surveillance maritime, développements des satellites, des capteurs, des plates-formes d'observation sous-marine, des centres de données, des engins d'exploration, exploration des milieux profonds et exploitation des ressources biologiques et minières).

L'expertise française en matière de transport est également un atout fort : aériens certes, mais aussi terrestres et la France a engagé des efforts à Bandung et Jakarta à conforter. C'est d'autant plus important que ce projets d'inscrivent dans une action de promotion du développement durable, avec l'appui de l'AFD.

Or, l'Indonésie est un acteur-clé dans le domaine climatique, ce qui n'est pas négligeable quand la France veut faire de la lutte contre le changement climatique un axe fort de sa diplomatie. Toute l'Asie du Sud-Est est sujette aux catastrophes naturelles et toute la région est confrontée à la nécessité de maîtriser les effets de la croissance. L'Indonésie s'est démarquée des autres grands pays émergents en acceptant, au sommet de Copenhague, l'objectif d'une limitation de ses émissions de gaz à effet de serre : réduction chiffré de 26 % d'ici 2020, pouvant être porté à 41 % en cas d'aide financière.

Le nouveau président Joko Widodo a fait de la mer d'abord, érigée en priorité, mais aussi du climat deux grands axes de sa politique intérieure comme étrangère. Si la France devait choisir des pays avec lesquels renforcer son partenariat pour conforter sa diplomatie d'influence globale, elle ferait un bon choix avec l'Indonésie. Voilà, très brièvement, ce que je souhaitais dire avant de répondre aux questions que vous me poserez.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour ce rapport très intéressant et votre présentation à la fois détaillée et synthétique. Nous mesurons mal l'ampleur de l'influence des pays de l'ASEAN de même que nos intérêts dans cette région, et nous n'y mettons pas suffisamment l'accent.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous félicite pour ce travail qui nous rappelle que, à côté des géants comme la Chine, il y a aussi d'autres pays dans la région avec de grands enjeux. S'agissant du contentieux entre le Vietnam et la Chine sur le domaine maritime, nous avions apporté notre soutien au Vietnam au sein de l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) par le vote d'une motion, appelant au respect du droit international, et il avait été très difficile de rallier le Laos et le Cambodge, soucieux des risques de représailles chinoises. Il serait bon que nous marquions notre intérêt à soutenir les petits pays.

En matière de rayonnement culturel et économique, les trois pays indochinois appartiennent à l'Organisation internationale de la Francophonie, au sein de laquelle ils sont actifs malgré leurs difficultés. Les moyens dont nous disposons pour y soutenir la diffusion de la langue française sont réduits, cependant que d'autres pays proches, notamment la Thaïlande, pourraient rejoindre l'organisation. Le rapport aborde-t-il cette question ?

Enfin, l'Indonésie est un pays important, vous l'avez souligné. Qu'en est-il de la présence économique de la France, à l'heure où la diplomatie économique prend de l'importance ? Organiser notre action en direction de quelques pays serait utile.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette zone est des plus importantes, ne serait-ce que d'un point de vue économique. Il y a 380 millions de consommateurs au sein de l'ASEAN. Mais la France est dans une position paradoxale. Gouvernement après gouvernement, de droite comme de gauche, tout le monde fait le même constat de cette importance. Je dois reconnaître que nous y sommes très présents politiquement, avec des visites de haut niveau désormais régulières, ce qui est évidemment positif. Dans le même temps, nous y sommes de plus en plus absents. Partout dans la région, si l'on met de côté Singapour, nous réduisons nos moyens. Au Vietnam, les programmes universitaires sont presque tous coupés et nous n'avons pas de centre culturel français à Ho-Chi-Minh Ville. En Malaisie, nous vendons notre ambassade et si c'est une opération que l'on peut comprendre sur le plan budgétaire, elle pose des problèmes politiques. C'est un pays où nous avons un certain rayonnement, avec lequel nous avons de très bonnes relations, dont l'armée est notre 3e ou 4e client ; mais nous bradons notre dispositif d'influence. En Thaïlande, nous ne sommes plus présents depuis le coup d'Etat, alors que nos voisins ne se gênent pas pour maintenir des relations au niveau gouvernemental. Lorsque j'étais au gouvernement, le ministère des affaires étrangères m'avait dissuadé d'aller au Vietnam pendant un an et demi, ce qui nous a fait perdre des contrats en matière de transport, parce qu'un blogueur était emprisonné. Nous fermons ou peu s'en faut notre ambassade de Brunei, pour être hébergés dans les locaux de la représentation allemande. Les effectifs du poste sont très réduits alors que Total y est extrêmement présent.

En d'autres termes, les décisions ne suivent pas les constats unanimes et les moyens déployés sur la zone ne cessent de baisser. Même l'AFD n'a plus de moyens. Nous ne sommes plus que dans la symbolique anecdotique. Un rapport de la Commission des finances sur la diplomatie culturelle et d'influence avait mis en évidence cette inadéquation flagrante entre les moyens d'influence et les marchés potentiels. Tout cela est d'autant plus regrettable qu'il faut souligner la forte implantation des communautés françaises dans la région, qui sont au total plus de 50 000 et font un travail remarquable pour faire rayonner la France, comme à la chambre de commerce de Singapour.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez évoqué les possibles développements de nos échanges économiques mais qu'en est-il de l'influence culturelle de la France, de la francophonie et de nos échanges universitaires ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre travail est remarquable. Il y a deux puissances rivales dans la région : l'Inde et la Chine. Je ne partage pas tout à fait votre analyse sur la question de l'arme nucléaire : ce n'est pas essentiellement pour sa rivalité avec le Pakistan que l'Inde s'en est dotée, mais parce que sa rivalité fondamentale dans la région est vis-à-vis de la Chine, et depuis toujours. Je suis en revanche tout à fait d'accord avec votre analyse de la situation en Mer de Chine méridionale. La France dispose du deuxième espace maritime au monde, bientôt du premier à l'issue de l'extension du plateau continental qu'elle a demandée, mais elle ne s'en soucie guère, à la différence de la Chine qui s'en occupe de très près. Le conflit en mer de Chine est l'un des quatre ou cinq plus ardents qui soient aujourd'hui.

Comme vous le rappelez dans le rapport, la Chine justifie ses revendications par des considérations historiques et contemporaines. Je rappelle à cet égard que la France a négocié sur la souveraineté de ces territoires avec la Chine. La Chine procède à des recherches archéologiques sous-marines dans la zone pour mettre en évidence l'ancienneté d'un commerce chinois et en tirer le moment venu les atouts dont elle aura besoin. Il n'existe pas d'autorité juridictionnelle qui puisse trancher le différend. Deux pays avaient saisis la Cour internationale de justice et la Chine a protesté par note verbale. Les incidents se multiplient et je mentionnerai pour finir que l'Inde est présente en mer de Chine et qu'il y a eu il y a plusieurs mois un incident extrêmement sérieux entre un navire chinois et un avire indien.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez évoqué l'Indonésie comme filon pour nos exportations d'armements. A-t-on évalué les risques qu'il y a à contribuer ainsi au développement de puissances militaires dans des zones de conflits ? Par ailleurs, l'Indonésie est un pays particulièrement corrompu selon les classements internationaux. Qu'en est-il précisément ? A la suite de l'embargo américain et britannique sur la question du Timor, l'Indonésie s'était tournée vers d'autres partenaires. Quelles sont aujourd'hui ses alliances ? En matière de règlement de différends maritimes, il me semble qu'il y a un tribunal international du droit de la mer au sein du système des Nations Unies. Ne peut-il intervenir ? Enfin, je rappelle qu'un Français risque en ce moment la peine de mort pour une affaire de stupéfiants.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Singapour était l'un des principaux paradis fiscaux dans le monde. Il y a deux ou trois ans, le juge Van Ruymbeke nous avait expliqué que c'était le territoire le plus opaque qui soit. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Singapour a-t-il fait des efforts pour sortir de la liste des juridictions non coopératives ? Où en est-il sur l'échange automatique de données ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La France est indirectement impliquée dans la problématique du conflit en mer de Chine du Sud. Comme le soulignait mon collègue Giacobbi, lorsque nous avions occupé le Tonkin, nous avions signé un traité de paix avec la Chine, le traité de Tientsin, qui nous reconnaissait des droits sur les Paracels, et plus tard sur les Spratleys, comme en attestent les cartes dans la région de cette époque. En 1954, à la suite des accords de Genève, nous avons donné la souveraineté des îles Paracels et des îles Spratleys au Sud-Vietnam. Nous pourrions être considérés comme des arbitres, ce que nous ne voulons absolument pas.

La langue française est en très net déclin dans la région. Le Vietnam, le Laos et le Cambodge sont membres de l'OIF, mais la langue française y est très peu enseignée. Seul le Laos voit une situation s'améliorer grâce à des efforts importants. Le français y est considéré comme la première langue étrangère à partir du collège (l'anglais est enseigné à l'école primaire) et on y dénombre environ 300 000 locuteurs sur une population de six millions d'habitants. C'est un vrai facteur de rayonnement et il ne faut pas renoncer à maintenir une certaine francophonie en Indochine. Ailleurs, l'enseignement du français est faible. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas une langue attirante, mais que l'influence française peut utiliser ce vecteur pour un certain public déterminé. Ainsi, notre pays est, pour les élites et les nouvelles classes moyennes aisées, le pays de la culture, ainsi que celui du luxe, ce lien entre les deux ne devant pas être négligé. Cela se traduit par un intérêt pour la langue française. Nos centres culturels ont un véritable rayonnement en Indonésie et à Singapour. Ce rayonnement culturel est très marqué à Singapour, où les Français sont nombreux, comme le retrace le livre Les Français à Singapour. L'Alliance française y est particulièrement bien implantée. Et nous avons plusieurs centres culturels et alliances qui fonctionnent très bien en Indonésie, non seulement à Djakarta mais aussi notamment à Surabaya, à Jogjakarta et à Sumatra. En revanche, relativement peu de jeunes Indonésiens étudient en France : ils ne sont que 450 cette année. Cela tient à notre politique d'accueil des étudiants étrangers qui n'est, de manière générale, pas satisfaisante. S'y ajoutent des difficultés pour obtenir des visas, observées d'ailleurs dans les deux sens.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lorsque nous avons ouvert l'enseignement en anglais pour les étudiants étrangers dans les universités françaises, c'était notamment à destination des pays d'Asie du sud-est.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'anglais est incontestablement la langue dominante dans cette région. Ce n'est pas le malais, qui est une langue véhiculaire d'une partie de la région seulement. L'anglais est d'ailleurs la langue de travail de l'ASEAN.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lorsque j'étais secrétaire d'Etat à la fonction publique, j'avais eu l'idée d'inviter les ambassadeurs étrangers qui étaient passés par l'ENA. Ils étaient douze à l'époque ; ce n'est pas rien ! Ceux de Singapour et de la Mongolie étaient parmi les plus intéressants. Ce gisement est trop peu exploité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On observe une demande très forte de coopération en matière de formation dans ces pays, notamment avec l'ENA. En Indonésie, il n'y a pas vraiment d'équivalent, simplement une sorte de collège dominé par l'armée. Dans le domaine militaire précisément, il ne faut pas restreindre notre coopération aux ventes d'armement. Nous avons des partenariats qui incluent des coopérations pratiques, des échanges d'informations et de la formation. Du temps de Suharto, il y avait une forte intégration de militaires indonésiens dans les écoles militaires françaises, et c'est en train de revenir un peu. Nous avons rencontré l'Amiral Octavian qui dirige la flotte de l'Ouest, formé en France, parfaitement francophone, et qui appelle de ses voeux l'intensification de ces programmes, de même qu'il formule des propositions de coopération opérationnelles. La formation des militaires fait partie intégrante de la politique de formation que nous devons conduire avec ces pays.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite nuancer le diagnostic sur les étudiants étrangers même si nous restons un des pays les plus attractifs en la matière. Il est vrai que les spécificités concernant l'Asie sont intéressantes et un nombre important d'universités et de grandes écoles françaises ouvrent des établissements en coopération - notamment en Chine – afin de développer nos formations dans ces pays. En outre, une des raisons pour lesquelles les étudiants indiens et chinois se désintéressent parfois de nos formations est la gratuité de l'enseignement supérieur. En effet, la particularité de l'enseignement supérieur français est qu'il n'est pas cher. Or, dans un certain nombre de ces pays cela équivaut à signifier que la formation dispensée n'est pas d'assez bonne qualité. On peut donc se demander si - à l'exception des étudiants européens - nous pourrions envisager une augmentation des droits d'inscription des formations d'enseignement supérieur pour les étudiants de ces pays. Je suis conscient qu'une telle mesure pourrait ouvrir un débat plus large, beaucoup plus sensible et compliqué et je ne me permets pas de conclure sur ce sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un point qui n'a pas été évoqué est celui de la proximité de l'Australie et son rôle dans le domaine universitaire. L'Australie est un pays d'une très grande importance stratégique mais également importante sur le plan universitaire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je répondrai tout de suite à M. Benoît Hamon, dont l'analyse est pertinente s'agissant de la Chine, pour souligner qu'il faut éviter l'écueil du tropisme chinois. Le rapport essaye justement de démontrer qu'il faut avoir une stratégie différenciée entre l'Asie du Sud Est et la Chine, parce que les problématiques ne sont pas les mêmes. Il faut arrêter de penser toute l'Asie comme on pense la Chine. Les flux sont faibles avec l'Asie du Sud-Est et cela tient d'abord au besoin de persuader le monde universitaire français de l'intérêt à collaborer avec les universités de pays émergents de cette zone.

Je vais essayer de répondre à la fois à la problématique sur la Mer de Chine et à M. Mariani – dont je partage le constat général d'un manque de moyens patent. Je donnerai même un autre exemple : la nouvelle ambassade à Jakarta est trop petite pour organiser une réception. Je souhaite qu'il y ait une suite à ce rapport, peut-être que nous organisions une séance de travail spécifique sur l'Asie du Sud-Est et qu'une nouvelle mission puisse continuer à explorer les moyens de renforcer nos relations avec la région. Le rapport avance des propositions très concrètes, mais je vous l'accorde, nous devons être en capacité de faire des inflexions budgétaires si nous souhaitons être à la hauteur des enjeux. Si nous ne le faisons pas, nos rapports resteront des voeux pieux et nous risquons d'être inexistants dans une dizaine d'années. Ce ne sera pas parce que les autres pays européens nous auront devancés – ils sont parfois dans une situation pire que la nôtre –, mais parce que la Chine aura pris toute la place et qu'un immense territoire de 2 milliards d'habitants se désintéressera de l'Europe.

Concernant la Mer de Chine, M. Paul Giacobbi a raison de préciser que c'est un des points les plus dangereux des prochaines années. Tous les analystes le soulignent. Les ventes d'armes y sont d'ailleurs en explosion. 40 % des projets mondiaux de sous-marins se concentrent dans la zone ainsi qu'un quart des constructions navales et militaires. Les budgets militaires pour l'armée de l'air sont en forte croissance. Il y a certes un effet de rattrapage très fort, mais lorsque l'on s'équipe d'une telle manière c'est qu'une menace est ressentie. La menace est accréditée par l'action « hard » ou « soft » menée par la Chine. Les Chinois sont dans une logique d'affirmation de leur capacité stratégique. Ils souhaitent pouvoir avoir le contrôle de l'entrée et de la sortie de leurs sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. Les Américains sont en capacité de les encercler et ils essayent de desserrer l'étau. Ce jeu entre la Chine et les Etats-Unis risque de se prolonger longtemps. C'est pour cette raison que les acteurs de l'ASEAN veulent faire entrer des tiers dans le jeu, des tiers dont la présence a une fonction stabilisante. Ils ne veulent pas se retrouver au milieu d'une opposition frontale entre les Américains et les Chinois. Nous pouvons être un tiers utile. C'est ce que nos avons compris lors de nos entretiens à Singapour avec le Vice-ministre des affaires étrangères et en Indonésie avec le ministre des Affaires étrangères et l'Amiral Octavian. Ce dernier a proposé un certain nombre de collaborations, proposition que nous avons relayée au ministre de la Défense, pas uniquement car il était un ancien de l'école navale et francophone, mais parce que la présence de nos frégates dans la zone limite les risques d'aggravation des tensions.

Encore une fois, nous ne faisons pas que vendre des matériels de défense, nous intervenons comme producteurs de sécurité. Les ventes d'armes nous engagent et ces ventes incluent des coopérations avancées. Nous sommes liés à très long terme avec la région au travers de notre partenariat avec Singapour. Si nous faisons uniquement du commerce d'armes – en proposant des sous-marins et des frégates – sans en imaginer leur usage, nous risquons d'être entraînés malgré nous. Un des objets de ce rapport est de remettre en perspective les opportunités économiques et commerciales, y compris en matière d'armements, dans le contexte stratégique, pour développe une vision de long terme conforme à nos intérêts. Il nous faut clarifier notre réseau d'alliances et adapter notre politique militaire.

Le rapport préconise, hors diplomatie économique, de concentrer l'action extérieure de la France sur deux pays et en développant une diplomatie d'influence globale assise sur des coopérations structurantes : les relations culturelles et intellectuelles, la diplomatie climatique, la coopération en matière de défense et la diplomatie maritime, politique transversale à construire. Nous espérons que cette approche sera validée et que les propositions ne resteront pas lettre morte.

Enfin, pour répondre à Mme la Présidente, Singapour a engagé des réformes en faveur de la transparence de son système financier et qu'il y a des progrès incontestables. Cela explique que Singapour ne soit plus considérée comme une juridiction non coopérative et qu'un accord d'échange de renseignements ait été conclu avec la France. Il ne s'agit pas encore une procédure d'échange automatique, mais nos bonnes relations nous permettent de continuer à oeuvrer pour la transparence la plus complète.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci encore pour ce rapport absolument passionnant. Vous nous avez rappelé à quel point cette zone est importante pour nous.

La commission autorise la publication du rapport d'information à l'unanimité.

La séance est levée à dix heures cinquante.