La séance est ouverte à neuf heures.
Je suis heureuse d'accueillir Mme Nathalie Hanet, directrice générale de l'établissement public d'insertion de la Défense (EPIDE), pour une audition ouverte à la presse.
Votre audition s'inscrit dans le cadre de nos travaux sur les dispositifs citoyens liés à la Défense, et notamment ceux de nos deux rapporteurs d'information sur le sujet, Mme Marianne Dubois et M. Joaquim Pueyo. Ils ont d'ailleurs visité un centre de l'EPIDE la semaine dernière à Alençon. Compte tenu de l'actualité et de la possibilité de créer un nouveau service citoyen – dont le nom reste à déterminer –, nous avons choisi de vous entendre dans le cadre des auditions organisées par la commission dans son ensemble.
Nous avions également prévu d'auditionner M. François Chérèque, président de l'Agence du service civique, à votre suite. Toutefois, eu égard à l'actualité politique, nous avons décidé de reporter cette audition.
Je vous remercie, madame, d'avoir bien voulu contribuer à nos réflexions et sans plus attendre, je vous cède la parole.
Merci de m'accueillir aujourd'hui. L'EPIDE a été créé il y a bientôt dix ans par Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, et M. Jean-Louis Borloo, alors ministre du Travail. L'ambition était alors de transposer en métropole le service militaire adapté (SMA) qui existe outre-mer depuis 1961. L'objectif assigné à l'époque était d'offrir, dans un délai relativement court, 20 000 places en EPIDE. Actuellement, nous comptons 2 085 places alors que, par ailleurs, l'an dernier, nous ressentions quelques inquiétudes quant à la fermeture de certains centres dans le but de restreindre la dépense et d'équilibrer le budget de l'établissement. À ces 2 085 places correspond un flux annuel de 3 500 jeunes.
L'objectif de l'EPIDE est l'insertion professionnelle et sociale de jeunes majeurs de 18 à 25 ans qui ont peu ou n'ont pas de qualification. Ces jeunes adultes sont volontaires et signent un premier contrat de deux mois puis de cinq mois, soit un parcours total de huit mois même si, en pratique, les trajectoires peuvent être un peu plus rapides ou, inversement, un peu plus longues.
La singularité de l'EPIDE, qui fait également sa force, c'est de proposer un accompagnement global à ces jeunes, avec la mise en place de regards croisés de professionnels très différents. Il s'agit d'une réelle spécificité dans un paysage social caractérisé par des dispositifs qui, généralement, prennent les personnes « en tranches », selon des critères ou des éléments relatifs à leur situation. À l'EPIDE, nous travaillons du lundi au vendredi en internat en analysant l'ensemble des éléments de vie et de situation de ces jeunes. C'est ce qui fait l'efficacité de ce dispositif.
Quel est donc le « cocktail magique » qui permet d'accompagner ces jeunes, de les faire mûrir, grandir et se structurer ? Il tient d'abord à l'encadrement extrêmement structurant, une vie collective très organisée, associés à des équipes pluridisciplinaires qui construisent des parcours individualisés. Nous allons à la vitesse de chacun, nous progressons selon les difficultés de chacun et nous mettons des moyens particuliers à chaque fois que l'on rencontre un élément bloquant – comportement, difficulté à acquérir certaines notions ou à franchir certaines étapes.
Ces équipes pluridisciplinaires sont organisées en quatre grandes fonctions :
– l'insertion professionnelle, avec des conseillers qui travaillent avec ces jeunes à l'élaboration de leur projet professionnel et les accompagnent dans sa mise en oeuvre jusqu'à la recherche d'emploi ou de formation qualifiante leur permettant d'accéder in fine à cet emploi ;
– un travail de remise à niveau, avec des enseignants de formation générale issus du milieu de la formation voire, pour quelques-uns, de l'Éducation nationale. Les volontaires reçoivent également des cours d'informatique et de préparation au code de la route – nous disposons à cet égard de simulateurs de conduite – ainsi que des cours de sport ;
– un accompagnement social et médico-social avec la présence, dans chaque centre, d'un chargé d'accompagnement social et d'un infirmier. Nous effectuons tout un travail de prévention dans le domaine de la sexualité et, plus généralement, dans la prise en charge par ces jeunes de leur propre santé en les orientant vers des médecins dès lors que sont identifiés des problèmes non traités – optiques, dentaires, etc. Nous travaillons évidemment sur les addictions. Sans être nécessairement très dépendants, nombre d'entre eux ont pris l'habitude de fumer des drogues telles que l'herbe ou le cannabis, ce qui est évidemment interdit dans nos centres ;
– enfin, la dernière dimension très importante qui constitue une autre originalité de l'EPIDE, a trait au parcours civique de ces jeunes. Celui-ci commence par l'apprentissage de la vie en collectivité, du respect des autres et de soi-même et par le fait d'être en tenue. Les jeunes – comme les agents – portent un uniforme qu'ils doivent entretenir et laver. Ils doivent également se prendre en charge afin de se conformer aux horaires et aux attentes que l'on formule à leur égard. Les journées commencent à 6 h 30 et s'achèvent à 22 h 30, avec assez peu de temps libre durant cette période du fait des enseignements et de ce que nous nommons les « temps de remédiation », qui sont des entretiens individuels que les professionnels mènent afin de remédier à telle ou telle difficulté ou d'avancer sur tel sujet.
En complément, les jeunes reçoivent des cours d'instruction civique qui leur permettent de découvrir ce que sont la démocratie, la République, un préfet ou un élu et ce que sont leurs responsabilités. Comme pour l'enseignement général, cet enseignement civique fait appel à des méthodes pédagogiques originales. Nos volontaires ne sont pas sanctionnés par des notes. En cas de mauvaise réponse, il leur est simplement demandé pourquoi ils ont avancé telle solution, puis on les amène à considérer pourquoi leur réponse n'est pas adaptée. Nous utilisons beaucoup les jeux, à l'image de quizz citoyens avec des questions du type « À quel âge doit-on se faire recenser ? Pourquoi ? Selon quelles modalités ? ». Nous les amenons alors à débattre, à identifier et à assimiler la bonne réponse. Des jeux de rôles sont également organisés. J'ai par exemple assisté à une séquence ou certains volontaires jouaient les représentants d'une association de chasseurs tentant de convaincre le maire et deux de ses adjoints d'ouvrir un terrain pour exercer cette activité. Les uns et les autres développaient leurs arguments, avec l'assistance de nos cadres.
Ce qui est particulièrement performant est que nous associons systématiquement la parole au geste. En plus des cours, nos volontaires effectuent des visites en mairie, participent à des cérémonies commémoratives ou à des actions de solidarité auprès d'associations – Banque alimentaire, Restos du coeur – de maisons de retraites ou de structures d'accueil de personnes handicapées, etc., toutes activités et toutes choses qui permettent d'imprimer des moments associés aux valeurs républicaines et qui font également voir à nos volontaires qu'ils sont utiles non seulement aux yeux des cadres qui les entourent, mais également aux yeux des citoyens – y compris les plus distingués du fait des responsabilités qu'ils exercent, tels les maires ou les préfets. C'est extrêmement structurant et important pour ces jeunes qui arrivent souvent avec un très fort sentiment d'échec et une très faible estime d'eux-mêmes. Je rappelle que 80 % d'entre eux n'ont pas atteint le niveau 5 qui correspond au CAP ou au BEP. Nous cherchons à les valoriser, et leur montrer qu'ils sont capables de réussir quelque chose à leurs propres yeux, comme aux yeux de personnes importantes, ce qui est primordial et très constructif pour eux.
Toute notre pédagogie vise à les valoriser. Nous leur faisons passer le certificat de formation générale (CFG), équivalent du brevet des collèges, le passeport de compétences informatique européen (PCIE), nous leur faisons préparer le code de la route. Certains centres ont également créé des « diplômes en chocolat » comme je les appelle : il s'agit de diplômes ad hoc qui valident un certain nombre de compétences dans un domaine donné. Tous les vendredis matins et conformément à notre culture d'inspiration militaire qui fait le bonheur de la presse, parfois au détriment de la perception du reste de notre action, au moment de la levée des couleurs, le directeur du centre donne un certain nombre d'informations et valorise tous les volontaires qui ont, au cours de la semaine, accompli quelque chose, passé un diplôme ou obtenu une réponse positive pour une formation ou une entrée dans l'emploi. Ces volontaires sont mis à l'honneur, sont appelés, sortent du rang et sont applaudis par l'ensemble de l'assistance.
Au bout de quelques semaines, un mois, cette vie en collectivité, ce travail sur l'expression et cette valorisation de ce que ces volontaires sont capables d'accomplir ont pour effet de transformer des jeunes nonchalants en des jeunes rassemblés, qui se tiennent droit, qui s'adressent à vous dans un vocabulaire correct en vous regardant dans les yeux.
Quels sont nos résultats ? Sur un flux annuel de 3 500 jeunes, un peu plus de la moitié sortent en emploi ou en formation qualifiante. Cela peut paraître modeste ; en réalité c'est beaucoup compte tenu de leur situation de départ. Les autres sont, pour une bonne partie, réorientés et s'insèrent dans d'autres dispositifs pour continuer sous d'autres formes le travail commencé à l'EPIDE. Pour certains, il est compliqué de rester en internat. Parfois, leurs familles ou des soucis familiaux les éloignent de l'engagement qu'ils ont pris en entrant à l'EPIDE pour construire leur propre avenir. Quelques-uns abandonnent en raison de l'effort que cet engagement représente. En revanche, et c'est un aspect intéressant, il arrive que certains jeunes partis au bout de quelques mois reviennent vers nous, s'étant finalement rendu compte de la chance qui leur était donnée.
Les témoignages spontanés que nous recueillons sont révélateurs. Hier encore, j'interrogeais une jeune fille sur les raisons de son engagement compte tenu des contraintes de la vie en internat. Celle-ci m'a répondu que, à l'EPIDe, on s'occupait d'elle, que des cadres étaient présents pour elle du matin au soir qui l'aidaient et lui permettaient de surmonter les difficultés. Lorsque je lui ai fait remarquer que d'autres structures existaient, à l'image des missions locales ou de Pôle emploi, elle m'a répondu que l'accompagnement n'y était pas aussi développé.
Pour cette jeunesse qui sort démunie du système scolaire, il existe un réel besoin d'accompagnement complet structurant comme celui que propose l'EPIDE. Certes, les 3 500 jeunes pris en charge représentent une part modeste par rapport aux 150 000 qui sortent sans qualification du système scolaire tous les ans. Mais comme l'a souligné le président de la République, il s'agit d'un investissement de la collectivité. Quand bien même on ne peut pas s'adresser à l'ensemble du public qui pourrait en bénéficier, cela reste un élément structurant et important.
Je souhaiterais aborder un dernier sujet. Dans la période actuelle et après les événements de janvier, on s'interroge beaucoup sur les raisons qui peuvent conduire des jeunes à partir faire le djihad en Syrie par exemple. Comme moi, vous avez probablement entendu ces témoignages de familles qui se trouvent dans un désarroi total. Quand on voit les jeunes de l'EPIDE, on mesure les processus qui peuvent les rendre vulnérables à ce type de discours et d'engagement. Nous accueillons des jeunes qui ont à peu près tout raté, dont les parents n'ont jamais pu ou su porter un regard aimant et structurant sur eux, certains sont dans des familles d'accueil ou adoptés. Dans une société où ils ont du mal à trouver leur place dès lors qu'ils n'ont pas d'emploi, pas de diplôme ou qu'ils n'ont pas fait d'études, à partir du moment où on leur explique qu'ils ont une utilité, que leur vie à un sens, qu'on leur construit un univers avec des repères, qu'on leur donne une mission et des responsabilités, qu'on les valorise, même au travers de projets détestables, on comprend comment, du fait leur vulnérabilité, ils peuvent se faire embrigader dans ce type de systèmes, de même qu'ils pourraient l'être dans un système sectaire ou un autre système totalitaire.
L'EPIDE leur permet de comprendre la société dans laquelle ils vivent et d'y trouver leur place, de se structurer, d'être capable de se préparer à un certain nombre d'échéances, de trouver un emploi, de vivre en autonomie, de gérer leur budget, autant de choses qu'ils accomplissent à l'EPIDE. À travers ce parcours, s'il est accompli jusqu'au bout, nous leur donnons des chances de devenir des citoyens parmi d'autres citoyens, qui seront utiles pour eux, pour leur famille et pour la société.
Je souhaiterais moins poser des questions que formuler des observations et témoigner en tant que maire d'une ville qui accueille un centre EPIDE. Nous avons passé, il y a quelque temps, un peu plus d'une demi-journée avec Mme Marianne Dubois pour rencontrer des jeunes d'un centre EPIDE. J'ai été fortement impressionné par l'organisation, le fonctionnement et les « fondamentaux » du centre. À Alençon, de 62 à 65 % des sorties sont dites positives, c'est-à-dire que les jeunes disposent à leur sortie d'un emploi, d'une formation ou d'une orientation. Je considère cela comme remarquable au regard des origines diversifiées et des échecs passés qu'ont connus les volontaires. S'agissant du port de l'uniforme, les jeunes issus de quartiers difficiles nous ont indiqué qu'ils le trouvaient positif car ils étaient ainsi traités à égalité.
Ils disent effectivement : « on est tous pareils ! ».
Je m'interroge sur le fait de savoir s'il n'est pas possible d'aller plus loin. Il avait été prévu initialement 20 000 places en EPIDE ; il y en a aujourd'hui 3 000. Je considère qu'il faut renforcer le dispositif des EPIDE, même si cela demande certes des moyens. L'EPIDE se trouve sous une triple tutelle dont celle du ministère de la Défense, ce qui explique que l'organisation soit inspirée par le monde militaire et que d'anciens militaires y soient employés. Ne serait-il pas mieux que l'EPIDE ne relève que d'un seul ministère de tutelle ? Je suis favorable au renforcement du dispositif des centres EPIDE car ceux-ci permettent aux volontaires de reprendre confiance après une remise à niveau. Il est par ailleurs très intéressant de constater que ces établissements sont strictement laïques et que cela ne pose aucun problème. Il est essentiel à mes yeux de maintenir cet esprit laïque.
Je rejoins totalement les observations de mon collègue Joaquim Pueyo. J'ai personnellement été très émue par la reconnaissance exprimée par ces volontaires, qui sont bien conscients qu'il s'agit là de leur dernière chance et qu'ils ont enfin trouvé une famille. A-t-on identifié des bassins d'emplois ou des régions où il manque un centre de l'EPIDE ? Par ailleurs, des emprises immobilières qui pourraient être affectées à un EPIDE ont-elles également été répertoriées ?
Je vous remercie pour ces remarques positives et j'invite l'ensemble des membres de la commission à venir visiter nos centres. Le président de la République a annoncé lors d'une conférence de presse et confirmé récemment le développement de 300 places complémentaires en EPIDE d'ici l'été. Celles-ci s'inscriraient pour l'essentiel dans les 18 sites existants. 300 places supplémentaires ont en outre également été évoquées, sans que l'on sache à ce stade si on privilégierait l'ouverture de nouveaux centres ou non. À cet égard, il n'existe par exemple aucune offre dans le grand Sud-Ouest. Nous disposons certes d'une emprise à Toulouse mais son aménagement nécessiterait deux ans de travaux. Il serait également possible d'offrir encore des places en Île-de-France, où nous disposons déjà de deux centres. Lyon et Marseille disposent de leur côté de deux gros centres dont les capacités vont être augmentées. Nous n'avons pas encore identifié de locaux utilisables mais je me suis rapprochée du Préfet de la région Île-de-France et bientôt du Préfet de la région Midi-Pyrénées. Pour l'anecdote, nous disposons d'une emprise à Lunel mais il s'agit malheureusement d'un terrain inondable ! L'EPIDE est effectivement sous la triple tutelle des ministères de la Défense, du Travail et de la Ville. C'est le budget de ces deux derniers ministères qui finance l'établissement et financera le développement futur des places EPIDE. Le ministère de la Défense n'a jamais financé le fonctionnement de l'établissement, mais a fourni, à la création, des emprises pour les centres EPIDE et y a orienté d'anciens militaires, qui constituaient initialement la majorité du personnel. Ces derniers ne représentent plus aujourd'hui qu'un tiers des effectifs. On constate en effet une grande mixité des agents, anciens militaires certes, mais aussi professionnels des entreprises et des administrations, enseignants et travailleurs sociaux. Ce sont des équipes extrêmement vivantes, qui peuvent avoir un rapport différent à la discipline par exemple, mais qui permettent des regards croisés sur les volontaires d'où il résulte un accompagnement très riche.
Le caractère laïc de l'EPIDE est effectivement dans nos gènes et je souhaite aller plus loin sur ce sujet. Nous avons fourni un travail important après les récents attentats. La minute de silence a été observée bien sûr. Un texte rappelant les événements et invitant à ne pas assimiler les musulmans aux terroristes a été lu à l'issue de cette minute devant tous les agents et tous les volontaires. Le lundi suivant, un support permettant de retravailler sur ce sujet avec des volontaires a favorisé des échanges constructifs sur ces sujets délicats dans les semaines qui ont suivi. En effet, dès le vendredi suivant les attentats, nous avons reçu des témoignages de certains volontaires qui avaient peur de retourner chez eux et d'être considérés comme des terroristes. Le Centre de Marseille, où les volontaires proviennent en majorité des quartiers Nord, a été directement affecté et j'ai constaté que nos équipes n'étaient pas suffisamment outillées pour animer dans la durée des échanges sur la laïcité, la liberté d'expression, ce qui nécessitera à l'avenir un réel effort de formation. Nous avons, parmi les sujets à traiter dans un collectif, l'organisation de la possibilité pour les volontaires d'observer le Ramadan. La laïcité doit permettre de vivre sa religion sans pour autant l'imposer aux autres.
Il est important de maintenir les caractères actuels de l'EPIDE dont l'organisation est laïque. Nous n'avons d'ailleurs pas parlé de religion lors de notre visite. Les affaires religieuses sont mises de côté et je souligne qu'aucun incident n'a été relevé dans les centres EPIDE à l'occasion de l'observation de la minute de silence. Pour l'EPIDE comme pour nos institutions, la forme joue un rôle déterminant.
Nous avons hier reçu le général Philippe Loiacono, commandant du service militaire adapté (SMA). Ce dernier dispositif ressemble quelque peu aux centres EPIDE, dans la mesure où il traite des mêmes problématiques. Alors qu'il faut être Français pour faire son SMA, acceptez-vous en centres EPIDE des volontaires qui ont un titre de séjour ? Alors que le SMA offre une formation technique, l'absence de cette dernière n'est-elle pas un manque pour les centres EPIDE ? Enfin, le chiffre de 18 centres me semble très faible. Ne pourrait-on pas organiser un système plus souple, en externat et en lien avec les collectivités locales ?
Si vous me le permettez, je vous ferai remarquer que c'est le Parlement qui vote le budget…
Daniel Boisserie. Je pense qu'on peut faire plus pour moins cher.
J'insiste sur le fait qu'il est extrêmement important que l'EPIDE repose sur le système de l'internat. C'est en effet la colonne vertébrale des centres EPIDE, qui permet par exemple d'apprendre à se lever et à observer une bonne hygiène de vie. Renoncer à l'internat serait perdre en efficacité !
Nous avons reçu hier le général commandant le SMA. J'en conclus que le SMA et l'EPIDE ont les mêmes compétences. Les centres EPIDE ont-ils des liens avec l'Éducation nationale et les services sociaux ? Rencontrent-ils des difficultés financières ou en matière d'encadrement ? Quelle est la place des collectivités locales dans le système de l'EPIDE ?
J'ai moi-même porté à bout de bras la création d'un centre de l'EPIDE dans ma circonscription et je dois dire qu'il s'agit là d'un des plus grands sujets de fierté dans ma carrière de parlementaire. Je souhaiterais obtenir plus de précisions sur le dispositif de l'EPIDE. Quel est son coût global ? Quel est le coût individuel par volontaire ? Quels sont les effectifs ? Je pense que la multiplication des centres est une véritable réponse aux problèmes que nous rencontrons aujourd'hui.
Votre exposé, Mme la directrice générale, a confirmé tout le bien que je pensais de l'EPIDE. Force est de constater que « ça marche » et qu'il suffit de quelques semaines pour renverser la tendance. C'est extrêmement rassurant. Le fait que les candidats à l'EPIDE soient tous volontaires est-il important ? Les locaux des centres de l'EPIDE se trouvent-ils en milieu urbain ou sont-ils parfois plus retirés ? Quelles sont les démarches concrètes à accomplir, pour un maire comme je le suis, pour pousser des candidats à s'inscrire dans un EPIDE ? À titre personnel, je serais très fier de disposer d'un centre dans ma circonscription.
La vocation de l'EPIDE consiste à accueillir des jeunes en situation de difficulté, dont on peut dire pour certains qu'ils se sont « cassé la figure », pour leur offrir une deuxième chance : qu'ils sortent de prison ou qu'ils aient un titre de séjour n'est donc pas dirimant.
Vous me demandez pourquoi nous n'avons pas nos propres formations techniques au sein des établissements : je ne saurais le dire. Nous avons quelques plateaux techniques – en matière de cuisine, de soudure, etc. – mais pour des raisons que je n'ai pas encore eu le temps d'élucider, il ne semble pas qu'il s'agisse de l'élément le plus efficient. Pour la formation professionnelle, nous travaillons surtout avec les régions, dont l'offre de formations dans le cadre de leurs plans régionaux de développement des formations (PRDF) est accessible aux volontaires, ainsi que celles financées par avec Pôle emploi. Il n'y aurait pas de valeur ajoutée à ce que nous assurions nous-mêmes des formations techniques – du moins est-ce, à ce stade, mon avis.
Quant à l'idée de développer nos centres sur de nouveaux territoires, tant en zone urbaine qu'en zone rurale, je ne peux qu'y souscrire. Nous avons déjà des centres en zone rurale, mais leur implantation est relativement moins efficiente qu'en zone urbaine. En effet, la principale difficulté que nous rencontrons tient aux transports : les jeunes ne sont pas incités à s'engager dans un établissement situé en zone rurale s'ils n'ont pas les moyens de rentrer chez eux le week-end. De plus, nous avons pour objectif que 50 % des volontaires soient issus de quartiers prioritaires de la politique de la ville, or nous atteignons seulement 37 % aujourd'hui. Nous devons donc faire effort en direction de ces quartiers, qui sont majoritairement situés en zone urbaine.
Encore faut-il aussi que vos établissements soient adossés à un bassin d'activité économique.
C'est en effet très important. Mais il ne faut pas caricaturer : il peut se trouver des débouchés professionnels en milieu rural et nous mettons par ailleurs l'accent sur l'apprentissage de la mobilité, pour tous les volontaires. En effet, tous préparent le code et nous finançons le passage du permis de conduire pour certains d'entre eux – notre budget ne permet pas de le faire pour tous.
Nous n'avons pas de lien direct avec l'Éducation nationale, et c'est d'ailleurs une chose qui m'a étonnée lorsque j'ai pris mes fonctions. Toutefois, si l'on veut prendre l'éducation nationale au sens large, nous travaillons avec les plateformes de suivi et d'appui aux jeunes en situation de décrochage scolaire. Nous l'avons bien montré à M. Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, lors de son déplacement au centre EPIDE de Doullens, le 12 janvier dernier.
Nous avons aussi établi des partenariats avec les centres de formation d'apprentis (CFA) afin de repérer les jeunes en risque de décrochage scolaire : si le jeune est majeur et volontaire, il peut intégrer un centre de l'EPIDE et y redéfinir son projet professionnel, lequel a souvent été défini sans que le jeune y ait été pleinement impliqué – d'où un certain nombre d'échecs. Nous avons ainsi dans nos centres de nombreux élèves titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) formés pour une filière professionnelle qui ne correspond pas à leurs souhaits.
Notre budget s'élève à 78 millions d'euros, et il a connu une nette baisse depuis plusieurs années – tout comme notre plafond d'emplois. Il faut reconnaître que nous avions des marges de progression, et c'est pourquoi nous avons pris notre part à la maîtrise des dépenses publiques. Nous allons encore supprimer dix postes sur les 90 que compte notre siège, ainsi que certains postes de direction dans nos centres au prix d'un effort de concentration et d'adaptation des organisations-type. En revanche, nous avons besoin de renforcer certaines fonctions, comme l'orientation professionnelle – les créations de postes correspondantes seront compensées par des suppressions de postes dans des fonctions support. Mais si nous avons pu supprimer dans le « gras » pour favoriser les éléments plus dynamiques, nous atteignons les limites de cette rationalisation. Notre budget prévisionnel pour 2015 affiche un déficit de 1,5 million d'euros.
Nos ressources principales sont les subventions des ministères de l'Emploi et de la Ville, du FSE. Pour le reste, il s'agit de provenances diverses dont certaines pourraient progresser significativement, comme la taxe d'apprentissage. Il nous est donc particulièrement utile de mobiliser tous les relais possibles afin de sensibiliser les entreprises à notre action. Une contribution de leur part à l'EPIDE est particulièrement légitime pour celles qui emploient des salariés à faible niveau de qualification et qui sont situées dans des bassins d'emploi où nous avons des centres.
Nous bénéficions aussi de certaines subventions d'accompagnement des collectivités territoriales, auxquelles nous louons certains de nos locaux – ce cas restant minoritaire. Ainsi, récemment, le sénateur-président du conseil général de la Haute-Marne, M. Bruno Sido, a mobilisé les acteurs locaux de façon à permettre le maintien de notre centre de Langres, alors visé par un projet de fermeture. Une telle démarche va d'ailleurs dans l'intérêt des conseils généraux : en investissant dans l'insertion professionnelle des jeunes en difficulté pris en charge par l'EPIDE, ils évitent de retrouver ces mêmes jeunes parmi les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), qui est à leur charge. Après les élections départementales, nous irons à nouveau à la rencontre des élus.
Le coût unitaire par volontaire passant dans les centres de l'EPIDE s'établit à 22 000 euros. Notre taux d'encadrement est maintenant inférieur à 40 %, et diminuera encore un peu – mais nous ne pourrons pas aller bien au-delà, car un encadrement complet et pluridisciplinaire est une condition de réussite de nos centres.
Ils reçoivent une allocation de 210 euros par mois, payée sur le budget de l'EPIDE. De surcroît, l'EPIDE capitalise 90 euros par mois pour chaque jeune, la somme totale étant versée au volontaire à l'issue de sa formation et destinée à financer son installation ou à finir de financer son permis de conduire. S'agissant du financement de ce dernier, il faut préciser que les jeunes y investissent 150 euros, l'EPIDE 650, et que certaines préfectures y contribuent également. De telles actions correspondent toutefois aussi aux compétences des départements, qui pourraient utilement y contribuer davantage – non pour alléger les charges de l'EPIDE, mais pour permettre à davantage de jeunes de passer le permis de conduire.
Par ailleurs, l'EPIDE paie deux millions d'euros par an au titre des contributions sociales. Or cette charge paraît d'autant moins légitime que la plupart des jeunes ont déjà des droits sociaux acquis, et que les autres pourraient simplement être affiliés à l'assurance maladie au titre de la couverture maladie universelle (CMU). L'EPIDE pourrait ainsi réaliser des économies.
Notre effectif total s'élève à 926 équivalents temps plein (ETP), et les cibles qui nous sont assignées supposent que nous réduisions nos emplois de 14 ETP par an - la création de 600 places supplémentaires va bien entendu modifier la donne.
On vous entend peu parler des collectivités territoriales, qui ont pourtant développé de nombreux dispositifs d'aide ayant à peu près les mêmes objectifs que ceux que vous poursuivez – je pense notamment à l'appui au financement du permis de conduire.
Je suis tout à fait d'accord. L'EPIDE a commencé à travailler en vase clos, pensant résoudre seul tous les problèmes... Mon prédécesseur a initié un mouvement d'ouverture, mais tous nos personnels d'encadrement ne sont pas encore formés à ce mode de pilotage. Il y a aussi une difficulté tenant à l'image de l'établissement : dans le monde du travail social, la dimension militaire est souvent vue, par préjugé, de façon négative. C'est pourquoi nous menons un important travail de refonte de la communication : sans renier l'inspiration militaire qui a nourri la construction de notre identité, nous choisissons de valoriser la richesse de notre offre de service, sur laquelle repose notre efficacité.
Il faut tout de même souligner que sur un plan plus formel, les centres EPIDE sont bien associés aux collectivités territoriales, notamment au travers des commémorations. Quant aux partenariats plus solides, je ne doute pas qu'ils vont évoluer positivement.
Je tiens également à saluer ce dispositif, qui permet de lutter contre le chômage et de redonner aux jeunes une place dans la société. C'est aussi une école de la deuxième chance et de la citoyenneté.
J'aimerais savoir comment sont formés vos cadres : qui sont-ils ? D'où viennent-ils ?
J'aimerais aussi que vous nous disiez comment ces jeunes sont repérés et orientés vers vos centres – vous avez évoqué les 150 000 « décrocheurs » qui quittent chaque année l'éducation nationale sans diplôme.
Enfin, je voudrais connaître les liens que vous entretenez avec le tissu économique local et le rôle que jouent les parents dans le dispositif.
Plus de deux millions de jeunes français sont aujourd'hui nulle part, ni dans la vie scolaire, ni dans la vie active, et vous en accueillez 3 500 par an : comment faites-vous cette sélection ? Quels sont vos projets de développement ?
Vous avez présenté, madame la directrice générale, la création de l'EPIDE comme une volonté de la ministre de la Défense de l'époque de transposer le SMA en métropole. Les déclarations du président de la République, qui vient d'annoncer la volonté d'augmenter les places offertes par l'EPIDE et d'expérimenter le SMA en métropole ne vont-elles pas conduire à la création d'un doublon ?
Par ailleurs, une mobilité géographique des volontaires plus importante, d'une région à l'autre, pourrait-elle avoir des vertus ?
Pouvez-vous également nous dire les parts respectives des prescripteurs et des volontariats spontanés des jeunes qui entrent dans vos centres ?
Vous avez évoqué des fermetures de centres, à Langres ou Montry : qu'en est-il réellement ?
Enfin, vous avez dit accueillir des jeunes qui sortent de prison : s'agit-il d'une démarche de réinsertion ou plutôt d'une peine alternative à la prison ?
Les premiers prescripteurs sont les volontaires eux-mêmes ! 30 à 40 % d'entre eux viennent dans nos centres parce qu'ils ont été orientés par leurs frères, soeurs, parents ou amis. C'est pour cela que nous souhaitons développer nos activités dans les quartiers que les autres services ne peuvent pas toucher, pour que nos volontaires soient en contact avec les jeunes de ces quartiers. Ils pourront alors leur expliquer ce qu'est l'EPIDE et l'intérêt du dispositif.
Nos autres prescripteurs sont naturellement les missions locales, pour 30 % environ, les centres d'information et de recrutement des forces armées (CIRFA) – témoignage de notre ADN militaire – pour environ 5 %, et les journées défense et citoyenneté, à l'occasion desquelles l'EPIDE est présenté à certains d'entre eux, pour le reste.
Les volontaires effectuent ensuite leurs pré-inscriptions par Internet et viennent chercher leurs dossiers dans les centres.
Je ne dispose malheureusement pas de chiffre national sur l'écart entre le nombre de candidats et le nombre d'admis mais, pour avoir visité la plupart des centres, on peut estimer que sur le total des jeunes qui déposent un dossier, environ la moitié est ensuite intégrée, quelques-uns changeant d'avis ou présentant des problèmes de santé incompatibles avec la vie qu'on leur propose dans les centres.
Nous avons naturellement tissé beaucoup de liens avec les entreprises et nos volontaires y effectuent plusieurs stages au cours de leur parcours. Ils effectuent ainsi un premier stage d'une semaine, pas forcément en lien avec leur projet professionnel, mais indispensable pour acquérir les « savoir-être » utiles dans un collectif de travail. Ils font ensuite des stages d'immersion et de validation de leur projet professionnel, qui leur permettent de vérifier in situ que c'est bien le métier qu'ils ont envie de faire. C'est important avant de s'engager dans un processus de formation de plusieurs mois ou de signer un contrat de travail !
Nous avons également des relations avec les entreprises pour embaucher les volontaires, mais aussi pour leur faire découvrir les métiers : elles viennent dans nos centres présenter les secteurs professionnels, les métiers. Cela permet aux volontaires de se faire des représentations plus concrètes pour construire leurs projets.
Nous n'avons pas de contact systématique avec les parents car ce sont des jeunes majeurs. Parfois ils n'existent plus parce qu'ils sont orphelins ou en rupture avec eux. Dans d'autres cas, ils sont présents et accompagnent le jeune dans sa démarche. Mais il n'y a pas de relation structurée qui corresponde à un processus dans le cursus des jeunes dans nos centres.
Sur l'expérimentation du SMA en métropole, je n'ai pas de commentaire particulier à faire. Considérant le nombre de jeunes concernés, je pense qu'il y a la place pour les deux dispositifs. Je ne vois donc pas d'objection à une nouvelle transposition du SMA en métropole. Nous avons beaucoup à faire pour couvrir les besoins.
Il n'est naturellement plus question de fermetures de centres, à moins d'opérer d'éventuels regroupements de centres ou d'en fermer pour en ouvrir concomitamment dans de nouvelles zones, pour offrir plus de places.
Une plus grande mobilité géographique des volontaires n'est pas forcément souhaitable car si leurs déplacements sont trop longs ou trop coûteux, ils décrochent plus facilement.
Pour ce qui concerne enfin nos encadrants, nous avons un tiers d'anciens militaires, des conseillers en orientation professionnelle, des éducateurs spécialisés, des travailleurs sociaux, des enseignants de l'Éducation nationale, des formateurs…
Je voudrais également témoigner de l'efficacité du dispositif. C'est quelque chose de très important qui rend service à des jeunes qui n'avaient plus aucun espoir.
Je crois qu'il faut faire attention à ne pas avoir de trop gros établissements, au risque d'être moins efficace. On peut également accueillir des jeunes qui sortent de prison mais il s'agit là d'un autre travail. L'EPIDE n'a pas été créé pour cela.
Enfin, le ministère de la Défense, qui est à l'origine du dispositif, ne s'en désintéresse pas mais, compte tenu de tous les efforts qui lui ont été demandés ces dernières années, il est difficile pour lui d'y participer financièrement.
Par ailleurs, même si cela ne traduisait pas forcément votre véritable pensée, vous avez précédemment mis l'adoption sur le même plan que des difficultés sociales. Vous connaissez naturellement la sensibilité du sujet. Ce n'est pas l'adoption qui est un traumatisme, mais bien l'abandon.
Je m'associe, Mme la directrice générale, à ce qui a été exprimé quant à l'utilité de ce dispositif pour les jeunes en manque de repères qui cherchent à se réintégrer dans la société. J'ai, pour ma part, deux questions.
L'intégration est certes d'ordre social et professionnel mais relève également du sentiment d'appartenance à un collectif. Je crois avoir compris que les rapports avec les collectivités territoriales étaient compliqués mais il serait certainement possible, par exemple lors d'épisodes critiques tels qu'enneigement ou inondations, de faire participer ces jeunes à des actions solidaires notamment via le milieu associatif. Un engagement d'utilité publique fait-il partie du cursus de formation ?
Par ailleurs, ce dispositif, qui donne de très bons résultats pour les jeunes de plus de dix-huit ans, pourrait-il selon vous, au sein de l'EPIDe ou dans une structure différente, être reproduit ou adapté pour des jeunes de moins de dix-huit ans, car il est parfois déjà trop tard à cet âge ? Quelle serait la tranche d'âge envisageable ?
Nous avons réalisé, suite aux horribles assassinats de début janvier, qu'aucune alternative à la suspension du service national n'avait été proposée en matière d'acquisition de la citoyenneté et des valeurs républicaines. Nous redécouvrons également les dispositifs de l'EPIDE et du SMA, méconnus du grand public, et nous réfléchissons aujourd'hui à des propositions nouvelles pour l'avenir. Le SMA est un dispositif très intéressant mais, si on le rapporte au volume de population métropolitaine éligible, il concernerait annuellement 100 000 jeunes pour un coût de deux milliards d'euros, ce qui n'est guère envisageable budgétairement. Le président de la République a proposé l'expérimentation métropolitaine du SMA sur trois sites pilotes. Comment s'articuleront les différents dispositifs, complémentaires dans un premier temps mais qui iront peut-être vers une fusion, dans l'optique d'un dispositif plus étendu permettant d'accueillir davantage de jeunes que les 9 200 bénéficiant aujourd'hui du SMA (5 700) et des cursus de l'EPIDE (3 500) ? Il me semble que seul un « tuyau commun » sera en mesure d'apporter une solution aux dizaines de milliers de jeunes qui sortent du système scolaire français sans diplôme et sans formation. Avez-vous, suite aux déclarations du président de la République, déjà commencé à travailler en ce sens et dans quelle direction nous orientons-nous ?
Je souhaite tout d'abord présenter mes excuses si mes propos ont pu laisser entendre que j'assimilais l'adoption à une quelconque difficulté sociale. Ma langue a dû fourcher lorsque je répondais à une question sur le rôle des parents et je devais avoir présente à l'esprit ma récente rencontre avec un jeune orphelin qui présentait sa situation comme une difficulté. Je suis désolée de cette confusion.
Nous ne sommes pas une alternative à la peine ou à l'incarcération. Mais j'ai eu des contacts avec des jeunes, dont certains ont été en prison, qui ont évoqué avoir fait des bêtises. Nous avons également connaissance de ce passé car nous sommes autorisés à demander des extraits de casier judiciaire pour ceux d'entre eux qui souhaitent travailler dans le domaine de la sécurité, afin de vérifier qu'ils en ont bien la capacité. Mais, en ce qui nous concerne, cet élément ne joue ni en leur faveur ni en leur défaveur.
Une expérimentation d'accueil de mineurs s'est déroulée au sein de l'EPIDE en 2011 dans le cadre d'une alternative à la prison pour les 16-18 ans, les volontaires juniors, à la demande du ministère de la Justice. Mais l'expérience a tourné court notamment pour des raisons budgétaires, le ministère de la Justice ayant versé seulement l'année dernière le solde du million d'euros qu'il s'était engagé à verser dès 2011. L'accueil de mineurs impose par ailleurs un encadrement plus nombreux ainsi qu'un dialogue avec les parents. Cet accueil reste donc possible mais nécessiterait les crédits correspondants pour faire évoluer le taux d'encadrement et nous obligerait à travailler différemment en raison de leur manque de maturité, problème que nous rencontrons moins souvent avec un public plus âgé.
Nous travaillons beaucoup avec les associations et les collectivités afin de réaliser des actions citoyennes de protection de l'environnement, de solidarité (banque alimentaire, Restos du coeur, structures médico-sociales pour personnes handicapées…). Nous tenons en effet à ancrer dans les faits le discours que nous tenons sur les valeurs de la République et la solidarité. Nous amenons les jeunes à construire des projets avec des associations extérieures ou des professionnels qui viennent travailler avec eux, nous leur proposons des activités artistiques, créatives, culturelles. Certains de nos centres sont très bien intégrés à la vie culturelle locale, ainsi le centre de Val-de-Reuil dispose d'un atelier de bande dessinée auquel collaborent deux dessinateurs et va participer à un festival local de bande dessinée. L'inscription dans la cité est essentielle et souvent l'engagement associatif est le germe de ce que les jeunes poursuivront dans leur vie future.
Nous travaillons beaucoup sur le sentiment d'appartenance à la collectivité nationale que nous considérons comme primordial, aujourd'hui encore davantage, et notre ADN militaire joue un grand rôle en la matière avec les notions structurantes de fidélité, de service au pays qui impriment fortement la pédagogie de nos établissements.
Je ne peux rien dire d'une hypothétique fusion avec le SMA expérimental et c'est bien volontiers que nous travaillerons ensemble, le cas échéant. Je suis certaine que la Défense tiendra compte de la carte de nos implantations et, dans un souci de complémentarité, n'installera pas de centres immédiatement à proximité des nôtres, ce qui serait dommage sans être grave pour autant.
Nous sommes sous la tutelle du ministère de la Ville, du ministère du Travail et du ministère de la Défense (qui a annoncé sa volonté de sortir de notre gouvernance), qui conduira d'ailleurs les expérimentations SMA en métropole.
D'où l'importance pour nous de mener cette réflexion ici, d'autant que la création de l'EPIDE avait été portée par un précédent ministre de la Défense.
Quelle est selon vous la taille critique à ne pas dépasser pour un centre de l'EPIDE ? Les réflexions actuelles peuvent en effet s'orienter vers un accroissement de la capacité des centres avant de nouvelles créations.
Je ne peux pas faire état d'une expérience directe. En revanche, la Cour des comptes a établi la viabilité économique d'un centre à 120 volontaires, ce qui valide l'augmentation des effectifs des centres qui sont en dessous de ce chiffre. Les directeurs des centres qui comptent de 150 à 180 volontaires ne semblent pas rencontrer de difficultés notables et réalisent des économies d'échelle car, si l'encadrement direct est plus nombreux, certaines fonctions de soutien ne sont pas démultipliées. Toutefois le ministère de la Ville estime qu'il convient, dans la mesure du possible, de ne pas aller au-delà de 180. Nous sommes en mesure d'accueillir une première tranche de 300 personnes supplémentaires en restant à 180 par centre ; en revanche nous ne pourrons aller au-delà sans création d'implantations supplémentaires. Si ce n'est pas le cas, certains de nos centres devront aller jusqu'à 210, voire 240. Nous avons d'ailleurs une courte expérience à 210 et j'ignore si nous en avons une à 240, bien que certaines de nos infrastructures le permettent.
Elle semble en effet cohérente.
La séance est levée à dix heures trente.