La séance est ouverte à onze heures.
Notre mission d'information porte sur trois sujets : le parcours citoyen, les différentes formes de volontariat et la réserve. Les auditions qui ont été effectuées par notre commission, en février et mars derniers, ont permis de dresser un état des lieux des différents dispositifs existants et nous allons nous efforcer de poursuivre notre réflexion pour proposer cet été un plan d'action global, visant à renforcer le sentiment d'appartenance collective et le civisme de notre jeunesse, valoriser les différentes formes de volontariat et renforcer la résilience de notre société par une meilleure diffusion de l'esprit de défense.
Nous vous présentons donc aujourd'hui un état de nos réflexions, sachant que plusieurs déplacements et auditions seront effectués au cours des prochaines semaines.
Après avoir visité l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) d'Alençon en février, nous nous sommes rendus à La Réunion la semaine dernière, où nous avons visité le régiment du service militaire adapté (SMA). Nous y avons été extrêmement bien accueillis et particulièrement séduits par le dispositif.
De quoi s'agit-il ?
Vous le savez le général Loiacano, commandant le SMA, nous l'a présenté ici-même en février dernier : le SEMA propose à des jeunes volontaires, sortis du système scolaire sans qualification, des parcours de formation citoyenne, professionnelle et de remise à niveau scolaire, pendant six à douze mois, sous un statut militaire.
Les stagiaires reçoivent d'abord une formation militaire assez rudimentaire d'un mois qui leur permet de reprendre confiance en eux, d'apprendre la vie en collectivité, de se soumettre à des règles, bref, de disposer de tous les « savoir être » indispensables à la réussite de tout parcours d'insertion.
Ils suivent ensuite une formation professionnelle de cinq à onze mois en fonction de la spécialité choisie au moment de leur engagement. Les spécialités enseignées sont très variées : métiers du bâtiment, menuiserie, conducteurs, agroalimentaire, aide à la personne, restauration, agent de sécurité ou encore animateur de sports ou de loisir…
Pour dispenser ces formations, l'armée recrute des engagés volontaires disposant des qualifications requises, pour des durées assez courtes, trois ou quatre ans. Ces engagés volontaires sont épaulés par des volontaires techniciens, souvent des anciens stagiaires du SMA, qui peuvent à cette occasion bénéficier d'une première expérience professionnelle, d'un à cinq ans. Si tous servent sous statut militaire, les militaires d'active, pour la plupart issus des troupes de marine, sont quant à eux chargés de la vie courante, de la cohésion et de la discipline.
Nous avons pu visiter les installations du régiment du SMA de La Réunion. Il dispose de trois sites et d'installations de grande qualité : ateliers de menuiserie, de mécanique, restaurants écoles, abattoirs, chantiers, etc.
La réussite du dispositif repose sur trois piliers.
Le pilotage par les armées elles-mêmes, tout d'abord. Les armées, nous le savons tous, disposent d'un grand savoir-faire en matière d'apprentissage de la vie en collectivité, de dépassement de soi et de cohésion de groupe. C'est bien cette discipline que les jeunes viennent chercher, les stagiaires que nous avons rencontrés l'ont tous souligné. Le but n'est pas d'en faire des militaires, seule une très faible minorité, 5 à 6 %, s'engageant dans l'armée ensuite, mais ce cadre militaire est très structurant pour eux.
Le dispositif est très souple, ensuite. Les armées recrutent des spécialistes pour dispenser les formations et peuvent donc adapter très facilement leur offre aux évolutions du marché de l'emploi local. En outre, les régiments du SMA sont des régiments « à l'ancienne », c'est-à-dire qu'ils ne sont pas rattachés à une base de défense. Cela permet au commandant d'effectuer les travaux d'infrastructure avec une grande réactivité. Nous avons pu constater la qualité des sites de La Réunion, dont beaucoup de bâtiments sont sortis de terre au cours de ces dernières années.
Enfin, et cela est fondamental, la région et la préfecture jouent un rôle très important dans le bon fonctionnement du dispositif. La coordination avec ces acteurs permet d'ajuster les offres de formation aux besoins du bassin local d'emploi – le SMA fait par exemple monter en puissance ses formations dans les domaines du tourisme et l'aide à la personne – et de prendre en considération les autres dispositifs d'insertion existants : emplois d'avenir, contrats en alternance et contrats aidés, afin qu'ils ne se chevauchent pas.
En définitive, alors qu'il vient de fêter ses cinquante ans le SMA est une réussite. Il bénéficie d'une très bonne image auprès de la population réunionnaise et est reconnu de tous. Les stagiaires peuvent participer, à condition que cela s'insère dans leur parcours de formation, à des travaux d'intérêt général au profit de la collectivité, grâce à un partenariat entre le SMA, la préfecture et les collectivités locales. Grâce à leur formation militaire, ils peuvent également être mobilisés en cas de crise ou catastrophe naturelle – même si, encore une fois, leur formation militaire demeure assez sommaire.
1 000 stagiaires sont accueillis chaque année à La Réunion et leur taux d'insertion était de 73,5 % en 2014 : soit en emploi direct, soit en poursuite de formation, soit en contrat d'alternance.
Nous sommes persuadés que ce modèle peut être transposé avec succès en métropole. Le président Hollande a annoncé, le 5 février dernier, la mise en place d'une expérimentation pour 900 stagiaires, dès l'année prochaine, avant une montée en puissance progressive jusqu'en 2019. Nous pensons qu'un objectif de 20 000 jeunes par an pourrait être un objectif raisonnable pour la métropole, sachant que l'outre-mer accueille 6 000 jeunes par an.
Quelles seront les clés de la réussite de ce dispositif ?
Il faut tout d'abord désigner une tutelle unique. Les armées ne connaissent qu'un principe efficace : un chef, une mission, des moyens. L'EPIDE, malgré une montée en puissance initiale réussie, souffre depuis d'un manque de pilotage, lié à une triple tutelle ministérielle inefficace. Le SMA, en revanche, est placé depuis l'origine sous la seule tutelle du ministère des outre-mer, qui en assure le financement, et est piloté par un commandement unique. Pour le SMA « métropole », que l'on pourrait appeler « service militaire volontaire » ou « service militaire pour l'insertion », la tutelle pourrait être assurée par le ministère du Travail, ou directement par le Premier ministre, dans le cadre de la création d'une instance interministérielle chargé de coordonner l'ensemble des dispositifs citoyens, dont ce service serait l'une des composantes. Dans tous les cas, il faudra un pilote bien identifié au sein du ministère de la Défense, qui pourrait être tout simplement le commandement du SMA, qui dispose déjà du savoir-faire.
Ensuite, il faut donner aux armées les moyens de remplir cette mission. Elles sont prêtes à le faire, et le font déjà avec succès outre-mer depuis cinquante ans. Les militaires que nous avons rencontrés participent avec enthousiasme à cette mission – même si nous avons conscience que la perspective de l'effectuer aux Antilles ou à La Réunion n'est pas étrangère à cet enthousiasme – et la remplissent avec l'engagement et le professionnalisme que nous leur connaissons. Le chef d'état-major des armées s'engage pleinement dans la mise en place prochaine de l'expérimentation, et un officier général, que nous rencontrerons prochainement, doit proposer différentes pistes avant l'été.
Nous devons donc être attentifs à ce que la révision de la loi de programmation militaire (LPM) laisse aux armées les infrastructures et les hommes nécessaires à l'accomplissement de cette mission nouvelle et que leur contrat opérationnel prévoit explicitement cette mission d'insertion de la jeunesse. Par ailleurs, les jeunes, et nos interlocuteurs ont bien insisté sur ce point, doivent être volontaires, et sous statut militaire.
Enfin, nous jugeons fondamental que le futur dispositif soit adossé aux treize régions métropolitaines, afin de pouvoir coordonner les actions de formation et s'appuyer sur des bassins d'emploi et de population vastes. La localisation des futurs centres devra donc être étudiée avec le plus grand soin, ce qui nécessitera certainement d'importants travaux d'infrastructures. La réussite du SMA tient à ce partenariat avec les régions et les collectivités locales.
Je voudrais également insister sur les vertus du dispositif qui dépassent la seule insertion professionnelle des jeunes stagiaires. Le SMA recrute, on l'a dit, des spécialistes et des volontaires techniciens, mais aussi des jeunes en service civique, pour participer à l'encadrement des stagiaires. On retrouve donc une sorte de brassage social, d'acculturation à l'esprit de défense et d'engagement citoyen propres au service national dont nous sommes quelques fois nostalgiques. Transposé à la métropole, le vivier de jeunes volontaires pour l'encadrement pourrait être considérable, en puisant à la fois dans les différents corps de métiers, mais aussi parmi les étudiants de l'université et des grandes écoles, qui trouveraient là l'occasion d'accomplir un semestre externalisé particulièrement enrichissant.
C'est donc une véritable dynamique qu'il faut enclencher, que nous devons, nous parlementaires, accompagner. Il ne s'agit pas de ressusciter un impossible service national obligatoire – nous pensons tous le deux qu'il s'agit d'une utopie – mais de proposer à 20 ou 25 000 jeunes un parcours d'insertion, au bénéfice de la collectivité, qui viendrait compléter l'offre existante – EPIDE, contrats aidés, service civique ou autres formes de volontariat.
Nous nous intéresserons également aux réserves. Les événements de janvier et la nécessité d'assurer la protection du territoire national obligent l'armée de terre à revoir son modèle, le général Bosser nous en parlé le mois dernier, afin d'être capable de tenir cette posture dans la durée.
Le président Hollande et le ministre de la Défense ont signifié leur volonté d'opérer une véritable révolution culturelle de la réserve. Les armées y sont prêtes et nous souhaitons abonder dans ce sens. Nous allons donc réfléchir aux conditions d'emploi de cette réserve, ainsi qu'à ses modes de recrutement et de formation.
La gendarmerie a su adapter son mode de gestion pour disposer d'une réserve réactive, facilement mobilisable, et présente sur l'ensemble du territoire national. Les armées ne disposent malheureusement pas de cette présence continue sur le territoire mais pourraient certainement moderniser leur mode de fonctionnement et mettre en place une gestion plus dynamique des fichiers et des compétences. Ce ne sont en fait pas tant les dispositifs législatifs qui manquent, mais les moyens financiers et la volonté des armées.
Pour favoriser le recrutement et disposer d'un vivier conséquent, nous sommes persuadés qu'il pourrait être possible d'imposer une obligation de servir dans la réserve à certaines catégories : aux lauréats de concours de la fonction publique, aux élèves de l'ENA ou d'autres grandes écoles, par exemple. On peut également s'interroger sur les limites d'âges : pourquoi se limiter aux seuls moins de trente ans, quand on sait que ce sont eux qui connaissant le plus de difficultés d'insertion sur le marché du travail ? Nous rencontrerons les responsables des armées mais aussi les représentants d'entreprises et les associations de réservistes pour approfondir avec eux ces questions. Enfin, s'il n'est pas question d'imposer cet engagement à tous les jeunes Français, il est certainement possible de faire participer un plus grand nombre d'entre eux aux différentes formes d'engagement au service de la collectivité : réserves mais aussi service civique et volontariat dans les armées.
Le volontariat dans les armées devra également être rénové. Chaque année les armées accueillent quelques centaines de jeunes, étudiants pour la plupart, pour des contrats d'un an, ce qui leur offre une année de césure et une première expérience professionnelle particulièrement riches. Le problème est que ce dispositif souffre d'un manque de visibilité, est piloté par chacune des armées et est souvent perçu par elles comme une sorte de pré-recrutement. Nous pensons qu'il pourrait être utilement rénové, en proposant peut-être des périodes plus courtes, compatibles avec la semestrialisation des études supérieures, avec pour objectif de toucher un nombre plus important de jeunes, renvoyés ensuite à la vie civile.
Au total, nous disposons de la plupart des outils nécessaires à la réussite tant de l'insertion des publics les plus fragiles que du renforcement de la cohésion nationale et de la résilience de notre Nation. Il s'agit désormais de les mettre en cohérence, autour d'un chef bien identifié, avec des moyens en conséquence et une volonté sur la durée. Chaque Français doit pouvoir trouver une forme d'engagement qui lui convient : service civique, service militaire adapté, volontariat, réserve…
Tout cela doit s'inscrire dans le parcours de citoyenneté rénové, qui commence dès l'école.
Ce parcours, le directeur du service national nous l'a rappelé ici-même, comprend aujourd'hui un enseignement de défense, en troisième et en première, le recensement en mairie et la journée défense et citoyenneté (JDC).
Nous allons étudier de plus près ces dispositifs, qui souffrent aujourd'hui d'un manque de visibilité. Nous pensons que les rites républicains, tels que l'apprentissage de la Marseillaise, le lever des couleurs ou la participation à des cérémonies publiques doivent occuper une place plus importante dans le temps scolaire.
La réserve citoyenne que vient de créer la ministre de l'Éducation nationale doit être l'occasion pour les militaires d'apporter un plus dans les écoles, de faire découvrir leurs métiers et le sens du service. La défense a déjà noué un grand nombre de partenariats en ce sens et nous rencontrerons prochainement le délégué ministériel à l'égalité des chances, qui a en charge du pilotage de ces dispositifs.
La JDC pourrait peut-être être complétée par une journée du civisme, dans tous les collèges ou lycées, qui serait une étape obligatoire du parcours de citoyenneté, en partenariat avec les élus et institutions locales.
Nous n'avons pas encore d'idée arrêtée sur ces questions mais nous travaillons à proposer un parcours obligatoire et cohérent pour tous les jeunes.
Voilà, chers collègues, l'état de nos réflexions à ce jour et nous serons très intéressés par vos observations et suggestions.
Je remercie les deux rapporteurs de ce point d'étape sur les travaux de leur mission d'information. Avez-vous pu chiffrer le coût que représenterait la transposition du SMA en métropole, qu'il s'agisse des coûts d'infrastructure, d'investissement ou de fonctionnement ?
J'ai été très sensible à l'évocation des rites républicains. Même si je pense, à titre personnel, qu'il existe beaucoup d'autres rites que républicains, je constate que les jeunes ne disposent plus de rites initiatiques, ce qui entraîne chez eux déstructuration, perte de repères et entraînement vers la recherche d'autres excitations et d'aventures que nous connaissons. Vos propositions partent certes d'un bon sentiment mais une volonté politique doit s'affirmer alors que nous sommes face à un budget de la Défense insuffisant, dans un contexte d'influence bruxelloise particulièrement contraignante et néfaste.
Je souligne que nous avons déposé aujourd'hui au président de la République le rapport de la mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine, présidée par le président de notre assemblée, qui propose notamment de modifier le cadre actuel de la JDC sous la forme d'au moins une journée par an pendant trois ans. Je souhaite à cet égard que notre commission adopte vis-à-vis de ce rapport une position unanime et consensuelle.
Le SMA, qui concerne aujourd'hui 6 000 stagiaires, représente un coût annuel d'un peu plus de 200 millions d'euros. On devrait retrouver un coût par jeune comparable en métropole, même si nous ne connaissons pas encore le coût des futures infrastructures.
Nous allons prochainement rencontrer le général Bruno Clément-Bollée, en charge du projet de transposition du SMA en métropole, et celui-ci sera certainement en mesure de nous fournir plus de précisions sur les coûts des futures infrastructures.
S'agissant des rites républicains, je tiens à préciser que ceux-ci sont intégrés de façon quotidienne dans la vie des jeunes que l'on trouve dans les EPIDE ou les régiments de SMA et qu'ils se les approprient facilement. Je rappelle que le taux d'insertion des EPIDE est de 70 à 75 % et qu'on constate un chiffre similaire au SMA de La Réunion, ce qui prouve qu'une prise en charge « cadrée » fonctionne particulièrement bien. Les journées sont très structurées dès quatre heures et demie du matin, ce qui permet à ces jeunes de retrouver des repères. Pour faire part de mon expérience à Alençon, nous associons à chaque cérémonie du 11 novembre ou du 8 mai, par exemple, un collège d'un quartier sensible. De la même façon, il y a toujours un jeune de ces quartiers présents à chaque dépôt de gerbe, ce qui donne tout son sens à nos valeurs républicaines. Je suis convaincu qu'il faut rendre les rites républicains obligatoires car ils rappellent la valeur universelle de la République comme le symbolise si bien notre drapeau tricolore. Je propose donc un parcours civique et citoyen obligatoire pour tous ainsi qu'un service militaire adapté qui pourrait concerner de 15 à 20 000 jeunes après, bien entendu, une évaluation approfondie du coût de cette mesure et une prise en compte des éventuelles aides des Fonds européens.
Je rappelle que dans le rapport remis ce matin au président de la République, nous proposons de faire du 14 juillet un temps fort pour tout le pays de l'engagement citoyen au service de la République.
Un sondage récent démontre effectivement que la date qui marque le plus les Français est le 14 juillet, date de la prise de la Bastille.
Et de la fête de la Fédération ! Je constate que nous n'avons pas reçu de réponse précise des rapporteurs sur l'évaluation du coût des propositions énoncées. Je m'inscris en faux contre les propos de M. Nicolas Dhuicq : il convient en effet d'avoir des mesures budgétairement soutenables. Je veux bien approuver le rapport de la mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine, d'autant plus que j'y retrouve une mesure à laquelle je suis particulièrement attaché, à savoir l'instauration du vote obligatoire, mais je constate que l'intensification de la JDC coûte cher et je ne voudrais pas laisser croire que notre commission défend sur ce sujet une position unanime.
La suppression du service militaire était incontestablement une bonne mesure et il ne convient pas de revenir là-dessus. Nous avons aujourd'hui une politique budgétaire rigoureuse à mener, sans qu'elle nous soit imposée par Bruxelles. Il convient d'opérer des choix au sein du budget de la Défense, sachant que le premier objectif doit rester de faire face à la menace. Comme nous l'a rappelé à l'instant le général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air, les choix à effectuer en matière d'équipement, d'investissement et d'entraînement opérationnel constituent indéniablement une priorité. Je ne suis pas pour ma part pour établir les cours le 14 juillet !
Je tiens à préciser que cette communication ne constitue qu'une étape du travail des rapporteurs. J'ai pensé qu'il y avait une certaine cohérence à présenter cette communication en même temps que la présentation au président de la République du rapport de la mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine. Mais il est évident que le travail de notre mission d'information n'est pas encore terminé. Je suis également d'avis qu'il existe un principe de réalisme qui fait que la première des priorités du budget de nos armées doit être d'assurer les missions régaliennes de défense de la Nation. Je souligne au passage que nous ne serons pas amenés à voter aujourd'hui sur cette communication.
Merci, madame la présidente, d'avoir précisé ce point d'importance. Il ne s'agit ici que d'une présentation d'étape et il est hors de question pour nous de proposer de remettre en place un service militaire obligatoire. À l'attention de M. Fromion, je confirme que le coût global du service militaire adapté en 2014 était de 211 millions d'euros.
Je peux comprendre les observations de M. de Rugy. Néanmoins, ne peut-on pas, de façon pragmatique, tenter de remplacer des EPIDE, qui ne sont pas des établissements militaires mais qui restent inspirés par un état d'esprit militaire, par des structures qui s'inscriraient dans les efforts déjà faits à l'égard des jeunes, qu'il s'agisse de contrats aidés ou de la garantie-jeunes européenne par exemple ? Nous avons tous conscience que ces jeunes doivent être mieux encadrés. Les deux dispositifs des EPIDE et du SMA apportent d'excellents résultats et il convient donc d'examiner de quelle façon augmenter le nombre de jeunes susceptibles d'en bénéficier. Je répète, qu'à mon sens, l'instauration d'un parcours citoyen devrait être obligatoire, le cas échéant en y associant des avantages substantiels. Enfin, je pense que la réserve pourrait être renforcée.
J'ai réellement beaucoup de mal à comprendre votre démarche. En effet, le président de la République a déjà pris des décisions relatives à un service militaire adapté en métropole, en précisant même les trois sites qui seront concernés, et le général Bruno Clément Bollée est déjà chargé de travailler sur ce sujet.
Je rappelle que la création de cette mission d'information a été décidée à la fin de 2014 et que la réflexion s'est effectivement accélérée après les événements dramatiques du mois de janvier 2015. Il existe effectivement un certain chevauchement entre le rapport remis au président de la République et nos réflexions.
En identifiant tôt cette thématique, notre commission ne s'est pas trompée, même si je regrette évidemment que les événements de janvier lui aient donné une acuité particulière. Je ne pense pas néanmoins que le travail de cette mission d'information soit devenu inutile. Il convient en effet de faire évoluer les EPIDE, pour lesquels la question du pilotage n'a jamais semblé être vraiment prioritaire au niveau de l'État. Il nous appartiendra donc de faire évoluer les choses, en lien avec le général Bruno Clément Bollée.
Je pense que nous sommes face à un enjeu de lisibilité et d'efficacité. Les annonces se succèdent : service civique, EPIDE, … Mais je persiste à croire que la segmentation des mesures accroît leur coût budgétaire. Pour moi, l'obligation de vote reste prioritaire dans l'instauration d'un véritable parcours citoyen.
Je pense qu'il faut envisager la création d'un parcours de citoyenneté qui s'adapte véritablement aux besoins de chaque personnalité, sans vision « caporaliste ».
J'ai souhaité rendre compte à la commission du contrôle sur pièces et sur place effectué mercredi 8 avril auprès de l'agence des participations de l'État (APE) et de la direction générale de l'armement (DGA). Il s'agit d'une démarche effectuée en bonne intelligence avec la commission des Finances de notre Assemblée, ainsi qu'avec celle des Affaires étrangères et de la défense du Sénat, présidée par M. Jean-Pierre Raffarin, même si nous n'avons pas mené nos investigations conjointement avec cette dernière. Je me suis rendue auprès des services précités avec Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des Finances, notre collègue François Cornut-Gentille s'étant pour sa part excusé, ainsi qu'avec nos rapporteurs pour avis Christophe Guilloteau et Jean-Jacques Bridey.
Je crois savoir qu'il ne s'était pas excusé, mais qu'il n'avait pas souhaité venir, ce qui n'est pas la même chose.
Nous avions avisé les rapporteurs budgétaires de la commission des Finances, car il s'agissait de poursuivre le travail en commun, souhaité par nos deux commissions. M. Cornut-Gentille ne m'a pas indiqué n'avoir pas désiré venir, et en tout état de cause la commission des Finances était représentée par M. Jean Launay.
M. Cornut-Gentille a précisé aujourd'hui dans un communiqué de presse que toute référence aux pouvoirs définis à l'article 57 de la LOLF en l'absence de son titulaire est de nature à porter atteinte à la légalité du contrôle.
Ainsi que je l'ai indiqué, Jean Launay était présent. Nous pouvons continuer cette polémique stérile, mais je rappelle que nous nous sommes dotés dans la loi de programmation militaire, avec l'accord du ministre de la Défense, de pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place pour nous assurer de sa bonne exécution, ce qui constitue une innovation. Je rends donc compte de l'utilisation de ces pouvoirs à notre commission.
C'est d'ailleurs la seconde fois que nous utilisons ces prérogatives de contrôle de l'exécution de la loi de programmation militaire prévues par son article 7. Le dernier contrôle remonte, je le rappelle, aux 17 juin et 3 juillet 2014 et il avait pour but, déjà, d'y voir clair dans le calendrier d'encaissement des ressources exceptionnelles ainsi que sur les premiers travaux concernant ces mêmes sociétés de projet. Il nous a paru indispensable de renouveler l'exercice s'agissant de ce dernier dossier sensible, évoqué d'ailleurs par le chef d'état-major de l'armée de l'air lors de son audition ce matin même.
À l'APE, nous avons rencontré la directrice générale adjointe et le directeur participations-industries ; à la DGA nous avons pu échanger avec le directeur des plans, des programmes et du budget, ainsi qu'avec ses ingénieurs les plus directement en charge du dossier. Qu'il me soit permis de tous les remercier ici pour leur disponibilité et le caractère direct de nos discussions.
Nous sommes également revenus avec une abondante documentation, puisque nous avions demandé copie de toutes les notes de service, courriers ou échanges de courriels sur le sujet des sociétés de projet. Ces informations sont en cours d'exploitation et nous servirons à n'en pas douter dans le cadre de l'examen du projet d'actualisation de la LPM.
D'ores et déjà, je peux porter à la connaissance de la commission un certain nombre d'éléments factuels.
Des entretiens menés avec l'APE, quels sont les éléments à retenir ?
Rappelons d'abord qu'elle a un rôle fondamental à jouer, puisque c'est elle qui peut, et doit sans doute, apporter le capital initial des sociétés de projet par le biais de cessions de participations financières détenues par l'État. Nous voulions savoir si un tel apport financier était possible, et la réponse est clairement : oui. Au vu du portefeuille détenu, des conditions actuelles des marchés et du « cash » disponible, c'est techniquement parfaitement réalisable. Cependant, il ne faut pas masquer le fait que l'APE accueille plutôt froidement, et le mot n'est pas trop fort, la perspective de devoir céder des actifs qui rapportent à l'État un niveau substantiel de dividendes au profit de sociétés de projet dont le taux de rémunération du capital n'est pas fixé à ce stade et qui ne correspondent pas, au sens de l'APE, à des investissements stratégiques avisés. Aussi laisse-t-elle clairement entendre qu'au vu des conditions actuelles d'emprunt sur les marchés, il serait utile de procéder à un arbitrage politique permettant de recourir pour partie aux cessions d'actifs, pour partie au recours au marché du crédit.
La DGA n'a pas du tout démenti cette information, bien au contraire, puisqu'elle procède actuellement à des démarches avancées de consultations d'établissements de crédit pour déterminer quels sont les perspectives et les avantages d'un tel schéma. Un arbitrage aura donc lieu en fonction de ces différents paramètres, ce que rend possible le modèle retenu, qui présente finalement l'avantage d'une grande souplesse.
En effet, ce contrôle nous a permis de constater que les travaux s'étaient accélérés ces dernières semaines et avaient ainsi permis de converger vers des solutions pratiques. L'idée générale qui préside à ces réflexions est de rechercher la plus grande simplicité afin de pouvoir respecter l'impératif de mise en place des sociétés de projet dans des délais compatibles avec l'utilisation des fonds au cours de l'exercice 2015.
Il a ainsi été décidé de créer une société par type de matériel, mais gérant chacune un seul contrat pour l'ensemble de ses matériels. L'une des sociétés portera sur des FREMM, l'autre sur des A400M ; elles seront détenues à 100 % par l'État. Le volume des investissements concernés en 2015 serait de l'ordre d'environ 600 millions d'euros au titre de quatre A400M et de 1,65 milliard d'euros au titre de trois FREMM.
Les projets de contrats-types ont été finalisés le 7 avril. Les projets de statuts sont encore en cours de rédaction, mais ils sont suffisamment avancés au regard du calendrier de mise en place. S'agissant de la gouvernance de ces sociétés, il a été décidé de recourir au statut de société par action simplifiée, mais tout n'a pas encore été défini car il ne s'agissait pas de la question prioritaire. Leur coût de fonctionnement devrait être marginal.
L'architecture du projet est désormais figée, et il se traduit par une pure opération financière finalement peu sophistiquée, sans aucune prise en compte de prestations annexes, le maintien en condition opérationnelle restant entièrement assuré comme actuellement, et parfaitement transparente pour les utilisateurs opérationnels.
Dans tous les cas, des options d'achat par l'État permettent de « déboucler » les opérations à tout moment. En outre, le cas échéant, l'État actionnaire à 100 % pourrait dissoudre les sociétés et récupérer leurs actifs. Un tel débouclage sera naturellement conditionné par l'encaissement des recettes exceptionnelles.
En fonction du rythme d'encaissement de ces dernières, le modèle des sociétés de projet pourra donc également être utilisé en 2016 et au-delà. Il serait pour cela possible d'y ajouter de nouveaux exemplaires d'A400M ou de FREMM, si cela s'avérait nécessaire et au fur et à mesure du déroulement de ces programmes. Par ailleurs, en respectant les deux critères que sont, d'une part, le choix de matériels ne présentant pas de risques de destruction ou de dommages élevés et, d'autre part, une valeur unitaire suffisante, il est possible d'envisager d'y recourir pour d'autres matériels, comme les ravitailleurs MRTT par exemple.
Pour conclure, je peux dire que nous sommes revenus rassurés car les jalons techniques nécessaires pour tenir le calendrier sont respectés.
Nous aurons naturellement l'occasion de revenir sur ce sujet le mois prochain, le ministre devant être auditionné sur le projet d'actualisation de la LPM.
Merci, Mme la présidente, de ce compte rendu qui permet de rassurer les membres de la commission de la Défense quant aux dispositions prises pour assurer à nos armées les équipements dont elles ont besoin.
Je peux comprendre l'intervention de M. Philippe Meunier : elle traduit les préoccupations politiciennes dont son groupe politique est animé sur ce sujet. Pour ma part, je ne vais pas regretter « que les trains arrivent à l'heure » : que ce soit sur le plan administratif ou sur celui du montage financier, je constate que les choses avancent, comme le ministre de la Défense s'y était d'ailleurs engagé. C'est une bonne nouvelle.
François de Rugy. J'observe que nos collègues de l'UMP sont en train de quitter la salle. Je le regrette. Notre commission, plus souvent que d'autres, est un lieu de consensus. Mais elle doit aussi être un lieu de débats.
Votre compte rendu, Mme la présidente, était l'occasion d'approfondir ce sujet délicat du recours à des sociétés de projet, qui ont suscité de l'intérêt, mais aussi des doutes. Je ne comprends donc pas qu'il puisse y avoir matière à polémique. Les prérogatives de contrôle sur pièce et sur place dont nous disposons en tant que parlementaires sont, au contraire, l'occasion d'obtenir des réponses pour lever ces doutes. Jusqu'ici, elles étaient surtout mises en oeuvre par la commission des Finance, mais il est très bien que la commission de la Défense les exerce aussi s'agissant des lois de programmation militaires. C'est un travail qu'il conviendra de poursuivre et d'inscrire dans la durée. Le fait que ce soit l'oeuvre de deux commissions associant l'ensemble de la représentation nationale conforte la légitimité du Parlement à contrôler l'action du Gouvernement.
Je ne comprends pas non plus les raisons de cette polémique. M. Christophe Guilloteau était présent lors de notre visite à la direction générale de l'armement et à l'agence des participations de l'État. Il n'assiste pas aujourd'hui à notre commission car il est en déplacement pour le compte de celle-ci. Mais chacun a pu poser toutes les questions qu'il souhaitait. J'ajoute d'ailleurs que tout parlementaire de la commission peut me faire des propositions de contrôle sur pièces et sur place.
Je tiens tout d'abord, Mme la Présidente, à vous féliciter de votre initiative destinée à mieux comprendre les enjeux d'un recours au mécanisme des sociétés de projet pour assurer les besoins en équipement de nos armées. Je pense que le Parlement est pleinement dans son rôle lorsqu'il accomplit ce type de missions. Je regrette dès lors le comportement que certains de nos collègues de l'UMP ont eu aujourd'hui.
Sur le fond du sujet, je rappelle que depuis plusieurs années, dans le cadre de l'élaboration des lois de finances et des lois de programmations, nous nous attachons à faire en sorte que les orientations arrêtées en matière d'équipement des armées soient respectées. Je comprends que la proposition de recourir à des sociétés de projet soulève des interrogations, mais j'attends toujours qu'on me propose d'autres solutions. Cela plaide justement pour que ce sujet soit étudié le plus sérieusement possible, par l'ensemble des membres de la commission.
Je vois bien, enfin, la tentation qu'a l'UMP de faire des questions de défense nationale des enjeux de débats politiciens. Au regard de la gravité des situations que notre pays doit affronter, et j'étais il y a quelques jours encore au Mali, je plaide plus que jamais pour que la défense demeure un sujet républicain et ne devienne pas un sujet politicien. La défense vaut un traitement digne de la République et de la France que nous aimons tant. Bravo Mme la présidente.
Merci pour ces propos.
Je souhaite également remercier les personnels de la direction générale de l'armement de l'accueil qu'ils nous ont réservé. Ce qui ressort de notre visite, c'est que le ministère de la Défense a pris toutes les dispositions nécessaires, aux plans technique et financier, pour que des sociétés de projet soient rapidement constituées s'il y avait un accord en ce sens : le dossier est prêt.
Les investissements dont nos forces armées ont besoin pourraient donc intervenir dès 2015, quelle que soit l'issue des discussions avec l'Agence des participations de l'État sur le sujet du financement. La commission de la Défense s'attachera, évidemment, avec la commission des finances, à contrôler l'application de ce dispositif, selon des modalités qui restent à déterminer.
Je conclurais cette séance de travail en m'excusant, publiquement, auprès de M. François Cornut-Gentille. Le communiqué de presse relatif à notre visite à la direction générale de l'armement et à l'agence des participations de l'État était en effet erroné.
La séance est levée à douze heures.