La séance est ouverte à dix heures cinq.
Présidence de M. Jean-Claude Fruteau, Président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu répondre à notre invitation. Comme vous le savez, à l'issue de l'examen du projet de loi sur la régulation économique outre-mer, le bureau de la Délégation s'est réuni, après avoir recueilli l'avis de l'ensemble des membres de la Délégation, et a arrêté, pour la fin de l'année 2012 et le début de l'année 2013, un programme de travail portant sur cinq thèmes : l'octroi de mer ; l'agriculture outre-mer, avec un chapitre sur la filière « canne, sucre, rhum et bagasse » – ce sujet pouvant devenir d'actualité avec le possible dépôt d'un texte par le Gouvernement sur l'agriculture et pouvant comporter un volet spécifique à l'outre-mer ; une meilleure adaptation du code de la fonction publique pour les problèmes spécifiques des fonctionnaires issus de l'outre-mer ; la justice et les prisons outre-mer ; et, enfin, les enjeux de la jeunesse outre-mer.
Pour chaque sujet, deux rapporteurs seront désignés : un député élu d'outre-mer et un député élu de l'Hexagone – sauf peut-être pour l'agriculture où nous constituerons un groupe de travail ; la Délégation, dans ses séances plénières, procédera à des auditions, tous les quinze jours, en liaison avec le thème programmé, ce qui n'empêchera pas les rapporteurs de poursuivre, de leur côté, leur mission propre, afin d'aboutir à l'élaboration d'un rapport qui appellera l'attention de l'Assemblée sur un certain nombre de problématiques particulières à l'outre-mer.
C'est avec grand intérêt que nous allons recueillir votre sentiment sur les questions qui nous occupent ce matin.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi quelques mots que je souhaite très brefs afin de ne pas empiéter sur le temps disponible pour nos échanges.
Vous le savez, j'ai pris l'engagement de me présenter devant vous aussi souvent que nécessaire. Il ne s'agit pas pour moi d'un exercice théorique, mais bien d'un moment d'échange constructif. La concertation n'est pas un prétexte pour différer la décision comme d'aucuns se plaisent à le croire : c'est une étape nécessaire pour la construire, en s'appuyant sur l'expérience et la connaissance de chacun. Les points que vous avez inscrits à l'ordre du jour constituent tous des priorités de l'action de mon ministère. Ils figurent d'ailleurs, pour la plupart, dans les trente engagements du Président de la République pour les outre-mer et contribuent à l'objectif général de redressement des outre-mer et de rétablissement de la justice.
Il en est ainsi de l'agriculture, levier important de développement de nos territoires. Contrairement à ce que l'on entend dire, ici ou là, cette activité est en outre performante – j'ai pu encore le constater le week-end dernier, à la Réunion. Avec M. Stéphane Le Foll, nous allons donc nous atteler à la préparation du projet de loi d'avenir pour l'agriculture des territoires. Je le sais, le titre « Outre-mer » est très attendu. Nous devons faire de nos agricultures des secteurs d'avenir. L'agriculture et les productions locales doivent, de plus, s'articuler avec la loi de lutte contre la vie chère, et constituer une part de la réflexion que M. Serge Letchimy conduira dans la mission qui lui est confiée par le Premier ministre pour améliorer l'insertion des régions ultra-périphériques (RUP) dans leur environnement régional.
L'octroi de mer est également un sujet majeur, puisqu'il nous revient de négocier la reconduction de ce régime indispensable pour la protection de nos productions locales, fragilisées par des handicaps que nous connaissons trop bien – l'éloignement, le coût des intrants, l'étroitesse des marchés....–, tout comme pour la sécurisation des recettes des collectivités territoriales – nous parlons en moyenne d'1 milliard d'euros par an. Je souhaite faire également de l'octroi de mer un instrument de lutte contre la vie chère en facilitant la modulation des taux, notamment sur les produits de grande consommation qui seront intégrés dans le bouclier qualitéprix. La reconduction de ce dispositif est donc pour nous impérative.
Sur la fonction publique, des inquiétudes s'expriment ; je les entends, s'agissant des mutations par exemple ou de la persistance de spécificités locales du droit de la fonction publique. Le sujet est ouvert et je sais que vous avez des propositions à faire. Certes, il ne figure pas formellement parmi les trente engagements. Mais le Président de la République, M. François Hollande, dans deux conférences organisées à la Réunion, avait décidé, tout en respectant le droit commun et l'égalité entre tous les Français, de mieux domicilier l'emploi dans les outre-mer. Comment organiser les concours à cet effet ? Comment donner une sorte de « priorisation » à l'emploi local sans tomber dans la « réunionisation », la « martinicanisation », la « guadeloupéanisation » ou la « guyanisation » de l'emploi ? Il faut trouver les voies et les moyens pour améliorer le système. Des revendications montent d'ailleurs ici ou là. En Nouvelle-Calédonie, par exemple, des demandes ont été faites pour que le personnel pénitentiaire corresponde davantage à l'origine des détenus. Ce point est délicat mais il en va de la cohésion de nos territoires.
Sur la justice et l'état des prisons : comment ne pas mettre ce sujet au coeur de nos préoccupations lorsque l'on connaît la situation indigne de certains établissements pénitentiaires ? On ne peut traiter ce dossier du simple point de vue budgétaire, il en va de la dignité des personnes. Je sais que la Chancellerie s'efforce d'agir en ce sens.
La jeunesse enfin, tellement prometteuse et parfois aussi tellement démunie : c'est un engagement essentiel du chef de l'État. Si nous ne réussissions pas à redonner espoir à notre jeunesse, c'est tout l'avenir de nos territoires qui serait compromis. L'avenir de notre jeunesse est notre capital commun. Éducation, formation, insertion, valorisation des talents, toutes les politiques publiques doivent être mobilisées afin de proposer des solutions à une jeunesse qui, livrée à elle-même, peut, si l'on n'y prend garde, devenir une bombe à retardement.
Je vais arrêter là ce propos liminaire car je sais que de nos échanges naîtront des propositions, des voies que nous n'avons pas encore explorées. Je l'ai déjà fait savoir à plusieurs reprises : ce ministère est le vôtre et j'entends que les politiques que nous menons soient partagées le plus en amont avec vous. Nous abordons avec un esprit d'ouverture le processus de réflexion, d'études et de traduction en actes législatifs, notamment pour l'agriculture, qui s'engage. Je l'ai dit aux organisations professionnelles que j'ai rencontrées hier à la Réunion et aux élus.
Un travail de codification, à législation constante, est d'ores et déjà en cours avec le Conseil d'État. Les textes régissant l'agriculture de l'outre-mer sont en effet dispersés dans plusieurs codes – rural, civil, de l'environnement. Il faut tenter d'y mettre bon ordre : la tâche est considérable.
Il faut également mener un travail de réflexion, adossé aux réalités, avec un objectif de modernisation et de développement pour concevoir l'avenir de ce secteur important. Quelle sera la place des produits locaux dans la politique engagée pour lutter contre le niveau trop élevé des prix ? Comment lutter contre une inflation encore trop importante ? Cela nous renvoie au bouclier qualitéprix. Comment pourrait-on faire l'économie de ces produits dans le chariot-type ? En tout cas, chaque fois qu'on demande aux distributeurs de baisser les prix, une pression est exercée sur les producteurs locaux, sans pour autant, d'ailleurs, qu'on diminue la part des produits importés. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre. Ce dernier implique de peser sur tous les maillons de la chaîne afin que l'effort ne porte pas seulement sur les producteurs qui, souvent, commercialisent en circuit court. Les préfets seront en première ligne en la matière.
Je peux vous annoncer à cet égard, et même si la mesure n'est pas tout à fait arrêtée, que les préfets seront très directement impliqués. Le régime indemnitaire de ces derniers est calé, en effet, sur leur ardeur à lutter contre l'insécurité routière, les violences : je souhaite y ajouter la lutte contre la vie chère. Peut-être obtiendrons-nous de meilleurs résultats si le combat est engagé avec intensité… Une incitation, dans ce registre, peut être utile. Cette disposition, dont je vous fais part en avant-première, semble plutôt bien accueillie par les intéressés. Les discussions, qui vont s'engager très prochainement, devraient aboutir dès le mois de janvier. Il est évident que, dans un premier temps, nous allons essuyer les plâtres. Mais nous améliorerons progressivement les procédures et les méthodes.
Ma première question concerne le CRSD, le contrat de redynamisation des sites de la défense en Polynésie. Nous nous félicitons qu'un amendement ait permis d'étendre aux communes de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées. Mais, si le dossier relatif au CRSD n'est pas débloqué, les collectivités ne pourront rien entreprendre. Je le rappelle, une étude menée par le cabinet SOFRED vise à mettre en place un schéma directeur de développement de projets mixtes pour favoriser la relance de l'activité économique en Polynésie.
Deuxièmement, vous avez fait savoir la semaine dernière que vous souhaitiez vous rendre en Polynésie. Certes, l'initiative est bonne. Mais la campagne relative aux élections du mois d'avril prochain a déjà commencé. Votre venue, en cette période, ne serait-elle pas, dés lors, interprétée comme un soutien à vos alliés polynésiens ? Je n'ose imaginer que le président Temaru puisse en tirer parti.
Ma dernière question concernera Air France. Les organisations syndicales nous interpellent : un plan social serait, semble-t-il, à l'étude, un retrait de Polynésie serait même envisagé. Cela serait lourd de conséquences, d'autant que le tourisme est la première ressource de notre territoire.
Monsieur le ministre, les priorités que vous avez évoquées sont aussi les nôtres, et figuraient d'ailleurs dans les trente engagements du Président de la République pour les outre-mer français. Pourrez-vous également nous dire un mot de la santé et de la sécurité civile ? Je pense plus particulièrement aux difficultés d'accès aux structures d'accueil des personnes âgées et handicapées, singulièrement en Guadeloupe, et à la prolifération inquiétante des armes à feu.
Sur la jeunesse, quelle est votre stratégie en matière d'accompagnement à l'emploi. On pourrait presque parler de sauvetage tant le taux de chômage est élevé – il est autrement supérieur à celui qui, dans certaines banlieues, défraie la chronique dans l'Hexagone.
Monsieur le ministre, je suis en phase avec les priorités que vous avez évoquées. Notre réunion coïncide avec la visite, à Paris, d'une délégation de la communauté des communes de l'Est guyanais qui nous a fait part, en outre, de préoccupations liées à la préservation des ressources faunistiques, aux méfaits de l'orpaillage clandestin, à l'adaptabilité des lois relatives à la gestion des déchets – elle demande même un moratoire sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), injuste à ses yeux.
Par ailleurs, tout le monde s'interroge, en Guyane, sur le montant de la recette qui proviendra de l'or rapatrié récemment. L'ancien Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, avait dit que cette somme pourrait servir à venir en aide aux communes enclavées et sinistrées de Guyane. Je note, à cet égard, qu'on est passé de 200 à 160 kilogrammes. Vous m'avez même dit, monsieur le ministre, qu'il ne s'agirait que de 107 kilos d'or. Cette déflation inquiète – que ce soit la population ou les élus. N'y voyez aucun harcèlement mais je souhaiterais vraiment savoir comment va être ventilée cette recette. La Guyane peut-elle espérer que 50 %, au moins de l'or récupéré seront dédiés à la lutte contre l'orpaillage clandestin et à la sécurisation des finances de nos collectivités, notamment les plus faibles ?
Je rappelle que nous travaillons en concertation avec la Délégation aux outre-mer du Sénat et que nous avons répartis les thèmes de réflexion dans un souci de complémentarité.
Sur la justice, je répéterai une fois encore que Saint-Pierre-et-Miquelon dépend du tribunal administratif de la Martinique, qui vient tous les deux ans. Je vous laisse imaginer les délais que cela signifie. Je considère qu'il y a là une inégalité de traitement des citoyens.
Sur la fonction publique et s'agissant notamment du retour au pays des jeunes qui, après différentes expériences en métropole, souhaitent rentrer chez eux, nous avons un vrai travail à faire. Il faudra néanmoins être prudents car la démarche devra être interprétée, non pas comme une priorité donnée aux natifs des territoires, mais comme la prise en compte de la volonté de prendre sa part au développement dudit territoire.
Il faudra également s'intéresser aux avis que donne le ministère des Outre-mer sur les nominations de fonctionnaires outre-mer effectuées par les administrations centrales. J'ai le sentiment qu'ils sont systématiquement positifs. Pourquoi ne pas prendre davantage en compte le profil du fonctionnaire concerné ou les missions qu'il aura à remplir ? Compte tenu des faibles moyens en fonctionnaires locaux dont nous disposons dans nos territoires, le chef de service envoyé depuis Paris joue en effet un rôle très important. Peut-être devrions-nous nous inspirer des procédures de sélection en vigueur au ministère des Affaires étrangères. Certes, l'outre-mer n'est pas l'étranger. Il reste que les candidats à un poste dans une ambassade ou un consulat doivent passer un entretien et envoyer une lettre de motivation. Cela me semble intéressant alors que l'on constate que les chefs de service envoyés outre-mer n'ont pas toujours le profil requis pour répondre à nos besoins. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Je terminerai par une question sur les régimes sociaux spéciaux, ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie. Certes, nous avons travaillé à une harmonisation avec le régime métropolitain. Mais il faut penser à harmoniser les différents régimes des outre-mer. Je pourrais citer l'exemple d'un habitant de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a travaillé au Vanuatu – alors Nouvelles-Hébrides – puis en Nouvelle-Calédonie et qui a bien du mal à reconstituer ses droits à la retraite.
Monsieur le président, je me réjouis de la création de cette Délégation, de la tâche que nous allons accomplir, tous ensemble, sur des sujets qui, le plus souvent, nous unissent. Nous pourrons ainsi avancer et nous faire entendre davantage.
C'est le représentant des Français de l'étranger, qui compte entre autres dans sa circonscription la totalité du Pacifique, qui vous interroge, monsieur le ministre. Quelle sera votre politique en matière de coopération avec les différents États dans cette zone ? Comment entendez-vous assurer la présence française dans les différents organismes internationaux qui rassemblent ces États ? Même si cette question concerne peut-être davantage le ministère des affaires étrangères, vous aurez forcément votre mot à dire.
Lorsque se pose la question de déterminer la cohérence de la politique publique dans les outre-mer, qui présentent des particularismes locaux, je réponds que celle-ci est incluse dans les valeurs de la République : l'égalité de tous devant la loi, le soutien de l'État français à ses ressortissants, l'égal accès aux services publics. Pour ce qui est des politiques d'intégration des outre-mer au sein de leur zone géographique – Caraïbes, Pacifique, Amérique du Sud –, on peut les voir comme un levier de développement important, notamment pour la jeunesse tant au niveau de l'éducation que de l'histoire. Qu'en pensez-vous sachant que des échanges économiques, sociaux et culturels, pour enrichissants qu'ils soient, pourraient aussi contribuer à éloigner les territoires de la métropole ? Par ailleurs, quel est votre sentiment sur l'espace Schengen et sur son éventuel élargissement ?
Je me réjouis du travail qui sera fait par la Délégation. Les thématiques dégagées seront essentielles pour nos territoires.
Monsieur le ministre, ma première question concerne l'agriculture. Ce matin, j'ai entendu sur France Ô qu'une convention avait été signée entre le CIRAD et le Brésil à propos de l'utilisation d'un nouveau fongicide pour le traitement de la cercosporiose de la banane. Or, il semblerait que ce produit soit interdit en France. Certes, les études d'impact sont longues. Mais peut-être pourrait-on demander à l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) d'accélérer les choses. Je sais que vous recherchez une alternative à l'épandage aérien : ce nouveau produit pourrait être la solution. Je rappelle que l'économie de la Guadeloupe repose en grande partie sur la culture de la banane.
Sur les prisons, celle de Basse-Terre était une priorité il y a dix ans. Or, j'ai constaté, dans le projet de loi de finances initiale pour 2013, que tel ne serait pas le cas dans les trois prochaines années. Les conditions d'incarcération sont pourtant indignes et contraires aux directives européennes. Comment parler de réinsertion aux jeunes si nous ne leur donnons pas les moyens de se réinsérer ? Avez-vous envisagé avec la ministre de la justice de procéder à la reconstruction de cette prison avant trois ans ? Notre jeunesse ne peut pas attendre.
S'agissant de la collectivité unique de Martinique ou de Guyane, il importe de clarifier les choses : contrairement à ce que certains veulent laisser croire, il n'a jamais été dit en 2010 que celle-ci devait être mise en place en 2012 ou en 2014. La loi du 27 juillet 2011 mettant en place la collectivité unique a simplement inscrit une date qui correspond au report global des élections en France et en outre-mer. La réforme territoriale présentée par la nouvelle majorité prévoit de reporter l'ensemble des élections en 2015, y compris en outre-mer, pour les collectivités régionales. Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, que tel est bien le processus ?
Par ailleurs, la situation est effectivement explosive dans les prisons. Celle de Martinique compte ainsi 900 détenus pour 400 places.
Sur la jeunesse, enfin, il est effectivement possible de répéter à l'envi que les jeunes sont à 64 % au chômage. Mais peut-être faudrait-il prévoir un plan spécifique à l'outre-mer pour lutter contre ce fléau. Je n'ignore pas que les emplois d'avenir ou les contrats de génération seront adaptés à l'outre-mer. Il faut cependant aller plus loin tant la situation est explosive. Il importe de trouver des solutions spécifiques sur une durée précise. La Délégation pourrait faire des suggestions. Nous ne tiendrons pas longtemps avec un tel taux de chômage – je rappelle qu'il est de 22 % en France. Nous allons vers une déperdition démographique, une déliquescence morale, une fuite des cerveaux : tout est combiné pour que la Martinique et la Guadeloupe deviennent les départements les plus vieux de France. Le plus grave est bien la perte des énergies qui devraient permettre de favoriser le développement local. C'est un défi qu'il nous faut relever.
Ma question portera également sur la jeunesse. Représentant l'Assemblée nationale au comité stratégique du service civique qui s'est réuni hier, je souhaite vous faire part des préoccupations des membres de cette instance. Ils craignent que l'ensemble des mesures s'adressant à la jeunesse outre-mer soient mal présentées et, ce faisant, créent des concurrences entre des dispositifs qui n'ont pourtant pas la même vocation. Cela concerne notamment le service civique outre-mer et les emplois d'avenir. Il importe donc d'insister sur les explications qui sont absolument nécessaires. J'ai pris la mesure du problème lors d'une visite à Pôle emploi en Guyane.
Avec la ministre chargée de la jeunesse, nous avons fixé hier les axes stratégiques du service civique. Je les porte à votre connaissance : qualité des missions, mixité, gouvernance locale. Je vous encourage donc à donner des instructions aux services déconcentrés de l'État afin que soit mis en place des dispositifs de gouvernance partenariale, et de proximité, et définie une argumentation présentant les différentes formules, emploi d'avenir, contrat de génération ou service militaire adapté (SMA). Il s'agit de permettre à chaque jeune de trouver une réponse à ses besoins.
Monsieur le ministre, quelle est votre appréciation sur les conflits sociaux qui reprennent à Mayotte et qui relayent les questions relatives à l'égalité de traitement des fonctions publiques, à la vie chère, au développement local et aux problèmes de la jeunesse ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler le calendrier pour la modification de l'octroi de mer ? Cette imposition est en effet très importante pour les ressources des collectivités locales mais également pour nos petites productions locales.
La Délégation a en outre reçu de nombreux courriers émanant d'acteurs socioprofessionnels des cinq régions ultra-périphériques qui s'alarment de la diminution drastique pour la période 2014-2020 de l'allocation spécifique du FEDER. Quelles précisions pouvez-vous nous apporter en la matière ?
Sur le CRSD, monsieur Tuaiva, le dossier, qui a été engagé en 2011 et pour lequel un accompagnement financier avait été fixé à hauteur de 6 millions d'euros, n'a pas abouti. Le problème venait d'une clause prévoyant la cession à l'euro symbolique de terrains, notamment dans la commune d'Arue pour 2,8 hectares. Après plusieurs réunions interministérielles, France Domaine a donné un avis technique favorable. Le Gouvernement s'étant prononcé pour cette cession, il n'y a plus de contestation et le dossier devrait à présent rapidement aboutir.
S'agissant de ma possible venue en Polynésie française, vous avez émis un soupçon sur mes intentions : je viendrais pour aider mes amis politiques, avez-vous dit. Je m'étonne d'un tel propos. En effet, les élections en Polynésie ayant lieu les 21 avril et 5 mai prochains, si je dois attendre l'issue du scrutin, cela signifiera qu'en un an, puisque j'ai été nommé le 16 mai 2012, je ne me serai jamais rendu sur ce territoire. Or cela me semblerait très discourtois à l'égard des Polynésiens. Je ferai en sorte de venir bien avant le premier tour. Je ne procéderai pas comme d'autres qui, en pleine campagne électorale et sous couvert de réunions officielles, tenaient en fait des meetings privés sur fonds publics – j'ai personnellement eu à subir de telles pratiques. Telle n'est pas ma philosophie. La situation financière, budgétaire et sociale est déjà suffisamment difficile en Polynésie. Et c'est en partie le résultat d'actes politiciens.
Peut-être. Mais c'était sous un gouvernement qui contestait la légitimité d'élus, quelles que soient leurs opinions politiques. Je le répète ici, le ministère des outre-mer reste le ministère des élus, ouvert à tous. Nous avons tous eu à souffrir de manque, voire d'absence de considération. Ainsi l'entretien que j'avais demandé à l'un de mes prédécesseurs n'avait-il duré que douze minutes ! Je n'agirai pas de la sorte : je reçois tous les élus même si cela bouleverse mon agenda. Ayant été de ceux-là, vous avez pu apprécier ce changement d'attitude, monsieur le député. Ne soupçonnez pas le Gouvernement de vouloir se lancer dans la campagne et soutenir tel ou tel candidat. Cela étant, nous avons des amis et des alliés et cela n'a rien d'infamant.
J'irai en Nouvelle-Calédonie, fin novembre. Je souhaiterais aller également à Wallis-et-Futuna et en Polynésie. J'estime que, jusqu'au mois de janvier ou février, je peux me rendre en Polynésie sans être soupçonné de venir faire campagne.
Certes. Mais je sais que, par ailleurs, vous menacez d'orienter votre vote dans tel ou tel sens si je devais me rendre en Polynésie. Ce n'est pas acceptable. Je tente de faire mon travail du mieux possible, avec le plus d'objectivité possible, même si, c'est évident, j'ai une idéologie et une philosophie personnelles. Les élections servent à évaluer nos démarches et actions respectives.
Sur Air France, la négociation à laquelle vous avez fait allusion est interne à l'entreprise. Nous sommes très préoccupés. La compagnie prétend être confrontée à des problèmes qui imposent des plans sociaux. Elle dit que, malgré un taux de remplissage de près de 97 % sur la ligne Los Angeles-Papeete, elle est déficitaire. Des discussions vont probablement s'ouvrir et chacun devra prendre ses responsabilités. Je suis quelque peu gêné de m'immiscer dans une affaire interne à une entreprise, même si je ne méconnais pas l'importance des dessertes aériennes pour nos territoires. Je reste donc prudent dans ma réponse : des contacts sont établis avec Air France, attendons de voir ce qui en ressortira. Nous tentons de peser sur les décisions, tout en respectant l'autonomie et la liberté de la compagnie.
Monsieur Jalton, les territoires d'outre-mer sont en effet un peu trop ouverts aux trafics d'armes et de produits illicites : j'ai demandé aux préfets concernés, notamment en Guyane, Martinique et Guadeloupe, de nous faire un point sur ce sujet afin de disposer d'une information fiable. En tout cas, beaucoup trop d'armes circulent, empruntant les mêmes voies que les stupéfiants. Tous ces trafics sont d'ailleurs liés.
S'agissant de la jeunesse, je suis d'accord avec vous, ainsi qu'avec M. Serge Letchimy : au-delà de ce qui existe déjà – qu'il s'agisse des contrats aidés, des futurs contrats d'avenir ou de génération, ou des actions locales conduites par les collectivités territoriales ou les associations, telles que les écoles de la deuxième chance ou les chantiers d'insertion –, il faut un plan d'action global. Compte tenu de l'ampleur du chômage des jeunes, un dispositif spécifique est justifié. Nous sommes ouverts à toutes les propositions.
On pourrait envisager qu'à côté des emplois d'avenir s'adressant aux jeunes jusqu'à l'âge de 25 ans, les emplois tremplins créés à l'initiative de certaines régions soient davantage ciblés sur ceux âgés de 26 à 30 ans.
Il faut faire valoir aussi, au-delà du principe d'égalité, ce que les Réunionnais appellent « la priorité à compétence requise » : l'opinion publique d'outre-mer comprend mal parfois qu'un compatriote de métropole trouve plus facilement du travail par ses réseaux qu'un jeune local diplômé de bac+5 ou bac+7. Ce sujet est délicat, mais nous devons avoir le courage de l'évoquer dans le respect de nos valeurs et des lois de la République ; il s'agit d'une question de cohésion.
Je rappelle que, lors des mouvements sociaux en Guadeloupe, des syndicats s'étaient placés à la sortie de la grande zone commerciale de Jarry à Pointe-à-Pitre pour montrer que ceux qui en sortaient n'étaient pas forcément des Guadeloupéens d'origine…
Le Président de la République nous a d'ailleurs invités au courage dans ce domaine lors de son séjour à la Réunion. Il a ajouté que nous aurons aussi à faire un effort d'ouverture vers les pays voisins de la zone.
Il a également évoqué une possible dérogation aux normes européennes. À cet égard, la précédente commission des affaires économiques de votre assemblée, présidée par M. Patrick Ollier, avait débattu d'un éventuel retour au régime applicable avant 2005 en matière de carburants. En effet, lorsque les normes européennes sont entrées en vigueur au début de 2009, il y a eu des émeutes en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique, puis à Mayotte et à la Réunion. Si la plupart des membres de cette commission s'étaient alors opposés à cette idée, la réflexion a évolué. La Guyane pourra-t-elle seule protéger le massif amazonien, sachant que, dans toute la zone, s'appliquent des normes américaines ? Cette question devra donc être reposée. D'autant que, comme l'a dit l'ancien premier ministre de Curaçao, les raffineries de la zone pourront raffiner aux normes européennes, et à un coût nettement moins élevé.
Monsieur Serville, la TGAP, qui est progressive et a déjà atteint le niveau prévu de 120 euros par tonne, constitue une question explosive pour les communes d'outre-mer. Un amendement sera d'ailleurs déposé au Sénat pour reporter le dispositif relatif à la TGAP sur les carburants. S'il devait être rejeté, il sera à nouveau présenté à l'Assemblée nationale et le Gouvernement prendra ses responsabilités. J'espère que ce report sera effectif.
Au-delà, se pose la question de l'abrogation pure et simple du dispositif, mais je n'ai pas de réponse définitive à ce stade, sachant qu'il faut aussi tenir compte des besoins de recettes fiscales.
Concernant le rapatriement de l'or guyanais, les engagements pris pour affecter l'équivalent en euros pour lutter contre l'orpaillage clandestin seront respectés. Les ministères de la justice et de l'intérieur statueront sur la répartition de cette somme entre les échelons local et central.
Le code minier doit introduire de nouvelles infractions et redéfinir la garde à vue, spécifiquement pour les personnes arrêtées en pleine forêt amazonienne – ce qui pose des problèmes de droit des personnes qui ne sont pas encore tout à fait réglés, même si l'on est récemment parvenu à un compromis satisfaisant.
Au sujet de Saint-Pierre-et-Miquelon, j'apprends avec satisfaction que vous vous êtes mis d'accord avec la délégation du Sénat pour arrêter un certain nombre de thèmes.
Le fait que le tribunal administratif de la Martinique soit compétent pour ce territoire soulève la question de l'éloignement, qui se pose aussi dans d'autres domaines, comme le contrôle des comptes, pour lequel l'Île-de-France est compétente. Il m'est difficile de faire des annonces qu'on ne pourrait tenir en la matière, même si je ne sous-estime pas les difficultés.
S'agissant des fonctionnaires souhaitant revenir dans leur région d'origine, beaucoup de choses sont à l'oeuvre : j'ai d'ailleurs apporté un début de réponse après les récents événements de la Réunion. Je compte sur vous pour nous aider à trouver des idées. À Mayotte, par exemple, lors d'une grève des personnels des services pénitentiaires, une mesure ponctuelle a été trouvée pour les intégrer progressivement dans la fonction publique d'État, mais il ne peut s'agir d'une solution globale. On pourrait aussi s'interroger sur l'idée d'un système de points de bonification comme celui qui existe déjà dans l'éducation nationale, ou bien de concours organisés sur place pour les fonctions publiques d'État et hospitalière ou certaines fonctions publiques particulières comme celle des magistrats et des militaires.
Il faudra modifier de nombreux textes, notamment les lois de 1984 – pour les fonctions publiques d'État et territoriale – et 1986 – pour la fonction publique hospitalière –, lesquelles ont déjà été révisées plus d'une cinquantaine de fois depuis 1984. Il s'agit d'un travail considérable, d'autant qu'il faut tenir compte des statuts particuliers, niveau par niveau.
Quant aux avis émis par le ministère des Outre-mer sur les nominations, ils ont été à juste titre renforcés après la réunion du Comité interministériel de l'outre-mer (CIOM) par le gouvernement précédent : il est vrai que les premières mesures prises à l'époque avaient été assez étonnantes. Peut-être pourrait-t-on me reprocher une insuffisante réflexion avant le recrutement de tel ou tel chef de service : nous cherchons pourtant chaque fois à trouver le bon profil. Par ailleurs, j'ai essayé d'associer les parlementaires à ces choix, mais c'est compliqué et, parfois, il est préférable de ne pas trop engager de consultations sous peine de ne rien faire du tout ! Cela étant, pour certains fonctionnaires d'autorité, je pense qu'il est légitime que les parlementaires soient associés à la décision : je le fais chaque fois que c'est possible, même si les textes ne l'imposent pas.
Je demanderai à mon cabinet d'étudier la méthode utilisée par le ministère des Affaires étrangères pour voir dans quelle mesure on pourrait s'en inspirer, à condition de garantir objectivité et transparence.
Je rappelle que j'ai déjà refusé d'approuver certaines nominations : il n'y a donc aucune automaticité de notre part ; nous restons vigilants. Pour les nominations au sein de l'audiovisuel public, nous sommes très prudents, en raison des engagements pris par le Président de la République dans ce domaine : certaines procédures doivent être respectées pour éviter certains travers passés, même si certaines nominations sont parfois mal comprises.
Par ailleurs, une proposition de loi a été déposée au Sénat par Mme Jacqueline Farreyrol pour améliorer le système des mutations : vous voyez que nous sommes ouverts à toutes les suggestions, d'où qu'elles viennent, dès l'instant où elles sont utiles !
Quant aux régimes sociaux, il est bien sûr souhaitable de les harmoniser, au nom du principe d'égalité. Mais doit-on avoir pour autant la même règle dans tous les territoires d'outre-mer ? Je ne sais pas. Des actions sont en cours à cet égard en Polynésie, en Nouvelle Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
Il est vrai que certaines situations ne sont pas acceptables : il n'est pas normal, par exemple, que les 13 500 Français de Wallis-et-Futuna paient l'électricité six fois plus cher qu'à Paris et que certains en reviennent à la bougie ! Le Premier ministre a d'ailleurs montré beaucoup de célérité à vouloir régler ce problème. Je donnerai le moment venu les instructions nécessaires à cette fin et des protocoles ont déjà été signés avec cette collectivité.
S'agissant plus précisément des reconstitutions de carrière pour le calcul de la retraite, on observe en effet des cas surprenants.
Certes, il existe des minima sociaux, mais souvent ils ne sont pas appliqués. Ainsi, la retraite agricole à la Réunion est de 322 euros en moyenne et la moyenne des prestations minimales du régime général est de l'ordre de 530 euros, soit des montants inférieurs aux minima officiels. Les textes ne sont pas bien respectés dans ce domaine.
Nous allons essayer de trouver une solution dans le cadre de la loi de modernisation agricole.
Cela étant, il faut tenir compte de la diversité des territoires : si l'on peut admettre une différenciation sur le plan technique, l'égalité de traitement doit être garantie entre les personnes.
Je suis heureux à cet égard que cette Délégation existe et que des parlementaires de tous horizons puissent y participer. On ne parle trop souvent des territoires d'outre-mer que pour évoquer les niches fiscales, les cocotiers, les yachts de luxe, ou encore lorsqu'il y a des grèves, des séismes, des cyclones ou un scandale quelconque, ce qui plombe leur image. D'ailleurs, je suis probablement le ministre le moins connu du Gouvernement !
Monsieur Mariani, nous avons des relations étroites avec l'Australie et la Nouvelle Zélande. Avec Fidji, la situation est plus complexe, en raison de la situation politique de ce pays, mais celui-ci a pris plusieurs engagements : nous espérons qu'ils seront respectés.
Par ailleurs, le processus de décolonisation engagée en Nouvelle Calédonie est très observé et apprécié dans tous les États de la zone. D'autres pays souhaiteraient d'ailleurs s'inspirer de cette démarche constitutionnalisée de pacification sur longue période – quelles que soient les alternances politiques à Paris.
Sur le Vanuatu, je vous apporterai ultérieurement une réponse spécifique.
Madame Delaunay, un ensemble d'actions a été engagé pour renforcer l'insertion des territoires dans leur environnement géographique immédiat. Le précédent ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, avait autorisé les présidents de région à lancer des discussions en vue d'adhérer à des organisations régionales : cette démarche a été renforcée récemment par M. Laurent Fabius et donne lieu à des négociations internationales dans les Caraïbes. Dans le cadre de la stratégie « 20-20 », nous cherchons à conforter les moyens donnés à la coopération régionale. La région Guadeloupe est ainsi autorité de gestion, pour les trois départements de la Caraïbe et de Guyane, d'un fonds Interreg « espace Caraïbes », doté de 63 millions d'euros. De même, la région de la Réunion gère un fonds spécifique. Nous espérons renforcer ce dispositif.
Certes, l'allocation spécifique du FEDER nous pose problème, la Commission européenne voulant réduire l'aide par habitant de 44 % : il faut donc continuer à se battre. D'autant que Chypre, dans le cadre du paquet budgétaire, a fait part d'une proposition tout à fait inacceptable – en retrait par rapport à celle de la Commission. Les régions ultra-périphériques risquent d'en souffrir. J'ai d'ailleurs déjà été sollicité par des députés européens à cet égard.
En ce qui concerne l'espace Schengen, il faut peut-être améliorer les procédures pour éviter certaines complications aux frontières : des réponses à des questions écrites ont déjà été apportées sur ce point. Mais il n'est pas souhaitable a priori que les territoires d'outre-mer en fassent partie – ce qui entraînerait beaucoup d'inconvénients – et il est sage de les avoir dès l'origine maintenus à l'écart.
Madame Vainqueur-Christophe, ce matin, dans les quotidiens de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, a été publié un article sur l'étude de l'ANSES concernant les populations exposées aux pesticides. Elle concerne 122 échantillons, 444 substances autorisées et 8 500 résultats d'analyse. Il en ressort que, sur 22 substances, soit 40 % des substances prioritaires analysées, l'exposition des consommateurs reste toujours en deçà des doses journalières admissibles (DJA). Mais sur 14, soit 25 % des substances prioritaires analysées, le risque de dépassement de la DJA ne peut être exclu pour certaines populations : 8 d'entre elles sont détectées dans des denrées d'origine locale et 7 présentent une probabilité de dépassement élevé de la DJA pour au moins une catégorie d'âge, la plupart du temps les enfants entre 3 et 15 ans. En bref, les populations antillo-guyanaises ne sont a priori guère plus exposées que les autres, mais des recherches restent encore à faire.
J'attends une étude de l'ANSES sur le Banol – qui est retardée – pour statuer : le Gouvernement souhaite parvenir à l'interdiction des dérogations pour l'épandage de pesticides ou de fongicides. Nous en ferons le bilan d'ici la fin de l'année et, au vu de cette étude, nous statuerons. Si le Gouvernement entend bien ceux qui invoquent le principe de précaution, il faut aussi tenir compte du principe de réalité : il ne serait pas responsable de prendre une décision sans s'appuyer sur des analyses scientifiques, d'autant que 270 000 tonnes de bananes sont en jeu. Un député européen est allé jusqu'à me vilipender, m'accusant presque d'être vendu aux lobbies industriels : je pense néanmoins que, dans l'attente de cette étude, nous devons rester prudents.
Nous verrons ce qui se fait au Brésil. Je rappelle que le Banol est utilisé à Saint-Domingue comme produit biologique et que les bananes de la Martinique et de la Guadeloupe sont les plus durables au monde, dans la mesure où ce sont celles qui ont connu la plus forte baisse de pesticides.
S'agissant de la prison de Basse-Terre, il faut revoir le projet – que tous les récents gouvernements ont refusé, alors que la région de Guadeloupe offrait à bon prix 4 hectares dans les hauteurs de Gourbeyre. Les chantiers prévus de construction d'une maison d'arrêt à Saint-Martin et d'extension de la grande prison de Baie-Mahault ont été abandonnés.
La garde des sceaux a déjà pris des engagements sur la Polynésie, la Nouvelle Calédonie et la Martinique dans ce domaine.
Par ailleurs, il faudra inventer une nouvelle politique de réinsertion pour les jeunes prisonniers.
Monsieur Letchimy, votre question sur la date de la mise en place de la collectivité unique de Martinique et de Guyane est tout à fait pertinente. Il faudra la trancher. Je reste attentif aux demandes des élus de ces régions : en tout état de cause, ce qu'une loi a fait hier, une autre pourra le défaire demain pour mieux répondre aux attentes de ces élus et des opinions publiques. Si des résolutions du conseil général, du conseil régional ou du Congrès des élus départementaux et régionaux sont adoptées en ce sens, nous les examinerons et le Gouvernement prendra ses responsabilités – sans céder aux menaces. Je n'ignore pas les crispations en Martinique sur ce sujet, ni que certains députés en font un casus belli.
Je rappelle que le calendrier national pour les élections départementales et régionales a été reporté à 2015 et qu'en 2014, auront lieu les élections municipales, européennes et sénatoriales.
Monsieur Lesterlin, il faut en effet éviter une concurrence de mauvais aloi entre le service civique et les emplois d'avenir et améliorer la coordination entre ces deux dispositifs de qualité.
Monsieur Boinali Said, les conflits sociaux en cours à Mayotte sont liés à la question de la sur-rémunération demandée par la fonction publique. Le Président de la République a pris l'engagement de tout faire pour la régler, mais il faut nous en laisser le temps. Comment peut-on exiger par une grève d'avoir tout de suite 40 % de rémunération supplémentaire quand on sait que le coût d'une telle mesure porte sur des centaines de millions d'euros, que, malgré les dénégations entendues ici ou là, elle aura un impact sur la fonction publique territoriale et que le conseil général de Mayotte aura du mal à payer les importantes sommes prévues – soit 35 à 40 millions selon une première simulation ?
Nous avons envoyé une mission composée de quatre inspecteurs, qui devrait prendre au moins trois mois pour examiner tous les aspects de la question. Dès qu'elle sera achevée, les parlementaires et le conseil général seront associés et un calendrier sera adopté. Nous sommes ouverts au dialogue. Mais je rappelle que, dans les autres territoires d'outre-mer, ce type de réforme a été mis en oeuvre progressivement. Je demande aux fonctionnaires de Mayotte de le comprendre.
D'autant que, si la vie est chère, elle ne l'est pas seulement pour les fonctionnaires, elle l'est pour tout le monde ! Il ne faudrait pas créer une société à plusieurs vitesses, génératrice d'inégalités supplémentaires, dans un univers mahorais déjà très inégalitaire.
Monsieur le président, j'ai engagé une réflexion sur l'avenir de l'octroi de mer, à la fois sur son évolution pour tenir compte des exigences européennes, mais aussi sa reconversion en un instrument permettant de préserver les ressources des collectivités d'une manière dynamique. Aujourd'hui, paradoxalement, plus on importe et moins on développe la production locale, plus cette taxe rapporte.
Par ailleurs, il faut préserver l'autonomie des collectivités territoriales : il n'est pas question de transformer l'octroi de mer en un forfait comparable à la dotation globale de fonctionnement (DGF) ; il revient aux élus locaux d'en fixer les taux et ensuite aux électeurs de juger.
Il convient aussi de sauvegarder la compétitivité des entreprises, voire leur rentabilité.
Si la réunion de toutes ces conditions s'apparente pour certains à la quadrature du cercle, elle est pourtant possible. Aujourd'hui, l'assiette est uniquement constituée par la production, sachant que la production locale est exonérée pour dix ans mais que nous sommes confrontés à l'échéance de réforme de 2014 demandée par l'Union européenne.
J'ai écrit aux présidents de région en les invitant à s'entourer de cabinets de conseil pour se forger leur propre approche. Nous confronterons les points de vue pour trouver la meilleure solution.
On pourrait également imposer les services. De plus, le seuil d'assujettissement, qui est de 550 000 euros, pourrait être revu : il n'est pas normal que des entreprises ayant un chiffre d'affaires de 250 000 ou 300 000 euros échappent à la taxe. Alors qu'il y a aujourd'hui environ 40 000 entreprises et établissements en Martinique et en Guadeloupe, seulement 175 entreprises paient l'octroi de mer dans cette dernière région, pour un montant de 160 à 180 millions d'euros. De plus, les entreprises exonérées bénéficient par ailleurs d'autres dérogations.
On peut également se demander si, pour préserver la compétitivité des entreprises, le mécanisme de déduction de TVA ne pourrait pas être transposé dans le régime de l'octroi de mer. À cet égard, le régime cumulé de la TVA et de cette imposition présente des particularités discutables.
Enfin, je rappelle qu'est parue ce matin au Journal officiel la nomination de M. Serge Letchimy en tant que parlementaire en mission – que j'avais demandée au Premier ministre. Il serait utile, à cet égard, qu'un autre parlementaire en mission soit nommé sur la fonction publique outre-mer, afin d'améliorer les dispositifs existants.
La séance est levée à onze heures quarante-cinq.