Commission des affaires étrangères

Réunion du 24 juin 2015 à 9h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • côte d'ivoire
  • géorgie
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La réunion

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La séance est ouverte neuf heures cinquante.

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Nous avons appris hier soir par la presse que les trois derniers Présidents de la République avaient été écoutés par les Etats-Unis, ces informations s'appuient sur des documents de Wikileaks.

Il semble que ces informations soient exactes ; si c'est le cas c'est extrêmement grave. Cela pose la question, une fois de plus mais de façon particulièrement aigue cette fois, de nos relations avec notre partenaire américain. Cette nuit, la Maison blanche a fait savoir qu'elle n'écoutait pas les conversations du Président de la République, maintenant et dans le futur, mais qu'en est-il dans le passé ? C'est une question qui reste ouverte.

Le Président de la République a convoqué pour ce matin un conseil de défense sur ce sujet. Il réunira à 12h15 les présidents de groupe, le Président de l'Assemblée nationale, celui du Sénat et les présidents des Commissions des Affaires étrangère et de Défense de l'Assemblée nationale et du Sénat juste après le conseil de défense.

Je crois que ces révélations méritent un échange approfondi au sein de notre Commission. C'est pourquoi, je vous propose de consacrer la semaine prochaine une réunion entière à nos relations avec les Etats-Unis d'Amérique. Déjà, la question de l'extraterritorialité des décisions a été soulevée à plusieurs reprises au sein de notre Commission et j'avais décidé que nous aurions une réunion à ce sujet. Nous allons nous saisir aussi de cette question nouvelle.

Je vous propose sauf si vous avez des propositions précises à faire, de ne pas engager des débats maintenant sinon nous manquerons de temps pour examiner les projets de loi à l'ordre du jour, mais si vous avez d'autres remarques à faire je vous passe la parole. Je vous propose évidemment aussi de vous faire un compte rendu de ce qui aura été dit dans cette réunion avec le Président de la République.

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Je veux juste redire ce que j'ai déjà exprimé plusieurs fois, à savoir que je pense qu'il faut que notre Commission travaille sur les questions du cyberespace, de la cybersécurité, de la gouvernance de l'Internet. Tout ça montre qu'il y a un champ nouveau très important qui impacte notre vie internationale sous tous ses aspects. Je pense que nous aurions intérêt, collectivement, à travailler sur ces questions-là et pour ma part j'y suis prêt.

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Ce qui m'étonne un peu est que nous apprenions tout cela par la presse. Nous sommes tout de même le Parlement. Je voudrais si vous le pouviez et le jugiez souhaitable que cette question soit posée car le temps de ces révélations est scandé par la presse. On a l'impression qu'on n'a pas de services, qu'on n'est pas capables d'être renseignés autrement que par les fuites organisées par la presse. On risque de se fâcher avec les Américains et d'une certaine façon c'est sur injonction de la presse.

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Si ces informations se confirment, c'est une situation proprement scandaleuse. Ce sont des pratiques inadmissibles entre alliés. Ce qui serait souhaitable pour que la réunion de la semaine prochaine soit productive – on peut toujours échanger entre nous mais si on n'a aucun élément supplémentaire cela n'avancera pas à grand-chose – c'est que l'on puisse faire venir à cette occasion un expert du contre-espionnage ou M. Bajolet, que la mission d'information sur le Liban reçoit d'ailleurs aujourd'hui. Ceci pour que nous puissions avoir des éléments plus précis, factuels : de quoi il s'agissait, avec quels moyens, qui était écouté… Si c'est simplement avoir une discussion entre nous, nous serons tous d'accord pour condamner ces pratiques et les trouver scandaleuses, mais cela n'ira pas très loin.

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J'irai dans le même sens que ce qui a été dit, on n'a aucune connaissance en la matière. La presse dit qu'on a été espionné, que cela s'est fait comme ci ou comme ça. Par quels moyens ? Comment ça marche ? Je n'en sais absolument rien. Il y a en France des spécialistes de la cybersécurité – je pense en particulier au général Watin-Audouard – et il ne serait pas inutile qu'on auditionne ici des spécialistes qui nous expliquent comment cela fonctionne.

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Je partage vos interrogations. Je précise que le bureau de la commission se réunit le 8 juillet, ce qui nous permettra d'échanger à nouveau sur ce sujet. J'ai sollicité Hélène Duchêne, directrice des Affaires stratégiques, pour une audition qui serait centrée sur les écoutes, le renseignement, la relation stratégique, la lutte contre le terrorisme également. Le Directeur de la DGSE pourrait aussi venir devant le groupe de travail contre le terrorisme. Nous allons explorer les différentes pistes en espérant que nous pourrons organiser cela dans les jours qui viennent. Je trouverai aussi un moyen de vous faire part de ce qui sera dit au cours de la réunion à l'Elysée.

Examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part (n° 2758), et du projet de loi autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part (n° 2791) – M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur.

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Je commencerai par une explication sur l'intitulé des projets de loi qui nous sont soumis, qui peut surprendre : les deux accords que nous examinons ont été signés au nom de l'Union européenne, mais aussi de la Communauté européenne de l'énergie atomique, Euratom. Cela s'explique par le fait que cette organisation reste distincte de l'Union européenne et que les accords touchent à son champ de compétence dans le nucléaire civil, notamment celui avec l'Ukraine où il est question de la coopération pour traiter les conséquences de Tchernobyl.

Je voudrais aussi dire quelques mots des pays avec lesquels les accords ont été signés, la Géorgie et l'Ukraine, qui ont en commun d'être en situation de confrontation avec la Russie.

Je commencerai par la Géorgie, dont la situation géopolitique est aujourd'hui assez stable, car elle n'a pas vraiment changé depuis 2008. Je rappelle que c'est dans les années qui ont suivi la fin de l'URSS et l'indépendance géorgienne, en 1991, que deux entités autonomes de celle-ci, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, ont fait sécession au prix de conflits sanglants et avec le soutien de la Russie. Ensuite, en 2008, nous avons eu une véritable guerre entre la Géorgie du président Saakachvili, issu de la Révolution des roses de 2003 et très pro-occidental, et la Russie, qui s'est terminée avec une médiation française et l'ouverture de négociations qui n'ont jamais abouti. La Russie a même reconnu la prétendue indépendance des deux régions séparatistes et y maintient 10 000 soldats.

En 2012-2013, le parti du président Saakachvili a perdu successivement les élections législatives et présidentielle et il y a eu une alternance au bénéfice d'une nouvelle majorité moins hostile à la Russie. Cependant, s'il y a eu en conséquence un apaisement des relations avec ce pays, qui a par exemple levé les embargos soi-disant sanitaires qu'il avait établi contre les produits agro-alimentaires géorgiens, le fond du problème n'a connu aucun début de règlement.

Et le contexte créé par la crise ukrainienne a entraîné récemment un nouveau durcissement : pendant l'hiver 2014-2015, la Russie a signé successivement avec l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud des traités qui reviennent à une quasi-intégration économique et sécuritaires de celles-ci à la Russie. On a donc deux pseudo-États qui, pour la Russie, sont soi-disant indépendants mais en fait intégrés à elle et qui, pour la communauté internationale, sont des parties de la Géorgie.

Dans ce contexte, la Géorgie est un pays qui a résolument et constamment fait le choix de l'Europe depuis plus de dix ans. En matière économique, c'est un élève modèle des institutions type FMI et Banque mondiale, qui applique leurs recettes libérales. Le pays bénéficie aussi de sa situation de lieu de transit des hydrocarbures d'Azerbaïdjan vers la Turquie et l'Europe. Tout cela a conduit à une certaine croissance économique, mais avec aussi un revers de la médaille : chômage élevé, pauvreté, manque de qualification de la main d'oeuvre et d'innovation, problèmes d'infrastructures comme on l'a vu avec les récentes inondations à Tbilissi.

Pour ce qui est de la gouvernance, il y a un domaine très important où la Géorgie a bien réussi, c'est la lutte contre la corruption : selon Transparency International, elle est de loin le pays qui a le mieux réussi dans ce domaine dans l'ex-URSS, à part les pays Baltes. Aujourd'hui la Géorgie a un meilleur score dans le classement de cette ONG que plusieurs pays du sud et du sud-est de l'Union européenne.

La Géorgie est aussi l'une des ex-républiques soviétiques les plus avancées vers la démocratie telle que nous la concevons. Je l'ai dit, il y a eu en 2012-2013 une alternance démocratique normale, par les urnes. Plusieurs réformes démocratiques ont encore été adoptées récemment, concernant par exemple la justice, le traitement des prisonniers et la détention administrative. Bien sûr tout n'est pas encore parfait et notamment l'OSCE a publié en décembre dernier un rapport assez critique sur les procès actuellement faits, pour corruption et abus de pouvoir, aux dirigeants d'avant l'alternance de 2013 : l'OSCE ne dit pas que leurs droits fondamentaux sont violés et que ce sont des procès montés de toute pièce, mais elle relève un certain nombre de signes de manipulation et de petites entorses aux grands principes.

J'en viens maintenant à l'Ukraine. Vous le savez, nous avons récemment constitué une mission d'information et je me suis rendu sur place avec Thierry Mariani, Marie-Line Reynaud et Jean-Luc Bleunven il y a quelques semaines. J'ai essayé, dans mon rapport écrit, de présenter autant d'éléments factuels que possible, afin de vous rendre compte de ce que l'on nous a dit et de faire une sorte de point de situation avant le rapport de la mission d'information.

Je vais donc aujourd'hui m'en tenir à quelques lignes de force. Tout d'abord, il faut souligner que la crise politique au niveau central, qui a culminé en février 2014 sur la place Maïdan, est pour le moment surmontée. Ce que je veux dire par là, c'est que l'Ukraine a actuellement un président, M. Porochenko, qui a été largement élu dès le premier tour en mai 2014, et un parlement, issu des élections d'octobre dernier, où il y a une majorité très forte, qui est pro-européenne. Cela rompt avec la période précédente, où le pays était profondément clivé entre sa partie occidentale, très nationaliste et pro-européenne à la fois, et sa partie orientale et méridionale largement russophone. Aujourd'hui, l'Ukraine est plus unie qu'elle ne l'a jamais été, si on laisse bien sûr de côté la Crimée et le Donbass.

S'agissant justement du Donbass, nous sommes aujourd'hui dans une période assez indéterminée, où il est difficile de prévoir l'avenir. Vous le savez, depuis les accords de Minsk 2 et le cessez-le-feu du 15 février dernier, il y a toujours des tirs, des combats, des morts – plus de 6 000 depuis le début du conflit –, mais moins qu'avant. D'après les observateurs de l'OSCE, il est difficile d'imputer de manière générale les incidents à l'un ou l'autre camp, même si à Mariinka, il y a trois semaines, ce sont bien les séparatistes qui ont attaqué.

Pour ce qui est de la situation humanitaire et de la situation économique, nous nous sommes rendus dans le Donbass et nous avons pu voir qu'elles sont très difficiles mais pas non plus apocalyptiques. Beaucoup d'usines sont fermées mais quelques-unes continuent à tourner, parfois grâce à des arrangements locaux entre les deux camps et malgré la sorte de blocus décidé par le gouvernement central contre les séparatistes. Il y a des problèmes d'approvisionnement, notamment en médicaments, mais ce n'est pas la famine. Il y a un-et-demi à deux millions de déplacés et réfugiés, mais ce concept lui-même est assez flou, car il recouvre notamment des retraités qui se font enregistrer comme déplacés pour toucher leur pension du côté contrôlé par Kiev avant de rentrer chez eux de l'autre côté ; en effet, la ligne de front peut être passée par les civils.

Au-delà de l'application du cessez-le-feu et du règlement des problèmes humanitaires, il y a la question du règlement politique. Vous vous souvenez de ce que nous a dit Pierre Morel lorsque nous l'avons reçu au petit-déjeuner fin mai. D'un côté, les groupes de travail prévus dans le cadre des accords de Minsk 2 se sont mis en place, notamment le groupe sur les questions politiques qu'il préside, et il relevait une certaine bonne volonté, des positions moins butées par exemple que lors de la guerre de Géorgie en 2008. De l'autre, il est clair que les positions des uns et des autres sont très éloignées.

Pour ce qui est des futures élections locales, essentielles pour adouber dans le Donbass des dirigeants légitimes, aussi bien la Rada ukrainienne que les séparatistes s'écartent plus ou moins des accords de Minsk, et bien sûr dans des sens opposés. La Rada veut subordonner ces élections au départ préalable de tous les combattants étrangers, voire à la reprise préalable du contrôle de la frontière avec la Russie par le gouvernement de Kiev, tandis que les séparatistes prétendent exclure de ces élections les personnes déplacées et les partis nationaux ukrainiens.

D'autres points seront très difficiles, par exemple l'amnistie des faits survenus pendant le conflit ou encore la négociation sur le degré d'autonomie du Donbass. Les séparatistes veulent un statut à part, allant au-delà de la grande décentralisation en cours en Ukraine, et en plus qu'il soit inscrit dans la Constitution, ce qui sont des demandes difficilement acceptables par Kiev.

La conciliation de positions contraires à ce point ne sera pas aisée, d'autant que de puissants intérêts risquent de converger pour faire échouer le processus politique. Le pouvoir russe pourrait préférer le maintien d'un statu quo qui affaiblirait durablement l'Ukraine et freinerait son intégration euro-atlantique. Les dirigeants séparatistes ne peuvent que craindre une solution politique qui conduirait vraisemblablement à les écarter à terme, même si ce n'est pas immédiat. Enfin, la lassitude pourrait s'installer dans l'opinion publique ukrainienne, avec la tentation d'abandonner le Donbass à son sort, tandis que les milieux nationalistes de Kiev pourraient considérer que le maintien d'une situation de tension sert leurs intérêts, notamment électoraux. Ces réflexions qui ne sont que des supputations soulignent la complexité du jeu politique.

Le dernier point qu'il faut rappeler sur l'Ukraine, c'est que ce pays ne traverse pas seulement une crise nationale, mais aussi une crise économique très grave. En cumul sur les deux années 2014 et 2015, le PIB ukrainien devrait baisser de 12 % à 15 %, ce qui n'est pas étonnant puisqu'avant le conflit, le Donbass contribuait pour 16,5 % à ce PIB. La monnaie a perdu plus de la moitié de sa valeur face à l'euro ou au dollar, ce qui est catastrophique car aussi bien la dette publique que celles des ménages et des entreprises sont largement libellées en devises. 42 banques sur 155 ont été déclarées en faillite ou insolvables depuis début 2014. Le déficit public est de l'ordre de 10 % du PIB si on tient compte de l'entreprise publique gazière Naftogaz et en deux ans, de 2013 à 2015, le ratio dette publique sur PIB sera passé de 40 % à 94 %.

Face à cela, l'Ukraine bénéficie d'aides internationales massives. Le FMI a promis 17,5 milliards de dollars d'ici 2018 et l'Union européenne plus de 11 milliards d'euros d'ici 2020. Au total, l'aide internationale serait de 41 milliards de dollars d'ici 2018, soit l'équivalent de la moitié du PIB annuel de l'Ukraine. Parallèlement, une négociation difficile est en cours avec les créanciers privés de l'Ukraine.

Par ailleurs, le gouvernement ukrainien a adopté des mesures budgétaires très rigoureuses du type réduction des emplois publics et des pensions. Le prix du gaz à la consommation a été augmenté de 285 % en avril dernier !

En dehors de ces mesures douloureuses, l'Ukraine est engagée dans un ensemble très complet de réformes politiques et économiques, comme nous l'ont dit les députés du groupe d'amitié de la Rada que nous avons récemment rencontrés. Je ne vais pas en faire la liste, que vous trouverez dans mon rapport écrit, mais ces réformes touchent de très nombreux domaines : réforme constitutionnelle, décentralisation, indépendance de la justice et des médias, lutte contre la corruption, marchés publics, marché de l'énergie, banques, etc. Ce dont il faut être conscient, c'est que, du point de vue de la majorité au pouvoir à Kiev, cet agenda de réformes est lié indissociablement à l'engagement européen du pays. Selon le programme politique de la coalition gouvernementale, il s'agit de se mettre aux standards européens afin que l'Ukraine soit en situation de présenter une candidature à l'Union européenne en 2020.

Après cette présentation un peu longue des deux pays, je serai plus bref sur les accords d'association. De même que celui avec la Moldavie que nous avons examiné il y a quelques semaines sur le rapport de Thierry Mariani, ces deux textes s'inscrivent dans une politique de l'Union européenne, le Partenariat oriental, qui est lui-même l'une des deux déclinaisons de la Politique de voisinage. Nous avons discuté de cela la semaine dernière en examinant la résolution européenne rapportée par Pierre-Yves Le Borgn'. Je rappelle seulement que l'offre principale du Partenariat oriental aux six pays ciblés était la signature d'accords d'association qui renforceraient le dialogue politique, approfondiraient les coopérations techniques et surtout seraient des accords commerciaux et économiques aboutissant à une quasi-intégration économique. Trois des six pays ont donc conclu des accords.

Tous ces accords sont bâtis sur le même modèle, défini à Bruxelles. Ils commencent par poser un certain nombre de valeurs communes : démocratie, droits de l'homme, économie de marché, État de droit, lutte contre la corruption, non-prolifération des armes de destruction massive, etc. Ensuite, ils instaurent une coopération politique qui comprend notamment une « convergence progressive » en politique étrangère et de sécurité. Ils prévoient aussi de nombreux domaines de coopération technique, ce qui donne un cadre juridique aux actions de coopération de l'Union.

Enfin et surtout, leurs stipulations les plus nombreuses et les plus opérationnelles sont économiques et commerciales : chacun de ces accords est aussi un accord de libre-échange dit « complet et approfondi » tel que les promeut la politique commerciale de l'Union. Les accords avec l'Ukraine et la Géorgie comportent donc l'établissement d'une zone de libre-échange entre chacun de ces pays et l'Union : les droits de douane doivent être supprimés sur la quasi-totalité des flux commerciaux – entre 98 % et 100 % selon les cas. Il y a seulement quelques dérogations et clauses de sauvegarde, généralement temporaires, concernant notamment des produits agricoles, car c'est toujours une question sensible pour l'Union, et parfois aussi certains produits industriels. L'Ukraine a ainsi obtenu le droit de protéger pendant dix ans son industrie automobile au cas où celle-ci souffrirait trop des importations depuis l'Europe, ainsi que le droit d'utiliser pendant quelques années encore l'appellation « cognac »…

Par ailleurs, conformément à la notion de libre-échange « complet et approfondi », ces accords traitent de beaucoup d'autres questions ayant trait plus ou moins directement au commerce en ce sens qu'elles sont susceptibles d'entraver son développement : procédures douanières, réglementations techniques, sanitaires et phytosanitaires, liberté d'établissement des entreprises et de prestation de services, accès non-discriminatoire à des marchés publics transparents, droit de la concurrence, protection de la propriété intellectuelle et en particulier des indications géographiques, liberté de change et de transfert de capitaux, etc. Sur toutes ces questions, les accords imposent à des degrés divers, selon des échéanciers précis, un alignement des pays partenaires sur l'« acquis communautaire ».

Les accords d'association doivent donc avoir pour effet une quasi-intégration de fait des partenaires orientaux dans le « marché unique », leurs clauses économiques étant très précises et exigeantes. En revanche, en termes politiques, l'association reste beaucoup plus une coopération de principe autour de grandes valeurs partagées.

Il faut aussi souligner, en creux, ce que ces accords ne sont pas.

Tout d'abord, ni l'un, ni l'autre n'ouvre de perspective d'adhésion prochaine aux pays signataires. Leur préambule est à cet égard explicite. Comme il y avait une demande forte de l'Ukraine et de la Géorgie sur la question, soutenues par un certain nombre d'États membres de l'est et du nord, il y a certes un certain nombre de formules sur les « valeurs communes » partagées avec l'Union, l'« identité européenne », les « aspirations européennes » ou encore la situation de « pays européen » des deux pays. Mais il est aussi écrit dans ce préambule, à la demande de la France et d'autres grands États membres, que les accords d'association ne préjugent en rien de l'évolution future des relations de l'Union avec ses partenaires orientaux.

Ensuite, ces accords ne comprennent pas de clauses sécuritaires, ou a fortiori militaires, qui soient réellement opérationnelles et n'ont pas d'incidence sur la question controversée du souhait de l'Ukraine et de la Géorgie d'adhérer à l'Alliance atlantique.

Enfin, ils ne traitent pas non plus de la mobilité des personnes et en particulier de la levée de l'obligation de visa pour les courts séjours, laquelle fait l'objet d'un processus à part, qui est en cours. Les deux pays espèrent bénéficier de cette mesure dès janvier 2016, mais aucun engagement ferme n'a été pris du côté européen à cet égard.

Nous devons également écarter les arguments tournant autour de la pertinence de la Politique européenne de voisinage et en particulier de sa déclinaison à l'est, le Partenariat oriental. Cette politique a été conduite avec une certaine maladresse par les institutions européennes, surtout s'agissant de l'Ukraine. L'Union a certainement sa part de responsabilité dans le déclenchement des événements qui s'enchaînent dans ce pays depuis novembre 2013, même si leurs causes profondes sont ailleurs. Mais la maladresse des institutions européennes ne saurait justifier que ce soit l'Ukraine qui soit « punie » par un refus de ratification de l'accord d'association.

Dans ce contexte, c'est pour trois raisons que je vous invite à adopter les projets de loi qui permettront la ratification des accords d'association avec la Géorgie et l'Ukraine.

D'abord au nom de l'idéal européen. La Géorgie, depuis une décennie, et l'Ukraine, depuis un an, ont des majorités politiques fortes, démocratiquement élues, qui ont fait le choix de l'Europe, vue comme un modèle politique et économique. Ce choix détermine à la fois leur politique étrangère et, en interne, un agenda très ambitieux de réformes démocratiques et de modernisation économique. L'Union européenne doit accompagner ces réformes, dans le cadre d'un pacte de confiance avec l'Ukraine et la Géorgie : la coopération devra avoir de réelles contreparties en termes de droits de l'homme, de bonne gouvernance ou de lutte contre la corruption.

Ensuite, en raison de notre attachement aux principes fondateurs du droit international. Nous pouvons regretter que la confrontation présente avec la Russie n'ait pu être évitée et souhaiter qu'un nouveau partenariat puisse être trouvé avec elle. Mais nous ne pouvons transiger ni sur le respect de la souveraineté des États internationalement reconnus, ni sur celui de leur intégrité territoriale. L'Ukraine et la Géorgie sont des États souverains qui sont libres de faire leurs choix sans être contraints par l'ingérence d'un voisin trop pressant.

Enfin, nous devons être conscients que les positions de la France comptent particulièrement pour l'Ukraine et la Géorgie. Elles comptent en raison de l'image générale de notre pays, de son attachement séculaire à la liberté, de son statut international et des spécificités de sa politique étrangère. Elles comptent aussi et surtout à cause de l'implication personnelle de ses dirigeants dans la médiation des crises qui ont frappé ces pays ces dernières années : le président Nicolas Sarkozy en 2008 lors de la guerre russo-géorgienne ; le ministre Laurent Fabius dans la résolution de la crise de Maïdan en février 2014 ; le président François Hollande dans le processus de Minsk pour résoudre le conflit du Donbass. D'autres dirigeants européens, notamment allemands et polonais, ont également répondu présent, mais pas tous : cela donne une portée particulière à la voix de la France, donc à notre vote de ce jour.

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Merci pour ce rapport très circonstancié. Les accords d'association n'ont pas nécessairement vocation à servir d'antichambre à une adhésion à l'Union européenne. Ils visent à établir un espace de prospérité, de paix et de bonnes relations avec les pays du voisinage.

Le renforcement des relations avec l'Union européenne n'est pas davantage l'antichambre d'une adhésion à l'OTAN. Une confusion s'est malencontreusement installée dans le sillage de la « Révolution orange » de 2004, avec des déclarations sur la vocation européenne de l'Ukraine et de la Géorgie. En 2008, lors du sommet de l'OTAN à Bucarest, le Conseil de l'Atlantique Nord a de plus accepté que l'Ukraine et la Géorgie puissent un jour adhérer. Je précise que notre pays n'était pas en cause.

Il n'est pas question de dénier à l'Ukraine et la Géorgie, pays souverains, le droit de se décider par elles-mêmes, sans subir de pression, mais l'Union européenne et l'OTAN sont également en droit d'avoir leurs propres positions et d'évaluer les conséquences d'une éventuelle adhésion. Je remercie le rapporteur d'avoir fait les rappels nécessaires.

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Le cadre limitatif de ces deux accords, par rapport au processus d'adhésion, a été rappelé. Ces projets de loi font l'objet d'un rapport commun, mais il y a une singularité de l'Ukraine, en raison de sa situation politique. Alors que la Russie examine avec la plus grande attention nos relations avec ce pays, nous devons nous-mêmes considérer cet accord en gardant les yeux grands ouverts.

Le Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne avait rappelé que des avancées étaient attendues de l'Ukraine dans trois grands domaines : la mise en conformité des processus électoraux, qui sont loin d'être parfaits, surtout pour les élections locales ; la fin de la sélectivité de la justice, laquelle n'a pas tout à fait disparu ; la mise en oeuvre d'un certain nombre de réformes, notamment la lutte contre la corruption, qui ne paraît pas complètement éradiquée.

Le verre est certes partiellement rempli, mais pas complètement. Le rapporteur a signalé qu'il y a encore de « petites entorses aux grands principes ». Je considère pour ma part que des entorses aux grands principes ne sont jamais « petites », mais on chemine néanmoins vers un plus grand respect des exigences posées par l'Union européenne.

Si l'on peut estimer qu'il est nécessaire d'encourager ces progrès, on peut aussi considérer qu'ils ne sont pas suffisants pour franchir le pas. Ce que vous nous proposez est donc une sorte de pari. Je suis prêt à vous suivre, mais le raisonnement est un peu altéré : nous n'en sommes qu'au stade des supputations quant à l'avenir politique de l'Ukraine. Là encore, je ne fais que reprendre les termes employés par le rapporteur. Il y a dans ces deux projets de loi beaucoup de motifs d'insatisfaction et beaucoup d'incertitudes sur l'avenir. Mais c'est un pari.

Comme la présidente l'a rappelé, des maladresses ont été commises par les institutions européennes. Il faut adopter les précautions nécessaires pour éviter que certains pas ne soient interprétés comme conduisant à l'adhésion. Je note que notre rapporteur y a veillé en ce qui le concerne. Si ces conditions sont remplies, je donne mon approbation.

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Je ne suis pas en désaccord avec les précisions que vous avez apportées. Elles sous-tendaient d'ailleurs mon propos, dans une certaine mesure.

Je voudrais quand même souligner ce qui se passe depuis un an en Ukraine. Des élections présidentielles et législatives ont eu lieu et leurs résultats ne sont pas contestés. Le contrat a donc été doublement rempli au plan électoral. En ce qui concerne la lutte contre la corruption, qui est effectivement un sujet essentiel, il y a des exigences fortes et des lois ont été adoptées, même si l'on n'est pas au bout du chemin. Les députés de la Rada que nous avons rencontrés ont indiqué leur très forte volonté d'aller de l'avant. Des hauts fonctionnaires, des juges et un gouverneur de province, celui de Dnipropetrovsk, qui était un puissant « oligarque », ont été renvoyés. La situation est en train d'être remise en ordre.

S'agit-il d'un pari sur la stabilité de l'Ukraine ? Sa situation d'instabilité est liée à ce qui se passe dans le Donbass et en Crimée, à la pression russe, et non à la volonté du gouvernement démocratiquement élu de ce pays. Il y a une part d'incertitude qui est indéniable, mais il s'agit de répondre par cet accord à la demande d'un gouvernement qui essaie de réformer, de rapprocher son pays de nos standards, alors qu'il subit dans le même temps des pressions et une amputation de son territoire. Cet accord est une manière de faire preuve d'une solidarité européenne qui a toujours prévalu – j'ai d'ailleurs rappelé le rôle joué par la France.

Neuf pays ont déjà ratifié cet accord, mais pas encore les plus grands États membres, dont la France. Les Ukrainiens ont besoin du poids politique de ces États comme signe de l'engagement irréversible de l'Union européenne de soutenir leur pays dans ses démarches, sans que cela n'implique un engagement sur une adhésion future, que ce soit à l'Union ou à l'OTAN. Nous allons nous prononcer sur l'accord, rien que l'accord, mais tout l'accord.

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Je remercie notre rapporteur pour ses précisions et la clarté de ses propos. À partir du moment où tout cela est bien clair, nous devons approuver ces accords. Ce n'est pas rien qu'un grand pays comme l'Ukraine se tourne vers les valeurs européennes et ait envie de développer ses relations avec nous, dans les limites que le rapporteur et moi-même avons rappelées.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte sans modification les deux projets de loi (n° 2758 et n° 2791).

Examen du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique d'étape entre la Côte d'Ivoire, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part (n° 1163) – M. Philippe Baumel, rapporteur.

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Nous poursuivons avec l'examen, sur le rapport de M. Philippe Baumel, du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique d'étape entre la Côte d'Ivoire, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part (n° 1163).

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L'accord de partenariat économique d'étape entre la Côte d'Ivoire, la Communauté européenne et ses États membres dont nous sommes saisis a été signé le 26 novembre 2008. Un retour en arrière historique est nécessaire pour présenter le contexte particulier dans lequel il s'inscrit, qui l'a directement motivé.

Les relations de l'Union européenne avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ont été régies depuis les années 1960 par des conventions traitant l'ensemble des domaines : convention de Yaoundé de 1963, actualisée en 1969 ; convention de Lomé à partir de 1975, d'une durée de cinq ans, régulièrement reconduite et actualisée, en 1979, 1984 et 1990.

Ces conventions avaient pour ambition de tracer le cadre général de la coopération entre l'Union européenne et les pays ACP, en mettant en place des relations contractuelles basées sur un principe de dialogue et de partenariat. Le commerce et l'aide au développement étaient au premier rang des sujets. En matière commerciale, elles fixaient notamment comme objectifs la promotion des échanges entre les parties moyennant l'élimination progressive des droits de douane, le renforcement de leurs relations économiques, l'indépendance économique des États associés et le développement du commerce international.

En lieu et place du système de préférences commerciales réciproques entre la Communauté et les pays ACP instauré par la convention de Yaoundé, celle de Lomé instituait des concessions commerciales unilatérales de la part de la Communauté, pour tenir compte de leurs niveaux de développement respectifs et, en particulier, de la nécessité d'assurer des avantages supplémentaires à leurs échanges commerciaux. Ce système a fonctionné jusqu'en 2000, date à laquelle la convention de Lomé est arrivée à échéance, et a été remplacée par l'accord de Cotonou.

Entre-temps, était entré en vigueur, en 1994, l'accord créant l'OMC qui institue un système de libre-échange et exclue tout avantage discriminatoire. Les conventions entre l'Europe et les pays ACP étaient en conséquence incompatibles avec ces principes. En outre, la clause de la nation la plus favorisée, qui étend immédiatement tout avantage commercial consenti par un membre de l'OMC à un autre membre à tous les autres, ne souffre d'exceptions qu'au profit des pays en développement ou des Pays les moins avancés, mais dans leur ensemble, et non au seul bénéfice d'une partie d'entre eux, comme le sont les ACP. C'est pourquoi l'accord de Cotonou, adopté en 2000, a précisé que la coopération économique et commerciale serait mise en oeuvre en parfaite conformité avec les dispositions de l'accord instituant l'OMC. Il a été convenu de conclure de nouveaux accords commerciaux compatibles, les Accords de partenariat économique, qui devraient toutefois être introduits progressivement, compte tenu de la période transitoire nécessaire eu égard au changement important que cela représentait pour les bénéficiaires. Une dérogation fut demandée à l'OMC en ce sens, qui a été accordée jusqu'au 31 décembre 2007.

Les négociations, qui ont débuté en septembre 2002 sur une base régionale, entre la Commission et six régions africaines, ont achoppé sur de nombreuses difficultés. L'attitude de la Commission, tant sur la forme que sur le fond, a été mise en cause non seulement par les pays ACP, par les organisations de la société civile, mais aussi par certains pays européens, au premier rang desquels la France qui n'a cessé d'appeler à retrouver une relation de confiance avec les pays ACP, à mieux prendre en compte les problématiques de développement dans la négociation - et à cet égard, le fait que ce soit la DG-Commerce qui les ait pilotées a joué indéniablement -, à prendre en compte des questions cruciales pour les pays africains, comme la sécurité alimentaire et les productions vivrières. La France a également plaidé pour une plus grande souplesse en matière de libéralisation des échanges commerciaux et de prise en compte des intérêts spécifiques des PMA.

Fin 2007, aucun APE n'était sur le point d'être conclu en Afrique. Faute d'accord, les pays ACP se verraient appliquer le régime commercial commun : pour les PMA, le régime « Tout sauf les armes » (TSA), qui leur permet de bénéficier d'un accès libre au marché européen, sans droit de douane ni contingentement des marchandises ; pour les autres pays ACP, non PMA, le Système de préférences généralisées (SPG), ayant pour conséquence la réintroduction de droits de douane à l'entrée de leurs produits sur le marché européen. Une solution devait être trouvée.

La Commission a fait pression pour que les pays concernés concluent avec elle, soit de manière bilatérale, soit de manière régionale, des APE d'étape, ou intérimaires, le temps que les APE globaux soient finalisés. Un règlement a été adopté en ce sens fin 2007 pour accorder de manière transitoire le bénéfice du maintien de l'accès au marché européen dans les mêmes conditions aux pays qui s'engageraient sur une APE d'étape. Une vingtaine de pays africains, dont la Côte d'Ivoire ainsi que la région d'Afrique de l'est, ont finalement paraphé de tels accords.

Cet accord entre l'UE et la Côte d'Ivoire, objet du projet de loi soumis à la Commission des affaires étrangères, est composé de sept titres, de 81 articles, auxquels sont joints deux annexes, deux appendices et un protocole. Les objectifs n'appellent pas de commentaire particulier : il s'agit essentiellement de permettre à la partie ivoirienne de bénéficier de l'accès au marché amélioré offert par la Communauté dans le cadre des négociations de l'APE. Un partenariat pour le développement est institué au titre II, qui définit une coopération spécifique, mise en oeuvre selon les règles et procédures classiques du FED, et destinée à accompagner la Côte d'Ivoire dans la réalisation des objectifs. Des mesures de coopération financière et non financière sont prévues, qui portent sur la mise en place de règles liées au commerce, sur le renforcement et la mise à niveau de la compétitivité des secteurs productifs ivoiriens, sur la réduction des droits de douane ou encore la coopération entre les parties au sein des organisations internationales. Les quatre chapitres du titre III fixent les règles concernant le régime commercial des marchandises : droits de douane et mesures non tarifaires ; instruments de défense commerciale ; régime douanier et facilitation du commerce ; obstacles techniques au commerce. En matière de droits de douane, il est prévu que les produits originaires de la Côte d'Ivoire sont importés dans la partie CE libres de droits, sauf pour une liste de produits, donnée en annexe. Des dispositions particulières sont prévues pour protéger certains secteurs considérés comme sensibles par l'UE, comme le riz ou la banane, de même que la possibilité de mécanismes de sauvegarde. Il est également prévu que les droits de douane de la Côte d'Ivoire pour les produits qu'elle importe de l'UE seront réduits ou éliminés conformément à un calendrier de démantèlement tarifaire annexé. Quatre groupes de produits sont définis pour lesquels les libéralisations interviennent dans les cinq ans de la mise en oeuvre de l'accord (groupe A), entre cinq et dix ans (groupe B), puis entre dix et quinze ans (groupe C). Le dernier groupe (D) est celui des produits qui ne seront pas libéralisés. La durée maximale de libéralisation des droits de douane sera donc de quinze ans. La clause de la nation la plus favorisée est introduite, de même que l'interdiction de restrictions quantitatives ou l'égalité de traitement entre produits nationaux et importés en matière de taxes. Des instruments de défense commerciale peuvent être actionnés en cas d'importations brutalement accrues qui peuvent causer des dommages à l'industrie nationale, introduire des perturbations dans un secteur économique ou sur les marchés agricoles. Les mesures prises doivent être temporaires. L'UE peut également en prendre au profit de ses régions ultrapériphériques. Le chapitre trois présente les axes de la coopération sur les questions douanières et de facilitation du commerce. Le chapitre quatre définit la coopération entre les parties pour faciliter le commerce et lever les obstacles qui peuvent surgir.

Le titre IV de l'accord renvoie aux négociations pour l'APE global pour traiter de la libéralisation des services et des investissements. En matière de prévention et de règlement des différends, le titre V institue notamment une procédure d'arbitrage lorsque les consultations et médiations n'ont pas donné de résultats. Le titre VI liste les exceptions générales et précise que l'accord ne saurait empêcher une partie de prendre les mesures nécessaires à la sécurité, à l'ordre public, à la santé, à la protection du patrimoine et des ressources naturelles. Le titre VII institue notamment un Comité APE chargé de l'application de l'accord dans tous ses domaines. Il est convenu qu'en attendant l'entrée en vigueur de l'accord, les parties l'appliqueront à titre transitoire, soit par ratification, soit conformément à leurs lois respectives. Il est confirmé enfin que l'accord sera remplacé par un APE global conclu au niveau régional avec la partie CE à sa date d'entrée en vigueur.

Depuis la conclusion de cet accord d'étape, le contexte a changé : les négociations régionales se sont poursuivies et ont abouti, après des concessions faites de part et d'autre. En outre, compte tenu des retards pris dans les négociations, la Commission a proposé en mai 2013 la modification du règlement de 2007 qui fixait les règles concernant les pays en négociation avec elle : initialement, le maintien de l'accès au marché européen dans les mêmes conditions était octroyé à la condition que les pays prennent les mesures nécessaires à la ratification et à la mise en oeuvre « dans un délai raisonnable. ». La modification a fixé le 1er octobre comme date-butoir. À cette échéance, les pays qui n'auraient pas ratifié les APE intérimaires, ou qui n'auraient pas conclu d'APE régional, perdraient les bénéfices octroyés. C'est pourquoi, après des années de négociations, l'accord régional a finalement été finalisé au niveau technique entre janvier et février 2014, puis validé par les chefs d'État et de gouvernement de l'Afrique de l'ouest, lors du 45e sommet de la CEDEAO, à Accra le 10 juillet 2014. Quatre des seize États partie ne l'ont toutefois pas encore signé côté africain : le Togo, la Gambie, la Mauritanie et le Nigeria. De leur côté, les 28 États membres de l'Union l'ont signé le 12 décembre 2014.

L'évolution de ce contexte régional pourrait laisser penser que la ratification de l'accord d'étape UE-Côte d'Ivoire - qui lui a permis de ne pas perdre le bénéfice du régime commercial APE établi par le règlement de décembre 2007 - n'a aujourd'hui plus de raison d'être dès lors que l'APE global a vocation à s'y substituer. Cela est vrai mais on ne peut toutefois exclure l'éventualité de retards dans la mise en oeuvre de l'APE régional. C'est la raison pour laquelle cet APE d'étape garde sa pertinence. Je vous invite en conséquence à adopter ce projet de loi pour en autoriser la ratification.

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Je souhaiterais avoir quelques éléments d'information supplémentaires. Je ne sais si vous pourrez me les transmettre immédiatement car ils sont d'ordre assez général. D'une part, quelle est la situation aujourd'hui de la Cote d'Ivoire sur le plan de sa sécurité et de son environnement régional ? Quelle est la fiabilité des institutions du pays ? Par rapport à 2008, quelle est la situation économique ? Enfin, nous connaissons depuis des mois, voire des années, des flux de migrants en Europe du Sud, la Cote d'Ivoire est-elle concernée par ces flux ?

Concernant le texte examiné, l'article 25 relatif aux mesures de sauvegardes bilatérales me semble de nature à remettre en cause l'ensemble des dispositifs qui ne conviendraient pas à l'un des Etats. Qu'en est-il ?

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Ce n'est pas la première fois qu'on a ce type d'accord avec un Etat africain. Il y en a eu un notamment avec la Tunisie il y a quelques temps. Ma question est celle de l'impact. Contrairement à ce qu'on peut penser, abaisser les droits de douane, libéraliser les échanges, peut avoir des effets dévastateurs pour l'économie interne de certains pays. Une étude d'impact a-t-elle été réalisée pour savoir quelles seraient les conséquences de l'accord pour la Côte d'Ivoire, pour son agriculture, son industrie, et a-ton bien mesuré les effets directs et indirects de cette libéralisation ?

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Je crois que les préoccupations de Jacques Myard sont partagées. Je me souviens avoir fait un rapport sur le partenariat économique correspondant aux années 2008, années où effectivement l'arrogance de l'Union européenne par rapport aux pays africains était manifeste. C'est la raison pour laquelle il y eut une période pendant laquelle les Etats africains n'entendaient pas signer ce type d'accord parce qu'ils n'étaient pas considérés comme des partenaires.

Fort heureusement, d'après ce que nous a dit le rapporteur, les choses ont enfin évolué : les spécificités, les besoins et les risques pour les pays africains semblent mieux pris en compte et, notamment, on insiste sur le côté asymétrique de ces accords, sur leur entrée en vigueur progressive. Bref, y figurent un certain nombre de précautions élémentaires dont il n'était pas question dans les années 2008. Ce n'est qu'un accord d'étape, mais ça va dans le bon sens. Si les pays africains commencent à ratifier, c'est qu'ils y trouvent leur intérêt et surtout leur dignité. Par conséquent, je voterai ce projet de loi, en espérant qu'après l'étape il y aura l'arrivée et, puisque l'Union européenne a choisi de travailler par région, qu'elle concernera l'Afrique de l'ouest. Le rapporteur peut-il nous dire quand sera le terme de l'accord définitif avec cette région dont bénéficiera la Côte d'Ivoire ? En tous cas c'est un progrès et on aurait tort de ne pas le ratifier tel quel.

(Présidence de Mme Odile Saugues, Vice-Présidente)

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Je répondrai successivement aux trois interventions. Concernant la Côte d'Ivoire, les questions liées à la sécurité sont toujours très présentes dans l'actualité de ce pays, d'abord parce que le processus de réconciliation est en cours. Il y a un certain nombre d'avancées qui ont été enregistrées mais il y a aussi des procès qui pèsent lourdement dans l'actualité du pays. On a franchi un certain nombre d'étapes mais on sait que les années à venir risquent d'être encore un peu compliquées.

Sur le plan économique, la croissance est extraordinairement forte. Elle était de 9 % l'an dernier. Il faut évidemment regarder de quoi elle est faite. Elle traduit le redémarrage d'un certain nombre d'activités de manière très significative. Il suffit de regarder l'évolution des transports aériens sur l'aéroport d'Abidjan : l'aéroport d'Abidjan est redevenu un hub économique considérable pour toute l'Afrique de l'ouest. Un certain nombre de signaux passent au vert mais derrière cela il faut que des filières se reconstruisent complètement. Je pense à la filière du cacao dont on connaît l'importance et dont on sait à quel point la crise l'a annihilée il y a quelques années.

Sur la question des migrants, à ma connaissance, parmi ceux qui traversent le Sahel et remontent vers la Libye notamment, très peu sont des ressortissants de la Côte d'Ivoire. Ce sont surtout des ressortissants de pays plus au nord. Il y a probablement des migrations entre les pays voisins mais qui viennent vers la Côte d'Ivoire, attirées par la richesse retrouvée, mais ce n'est pas un problème que l'on retrouve à notre frontière sud.

Concernant l'article 25, je crois effectivement que c'est un article important qui résume une bonne partie de cet accord, mais je tiens à rappeler qu'il y a des délais qui sont fixés et qui permettent de rassembler tout le monde et de se mettre sur le bon chemin, en espérant que nous allions vers l'arrivée, mais cela, l'avenir nous le dira.

Jacques Myard a posé la question de l'impact. J'ai eu moi-même connaissance de rapports d'ONG, d'études d'impact, et le FMI a également travaillé sur ces questions. Il est prévu que ces accords soient accompagnés de mesures compensatoires ou de programmes d'accompagnement pour adoucir les possibles difficultés sur certaines productions. Il faudra être vigilant sur l'application des accords surtout lorsqu'ils seront conclus à l'échelle régionale. Cela étant, la Côte d'Ivoire s'est montrée très allante sur ce dispositif et notamment sur l'accord général. On va regarder de près ce qui se passera pour les productions ivoiriennes importantes à l'export, notamment le cacao. Je pense que c'est sur ce type de choses qu'il faudra examiner les effets avec acuité.

Concernant l'analyse de Jean-Pierre Dufau, je crois en effet que ces accords sont des étapes qui balisent à nouveau le commerce international et où les deux parties, l'Union européenne et les pays africains, trouvent un intérêt partagé. Evidemment cela a pris beaucoup de temps. Il y avait aussi beaucoup d'habitudes acquises avec les premiers accords et certains pays, sans doute pris par leurs difficultés économiques, n'ont pas toujours vu la pertinence du renouvellement de ces accords. Je crois qu'on est sur le bon chemin. On avance et c'est pourquoi il est opportun de ratifier.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique d'étape entre la Côte d'Ivoire, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part (n° 1163).

Informations relatives à la commission

Au cours de sa séance du mercredi 24 juin 2015 à 9h45, la commission a nommé M. Kader Arif, rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n° 2183).

La séance est levée à dix heures cinquante-huit.