Amendement N° 42 (Adopté)

Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne

Sous-amendements associés : 46 47 48 49 50 51

Déposé le 24 juin 2015 par : le Gouvernement.

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l'article 11‑1, il est inséré un article 11‑2 ainsi rédigé :

«  Art. 11‑2. – Sans préjudice des dispositions de l'article 706‑47‑4, le procureur de la République peut informer les administrations ou organismes compétents de l'existence d'une enquête ou d'une instruction en cours concernant une personne dont l'activité professionnelle ou sociale, en application de la loi ou du règlement, est placée sous le contrôle ou l'autorité de ces administrations ou organismes, lorsqu'en raison de la nature de l'infraction ou des circonstances de sa commission, la transmission de cette information paraît nécessaire à l'exercice de ce contrôle ou de cette autorité.
«  Les administrations ou organismes destinataires de cette information ne peuvent la communiquer qu'aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l'exercice de cette activité. »

2° Après le 12° de l'article 138, il est inséré un 12°bis ainsi rédigé :

«  12°bis Ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ; » ;

3° Après l'article 706‑47‑3, il est inséré un article 706‑47‑4 ainsi rédigé :

«  Art. 706‑47‑4. – I. – Lorsqu'une personne exerçant une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l'exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par une autorité administrative, est renvoyée devant une juridiction de jugement, mise en examen ou condamnée pour l'une des infractions mentionnées au II, le ministère public en informe cette autorité. Cette information peut également être communiquée au cours de l'enquête ou de l'instruction.
«  Lorsque l'information concerne une enquête ou une instruction en cours, les autorités qui en sont destinataires ne peuvent la communiquer qu'aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l'exercice de cette activité.
«  II. – Les infractions qui donnent lieu à l'information mentionnée au I sont :
«  1° Les crimes et les délits prévus à l'article 706‑47 du présent code ;
«  2° Les crimes et les délits prévus aux articles 222‑1 à 222‑14 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur un mineur de quinze ans ;
«  3° Les délits prévus aux articles 222‑32 et 222‑33 du même code ;
«  4° Les délits prévus au deuxième alinéa de l'article 222‑39 et aux articles 227‑18, 227‑18‑1, 227‑19 et 227‑21 du même code ;
«  5° Les crimes et délits prévus aux articles 421‑1 à 421‑6 du même code.
«  III. – Le ministère public peut également informer l'autorité administrative compétente de toutes procédures portant sur des infractions autres que celles prévues au II et concernant une personne mentionnée au I lorsqu'elle est renvoyée devant une juridiction de jugement, mise en examen ou condamnée pour des faits qui, en raison de leur nature ou des circonstances de leur commission, paraissent devoir être portés à la connaissance de cette autorité afin que celle-ci prenne, le cas échéant, les décisions qu'elle estime nécessaires à la protection des mineurs.
«  IV. – Un décret précise les modalités d'application du présent article. Il détermine notamment :
«  1° Les catégories de professions et activités concernées ;
«  2° Les autorités destinataires des informations ;
«  3° La nature des informations et, le cas échéant, des documents pouvant ou devant être communiqués à ces autorités ; »

4° Le 1° de l'article 776 est complété par les mots : « ou pour le contrôle de l'exercice des emplois publics ».

Exposé sommaire :

Le présent amendement a pour objet de renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs, suite aux récents évènements ayant montré que la protection des mineurs ne pouvait être assurée de façon optimale en l'état actuel du droit

Ces modifications sont nécessaires à l'application, notamment pour ce qui relève de la compétence des autorités judiciaires, de la directive 2013/55 du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui prévoit notamment que les autorités administratives françaises devront signaler d'initiative aux autorités compétentes des autres États membres les interdictions concernant les professions en lien avec l'éducation des mineurs, ce qui implique donc que ces interdictions doivent pouvoir être prononcées par les juridictions pénales à chaque fois que nécessaire, que les juridictions doivent en aviser les administrations concernées, et que celles-ci doivent prendre les décisions qui s'imposent. Ces modifications ont donc pleinement leur place dans le présent projet de loi.

Cet amendement modifie sur quatre points le code de procédure pénale.

Les dispositions les plus importantes de l'amendement sont celles de son 3° qui insère dans le code de procédure pénale un article 706‑47‑4 prévoyant que les autorités judiciaires pourront ou devront informer les autorités administratives compétentes pour le contrôle des personnes exerçant des activités auprès des mineurs, des procédures les mettant en cause, lorsqu'il s'agit d'infractions graves, commises contre des mineurs ou de nature sexuelle. L'information sera obligatoire en cas de renvoi devant une juridiction, de mise en examen ou de condamnations portant sur une liste limitative d'infractions. Elle sera laissée à l'appréciation du parquet pendant la période de l'enquête, ou s'il s'agit d'une infraction ne figurant pas dans cette liste.

Les infractions rendant obligatoire, en cas de renvoi devant une juridiction, de mise en examen ou de condamnation, l'information par le procureur, sont tout d'abord les infractions sexuelles, violentes ou commises contre des mineurs mentionnées à l'article 706‑47 du code de procédure pénale (qui entraîne notamment l'inscription du condamné au fichier judiciaire national des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes) à savoir :

- le meurtre ou l'assassinat avec tortures ou actes de barbarie ou commis en récidive, et les tortures ou actes de barbarie ;

- les viols, les agressions sexuelles et les atteintes sexuelles ;

- les infractions de traite des êtres humains à l'égard d'un mineur, de proxénétisme à l'égard d'un mineur, ou de recours à la prostitution d'un mineur ;

- la corruption de mineur, la pédopornographie, les propositions sexuelles à un mineur et la provocation à des mutilations sexuelles sur un mineur.

Ont été ajoutés à cette liste, toutes les violences commises sur les mineurs de quinze ans, l'exhibition sexuelle, le harcèlement sexuel, la cession de stupéfiants à un mineur, la provocation d'un mineur à la consommation d'alcool ou à commettre un crime ou un délit et les actes de terrorisme.

Pour ces infractions, la nature et/ou la gravité des faits rendent en effet la transmission de l'information toujours nécessaire en cas de condamnation de la personne, ou si celle-ci est renvoyée devant un tribunal ou mise en examen, c'est-à dire si elle fait l'objet d'un acte de poursuites nominatif émanant du procureur de la République (citation directe, comparution immédiate, convocation par procès-verbal, convocation en justice) ou émanant du juge d'instruction (mise en examen).

La transmission de l'information sera facultative, le procureur appréciant l'opportunité de le faire, dans deux hypothèses :

- Soit au cours d'une enquête ou d'une information portant sur l'une de ces infractions, mais alors que des poursuites n'ont pas encore été engagées, par exemple lorsque la personne a reconnu les faits lors d'une garde à vue ou d'une audition libre, mais a ensuite été laissée en liberté dans l'attente de l'engagement des poursuites.

- Soit en cas de poursuite ou de condamnation pour des infractions autres que celles figurant sur cette liste, lorsqu'en raison de leur nature ou des circonstances de leur commission, la procédure parait devoir être portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente afin que celle-ci prenne s'il y a lieu les décisions qu'elle estime nécessaires à la protection (physique ou morale) des mineurs.

Ce pourra par exemple être le cas si un enseignant est poursuivi et condamné pour provocations, diffamations ou injures racistes ou discriminatoires.

L'article 706‑47‑4 pose ainsi le principe de cette information dans la loi – car, tant que l'enquête ou l'instruction est en cours, il s'agit d'une dérogation au caractère secret de la procédure, qui est prévu par l'article 11 du code de procédure pénale - tout en renvoyant au décret le soin de préciser les modalités de cette information.

Ce décret est actuellement en cours d'achèvement, en liaison avec les ministères concernés, et notamment de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, de l'intérieur et des affaires sociales, au vu des conclusions définitives du rapport des inspections et des groupes de travail interministériels.

Le 2° de l'amendement permet d'interdire à une personne mise en examen, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs, y compris si l'infraction reprochée n'a pas été commise à l'occasion de cette activité. Une telle interdiction, possible dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve, ne peut en effet pas être prononcée à ce stade de la procédure, ce qui constitue une évidente lacune de notre droit.

Enfin, le 4° de l'amendement élargit les conditions d'accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire par les administrations prévues par le 1° de l'article 776, afin que cet accès soit possible non seulement en cas d'embauche d'un agent public, mais également au cours de l'exercice de son activité, comme c'est du reste déjà possible, pour les emplois non publics, en application du 3° de cet article.

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