Commission des affaires étrangères

Réunion du 25 juin 2013 à 17h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Compte-rendu du déplacement au Niger et au Mali de MM. Pierre Lellouche et François Loncle, président et rapporteur du groupe de travail sur le Sahel.

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

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Nous allons entendre MM. Pierre Lellouche et François Loncle, président et rapporteur du groupe de travail sur le Sahel, qui se sont rendus au Niger et au Mali du 30 mai au 4 juin derniers. Le moment est important : nous sommes à un peu plus d'un mois du premier tour de l'élection présidentielle – qui aura lieu le 28 juillet – et le gouvernement malien vient de signer un « accord préliminaire » avec deux mouvements du nord du Mali, ce qui permet d'envisager la tenue du scrutin sur l'ensemble du territoire. Car l'enjeu est significatif : il est indispensable que cette élection se tienne dans les meilleures conditions possibles et qu'elle puisse donner au Mali des autorités légitimes.

Nous serons donc désireux d'entendre vos observations sur ce processus. Les délais vous paraissent-ils tenables ? L'organisation du scrutin vous semble-t-elle bien menée ?

Au-delà, vous avez certainement pu vous rendre compte de l'évolution d'un pays que vous avez déjà visité en décembre dernier. Nous souhaitons avoir vos observations sur ce point, en particulier s'agissant de la reconstruction politique et économique du Mali.

Par ailleurs, vous avez eu l'occasion de rencontrer nos forces militaires dans la région, tant celles de la force Serval que de la mission de formation de l'armée malienne mise en place par l'Union européenne. Pouvez-vous faire le point sur cette présence militaire ?

Enfin, comme je l'indiquais au début de mon intervention, votre déplacement au Sahel vous a également conduit à vous rendre au Niger, un pays que l'actualité, avec les attentats du 23 mai dernier, a placé au coeur de la problématique sécuritaire de la région. Comment analysez-vous la situation intérieure de ce pays ? Vu de Paris, il semble montrer d'évidents signes de fragilité mais, pour autant, faire preuve d'une relative stabilité. Il sera intéressant d'avoir vos observations sur cet Etat qui, de par son positionnement dans la région sahélienne, est un élément clef du devenir de celle-ci.

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Notre groupe de travail est une instance permanente et notre intervention d'aujourd'hui est une sorte de rapport d'étape.

Au Niger, outre l'ambassadeur de France et son équipe, nous avons rencontré des personnalités remarquables. Je pense, par exemple, à M. Alhamdou Ag Ilyène, chargé d'affaires du Mali au Niger, un homme aux idées bien arrêtées quant à l'avenir de son pays. Nous avons aussi visité le camp de réfugiés de Tabareybarey, situé à 233 km au nord-ouest de Niamey et à 30 kilomètres de la frontière avec le Mali et qui accueille plus de 8.000 personnes. Nous avons également eu l'occasion de nous entretenir avec M. Brigi Rafini, Premier ministre du Niger mais aussi avec le Président de la République, M. Mahamadou Issoufou. Le dernier jour, avant notre départ, nous avons assisté à la séance de clôture de la session ordinaire de l'Assemblée nationale, où étaient présents les présidents des assemblées malienne et burkinabé. Le symbole était fort et montre que, désormais, l'ensemble des Etats de la région se sentent concernés et que les problèmes ne sont plus affrontés de manière isolée.

Depuis l'élection du Président Issoufou – élection jugée exemplaire par la communauté internationale –, le Niger est stable. L'opposition respecte les règles du jeu et est intégrée au fonctionnement de la République. La pratique démocratique du pouvoir est réelle, la presse est libre et les opposants se font entendre. De même, il y a, au Niger, un sentiment national assez développé, plus fort qu'au Mali.

En revanche, on a été surpris par la virulence des propos à l'encontre de la situation en Libye. Il y a une vraie obsession du Niger envers le désordre libyen qui menace la stabilité du pays. D'ailleurs, peu avant notre visite à Niamey, il y a eu deux attentats, à Agadez et à Arlit. Et le jour même de notre départ, une attaque terroriste atteignit la prison de Niamey dans le but de libérer certains détenus terroristes. La situation sécuritaire est donc préoccupante et explique que le Président Issoufou nous ait fait part de ses doutes quant à la doctrine « Tout sauf les Armes » (TSA) qui renchérit le coût de la sécurité des Etats africains, alors qu'ils sont les premiers concernés par la lutte contre le terrorisme.

Au-delà de cet environnement menaçant, le Niger est aussi confronté à des faiblesses préoccupantes. L'Etat demeure faible. La fonction publique est politisée. Il y a peu de fonctionnaires au regard de la taille et de la population du pays. Il y a un problème de compétences humaines. Le Niger est également confronté à la corruption et ses ressources sont limitées. Celles tirées de l'uranium sont jugées insuffisantes par le chef de l'Etat – ce qui ne va pas sans créer des tensions avec les sociétés présentes – et, en outre, le tourisme a été anéanti par le placement en zones rouge et orange, ce qui conduit à s'interroger, à nouveau, sur les effets néfastes de ces classements par le Quai d'Orsay.

Autre handicap du Niger : un profond sous-développement. En 2011, j'ai assisté à l'investiture du Président Issoufou et sa priorité absolue était, à l'époque, la sécurité. Mais les dépenses dans ce secteur empêchent de consacrer des moyens suffisants à deux autres domaines importants : le système éducatif et celui de la santé. En plus, ce pays est pénalisé par sa situation démographique qui est très préoccupante. Avec un taux de fécondité proche de 8 enfants par femmes, le taux de croissance de la population est de 3.9 % par an et la prise de conscience des effets néfastes de ces chiffres est loin d'être très répandue.

En ce qui concerne le camp de réfugiés de Tabarebarey, nous avons appris qu'au début de la prise en charge des réfugiés maliens par les organismes internationaux, les populations nigériennes des communes d'accueil, elles-mêmes soumises à des carences alimentaires et vivant dans des conditions d'extrême pauvreté, ont eu le sentiment qu'un traitement privilégié était accordé aux Maliens, ce qui a conduit le HCR et ses partenaires à aider également les populations d'accueil afin d'éviter les tensions. Nous avons aussi constaté que les réfugiés considèrent que les garanties de sécurité sont encore insuffisantes au Nord Mali pour envisager un retour à court terme.

Enfin, nous n'avons pu avoir des informations précieuses sur la présence des Etats du Golfe au Niger. Nous devrons suivre cette question.

J'en viens maintenant au Mali. Lors de notre arrivée, un constat nous est immédiatement venu à l'esprit : Bamako est plus vivante qu'en décembre, lors de notre dernier voyage. La ville a repris confiance !

Pour autant, il y a fort à faire. Il y a tout d'abord urgence à aider la population. Certes, militairement, la guerre est en grande partie gagnée mais il faut désormais gagner la paix. Les populations, notamment dans le nord du pays, rendent hommage à la France et collaborent avec Serval mais, le risque est grand de perdre notre capital de sympathie si les gens continuent de vivre dans la plus grande précarité.

Nous sommes allés à Gao et je tiens à remercier le ministère de la défense de nous avoir permis de nous rendre dans cette ville. Ce qui m'amène d'ailleurs à rendre hommage à nos soldats. Ils effectuent un travail remarquable dans des conditions extrêmes où la température dépasse fréquemment 50°C. Mais nos forces ne sont pas seules et il ne faut pas oublier les troupes de la MISMA avec, notamment, au nord du Mali, celles du Niger, du Burkina Faso et du Tchad. La MISMA deviendra la MINUSMA au 1er juillet. Nous avons rencontré le chef de cette dernière dès son arrivée sur le sol malien et, moi qui, parfois, peut être critique à l'égard de l'ONU, je dois reconnaitre avoir été impressionné.

Pour en revenir à Gao où nous avons rencontré le préfet, le maire mais aussi des habitants, nous avons pu nous rendre sur le marché, typiquement africain et rebaptisé du nom du premier militaire français tombé lors de l'Opération Serval, le lieutenant Damien Boiteux. Nous avons également constaté les difficultés éprouvées par la population dans sa vie quotidienne : il n'y a que quatre stations de pompage d'eau sur onze qui fonctionnent, l'électricité n'est disponible qu'entre 18h30 et 23h30 seulement et il n'y a pas de banque, d'où des problèmes évidents d'insécurité.

Face à ces besoins, il n'y a pas de plan d'urgence mis en place par les autorités maliennes. Comme je l'ai dit, nous avons rencontré le préfet de Gao mais il est démuni. La Force Serval aide au plus pressé en fournissant, par exemple, des groupes électrogènes. Mais ce n'est qu'une goutte d'eau. La communauté internationale doit agir. La « machine onusienne » doit se mettre en route avant que les sentiments de la population ne dérapent.

En outre, au Mali, nous avons également rencontré des journalistes et deux candidats à l'élection présidentielle. Il y a deux sortes de candidats. Ceux qui ont été dans le dispositif de longue date, c'est-à-dire ceux qui étaient présents à l'époque d'ATT et il y a les nouveaux, souvent des hommes d'affaire ou des professeurs, qui ne seront pas forcément au second tour mais qui peuvent, néanmoins, être solides.

Nous avons pu avoir un entretien avec le Premier ministre malien, M. Diango Cissoko ainsi qu'avec M. Mohamed Salia Sokona, président de la Commission Dialogue et Réconciliation, même si je dois dire que nous n'avons pas eu une impression particulièrement positive de cette instance qui, au mieux, n'interviendra qu'après les élections.

Evidemment, on est persuadé qu'il faut désormais mener plusieurs fronts en même temps. Le front du développement, celui du secours humanitaire, celui de l'organisation de l'Etat mais aussi le processus électoral. A priori, les élections auront lieu grâce à l'accord qui vient d'être conclu à Ouagadougou sous la médiation du Président Compaoré. Ça été pénible et long à obtenir mais la France a oeuvré en ce sens. Il reste quatre semaines d'ci le premier tour mais on constate que la période est loin d'être la meilleure avec la saison des pluies, l'hivernage – c'est-à-dire le moment où les gens seront dans les champs – et aussi la transition MISMA-MINUSMA qui peut être délicate à gérer. En tout état de cause, rien ne serait pire que de retarder la date des élections. Beaucoup le souhaitent et il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce qu'il n'y ait pas d'élection.

Comme vous le dira Pierre Lellouche, non seulement la question sécuritaire va perdurer mais il s'agit maintenant d'un problème de « State Building » mais aussi de « Nation Building » avec toute une série de dispositifs qui sont connus, pour lesquels on travaille déjà et pour lesquels je penche plutôt vers l'optimisme.

Pour conclure, voici les sept recommandations que nous souhaitons formuler à l'issue de notre déplacement :

- sensibiliser les Etats de la région et la communauté internationale à l'urgence d'aider la population malienne pour ne pas dilapider notre capital de sympathie après l'intervention militaire ;

- envisager que les autorités françaises nomment un Représentant spécial pour le Sahel qui ne soit pas un diplomate mais un homme politique qui pourrait mobiliser les différentes administrations.

- ne pas passer à côté des opportunités économiques offertes par la reconstruction du Mali. Créer, dans ce but, une « Task force » des entreprises françaises désireuses de travailler dans ce pays ;

- soutenir nos armées au moment du vote du prochain projet de loi de finances et de la future loi de programmation militaire et tirer les enseignements de l'Opération Serval sur nos capacités ;

- s'interroger sur la pertinence de la doctrine « Tout sauf les Armes » (TSA) qui renchérit le coût de la sécurité des Etats africains, alors qu'ils sont les premiers concernés par la lutte contre le terrorisme ;

- mesurer l'influence réelle des pays du Golfe sur les Etats du Sahel ;

- et, enfin, s'interroger sur les effets néfastes du placement en « zone rouge » de tout ou partie du territoire des Etats sahéliens. Car on a annihilé le tourisme et toute coopération décentralisée, ce qui est un grand handicap pour le développement de la région.

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De ce déplacement au Niger et au Mali, je retiens trois bonnes nouvelles.

Tout d'abord, je tire un coup de chapeau à nos soldats qui ont oeuvré dans des conditions exceptionnelles, notamment une très forte chaleur. Les défis logistiques sont énormes, en particulier s'agissant de l'acheminement de l'eau. Au-delà, nous avons pu mesurer les grands progrès de l'armée dans l'intégration du champ de bataille en temps réel. Dans une région difficile, un dispositif même limité peut être efficace.

Par ailleurs, je crois qu'avec beaucoup d'efforts, le Quai d'Orsay a réussi le pari de mobiliser d'abord des donateurs mais aussi l'ONU qui arrive avec des moyens importants et un représentant spécial de qualité, M. Bert Koenders, un ancien député socialiste hollandais qui m'a succédé à la tête de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Le passage de la MISMA à la MINUSMA va conduire à un doublement des troupes sur le terrain avec des unités africaines équipées largement par des équipements militaires américains. Alors, certes, militairement, la France est seule en Europe mais, au moins, la MINUSMA est là.

Enfin, l'accord de Kidal est une bonne chose. Nous étions dans une position difficile avec des soldats français et des Touareg dans cette ville et l'armée malienne qui voulait remonter. A côté de ça, la presse et la classe politique malienne nous accusaient de complicité. Lorsque nous avons quitté Bamako, le 4 juin, nous sentions que l'ambiance n'était pas bonne du tout avec un tas de gens qui ne voulaient pas l'élection. Tout le monde s'y est mis et, au final, nous avons une solution qui, à court terme, permet la tenue de l'élection.

En revanche, il y a un certain nombre de mauvaises nouvelles dues au fait que je pense qu'on a embrassé une situation compliquée dont on n'est pas prêt de sortir. Car, comme l'a dit François Loncle, il faut faire, au Mali, du « State Building » mais aussi du « Nation « Building ». D'habitude on n'a pas les deux à faire en même temps ! Il serait faux de réduire la problématique malienne à une simple opposition nordsud : le nord, lui-même, est très divisé ! Chez les Touareg, par exemple, vous avez les indépendantistes et les autres et à ces divisions se rajoutent les problèmes liés aux trafics divers. Le climat est peu propice à la réconciliation. On est dans la palabre et pas dans l'action. Après la présidentielle, il va falloir recoudre le tissu national malien et reconstruire l'Etat. On est en train de reconstruire l'armée mais il faut aussi s'atteler à la justice, à l'éducation et à l'ensemble des services publics dans le nord. On l'a vu à Gao, les préfets n'ont aucun moyen. Dans cette ville, par exemple il n'y a que 80 policiers ne disposant que de 10 armes. L'eau manque, l'électricité aussi. On dit de plus en plus que « c'était mieux avant ». Or, comment recréer une dynamique de développement sans interlocuteur ?

En outre, il ne faut surtout pas penser que tout sera fini le 28 juillet prochain. D'ailleurs, sur le plan militaire, la France ne pourra descendre en dessous de 1.000 soldats et il faudra environ 3.500 hommes pour tenir la sécurité. N'oublions pas que la MINUSMA ne sera pas une force de combat et aura besoin de nos troupes pour se défendre en cas d'attaque. Le dispositif français va donc devoir demeurer robuste. Ce qui conduit à soulever la question de l'argent. Le « seuil OPEX » inscrit en lois de finances – égal à 630 millions d'euros – va être largement franchi. Et puis, concrètement, on a des situations ubuesques comme avec les drones que nous avons vus à Niamey et qui ont épuisé les heures de vols budgétées : on doit attendre octobre pour pouvoir en racheter ! Il y a assurément un vrai sujet de réflexion sur le maintien, à terme, d'une capacité militaire suffisante. Je vous rappelle qu'en Afghanistan, au moment le plus haut de notre engagement, on avait 4.500 hommes ! Pour Serval, on pourra difficilement descendre en dessous de 2.5003.500 hommes. Et puis il convient de souligner que cette opération extérieure ne couvre pas la Libye, source de bien des menaces actuellement.

Notre présence militaire sur le sol malien doit avoir un minimum d'impact économique. Or, la brigade Serval est démunie et, si elle a financé quelques équipements, c'était sur les fonds propres des régiments ! Aucune ONG française n'est présente autour de notre dispositif militaire. Lorsque je fus nommé en Afghanistan, ma première décision a été de faire en sorte que nos soldats aient un dispositif civilo-militaire à côté d'eux pour être acceptés par la population.

Il faut une plus grande coordination de l'aide. Car si les bailleurs arrivent alors qu'il n'y a pas d'Etat, le risque d'évaporation de l'aide est très élevé. Il faut aussi un travail d'accompagnement politique post-élection présidentielle. Comme je l'ai dit préalablement, ça ne s'arrêtera pas le 28 juillet. L'accord de Ouagadougou prévoit une commission permanente de réconciliation : il faudra que le travail soit fait.

Enfin, il n'est plus possible de voir un torrent d'argent investi, au Niger et au Mali, dans des mosquées et des madrasas. Sur la route entre Niamey et le camp de réfugiés, nous avons vu des dizaines de villages très pauvres mais dans chacun, il y avait un établissement religieux flambant neuf financé par les pays du Golfe. Il faut avoir une discussion franche avec ces derniers et qu'ils créent plutôt un fonds d'investissement en faveur du développement de ces régions.

Pour conclure, j'ai dit qu'on avait épousé la classe politique malienne : c'est vrai. Notre scenario passe par une stabilisation de celle-ci. Le plus difficile est probablement devant nous, dans un environnement mouvant où le terrorisme n'est pas anéanti. Il faudra conserver le consensus dans l'opinion publique mais ne pas se mentir : ceux qui disent qu'on peut rentrer chez nous dès maintenant disent des bêtises.

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Merci au rapporteur, François Loncle, pour son exposé extrêmement précis ainsi qu'à Pierre Lellouche pour ses remarques complémentaires. J'aimerais que vous reveniez sur le processus de formation de l'armée malienne. Quand je m'étais rendue en avril à Bamako aux côtés de Monsieur Fabius, j'ai eu du Général Lecointre un compte-rendu plutôt optimiste sur la formation des bataillons d'infanterie. Quelle impression avez-vous maintenant sur la formation assurée par l'EUTM ? Avez-vous également des indications sur la présence militaire des Etats-Unis dans la région ?

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Les deux interventions d'un optimiste extraordinaire ont répondu à une partie des questions que je voulais poser, mais je n'ai pas entendu parler de l'AFD. Que fait l'AFD ? L'intervention militaire a été rapide, même si nous n'en sommes pas encore sortis, mais je n'ai pas encore compris ce que nous avons fait en matière de reconstruction. Par ailleurs, à partir de quel stade une troupe militaire va-t-elle devenir une troupe d'occupation ? Enfin, la « gestion à l'africaine », terme un peu trop utilisé, n'est-elle pas parfois plus adaptée à des pays où la gestion à l'occidentale n'est pas acceptée ?

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Sur la situation militaire, j'ai cru comprendre que le Président de la République a annoncé un retrait progressif des troupes françaises puis a évoqué un report de ce retrait, ce qui prouve que la situation est pour le moins ambiguë… Où sont AQMI et les autres groupes terroristes ? Sont-ils dispersés vers la Libye, regroupés, actifs ? Y a-t-il un risque de reprise des hostilités ?

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Je voulais intervenir à la suite de ce que vous avez dit, Monsieur Lellouche, sur les ONG, parce qu'il me semble qu'il y a eu en décembre un comité permanent inter-organisations sur le Sahel qui avait pour but de fédérer les ONG et coordonner les questions de sécurité alimentaire et de reconstruction. Est-ce que ce comité a disparu, ou bien y a-t-il effectivement un début de coordination de l'aide ?

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J'ai une question et un commentaire. Sur la MINUSMA, j'ai cru comprendre qu'elle allait devenir la première force onusienne « d'intervention » et non juste de maintien de la paix. J'aimerais savoir où l'on en est sur ce point précis. Ensuite, vous savez, mes chers collègues, que j'ai toujours été très réservé sur l'intervention militaire terrestre. Je comprenais l'intervention aérienne, mais j'ai été l'un des deux seuls députés de notre Assemblée à m'être abstenu sur la poursuite de l'intervention terrestre. Pour bien connaître le Mali, je pense que l'on va au devant de grandes difficultés, parce qu'il va falloir porter complètement ce pays à bout de bras, et ce d'autant plus que l'on sera obligé de le faire pour justifier notre intervention. Cela va être extrêmement coûteux. Je pense que dans votre mission d'information, il faudrait faire un point précis à ce propos. C'est notre rôle de commissaires de connaître le coût militaire de notre investissement au Mali ainsi que son coût civil, pour l'Etat et les collectivités territoriales.

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Depuis le mois de janvier, beaucoup de choses ont été réalisées. Sans verser dans un optimisme béat ou être emporté par le pessimisme rampant, je souhaite dire que beaucoup d'objectifs de la feuille de route ont été remplis ou sont en voie de l'être : arrêt des terroristes, restauration de l'intégrité du Mali, organisation des élections… Tout n'est pas réglé, mais il faut se souvenir de la situation d'il y a six mois et rendre hommage aux soldats français. Il faut en outre bien prendre en compte le facteur temps et la question du développement, cette dernière supposant des interlocuteurs fiables, qui font défaut aujourd'hui. C'est certainement une affaire qui est loin d'être terminée ; pour autant, je pense qu'on a eu raison de la commencer.

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Je crois que c'était bien de faire le point sur ce qui a été réalisé et de relever que prévalait au départ le même scepticisme que celui opposé aujourd'hui aux étapes à venir. Il est certainement plus difficile de réussir le développement durable et la stabilisation politique d'un pays comme le Mali que l'opération militaire, encore que je crois que l'on peut rendre hommage à nos soldats, car il n'était pas évident que cette opération remplisse tous ses objectifs.

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La crise malienne n'est pas différente d'autres : il est toujours plus facile de rentrer dans un pays que d'en sortir.

EUTM, c'est-à-dire la mission européenne de formation de l'armée malienne, est un projet ambitieux, qui vise à reconstruire toute l'armée du Mali et pas seulement à former quelques unités. Cette ambition est nécessaire quand l'on se rappelle qu'avant la crise, les États-Unis avaient dépensé 650 millions de dollars pour l'armée malienne d'alors et donné beaucoup d'armes, et que ces armes ont été retrouvées pour la plupart entre les mains des terroristes. Cela dit, nous en sommes aux débuts et tout reste à faire.

Je n'ai pas de réponse aux questions sur le rôle de l'AFD et sur le calendrier de retrait de notre armée. Mais je le répète, je pense qu'il sera de toute façon difficile pour nous de descendre sous un effectif d'environ 3.500, car le mandat de l'ONU à la MINUSMA ne comprend pas la réalisation d'opérations de guerre ; il faudra donc que nous protégions la MINUSMA.

L'enjeu budgétaire est réel et il faut bien dire que l'on est dans ce domaine dans le flou le plus complet. Les quelques chiffres dont nous disposons ne concernent que l'année en cours : pour l'ONU, ce serait un budget de 500 à 600 millions de dollars. Pour ce qui concerne la France, la seule dépense militaire a atteint 80 à 100 millions d'euros par mois pendant la période des combats ; elle est un peu plus faible maintenant.

Je ne partage pas l'opinion de Jean-Pierre Dufau selon laquelle le problème des terroristes est réglé. Certes, 700 ont été neutralisés et leur base logistique est cassée. Mais les autres se sont dispersés et vont continuer à mener des actions, notamment des attentats-suicides. Nous allons devoir gérer cela, ce que nous savons faire au demeurant.

Pour conclure, je me refuse à revenir sur le débat entre intervention terrestre et intervention purement aérienne, puisque ce choix appartient au passé. Mais il faut être conscient que le choix de l'intervention terrestre nous engage pour longtemps au Mali.

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Une intervention seulement aérienne n'aurait certainement pas donné d'aussi bons résultats que l'intervention terrestre. Je voudrais citer à cet égard le témoignage de deux personnalités américaines, David Gressly, jusque récemment chef de la mission de l'ONU, et John Kerry, pour qui l'armée américaine n'aurait pas pu réaliser ce qu'a fait l'armée française avec autant de précision, de résultats et sans « bavures ».

La question des otages a été posée. Ils sont évidemment dans l'esprit de tous ceux que nous avons rencontrés. Nos interlocuteurs étaient convaincus que beaucoup de gens du nord du Mali savent où sont les otages.

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On nous a dit, au Niger, que quand un Touareg perd une chèvre dans le désert, il sait où la retrouver…

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Cette préoccupation constante pour les otages est évidemment en toile de fond de l'action des uns et des autres et notamment de notre diplomatie dans ses relations avec les différents groupes. Plus généralement, nous devons être conscients de la complexité du Nord-Mali, où il n'y a pas que des Touaregs et où ceux-ci sont eux-mêmes divisés ; on ne peut pas résumer cette crise à un affrontement entre le nord et le sud du Mali.

Je ne partage pas la formule de Pierre Lellouche selon laquelle nous avons épousé la classe politique malienne : non, nous avons répondu à un appel urgent et, dès lors, nous devons faire avec.

À la différence d'autres grands organismes comme la Banque mondiale, l'AFD avait quitté le Mali dès le putsch du 22 mars 2012. Elle est maintenant de retour et va pouvoir agir. L'AFD, la Banque mondiale et l'Union européenne sont les trois acteurs qui comptent pour l'aide financière.

La formation de l'armée malienne mobilise 540 militaires et un budget de 25 millions d'euros, payé par l'Union européenne. C'est une opération qui va demander du temps, deux ou trois ans.

S'agissant des terroristes, les services spécialisés estimaient qu'il y en avait 200 ou 300 quand je les avais interrogés au printemps 2012 pour la mission que je menais avec Henri Plagnol. Un an plus tard, on constate que 700 ont été neutralisés et qu'il en reste encore, dispersés dans les pays voisins.

Pour ce qui est de la baisse des effectifs de l'armée française sur place, un objectif de 1.000 avait été annoncé pour la fin de l'année. Je pense que l'on sera plutôt aux alentours de 2.000. Cela dit, l'intégration de la MISMA à la MINUSMA n'empêchera pas que certaines de ses unités puissent continuer à nous prêter main forte pour des opérations de combat – comme l'ont fait les Tchadiens –, même si le professionnalisme et les moyens de notre armée font que c'est d'abord à elle que l'on fera appel en priorité, comme cela a été le cas en mai à Agadez.

La question budgétaire est légitime et nous y répondrons. Je voudrais simplement indiquer que tout ne devrait pas reposer sur le contribuable français. 3,2 milliards d'euros ont été promis par les bailleurs internationaux à la conférence de Bruxelles en mai : il faudra bien que cet argent soit versé et utilisé.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.